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Articles avec #nouvelle vague tag

Les parapluies de Cherbourg

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1964)

Les parapluies de Cherbourg

"En musique, en couleurs et en chanté", l'accroche de l'affiche déroule les partis pris d'art total qui caractérisent le film idéal que Jacques Demy a enfin les moyens de réaliser. Celui-ci est conçu en effet comme un opéra en trois actes ("le départ", "l'absence" et "le retour") sans récitatifs: tous les dialogues sont chantés y compris les plus triviaux ce qui créé un effet de distorsion qui divisa à sa sortie (et divise toujours aujourd'hui). La musique signée Michel Legrand mélange thèmes jazzy et classique avec le bonheur que l'on connaît. D'autre part c'est le premier film en couleurs de Demy dont l'utilisation est tout aussi symphonique que la musique. Bien que typé années 60, le décor, assorti aux costumes et variant selon les états d'âme des personnages a un caractère indémodable car son raffinement est un ravissement pour les yeux. Le sens de l'harmonie et de la géométrie de Demy fait que nombre de scènes ressemblent à des tableaux.

Tout ce dispositif se marie parfaitement à l'histoire qui en dépit de ses apparences lumineuses est une tragédie hantée par la mort et l'absence de couleurs à laquelle on l'associe en occident: le noir. Un film où comme le dit Guy "Le soleil et la mort marchent ensemble". Les parapluies noirs qui succèdent à ceux de couleur à la fin du générique, Roland Cassard vêtu de noir tel un oiseau de mauvais augure qui vient tourner autour de l'univers pastel de Geneviève, le client qui s'entend répondre par la mère de Geneviève que "le marchand de couleurs, c'est la porte à côté" tout concourt à prendre au pied de la lettre la célébrissime chanson où Geneviève s'exclame " je ne pourrai jamais vivre sans toi, je ne pourrai pas, ne pars pas, j'en mourrai." Effectivement la séparation des amants est fatale à Geneviève. Certes elle ne meurt pas physiquement mais son mariage arrangé avec Roland Cassard signe sa mort intérieure. Roland qui depuis le premier film de Demy a tiré les leçons de son échec amoureux avec Lola et est devenu diamantaire. Guy est également transformé à jamais par cette expérience. La dernière demi-heure du film méconnue et poignante le montre de retour d'Algérie, blessé, amer, révolté, incapable de se réadapter à sa vie d'avant et à deux doigts de sombrer avant d'être sauvé par la soumise et jusque là invisible Madeleine. Le rouge sang puis l'orange remplacent alors les couleurs pastels.

A travers cette histoire, Demy dénonce l'hypocrisie des moeurs bourgeoises et les ravages de la guerre. Deux thèmes que l'on retrouve dans plusieurs de ses films. Le "Demy-monde" est rempli d'exclus ou de marginaux: fille-mère, bohémiens, transgenres... quant à la guerre, elle brise les vies et les destins (l'exemple le plus achevé étant Model Shop). L'irréalisme de la forme est donc au service d'un contenu très politique. C'est encore aujourd'hui l'une des forces du film.

Comme son film suivant, Les Demoiselles de Rochefort, les Parapluies de Cherbourg est devenu un film de référence pour les jeunes réalisateurs français sans que pour autant ils ne parviennent à en retrouver la magie. Citons l'exemple du célèbre plan où Guy et Geneviève glissent comme par magie sans toucher le sol (une citation du célèbre film de Murnau l'Aurore qui est une référence majeure de Demy) et qui est reprise quasi telle quelle dans Les chansons d'amour d'Honoré.

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Les demoiselles de Rochefort

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1967)

Les demoiselles de Rochefort

Après le triomphe des Parapluies de Cherbourg, Demy a pu réaliser son rêve de transposition d'un musical de Broadway en France et en décors réels. Le générique du film qui montre les forains dansant sur un pont transbordeur illustre le passage d'un monde à l'autre pendant que la musique égrène les thèmes majeurs du films. Les références cinématographiques abondent (Les hommes préfèrent les blondes, un américain à Paris, Un jour à New-York, West Side Story... Et les Enfants du Paradis qui n'est pas une comédie musicale mais se situe dans le monde du spectacle, de rue notamment) Quant à la présence de stars du genre au casting (George CHAKIRIS et surtout Gene Kelly) elle ajoute encore du piment à ce mélange des genres.

Les Demoiselles de Rochefort peut être considéré comme la mélodie du bonheur de Jacques Demy. C'est un spectacle total, festival de poésie, de chansons, de musiques entraînantes, de couleurs éclatantes et de mouvements gracieux. La ville portuaire de Rochefort repeinte pour l'occasion dans les tons pastels a d'ailleurs été choisie parce qu'elle offre une architecture et un urbanisme militaire propice au déploiement de la géométrie des ballets.

Si tout est fait pour que le film enchante et rende euphorique, il n'en reste pas moins qu'il est tenaillé par des émotions contradictoires. Les personnages de l'histoire sont tous à la recherche du bonheur et rêvent tous de partir ailleurs (à Paris pour les soeurs Garnier, sur la côte ouest des USA pour leur mère, au Mexique pour Simon...). Mais ils sont comme retenus par un fil invisible à l'image du café entièrement vitré d'Yvonne Garnier qui s'y sent séquestrée comme dans un aquarium (un hommage à l'Aurore de Murnau où l'on retrouve ce même café.) En effet ils craignent de passer à côté de leur vie et de rater le grand amour. Demy orchestre durant tout le film de multiples chassés-croisés où les personnages se frôlent et se ratent sous les yeux d'un spectateur tenu en haleine jusqu'à la fin. Demy a d'ailleurs beaucoup hésité sur cette fin (un grand classique chez lui). Devait-il terminer sur un happy-end à l'image de l'emballage chatoyant du film ou bien sur une tragédie collant à ses angoisses profondes? Il a opté pour le happy-end et une solution intermédiaire pour le couple Maxence-Delphine. Maxence ne se fait plus écraser sous le camion mais il rencontre Delphine en hors-champ dans ce même camion.

L'amour, le film le décline de toutes les façons possible qu'il soit idéalisé et romantique (Maxence et Delphine), lié à un coup de foudre (Solange et Andy), fondé sur la séparation et les regrets (Yvonne et Simon), frivole (Etienne, Bill et leurs copines), matérialiste et cynique (Guillaume Lancien et Delphine), passionnel et criminel (Subtil Dutroux et Lola-Lola) etc.

Les Demoiselles de Rochefort est devenu un film-phare du cinéma français pour toute une génération de réalisateurs qui ont tenté (sans jamais y parvenir) de retrouver la formule magique forme aérienne/sujet grave. Ducastel/Martineau (Jeanne et le garçon formidable avec Mathieu Demy le fils de Jacques Demy), Donzelli (La guerre est déclarée), Honoré (Les chansons d'amour avec Chiara Mastroianni la fille de Deneuve), Ozon (8 femmes avec Deneuve et Darrieux deux des stars des Demoiselles...)

 

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Lola

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1961)

Lola

Lola est le premier long-métrage de Jacques Demy. Celui-ci rêvait (déjà) d'une comédie musicale en Technicolor mais il a dû se contenter pour des raisons budgétaires d'un film noir et blanc tourné en décors naturels dans sa ville natale de Nantes. Néanmoins il pose toutes les bases de son univers:

- Une héroïne hybride à la fois danseuse-entraîneuse-allumeuse et religieusement fidèle au souvenir de Michel, son premier amour dont elle attend le retour. Demy oscille lui-même clairement entre puritanisme et attraction irrésistible pour les lieux de "débauche" (maisons closes, tripots, peep-show, boîtes glauques...) héritage à la fois de son éducation catholique et de son désir pour la vie de bohème.

- Un entrelacement de plusieurs destins à un carrefour de leur existence qui se (re)trouvent et/ou se ratent. La rencontre entre la jeune Cécile et le marin Frankie fait écho à celle de Lola jeune (dont le vrai prénom est Cécile) et de Michel déguisé en marin américain. La petite Cécile veut d'ailleurs devenir danseuse alors que sa mère qui l'élève seule est elle-même une ancienne danseuse. Cécile, Lola et Mme Desnoyers sont trois versions de la même femme, au passé, au présent et au futur. Jacques Demy s'attache dès ce premier film à un type de femme rejeté par la bonne société de l'époque: la mère célibataire (il venait alors de se mettre en couple avec Agnès Varda qui avait un enfant en bas âge, Rosalie qu'elle élevait seule).

- Un ancrage dans une ville portuaire de province qui permet à Demy de dresser un portrait de la francité tout en ouvrant sur l'ailleurs via les oiseaux de passage, marins et forains. Cet ailleurs est l'Amérique présente par Michel devenu un self made man roulant en Cadillac, par Frankie et son accent, par la musique jazz et par les intrusions de genres tels que le film noir et la comédie musicale même réduite à l'état de résidu.

- Une atmosphère de conte de fée avec Michel en prince charmant. Le film offre un cadre réaliste mais on décèle déjà le goût de Jacques Demy pour le déguisement voire le travestissement (hyperféminité en guêpière et boa que l'on retrouve avec Jeanne Moreau dans la Baie des anges, costume de cow-boy et de marin...)

- Une forte influence d'Ophüls à qui le film est dédicacé et à qui Lola doit son pseudo en référence à Lola Montes. Le film doit beaucoup à La Ronde et au Plaisir. De même, Demy rend hommage à Bresson en reprenant son actrice des Dames du bois de Boulogne, Elina Labourdette pour lui faire jouer le même personnage vieilli.

Lola contient donc en germe les films ultérieurs de Demy. Celui-ci voulait d'ailleurs à l'origine créer une oeuvre de 50 films aux personnages récurrents. Il a dû renoncer à son ambition mais a réussi à donner deux suites à Lola. Les parapluies de Cherbourg tout d'abord où revient le personnage de Roland Cassard joué par Marc Michel. Et Model Shop tourné en 1968 à Los Angeles avec le retour de Lola joué par Anouk Aimé dans un contexte assombri.

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La baie des anges

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1963)

La baie des anges

L'intrigue du deuxième film de Jacques Demy, La Baie des Anges est une métaphore d'un parcours transgressif du dedans vers le dehors: un modeste employé de banque d'allure janséniste sans perspective d'avenir, Jean Fournier est initié aux jeux d'argent par un de ses collègues, Caron (!) et y prend goût malgré l'opposition de son père qui le chasse de la maison.

Une fois le Styx traversé, Jean se retrouve enchaîné à une femme fatale, joueuse invétérée, Jackie Demaistre (jouée par une flamboyante Jeanne Moreau en guêpière, un fantasme fétichiste que Demy avait déjà concrétisé dans son premier film Lola). Sa vie n'est plus rythmée que par les montagnes russes de la roulette qui s'apparente vite à une descente aux enfers.

Et pourtant et là réside toute l'ambiguïté du film et de la passion qui l'anime, Jackie ne dit-elle pas que la joie qu'elle éprouve au jeu n'est comparable à aucune autre joie? Et Jackie Demaistre n'est-elle pas le quasi anagramme de Jacques Demy?
La baie des Anges nous place au carrefour d'une contradiction fondamentale: le monde des vivants apparaît vide, plat et sans âme alors que le monde des morts porte en lui les grandes émotions et le génie créatif. Pour goûter à cette forme de jouissance, les personnages sont prêts à en accepter le corollaire inévitable, la déchéance, l'avilissement.

Le jeu est bien évidemment une métaphore du cinéma: "La baie des Anges met en scène la violence qu'il y a à être accroché au royaume des ombres, des spectres et des morts quand la famille, la vie, le travail, la société, la normalité, la raison nous convoque de l'autre côté, vers l'horizon lumineux des vivants. La baie des Anges est un grand film de vampires, cette forme de transfusion artificielle de la vie et du sang dont ont aussi besoin les artistes. (Hélène Frappat).

Néanmoins parfois, Jacques Demy au prix de l'un des ces ultimes revirements dont il a le secret trace une ligne de fuite par où ses personnages peuvent s'échapper in-extremis et éviter la chute. " C'est à la charge des dénouements de dessiner soudain une ligne droite, un tracé qui brise la logique ressassante du cercle et semble conduire vers un ailleurs. Exemplairement, c'est le dernier plan de La baie des Anges (1962). Jackie rejoint Jean hors du casino, et ils se dirigent vers la mer et le ciel-l'horizon enfin. La caméra reste campée là où s'est déroulée l'action et les personnages s'éloignent, sortent du film par le fond, point de fuite par lequel on peut quitter les rondes, les manèges, les faux-semblants, la représentation, le cristal." (J.M Lalanne)

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Cléo de 5 à 7

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1962)

Cléo de 5 à 7

Cléo de 5 à 7 , réalisé en 1961 est l'un des films les plus célèbres d'Agnès Varda. Il est emblématique de son oeuvre à la fois lumineuse et hantée par la mort. Durant la réalisation du film, Agnès Varda avait en tête un tableau d'Hans Baldung Grien intitulé La jeune fille et la mort et dont une reproduction est affichée dans l'appartement de Cléo. De même le titre est volontairement équivoque. Moi-même j'ai longtemps cru avant de le voir que Cléo avait un rendez-vous galant alors que le tirage des tarots par la cartomancienne au début du film annonce d'emblée que son rendez-vous est avec la grande faucheuse. Ce "5 à 7", c'est en effet le temps (filmé en temps réel) qui sépare la séance de tarots du résultat des examens médicaux qui doivent confirmer si oui ou non Cléo est atteinte d'un cancer.

Durant ces quatre-vingt dix minutes d'attente, Cléo va effectuer un parcours dans Paris où toutes sortes de messages subliminaux disséminés dans la ville lui envoient des signaux qui ravivent son angoisse: "Rivoli deuil", "Bonne santé", "Pompes funèbres", "Boulevard de l'hôpital". Ce cheminement reflète le parcours intérieur de Cléo qui va se métamorphoser, passant de la jeune fille frivole obsédée par le reflet du miroir à la jeune femme tournée vers les autres et empreinte de gravité. D'image factice modelée par des fantasmes masculins standardisés, elle devient une "belle" personne autonome qui regarde et qui agit.


L'un des moments les plus forts du film se situe dans le parc Montsouris. Cléo a réalisé dans la première partie du film que sa vie était vide et son entourage, indifférent. Sous la cascade, elle rencontre Antoine, un soldat permissionnaire sur le point de repartir dans l'enfer de la guerre d'Algérie, contemporaine de la réalisation du film. Parce qu'ils sont tous deux en danger de mort, les jeunes gens ont des échanges paisibles et dépourvus de tout artifice. Cléo révèle ainsi à Antoine son véritable prénom: Florence. Cléo est le pseudonyme d'une chanteuse de variétés périssables. Florence renvoie à la Renaissance. Les sculptures comme toutes les oeuvres d'art authentiques gravent pour l'éternité la beauté de ce qui est fragile, éphémère et mortel. Elles sont le fruit d'un vrai regard et non d'un miroir aux alouettes.

Les deux jeunes gens se soutiennent mutuellement dans l'épreuve: Antoine accompagne Cléo à l'hôpital puis elle se rend avec lui à la gare. N'étant enfin plus seule, elle n'a plus peur. L'angoisse, la souffrance et l'amertume débouchent sur un état de grâce: "La lumière ne se comprend que par l'ombre et la vérité suppose l'erreur. Ce sont ces contraires qui peuplent notre vie, lui donnent saveur et enivrement. Nous n'existons qu'en fonction de ce conflit dans la zone où se heurtent le blanc et le noir alors que le blanc ou le noir relèvent de la mort." (Agnès Varda)

A noter la présence d'un court-métrage burlesque muet au milieu du film "les fiancés du pont mac donald ou méfiez-vous des lunettes noires" avec le couple vedette de la Nouvelle vague: Jean-Luc Godard et Anna Karina. Agnès Varda joue sur les lunettes de Godard qui lorsqu'il les met lui font voir tout en noir. Godard jeune sans lunettes a des faux airs de Buster Keaton.

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La Jetée

Publié le par Rosalie210

Chris Marker (1963)

La Jetée

Œuvre singulière par sa durée (30 minutes), sa forme (une succession de photos fixes retravaillées pour former un effet cinématographique à l'exception d'un plan filmé doté du mouvement), son genre (à mi-chemin du film d'anticipation et de l'oeuvre mystique portée par des chants liturgiques orthodoxes russes) la Jetée est un film-phare, une œuvre forte qui a inspiré de nombreuses œuvres ultérieures (dont un clip de David Bowie et le film-remake de Terry Gilliam 12 Monkeys).

Le scénario de la Jetée de Chris Marker a été écrit pendant le contexte de la crise de Cuba où le monde a failli basculer dans la guerre nucléaire mondiale. La jetée d'Orly qui venait d'être construite dans les années 60 était un symbole de progrès, celui des trente glorieuses. Il s'agissait d'un lieu de promenade dominical pour les familles qui regardaient décoller les avions. Marker, grand voyageur très marqué par la lecture de Jules Verne brise cet élan en montrant un homme mourir puis en dévastant la terre avec la "la troisième guerre mondiale", nucléaire bien sûr. Les rares survivants doivent se cacher sous terre, comme des rats et sont victimes d'une effroyable oppression. L'un d'entre eux qui a été témoin enfant de la mort de l'homme sur la jetée d'Orly devient un cobaye contraint d'effectuer sous la torture des voyages dans le temps, le passé et le futur étant le seul moyen de sauver l'humanité du présent.

La Jetée est également une relecture du Vertigo de Hitchcock, l'un des cinéastes qui a le plus influencé la nouvelle vague française. La séquence du séquoia est reprise à l'identique ainsi qu'une femme à la présence irréelle et fascinante dotée d'un chignon. Marker introduit ainsi une variation sur l'impossibilité d'échapper au temps (ce que Scottie voulait faire en ressuscitant une morte, Vertigo étant adapté d'un roman de Boileau-Narcejac D'entre les morts).

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