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Articles avec #film musical tag

Le Salon de musique (Jalsaghar)

Publié le par Rosalie210

Satyajit Ray (1958)

Le Salon de musique (Jalsaghar)

"Le salon de musique", l'un des films les plus connus en France de Satyajit RAY est une oeuvre à la fois crépusculaire et enivrante qui raconte les derniers feux d'un monde sur le point de disparaître: celui d'une aristocratie bengalie raffinée et cultivée mais vivant dans sa tour d'ivoire hors d'une réalité qu'elle méprise et qu'elle refuse de voir changer. Pourtant celle-ci vient frapper à sa porte, que ce soit sous la forme de crues et de tempêtes dévastatrices qui inondent les terres, ruinent les récoltes et n'emportent avec elles les espoirs d'avenir ou bien dans son versant social avec l'ascension fulgurante d'une bourgeoisie de parvenus individualistes marchant sans complexe sur ses plates-bandes. Le salon de musique devient le théâtre de tous ces enjeux. Un lieu sacralisé, hors du temps, dans lequel le maharajah épris de musique et de danse continue de donner des fêtes somptueuses dans lesquelles il humilie son grossier rival, y sacrifiant sa famille et sa fortune dans une fuite en avant mortifère qui ne peut avoir qu'une issue tragique. Satyajit RAY nous offre un portrait nuancé de cet homme épris de beauté et garant d'un ordre paternaliste protecteur mais aveuglé par l'orgueil qui contemple passivement sa propre déchéance en se raccrochant à des chimères telles que la croyance en la noblesse de son sang, lequel s'avère pourtant ressembler à celui de tout le monde. Le film est ponctué de séquences de musique classique indienne ainsi que d'une scène finale de danse allant sur un rythme crescendo évoquant le bouquet final d'un feu d'artifices juste avant le néant.

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Ennio (Ennio: The Maestro)

Publié le par Rosalie210

Giuseppe Tornatore (2021)

Ennio (Ennio: The Maestro)

Documentaire-somme testamentaire incontournable, Ennio ressemble à une caverne d'Ali Baba dont le maestro accepterait de nous donner les clés. Connu pour sa réticence à se livrer aux journalistes, l'homme aux cinq cent partitions disparu en 2020 visiblement cette-fois ci en confiance devant la caméra de Giuseppe TORNATORE accepte d'expliquer au néophyte la genèse de ses créations les plus célèbres avec modestie, drôlerie et en décalage avec le caractère monumental de son oeuvre. Il faut le voir imiter le cri du coyote pour amorcer le générique de "Le Bon, la brute et le truand" (1966) par exemple. De nombreux cinéastes avec lequel il a travaillé (Gillo PONTECORVO, Bernardo BERTOLUCCI, Dario ARGENTO, Quentin TARANTINO, Clint EASTWOOD bien sûr etc.) ainsi que des compositeurs et musiciens célèbres (Quincy JONES, Bruce SPRINGSTEEN, John WILLIAMS) témoignent également sur son travail avec une admiration non dissimulée (qui peut parfois agacer par son manque de recul). Au-delà d'une analyse du génie créatif de Ennio MORRICONE dont le caractère précurseur est souligné, sa difficulté à entrer dans les cases explique sa reconnaissance tardive auprès des puristes et des académies. La musique de film, considérée comme commerciale était en effet méprisée par les maîtres du conservatoire où Ennio Morricone étudia, l'un d'eux allant jusqu'à la comparer à de la prostitution ce qui généra chez lui de la culpabilité et un sentiment d'infériorité. De plus avant son travail pour le cinéma, Ennio MORRICONE avait été arrangeur pour la variété italienne dans les années cinquante et au début des années soixante. Un domaine où il n'hésitait pas déjà à expérimenter de nouveaux sons, brouillant les frontières entre les arts majeurs et la culture populaire. On remarque également qu'il n'acceptait pas les compromis artistiques, pas plus qu'il n'accepta de céder aux sirènes hollywoodiennes (une des raisons qui explique qu'il ait été recalé cinq fois à la cérémonie des Oscars?) En tout cas, sa brillante, limpide et lumineuse masterclass génère 2h36 de bonheur pour le cinéphile et le mélomane qui fait largement oublier les longueurs, oublis et manques de nuances ici et là.

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Elvis

Publié le par Rosalie210

Baz Luhrmann (2022)

Elvis

J'ai bien aimé sur le moment les films précédemment vus de Baz Luhrmann ("Roméo + Juliette", "Moulin Rouge", "Ballroom Dancing") mais honnêtement, je n'en ai pas retenu grand-chose. "Elvis" tout aussi démesuré et baroque dans sa mise en scène me semble se situer un cran au-dessus des films précédemment cités. Donc être un film plus mémorable, et ce au moins pour trois raisons. La première tient à l'acteur qui incarne Elvis, Austin Butler qui est troublant de vérité en plus d'être incroyablement charismatique et d'avoir une voix proche de celle du King (sans parler de sa façon de bouger sur scène). On sent que son engagement est total. La deuxième tient à une lecture non manichéenne des personnages et de leurs relations qui fait l'objet d'un travail de fond. C'est une bonne idée d'avoir fait du colonel Parker (Tom Hanks, remarquable), l'impresario d'Elvis le narrateur du récit. Cet escroc manipulateur à l'identité mystérieuse et au passé trouble est à la fois celui qui a compris le potentiel d'Elvis et l'a amené au sommet et celui qui a tout fait pour lui couper les ailes afin de l'exploiter jusqu'à l'os avec un sens consommé du marketing. Et face à cette emprise, Elvis adopte une attitude étrange, tantôt soumise et néfaste, tantôt rebelle, comme s'il avait besoin d'une figure paternelle coercitive pour pouvoir s'affirmer et faire briller son talent. Enfin la troisième réside dans la lisibilité des enjeux autour de l'histoire et de la personnalité artistique du King. Le film se divise clairement en deux parties. Dans la première (années 50 et 60) qui repose sur une mise en scène hystérique coutumière du réalisateur avec une succession rapide de plans voire une combinaison d'images hétéroclites reliées par le split-screen, Elvis est un chanteur subversif qui s'attire les foudres du patriarcat puritain et raciste WASP en popularisant auprès des blancs une musique pétrie d'influences afro-américaines et en excitant les jeunes filles avec son déhanché suggestif. Dans la seconde au contraire (années 70) à la réalisation beaucoup plus posée permettant d'approfondir la dramaturgie, il se retrouve enfermé dans une tour d'ivoire par le colonel Parker qui parvient ainsi à le contrôler en l'empêchant de voyager hors des USA (car alors il lui aurait échappé) et à le transformer en machine à cash lui permettant d'éponger ses dettes de jeu en empochant jusqu'à 50% de ses gains (la norme étant 10% comme le souligne la série du même nom). Cette mue donne au film toute sa résonance et s'avère prometteuse pour la suite de la carrière de Baz Luhrmann.

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Inside Llewyn Davis

Publié le par Rosalie210

Joel et Ethan Coen (2013)

Inside Llewyn Davis

Sans en être une puisque le personnage principal est fictif (même si inspiré de personnages réels), "Inside Llewyn Davis" m'a fait penser à une uchronie, un monde parallèle dans lequel cet avatar de Bob Dylan se serait fourvoyé dans une odyssée de l'échec. Un thème cher aux frères Coen tout comme leur talent à inventer des losers attachants dans une Amérique alternative. Les allusions à un double fantomatique sont légion dans le film, du partenaire musical gémellaire disparu aux origines (réelles ou fantasmées) galloises en passant par la confusion entre deux chats fugueurs à l'apparence identique mais de sexe opposé après lequel cours l'anti-héros une bonne partie du film. L'atmosphère hivernale et brumeuse (formidable travail de Bruno Delbonnel à la photographie) renforce l'impression d'irréalité tout autant que la structure cyclique qui commence et se termine par la rencontre entre Llewyn Davis (Oscar Isaac) et un mystérieux personnage noyé dans l'ombre qui l'agresse avant de le quitter sur ces paroles "On se tire de ce trou à rats, on te le laisse". Le "trou à rats" peut désigner la salle de concert folk où se produit Davis comme le film tout entier alors que l'homme de l'ombre s'envole lui pour la gloire, mais en hors-champ, laissant son double malheureux au tapis. Le clin d'oeil à Dylan que l'on entrevoit dans cette même salle de concert à ses débuts peut faire penser qu'il s'agit de lui mais au fond peu importe. Car le héros de l'histoire, c'est le perdant que l'on suit dans son errance bohème en quête d'un canapé où dormir et de contrats à décrocher, son entêtement à vivre de son art n'ayant d'égal que son incapacité à connaître le succès. Incapacité que l'on peut voir comme un refus des compromissions, de l'arrogance, de l'inadaptation sociale, de la malchance ou de l'inconséquence selon le point de vue que l'on choisit d'adopter, celui de Jean par exemple (Carey Mulligan qui avait déjà joué avec Oscar Isaac dans "Drive") fermant provisoirement la marche des relations sans avenir entretenues par le folksinger "adulescent". Comme Ulysse (le chat ^^), Davis reviendra à son point de départ sans avoir avancé d'un pouce non sans nous avoir au passage gratifié de quelques beaux morceaux de son répertoire solitaire et mélancolique. Et en contrepoint ironique, les frères Coen lui font participer à la séquence devenue culte de l'enregistrement d'une chanson aux paroles absurdes, "Please Mr Kennedy" avec Justin Timberlake et Adam Driver dans le rôle d'un autre musicien crève-la-faim. Adam Driver qui était encore au début de sa carrière mais n'allait pas, contrairement à son personnage rester dans les bacs encore longtemps!

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Leto

Publié le par Rosalie210

Kirill Serebrennikov (2018)

Leto

Les reproches que j'ai formulé à propos de "La Fièvre de Petrov", le premier film de Kirill Serebrennikov que j'ai vu sont également en partie valables pour "Leto". Certes, le rythme n'est pas aussi hystérique et épuisant mais on reste dans quelque chose qui ne dépasse pas "l'art pour l'art" qui a donc du mal à atteindre le spectateur. Pourtant sur le papier, le programme était alléchant: revivre les années du rock underground soviétique juste avant la perestroïka, écouter des versions locales de grands standards et voir (en rêve) des remake inventifs de pochettes cultes, assister à des scènes de concert bridées par les autorités soviétiques soucieuses de marquer leur différence par rapport à la "décadence" occidentale et imaginer ce qu'elles auraient pu être sans cette censure (comme dans "La Fièvre de Petrov", le réalisateur abat la cloison entre réalité et fantasme ce qui brouille les repères). Mais il manque à ce bouillonnement formel typique des délires du réalisateur un vrai scénario et des personnages consistants. L'intrigue, famélique s'étire sur deux heures ou plutôt tourne en rond autour d'un triangle amoureux aussi excitant d'une boîte de flageolets. Il faut dire qu'ils ne dépassent pas le stade de la pose et que leurs velléités libertaires sont contredites par un style de vie des plus conventionnel dicté par la société répressive dans laquelle ils vivent (c'est sans doute conforme à la réalité puisqu'ils ont réellement existé mais le réalisateur ne sait pas quoi en faire). C'est quand même un paradoxe de célébrer l'énergie rock en ne s'intéressant qu'à l'emballage au détriment de l'ossature et de la chair. Bref, si on comprend bien l'intention politique de Kirill Serebrennikov qui se pose en rebelle du système, sa personnalité intime, elle, nous échappe.

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Stars 80

Publié le par Rosalie210

Frédéric Forestier, Thomas Langmann (2011)

Stars 80

De deux choses l'une: ou bien les tubes eighties vous indiffèrent et dans ce cas, passez votre chemin, il n'y a rien à voir. Ou bien vous avez vécu cette époque, écouté la bande FM, regardé le Top 50 présenté par Marc TOESCA (c'était mon cas! Et d'ailleurs ce dernier vient faire un petit coucou dans le film), passé des soirées camping entre "On va s'aimer" et "Nuit de folie" et dans ce cas, vous passerez un bon moment. On oublie le scénario qui vole au ras des pâquerettes, la réalisation paresseuse qui comble le scénario anémique par des extraits de concert et on se concentre sur ce qui fait l'essentiel de l'intérêt de cette comédie: son casting! Si la nostalgie est au rendez-vous (j'ai possédé une bonne moitié des 45 tours que l'on voit dans le film), c'est surtout le plaisir de voir un bel échantillon de ces ex-stars de l'époque "OK magazine" manifester une belle complicité et s'amuser avec un sens de l'auto-dérision qui fait plaisir à voir. La ferveur (authentique) née de leur revival s'explique par le besoin de communions collectives que ces tubes rassembleurs (festifs mais pas seulement) permettent toujours de satisfaire ce qui les rend inusables alors qu'aujourd'hui, la consommation de la musique est devenue tout aussi individualiste que les autres domaines de la culture pop. A l'époque de leur sortie, la plupart de ces tubes et leurs interprètes étaient jugés kitsch, un peu plus tard ils ont été jugés ringard et aujourd'hui voilà qu'ils sont tendance comme le constate dépité le producteur Valéry ZEITOUNdans son propre rôle (pourtant il n'a pas tout raté, je me souviens de lui en tant que jury d'un "Popstars" il y a 20 ans où il avait repéré Chimène BADI qui s'en est mieux sortie que le bien-nommé groupe "Whatfor" qui avait été formé par l'émission et dont les membres sont presque aussitôt tombés dans l'oubli). La preuve? La BO du superbe "Compartiment N°6" (2021) grand prix du jury à Cannes en 2021 est en grande partie basée sur "Voyage, voyage" le tube de DESIRELESS qui est l'une des nombreuses guest-stars invitée à se moquer d'elle-même (plus précisément de sa coiffure de l'époque) dans le film. LIO est également assez marrante avec sa pétulance naturelle tout comme Jean-Luc LAHAYE qui joue les vieux beau avec malice. Mais ceux que j'ai trouvé les plus drôles sont PETER et SLOANE, les interprètes du sirupeux "Besoin de rien, envie de toi" qui nous offrent des scènes de screwball comédie du troisième âge assez désopilantes (d'autant que cette dernière a aussi des problèmes capillaires ^^).
 

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La tourneuse de page

Publié le par Rosalie210

Denis Dercourt (2006)

La tourneuse de page

"La Tourneuse de pages" est un thriller à demi-réussi. Denis Dercourt dont j'ai vu récemment le très bon "Vanishing" parvient dès les premières minutes à instaurer un climat de tension et le maintenir tout au long du film, tenant ainsi les spectateurs en haleine. Celui-ci sait en effet grâce à la scène d'humiliation sociale initiale quand Mélanie était enfant qu'en l'accueillant adulte dans sa luxueuse et immense demeure, M. Fouchécourt (Pascal Greggory) fait entrer le loup dans la bergerie. Derrière son rôle de petite main soumise, Mélanie (Déborah François) ne semble en effet vivre que pour sa vengeance et utilise de façon subreptice les failles de la famille pour parvenir à ses fins sans jamais découvrir son jeu. Mais c'est aussi la limite d'un personnage opaque qui à force d'afficher le même masque imperturbable, la même détermination sans faille, la même invulnérabilité, finit par paraître dénué d'humanité, rendant le film sec et froid. Bien qu'on ait beaucoup comparé Mélanie aux blondes hitchcockiennes et sa vengeance sociale à "La Cérémonie" de Claude Chabrol, c'est du côté du thriller asiatique qu'il faut aller chercher ce genre de hiératisme glacé ponctué de gestes ultra-violents qui contraste avec le trouble de plus en plus palpable d'Ariane (Catherine Frot), l'épouse de M. Fouchécourt, pianiste qui perd littéralement les pédales au contact de la jeune femme. On peut d'ailleurs se demander si le début de sa fragilisation suite à un accident de voiture provoqué par un chauffard n'est pas déjà dû à Mélanie qui n'a plus qu'à lui donner l'estocade ou plutôt le baiser de la mort pour l'achever. 

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Marguerite

Publié le par Rosalie210

Xavier Giannoli (2015)

Marguerite

Revoir (et écouter) "Marguerite", adaptation très libre de la vie de Florence Foster Jenkins par Xavier GIANNOLI (cantatrice américaine richissime chantant horriblement faux qui a peu de temps après fait l'objet d'un autre film par Stephen FREARS) fait réaliser à quel point il annonce "Illusions perdues" (2019) que ce soit au niveau des écrits journalistiques ou du personnage payé pour faire la claque. Les deux films dissèquent un monde du spectacle (social comme scénique, c'est du pareil au même et la mise en abyme est évidente) fait de mensonges et de dissimulations dans lequel la vérité des sentiments ne peut qu'être mise à mort comme le taureau dans une corrida. Le film joue donc avec les paradoxes. Marguerite Dumont a acheté le titre de son mari et chante comme une casserole mais elle s'avère d'une telle authenticité dans son besoin d'amour et de beauté qu'elle se laisse dévorer par ces passions qui lui sont inaccessibles. La tragique illusion qu'elle se fait de son talent et son besoin d'exister aux yeux de son mari servent de révélateur (de vérité) aux lâchetés, hypocrisies, calculs d'intérêts de son entourage qui ne cesse de lui renvoyer un miroir trompeur dans lequel elle se complait d'autant plus jusqu'à ce qu'elle se confonde tant avec lui que toute tentative de retour au réel ne peut que l'anéantir. Mais les prestations de Marguerite, filmées frontalement non pour se moquer d'elle mais pour provoquer le malaise ont aussi le pouvoir d'arracher les masques. Si Catherine FROT offre une prestation mémorable, le film est une galerie de portraits passionnants car tous plus ambivalents les uns que les autres. Le mari négligent (André MARCON) qui a épousé Marguerite pour sa fortune et la trompe se retrouve de plus en plus accablé par la honte et la culpabilité, observant cette femme s'enfoncer toujours plus loin dans sa folie sans parvenir à la protéger. Son domestique Madelbos (Denis MPUNGA) qui par ses talents de photographe la transforme en icône et l'histoire de sa vie en roman-photo brûle ensuite ce qu'il a adoré et la vampirise de son voyeurisme jusqu'à son dernier soupir. Son professeur (Michel FAU) ancienne gloire sur le déclin voit à travers elle un miroir de sa déchéance ce qui provoque en lui des bouffées de haine et d'amertume. Enfin les artistes-journalistes comme Lucien (Sylvain DIEUAIDE) qui espèrent se servir d'elle comme produit d'appel pour leurs happenings dadaïstes ou comme tiroir-caisse pour écouler leurs productions sont confrontés à leurs regrets d'avoir gâché leur amour et leur talent. Le miroir en effet fonctionne dans les deux sens et si Marguerite vit dans l'imposture, la société qui l'entoure n'est qu'une sinistre farce. Quand la vérité éclate, elle est dévastatrice.

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Pina

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (2011)

Pina

Wim Wenders est l'un de mes cinéastes préférés. Et l'un de mes films préférés, "Parle avec elle" de Pedro Almodovar s'ouvre sur un extrait de "Café Müller" qui m'a fait découvrir la danseuse contemporaine et chorégraphe de génie Pina Bausch et les larmes qu'elle pouvait faire verser aux hommes (Wim Wenders inclus qui a déclaré avoir fondu en larmes devant ce même spectacle en 1985 alors que la danse l'avait jusque là toujours laissé froid). La mort brutale de la chorégraphe allemande en 2009 ne mit pas pour autant fin au projet que Wenders avait eu de tourner un film avec elle et de fait "Pina" (que j'ai vu sur France TV, en 2D alors qu'il a été tourné en 2011, époque où la 3D était à la mode) est bien un film qui fusionne leurs deux univers. En apparence, il s'agit "juste" d'un film-hommage qui donne la parole aux danseurs de la troupe de Pina Bausch -certains préférant d'ailleurs garder le silence- et montre des extraits de ses spectacles les plus célèbres qui font ressortir des traits communs (le style vestimentaire des danseuses avec leurs cheveux lâchés et leurs longues robes fluides, leurs grands mouvements circulaires avec les bras, le jeu avec les éléments -terre battue, pierre, eau- mais surtout les mouvements sans cesse répétés d'attraction, de répulsion et de chute des corps féminins, rattrapés -ou non- par les corps masculins). Mais on reconnaît aussi dans "Pina" l'univers de Wim Wenders. Tout d'abord à travers l'environnement. Lorsque les danseurs sont filmés sur la scène, le sol se couvre de terre, d'eau ou de chaises. Mais lorsqu'ils sont lâchés dans la nature, ils serpentent dans des lieux importants de la filmographie de Wim Wenders, le long des restes du rideau de fer (vus dans "Au fil du temps") ou sous le train suspendu de Wuppertal (où se trouve le siège de la compagnie de danse contemporaine de Pina Bausch) dont j'avais découvert l'existence en regardant "Alice dans les villes". Ensuite les origines très diverses des danseurs qui s'expriment dans leur langue maternelle répondent à une préoccupation commune. Comme Pina Bausch, Wim Wenders est un infatigable voyageur qui a arpenté le monde avec des lieux fétiches (les USA, le Japon, Lisbonne) qui résonnent avec les origines asiatiques, latino ou russes des danseurs et danseuses de Pina Bausch, leur langage commun étant la danse, celle-ci faisant office de tour de Babel.

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Diva

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Beineix (1981)

Diva

Je ne suis pas spécialement fan de Jean-Jacques Beineix et de l'esthétique années 80 qui l'accompagne mais j'aime bien "Diva" son premier film qui a acquis le statut de film culte. Celui-ci a en effet relativement bien vieilli comparativement à d'autres oeuvres de cette époque et je pense que c'est lié au fait que "Diva" est un alliage réussi d'éléments contradictoires. En effet la réalisation tape-à-l'oeil (la critique a suffisamment taillé en pièces les films de Beineix en raison de leur parenté avec l'esthétique du clip et de la publicité pour que je n'aie pas besoin de développer davantage cet aspect) est contrebalancée par un travail d'épure qui par moments, touche, n'ayons pas peur des mots, la grâce (pour le dire autrement, il y a une âme derrière l'image). Chaque passage où l'on écoute l'air extrait de "La Wally" chanté par Wilhelmenia Wiggins Fernandez (la diva du titre qui fascine Jules, l'improbable facteur mélomane héros de l'histoire) s'accompagne de mouvements de caméra planants, épousant le rythme lent et hypnotique de la musique. Il y a aussi l'univers tout aussi hypnotique de l'allié de Jules, Gorodish qui pratique la philosophie zen dans son loft quasi vide plongé tout entier dans le "grand bleu" de "La Vague" de Hokusai (le travail très pop art sur les couleurs primaires, jaune, rouge et bleu et les jeux de lumières et de mouvements oscillatoires d'une sculpture associée au bleu renforcent l'effet d'hypnose ressenti, un peu comme l'atmosphère de "Blade Runner").

Le motif de la vague a aussi selon moi un autre sens. "Diva" rend à sa manière -décalée- hommage aux courants qui l'ont précédé: le réalisme poétique et la nouvelle vague. Côté Carné, le film met en avant des décors de studio et une galerie d'acteurs typés inconnus à l'époque mais que le film allait hisser au rang de stars: Gérard Darmon, Dominique Pinon et surtout Richard Bohringer. Côté Godard (outre les couleurs primaires), je ne peux pas m'empêcher de penser à une parodie du début de "Le Mépris" quand j'entends les répliques de Dominique Pinon dans le film "j'aime pas Beethoven", "j'aime pas les ascenseurs", "j'aime pas ta gueule"* et son comparse qui finit par lui dire "mais t'aime rien alors?" (sans parler de l'actrice asiatique qui joue Alba, la compagne de Gorodish et qui je trouve joue comme Bardot).

Enfin "Diva" a une parenté qui m'a sauté aux yeux lorsque je l'ai revu avec le cinéma de Leos Carax et particulièrement ses deux premiers films, "Boy meets Girl" et "Mauvais Sang" (dans la manière de filmer des marginaux, les quais déserts de Paris, des intérieurs désaffectés, de mener un thriller, de décrire des couples improbables incarnant le "modern love") ainsi qu'avec celui de Jean-Pierre Jeunet. Et pas seulement en terme d'esthétique (des décors en studio à la Trauner façon "Le jour se lève") mais aussi en terme de "gueules de cinéma". Ainsi les répliques de Dominique Pinon font penser au court-métrage "Foutaises", le prototype du "Fabuleux destin de Amélie Poulain" où celui-ci alterne entre les "j'aime" et les "j'aime pas". Alors "cinéma du look" comme cette "nouvelle-nouvelle vague" (incluant aussi évidemment Luc Besson) a été qualifiée ou bien cinéma "d'atmosphère-atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère!"

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