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Articles avec #cycle antoine doinel tag

L'Amour en fuite

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1978)

L'Amour en fuite

"L'Amour en fuite" est le dernier film que François TRUFFAUT a consacré à son double cinématographique, Antoine Doinel incarné par Jean-Pierre LÉAUD à l'écran. C'est le seul film du cycle (si l'on excepte "Antoine et Colette") que je n'avais pas encore vu. Clairement il s'agit d'un film testamentaire qui est d'ailleurs parsemé de flashbacks obtenus grâce à des extraits des précédents films. En ressort une atmosphère profondément mélancolique qui transpire la fin d'un cycle. Néanmoins le film est inégal. Le passage documentaire sur le divorce par consentement mutuel apparaît aujourd'hui quelque peu naïf. L'aspect le plus réussi est sans nul doute les retrouvailles avec Colette (Marie-France PISIER telle qu'elle est restée dans ma mémoire au faîte de sa beauté) dont le personnage est considérablement approfondi. Son esprit critique et sa distance ironique vis à vis d'Antoine font mouche. Elle souligne à raison ses petits arrangements avec la vérité et son désintérêt pour la vie des autres (autrement dit son égocentrisme). Elle brise également l'image "iconique" qu'il a d'elle (comme de toutes les femmes qu'il croise et qui sont prétexte à ses élucubrations fantasmatiques) jusqu'à ce qu'il prenne la fuite, une fois de plus (le titre du film est programmatique). Par ailleurs Colette s'avère être un personnage ayant vécu des tragédies d'une amplitude bien supérieure aux siennes. En revanche l'histoire avec Sabine qui commence de façon romanesque (et qui fait penser quelque peu à "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) avec sa photographie reconstituée et l'enquête qui s'ensuit) pour ensuite atterrir dans une dimension plus réaliste a bien du mal à convaincre. Si le but était de montrer que Antoine Doinel avait enfin mûri et dépassé ses traumatismes comme cela semble être le cas avec la visite sur la tombe de sa mère, le fait est que le faire tomber dans les bras de celle qui est devenue depuis l'égérie des enfants n'est pas un choix très heureux (à moins que ce soit un acte manque de François TRUFFAUT? DOROTHÉE a tourné le film en même temps que ses débuts dans Récré A2 et s'il n'était pas mort prématurément, François TRUFFAUT l'aurait fait jouer dans un autre de ses films).

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Domicile conjugal

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1970)

Domicile conjugal

Deux ans ont passé depuis "Baisers volés". Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) a épousé Christine (Claude Jade) et a transposé son ancienne vie de bohème sur des métiers plus incongrus les uns que les autres: (teinturier d'oeillets, conducteur de maquettes) avant de succomber aux sirènes d'un exotisme de pacotille et de retourner à sa vie de jeune célibataire de "Antoine et Colette" (même chambre, même façade de cinéma avec cette fois du John Ford à l'affiche). En effet, fidèle à lui-même, Antoine est resté un éternel adulescent qui avoue benoîtement qu'il tombe amoureux des filles qui ont des parents gentils et qu'il adore les parents des autres (ce dont on s'était rendu compte dès "Antoine et Colette"). Christine, dont le rôle est considérablement développé est moins la femme que de son propre aveu la fille, la soeur, la mère. C'est vers elle qu'il se tourne quand il est en détresse lors d'une belle scène où il dévoile toute sa fragilité. On lui pardonne alors ses écarts de comportement. Le film couvre une période assez longue qui va des premiers pas de la vie de couple à une délicieuse comédie du remariage à la façon Truffaut*. Entre les deux, la naissance d'un enfant dont on se demande quel genre de père il aura. Les modèles américains ne sont pas loin, à commencer par Ernst Lubitsch qui donne le la à la relation entre Antoine et Christine. Mais on y trouve aussi des scènes burlesques à la Jacques Tati (avec même une scène où apparaît M. Hulot), des hommages aux compères de la nouvelle vague (Jean Eustache) et aux maîtres révérés (Jean Renoir) avec le paradoxe de la cour d'immeuble populaire où tout un petit monde pittoresque se croise mais où chacun est irrémédiablement seul. Toutes ces références opèrent un brouillage spatio-temporel qui font de ce film du début des années 70 un film ayant la patine d'une comédie franco-américaine des années 30.

* Et dont Ingmar Bergman s'inspirera pour son film "Scènes de la vie conjugale" (1972).

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Baisers volés

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1968)

Baisers volés

Près de dix ans se sont écoulés depuis "Les quatre cent coups" (1959) et six depuis "Antoine et Colette" (1962). Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) est désormais un jeune adulte qui se caractérise par son instabilité tant professionnelle qu'amoureuse*. "Baisers volés" prend la forme d'un conte initiatique quelque peu chaotique et parfois transgressif. Au début du film, Antoine Doinel n'a pas évolué depuis "Antoine et Colette". Il vit à l'hôtel, courtise une fille Christine (Claude Jade) qui accepte de le fréquenter mais repousse ses avances et est régulièrement invité par les parents de Christine qui semblent l'avoir adopté. Soit exactement le schéma de "Antoine et Colette". La brève rencontre avec Colette (Marie-France Pisier) qui s'est mariée et a eu un bébé avec l'homme qu'elle a choisi dans le volet précédent souligne par contraste le caractère d'éternel adolescent de Antoine Doinel. Le seul changement par rapport à "Antoine et Colette" est outre la couleur le fait qu'on y aborde de front la sexualité (on est en 1968). Une sexualité qui ne semble pas avoir beaucoup évolué non plus depuis le XIX° siècle avec la dichotomie vierge/putain. D'un côté la jeune fille de bonne famille que l'on fréquente depuis des années mais qui, cornaquée par les parents semble inapte au désir. De l'autre, le déchargement des pulsions dans des hôtels miteux auprès de filles qui le sont tout autant.

Mais il est temps que tout cela change (outre le contexte de 1968, François Truffaut était impliqué dans un mouvement de soutien à Henri Langlois qui avait été limogé de la cinémathèque ce qui explique que le film s'ouvre justement sur l'entrée de la cinémathèque en grève). Tel Oedipe, Antoine Doinel en vient à tuer le père (le détective qui lui a fourni un emploi stable et s'appelle justement Henri) et coucher avec la mère (Fabienne Tabard à travers laquelle il trahit la déontologie du cabinet dans lequel l'a fait entrer Henri) pour au final parvenir enfin à susciter le désir de Christine qui profite de l'absence des parents pour le faire venir et coucher avec lui. Conséquence paradoxale, Doinel qui était jusque là inadapté se transforme en être socialisé prêt à se fondre dans la case du mariage bourgeois. Et ce en tuant ce qu'il y a de romanesque, passionné, exalté en lui, caractérisé par la lecture des romans de Balzac, en particulier "Le Lys dans la vallée" lecture projetée ensuite sur "l'apparition" magnétique de Fabienne Tabard, elle-même jouée par la non moins magnétique Delphine Seyrig. C'est d'ailleurs les scènes avec elle qui m'avaient le plus marquées au premier visionnage du film. Les expressions de son visage lorsqu'elle entend que Antoine est fou amoureux d'elle, la considère comme une femme exceptionnelle. Et puis son discours dans la chambre d'Antoine dans laquelle elle vient lui confirmer qu'elle est bien une femme qui "n'est pas au-dessus de ça" et non une "apparition". Cette folie, on la retrouve à la fin dans le discours du personnage mystérieux qui suit Christine comme une ombre et lui fait une déclaration incongrue alors même qu'elle projette de se marier avec Antoine. C'est la part irréductible de romanesque qui ressurgit dès que la triste réalité routinière menace de s'installer...

* En le revoyant, la filiation avec la trilogie de Cédric Klapisch mettant en scène Romain Duris dans le rôle de Xavier à plusieurs étapes de sa vie m'a paru évidente. Et très récemment le premier tome de la BD de Riad Sattouf intitulé "Le jeune Acteur" qui raconte le casting et le tournage de "Les Beaux Gosses" et donc la rencontre avec Vincent Lacoste qui était alors collégien établit un parallèle explicite avec la découverte de Jean-Pierre Léaud par François Truffaut. En effet Riad Sattouf a un projet au long cours impliquant de suivre celui avec lequel il a établi une relation quasi filiale jusqu'à l'âge de 76 ans!

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Antoine et Colette

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1962)

Antoine et Colette

Conçu à l'origine comme le segment parisien du film à sketches "L Amour à vingt ans" (1962), "Antoine et Colette" est aujourd'hui diffusé de façon indépendante comme le chaînon manquant de la saga de Antoine Doinel entre "Les Quatre cents coups" (1959) et "Baisers volés" (1968). En effet, il est la suite directe du premier long-métrage de François TRUFFAUT qui est souvent rappelé que ce soit par une affiche dans la chambre d'Antoine, la musique qui vient de temps en temps à nos oreilles, les façades de cinéma et même un court extrait quand lui et son ami René (Patrick AUFFAY qui reprend également son rôle) fumaient dans la chambre de ce dernier. Trois ans séparent seulement les deux films mais Antoine (et l'acteur qui l'incarne, Jean-Pierre LÉAUD devenu d'un des visages emblématiques de la nouvelle vague) a bien changé, du moins en apparence. Le film est en effet construit sur un paradoxe qui en fait tout son intérêt. Alors que la voix-off ne cesse d'affirmer qu'Antoine est devenu un adulte dont il a la plupart des attributs extérieurs, la rencontre amoureuse avec Colette (Marie-France PISIER, si jeune qu'elle en est à peine reconnaissable) ne se produit pas malgré tous les efforts de ce dernier. Colette le considère juste comme un ami ou un membre de la famille et lui préfère un homme plus aguerri. Car La véritable rencontre a lieu avec les parents de Colette (Rosy VARTE et François DARBON) qui semblent avoir adopté le jeune homme qui il faut le dire donne l'impression d'être à peine tombé du nid. Et c'est ainsi que sans avoir besoin de le souligner, François TRUFFAUT créé le lien le plus fort avec "Les Quatre cents coups" (1959) en faisant ressortir le manque parental qui empêche Antoine Doinel de devenir un homme et le relègue au statut peu enviable de petit garçon.

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Les Quatre cent coups

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1959)

Les Quatre cent coups

Truffaut nous fait ressentir dans son premier long-métrage (qui à mon avis est son meilleur film, le plus juste, le plus universel et intemporel) toute l'étendue de la violence des adultes qui s'abat sur un gamin coupable d'être né hors des clous.

En 1959, c'est un crime.

Antoine Doinel n'a pas de foyer. "Chez lui" n'est pas chez lui. Il n'a nulle place où dormir par conséquent son lit se trouve dans l'entrée et gêne l'ouverture de la porte histoire de nous faire comprendre à quel point le gosse est encombrant pour ceux qui lui tiennent lieu de parents. Il n'a pas davantage de place pour travailler. A peine commence-t-il ses devoirs que sa mère lui ordonne de les ranger pour qu'ils puissent se mettre à table. L'exiguïté et la vétusté de l'appartement (les années 50 sont marquées par une grave crise du logement) n'est que le symptôme d'un mal plus profond.

"Ma mère est morte". Par ce cri du cœur, Antoine Doinel exprime pour la première fois toute l'étendue de sa souffrance liée à la privation d'amour maternel. Cette souffrance s'exprime également à d'autres moments du film. Lorsque Antoine vole une bouteille de lait ou encore lorsqu'il se place en position fœtale dans le Rotor, un manège pouvant faire penser au ventre maternel (et aussi aux débuts de l'art cinématographique). La mère d'Antoine apparaît comme une femme qui se désintéresse de son enfant et de son foyer qu'elle déserte à la première occasion pour retrouver son amant. On voit à de petits détails (sa chemise de nuit déchirée, l'absence de draps dans son lit, des vêtements toujours identiques) a quel point Antoine est négligé. Néanmoins elle sait très bien jouer la comédie de la bonne mère lorsqu'il faut donner le change en public. Seul Antoine n'est pas dupe. Il éclate de rire quand son père lui dit que sa mère l'aime.

Le foyer d'Antoine n'est que faux-semblant. Son père lui aussi joue la comédie du père attentif mais dans le fond il est complètement indifférent. Et pour cause, il n'est pas son père, juste un paravent de respectabilité à une époque où il fallait sauver les apparences. Truffaut comme Demy (qui apparaît brièvement dans le film dans le rôle d'un des flics du commissariat) en cinéastes de la nouvelle vague rejetant le "cinéma de papa" se sont faits documentaristes pour dénoncer la mise au ban des filles-mères, les grossesses non désirées se terminant par de désastreux mariages de convenance alors que l'avortement est interdit (la mère d'Antoine a cherché à avorter clandestinement mais a dû y renoncer sous la pression familiale).

Les autres institutions chargées de prendre en charge la jeunesse s'avèrent à l'image du pseudo foyer-familial. L'école est le reflet de la maison. Antoine n'y trouve jamais sa place, il est puni et mis au coin ou convoqué ou exclu. Il ne peut jamais finir un travail, on ne lui donne pas la parole et lorsqu'il s'applique à faire un bon devoir on le dénigre en disant qu'il n'est pas de lui. Le commissariat et la maison de redressement s'emploient à l'enfermer toujours davantage, à le maltraiter et à l'exclure.

La seule solution, c'est la fuite. Antoine Doinel fugue de chez lui, fait l'école buissonnière, accomplit de petits larcins et s'évade de la maison de redressement. Symptomatiques de sa colère et de sa révolte, ces fuites semblent néanmoins sans issue à l'image de la fin aussi belle qu'énigmatique. Semblent car il y a des indices disséminés dans le film qui laissent entrevoir des solutions. Le passage le plus important est la séance chez la psychologue où la parole d'Antoine peut enfin se libérer. Mais le spectacle et l'art sont tous aussi importants: le théâtre de Guignol et les cinémas de quartier. Truffaut a mis beaucoup de sa propre histoire dans le personnage d'Antoine même si celui-ci est incarné avec une présence stupéfiante par Jean-Pierre Léaud qui deviendra en quelque sorte le double du cinéaste. Truffaut a été sauvé de la délinquance par l'art et la main tendue de celui qui est devenu son père spirituel, André Bazin, le fondateur des Cahiers du Cinéma (où Truffaut a commencé comme critique). Le film lui est dédié.

 

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