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Articles avec #film musical tag

On connaît la chanson

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1997)

On connaît la chanson

"On connait la chanson" est le plus gros succès public de Alain RESNAIS en plus d'avoir raflé une pluie de récompenses. L'histoire très boulevardière est heureusement doublement transcendée, d'une part par le brillant jeu sur le contraste entre la norme sociale bourgeoise et l'intériorité et de l'autre par le dispositif ludique consistant à insérer des bribes de chansons en play-back au milieu des dialogues. Ce double effet donne de la profondeur à ce qui sinon n'aurait été qu'un médiocre vaudeville à base d'adultère et de questions de patrimoine. Mais le spectateur est intelligemment invité à participer à la pièce qui se déroule sous ses yeux. Il a souvent un coup d'avance sur les personnages tout en se joignant musicalement à eux. Le film est basé sur un festival de mensonges et de malentendus. Ainsi Camille (Agnès JAOUI) tombe amoureuse de Marc (Lambert WILSON) parce qu'elle le croit en souffrance alors qu'il a un rhume et parle au téléphone de transaction immobilière et non d'amour (ce qui définit bien le personnage). Au restaurant, une jeune femme en pleurs (Charlotte KADY, ex-présentatrice de Récré A2) envie le couple qui est derrière elle, prenant un geste de rectification d'une imperfection pour une marque de tendresse. A l'inverse, la femme du couple, Odile (Sabine AZÉMA) envie ce qu'elle croit être la conversation de deux amies alors que son couple n'a plus rien à se dire. Plus tard, elle voit son ex, Nicolas (Jean-Pierre BACRI) en compagnie d'une femme et croit à tort à son adultère alors qu'elle croise juste après son mari Claude (Pierre Arditi) embrassant une autre femme dans une voiture mais s'aveugle en pensant qu'il s'agit d'un sosie. Bref, tout le monde en dépit des apparences est un peu à côté de la plaque, aveugle, escroc, rongé
par la culpabilité, dépressif ou hypocondriaque et exprime ses états d'âme en chanson.

Alain RESNAIS est un formidable expérimentateur, il aime croiser les arts (théâtre, opérette, BD) et invite régulièrement des familles d'artistes à se joindre à sa troupe. Le couple Bacri-Jaoui alors à l'apogée de sa créativité ne se contente pas de jouer dans le film, il l'a scénarisé et le choix des chansons mixe l'époque de la jeunesse de Resnais (airs populaires des années 30-40) et celle des Jabac (tubes des années 60 à 80). Si pour le spectateur lambda d'aujourd'hui, les airs anciens à une ou deux exceptions près sont des découvertes (mais qui impriment bien car judicieusement insérés et répétés), ceux de la période la plus récente ont imprégné de façon durable la mémoire collective et font partie du patrimoine universel. Enfin comment ne pas souligner la formidable prestation de André DUSSOLLIER qui n'a pas volé son César? Il joue le rôle de l'intrus qui tente de compenser par son érudition son infériorité sociale (Quoi ma gueule? Qu'est ce qu'elle a ma gueule? Ou l'invention du tube sur le délit de faciès par Johnny HALLYDAY ^^). Bien que mentant par omission sur son métier, il est le seul personnage fondamentalement honnête de l'histoire, faisant surgir la vérité chez les autres, notamment pour la fragile Camille, une brillante intellectuelle qu'il est le seul à vraiment reconnaître*. Enfin on oubliera pas de sitôt sa délirante rêverie autour des "Vertiges de l'amour" de Alain BASHUNG.

* Parmi les running gags du film, il y a le sujet hyper-pointu de la thèse de Camille devenu culte "Les chevaliers paysans vers l'an 1000 au lac de Paladru".

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Gabbo le ventriloque (The Great Gabbo)

Publié le par Rosalie210

James Cruze (1929) 

Gabbo le ventriloque (The Great Gabbo)

"The Great Gabbo", le premier film parlant dans lequel a tourné Erich von Stroheim sous la direction officielle de James Cruze, un vieux routier du cinéma muet qui réalisait là son quatrième film parlant est un étrange objet hybride. Réalisé au tout début de l'ère du parlant, il se nourrit d'autres arts plus anciens, notamment le spectacle de foire, le music-hall et la comédie musicale de Broadway. Il était par ailleurs assorti d'au moins une séquence en couleurs qui est perdue. Enfin il est probable que Erich von Stroheim a réalisé lui même une partie des scènes (mais il n'est pas crédité pour cela car il était blacklisté à Hollywood à cause de ses extravagances en tant que réalisateur). Malheureusement les nombreux numéros qui parsèment le film ne s'intègrent pas bien voire pas du tout à l'intrigue ce qui entraîne pour le spectateur des tunnels d'ennui seulement atténués par l'hilarité que provoque les ridicules costumes de Frank (Donald Douglas), le rival de Gabbo. Mais en dépit de la platitude de la mise en scène et de l'étirement excessif du film par des numéros inutiles (sauf celui qui se déroule sur une toile d'araignée, suffisamment spectaculaire pour accrocher l'attention), Erich von Stroheim campe un personnage tellement saisissant qu'il justifie à lui seul le visionnage du film. Gabbo est en effet un authentique freak dans la lignée de "La monstrueuse Parade" de Tod Browning, un personnage de tragédie aussi pathétique que glaçant. Alors qu'il a tout pour réussir (une compagne dévouée qui l'aime, un numéro à succès qui l'amène à se produire sur une scène de Broadway) il va tout perdre en sombrant peu à peu dans la folie. La personnalité de Gabbo est en effet instable et duale, car il a transféré une partie de son âme sur Otto, sa marionnette qui ne le quitte jamais et à laquelle il donne vie par son talent de ventriloque. Otto qui apparaît comme un petit garçon innocent représente les meilleurs aspects de la personnalité de Gabbo: la tendresse, l'affection, la gentillesse, l'humour. Malheureusement en apparaissant comme doué d'une vie propre (on est parfois à la lisière du fantastique) il ne souligne par contraste que le négatif dans le personnage de Gabbo. Absolument odieux avec Mary sa compagne (Betty Compson) qu'il insulte et houspille à longueur de journée alors qu'elle ne montre envers lui que patience et dévouement, il finit par la chasser avant de s'autodétruire lorsqu'il comprend qu'il ne peut plus la récupérer et ce alors qu'il est pourtant au faîte du succès. La douceur du phrasé et la mélancolie du regard de Erich von Stroheim rendent cette chute particulièrement poignante.

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La Ballade des sans-espoir (Too Late Blues)

Publié le par Rosalie210

John Cassavetes (1961)

La Ballade des sans-espoir (Too Late Blues)

Deuxième film de John Cassavetes réalisé contrairement à "Shadows" dans le cadre des studios hollywoodiens, "La Ballade des sans-espoir" préfigure pourtant toute l'œuvre à venir, notamment "Faces" et "Husbands". Plus le film avance, plus il se fait intense, effectuant une plongée vertigineuse dans un groupe de paumés pathétiques qu'il a le secret de nous faire aimer en révélant leur humanité même au milieu de la pire des déchéance. Au travers de ce groupe de jazz sans le sou qui survit en marge du système, de cette bande de potes scotchés les uns aux autres qui errent de bar en bar, se soulant jusqu'à ce que ça tourne mal, de cette femme facile qui n'a aucune estime d'elle-même ("je ne suis rien") et oscille entre une indifférence de poupée mécanique et un profond désespoir, on reconnaît les contours des futurs personnages joués par John Cassavetes, Gena Rowlands, Peter Falk, Ben Gazzara et Seymour Cassel (ce dernier est déjà présent dans le film dans le rôle de l'un des jazzmen). "Too Late Blues" est par ailleurs une métaphore du parcours de Cassavetes qui après avoir "trahi" sa tribu d'indépendants fauchés en "vendant" son talent au système des studios dès son deuxième film finit par retourner auprès d'eux après le troisième. L'art et l'amour sont ainsi systématiquement opposés à la prostitution qui est une des compromissions exigée pour réussir. Lorsque John Ghost (Bobby Darin) veut arracher Jess (Stella Stevens d'autant plus poignante qu'elle est filmée au plus près des émotions de son visage défait, comme plus tard Gena Rowlands) à sa déprime, il l'emmène dans un bar et lui confectionne un cocktail improbable. Après avoir dans un premier temps refusé d'y goûter, elle le trouve délicieux tout comme le barman et une atmosphère magique se répand alors dans le bar. Et Ghost d'ajouter qu'il ne faut pas avoir peur d'un peu de folie car c'est la folie qui fait tourner le monde. 

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Liz et l'Oiseau bleu (Rizu to aoi tori)

Publié le par Rosalie210

Naoko Yamada (2018)

Liz et l'Oiseau bleu (Rizu to aoi tori)

C’est un film d’animation magnifique, tout en délicatesse et subtilité. Déjà dans son précédent film "Silent Voice" (2016) Naoko YAMADA faisait preuve d’une grande finesse dans l’évocation des difficultés de communication entre adolescents. Dans « Liz et l’Oiseau bleu », elle s’attache dans le huis-clos d’un lycée à étudier la relation entre deux adolescentes très différentes dont l’amitié fusionnelle -admirablement disséquée dans toute la complexité de ses composantes- est à la croisée des chemins. En effet avec la fin du lycée arrive l’heure des choix de vie et avec eux, la douloureuse mais inévitable séparation. Tous les enjeux du film se cristallisent autour d’un morceau de musique tiré d’une adaptation de « L’Oiseau bleu » de Maurice Maeterlinck que les deux amies -l’une flûtiste et l’autre joueuse de hautbois- doivent interpréter ensemble pour le concours de fin d’année de leur orchestre scolaire. Mais elles ne parviennent pas à le jouer harmonieusement parce que Mizore bride son talent pour ne pas surpasser Nozomi. Mizore est en effet terrifiée à l’idée d’être abandonnée par Nozomi, vivant dans son ombre, n’existant qu’à travers elle et s’attachant à suivre le moindre de ses pas, sans un bruit ou presque car l’asynchronie entre elles est tangible dès la première séquence du film. Mizore est en effet solitaire, extrêmement timide et renfermée alors que Nozomi est extravertie, sociable et volubile. Néanmoins les apparences sont trompeuses et la plus faible des deux n’est pas celle que l’on croit. Seulement, l’affirmation de soi passe par une remise en question du mode relationnel déséquilibré que les deux jeunes filles ont tissé entre elles depuis des années. Les mots étant impuissants à traduire la complexité des êtres, Naoko YAMADA saisit les plus ténus mouvements de l’âme par une attention extrême vis-à-vis du langage du corps, celui des regards, des gestes, des postures, des tics, des sons et des silences au travers de plans souvent décentrés et parcellaires sur des mouvements de pieds, des mains qui touchent nerveusement une mèche de cheveux ou des nuances de lumière dans les yeux. Elle la métaphorise également au travers de la musique mais aussi du conte de « Liz et l’oiseau bleu », un livre illustré à l’aquarelle dont nous voyons des extraits tout au long du film. Celui-ci raconte l’histoire de Liz, une jeune fille solitaire proche de la nature qui s’éprend d’un oiseau bleu métamorphosé en jeune fille (un leitmotiv de l’animation japonaise que l’on retrouve aussi bien dans "Ponyo sur la falaise" (2008) que dans "La Tortue rouge") (2016) dont pourtant elle pressent l’inéluctable envol.

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Phantom of the Paradise

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1974)

Phantom of the Paradise

Il ne suffit pas d'accumuler, détourner ou parodier des références pour faire un bon film mais quand le cocktail est réussi comme dans le flamboyant et baroque "Phantom of the Paradise", il envoie du lourd. Le film est autant un énorme chaudron-hommage à toute une série d'œuvres d'art l'ayant précédée qu'une distanciation ironique et désespérée analysant l'impossibilité de créer en dehors du système: celui-ci vous broie ou vous récupère ou plutôt vous récupère ET vous broie. Brian De PALMA parlait alors en connaissance de cause car le studio qui l'employait avait pris le contrôle de son film précédent "Get to know your rabbit" (1970). Il a donc eu l'idée d'accommoder à la sauce opéra-rock le thème du pacte avec le diable, le prix à payer pour la perte de son intégrité artistique s'incarnant dans le personnage du compositeur Winston Leach (William FINLEY) qui se situe à mi-chemin entre " Le Fantôme de l'Opéra" (1925) de Rupert JULIAN d'après Gaston Leroux et "Faust" (1926) de Friedrich Wilhelm MURNAU d'après Goethe. Quant au producteur qui symbolise son âme damnée (Paul WILLIAMS), il n'est pas en reste questions références puisque lui aussi a fait un pacte maudit à la Dorian Gray pour rester éternellement jeune sauf que l'image qui vieillit à sa place est sur pellicule et non dans un tableau. Son allure de dandy et son nom proustien, Swan illustre par ailleurs son obsession d'arrêter le temps tout comme celui de la muse interprète à qui il veut voler sa voix, Phoenix (Jessica HARPER).

Le style glam-rock grand-guignolesque du film typique des seventies se marie ainsi avec une atmosphère fantastique qui suggère admirablement le vampirisme à l'œuvre derrière le strass et les paillettes. Les décors expressionnistes rappellent ceux du "Le Cabinet du docteur Caligari" (1919) et la mise en scène du spectacle final, "Frankenstein" (1931). Le vampirisme est d'ailleurs autant le fait du manipulateur de l'ombre qu'est le producteur que celui du public attiré par ces nouveaux "jeux du cirque" où l'on s'enflamme en direct. Brian De PALMA reprend ainsi de façon remarquable la séquence inaugurale de la "La Soif du mal" (1958) de Orson WELLES pour en faire un show à retardement avec une vraie bombe planquée dans une voiture au beau milieu de la scène. Il s'amuse aussi avec son cinéaste favori, Alfred HITCHCOCK en nous offrant une version parodique délectable de la scène de la douche de "Psychose (1960) et de la scène du tireur embusqué en plein concert de "L Homme qui en savait trop" (1956).

Enfin on peut noter que ce film bourré de références a généré son propre mythe au point d'être devenu à son tour matriciel pour toute une nouvelle génération d'artistes de Bertrand BONELLO (M. Swan de "Saint Laurent") (2014) aux Daft PUNK masqués par un casque comme le fantôme et qui se sont associés le temps d'une chanson avec Paul WILLIAMS, l'acteur jouant le personnage de Swan et compositeur de la BO du film.

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Tous les matins du monde

Publié le par Rosalie210

Alain Corneau (1991)

Tous les matins du monde

Très beau film né de la passion pour la musique baroque du réalisateur, Alain CORNEAU, du scénariste et auteur du roman Pascal QUIGNARD et enfin du compositeur et violiste catalan Jordi SAVALL qui devint célèbre à la suite du succès du film. Celui-ci fit sortir de l'oubli ce courant musical, les instruments anciens qui lui donnent vie et enfin leurs principaux compositeurs et interprètes.

Le film est en effet centré sur la relation compliquée mais essentielle de deux figures majeures de ce mouvement ayant réellement vécu à l'époque du grand siècle,
deux violistes que tout oppose, du moins en apparence: Marin Marais (Guillaume DEPARDIEU puis son père Gérard DEPARDIEU) et Monsieur de Sainte Colombe (Jean-Pierre MARIELLE). Le premier, qui fut musicqueur à la cour de Louis XIV est du moins dans sa version juvénile solaire, flamboyant, frivole, carriériste et mondain. Le second qui vit en ermite au fond des bois est austère, ascétique et asocial. C'est aussi un grand mystique qui nuit après nuit convoque le fantôme de son épouse disparue à sa table au travers des sons déchirants produits par son instrument si proche de la voix humaine. Moments sublimes et saisissants
qui réactualisent le mythe d'Orphée au travers de la nature morte aux gaufrettes peinte par un autre artiste qu'Alain Corneau sort de l'oubli, Lubin Baugin (Michel BOUQUET). Marais et Colombe sont cependant réunis par des fêlures communes. Ils ont perdu leur voix ou sont fâchés avec le langage. Et ils ont la mort d'une femme qu'ils ont abandonné sur la conscience. La viole de gambe devrait les sortir de leur enfermement intérieur mais Sainte Colombe le janséniste se replie sur lui-même et s'isole du monde alors que Marin Marais après avoir été son élève se perd dans les fastes de la cour. Du moins jusqu'à ce qu'il soit rattrapé par une sourde mélancolie, un vide intérieur qui de son propre aveu lui fait "fuir les palais et rechercher la musique", celle de Sainte-Colombe en l'occurrence, produite par lui et pour lui seul qu'il va s'ingénier à apprendre et mémoriser pour pouvoir la transmettre avec l'accord de ce dernier. L'ambiance intimiste du film est créée par la musique, les éclairages en clair-obscur et enfin les gros plans fixes scrutant les visages de Gérard DEPARDIEU et de Jean-Pierre MARIELLE, tous deux bouleversants. Les dix premières minutes du film, poignantes laissent ainsi les musiciens de la cour hors-champ alors que peu à peu les ténèbres se referment telles un tombeau sur l'expression douloureuse du visage de Marin Marais.

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L'une chante l'autre pas

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1977)

L'une chante l'autre pas

Longtemps considéré comme mineur dans la filmographie de Agnès VARDA, kitsch, daté, naïf etc. (par qui? La critique n'est jamais neutre), "L'une chante, l'autre pas", son manifeste féministe "en chanté" a été récemment réévalué en phase avec la panthéonisation de Simone Veil et les multiples affaires de harcèlement sexuel qui ont prouvé si besoin était qu'il restait du chemin à parcourir pour se défaire des multiples formes revêtues par la domination masculine. Il est intéressant de confronter le début et la fin du film. Celui-ci s'ouvre sur une série de clichés de femmes en noir et blanc dont ceux de Suzanne (Thérèse LIOTARD) la compagne de Jérôme, le photographe (Robert DADIÈS). Ces clichés sont semblables à une collection de papillons, comme autant de tentatives pour capturer le mystère féminin. La domination masculine s'exerce avant tout dans la représentation de la femme, asservie aux fantasmes et aux besoins masculins. Suzanne est à la fois modèle dépendante du regard de Jérôme, maîtresse se faisant engrosser à la chaîne sans son consentement et mère au foyer dépendante financièrement. Elle n'a pas de vie ni d'identité propre. Arrive Pomme (une allusion à Eve?) petit concentré d'impertinence qui commence par répondre "NON" à Jérôme lorsqu'il surgit dans le magasin en lui disant "Vous m'attendiez?" "Maman Beauvoir" est passée par là avec son démontage en règle du "mythe du prince charmant". Tout comme "papa Engels" pour qui dans le couple, l'épouse occupe la place du prolétaire. Et Pomme (Valérie MAIRESSE) d'inciter Suzanne à se prendre en main et à cesser de subir lorsqu'elle lui donne de l'argent pour aller se faire avorter en Suisse. A la fin du film, Agnès VARDA qui est autant photographe que cinéaste filme un beau tableau impressionniste vivant et coloré où s'effectue un passage de témoin générationnel entre les mères et leurs filles (celle de Suzanne étant jouée par la propre fille de Agnès VARDA, Rosalie). Entre les deux, ce sont tous les combats menés par les deux femmes aussi différentes qu'unies dans leur quête d'indépendance et d'accomplissement que relate Agnès VARDA, parfois à la limite du documentaire lorsqu'elles se retrouvent au procès de Bobigny en 1972 et que l'avocate Gisèle Halimi intervient dans son propre rôle. Leur itinéraire est ponctué par les chansons peu orthodoxes de Pomme aux paroles-slogans écrites par Agnès VARDA aussi drôles que percutantes: "ni cocotte, ni popote, ni falote" ou variante "ni fétiche, ni boniche, ni potiche". 40 ans avant le "Ni putes, ni soumises" de Fadela Amara, Pomme réplique à son père qui ne voit pour elle en dehors des études que le mariage ou la prostitution qu'au fond c'est la même chose. Et effectivement en 1962 quand commence le film, le code Napoléon encore largement appliqué dans le code civil place la femme mariée sous la tutelle de son mari. Et quand elle a des enfants hors-mariage, elle est mise au ban de la société (les parents de Suzanne sont en froid avec leur fille et traitent leurs petits-enfants qu'ils rejettent de bâtards). Ces discriminations ont disparu mais quand on voit à quel point le talent de Valérie MAIRESSE a été gâché par l'étiquette que lui a collé un cinéma français dans lequel la femme reste plus objet que sujet, on ne peut que constater que l'on est encore loin du compte aujourd'hui.

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Love & Mercy

Publié le par Rosalie210

Bill Pohlad (2014)

Love & Mercy
Love & Mercy

Avant d'aller voir "Love & Mercy" au cinéma, je n'avais des Beach Boys qu'une vague idée, aussi superficielle que la partie du générique qui évoque à l'aide d'une esthétique vintage l'affichage marketing "sea, sand, sun and surfin USA" du groupe. J'en suis sortie profondément remuée par la personnalité de Brian Wilson, le portrait délicat et juste qui est fait de lui et une seule idée en tête: acheter "Pet Sounds" au plus vite, son chef d'oeuvre introspectif qui est au cœur du film (avec la symphonie de poche "Good Vibrations"). L'autre partie du générique, en rupture totale avec l'image extravertie du groupe fait écho à cette œuvre intimiste en montrant un écran noir traversés par des éclairs sonores. Et une grande partie du film reconstitue avec un souci du détail qui tue sa création et son enregistrement. On y voit un Brian Wilson (joué par un Paul DANO exceptionnel) qui tel une antenne se connecte aux flux énergétiques de l'univers qui le traversent (nombre de ses gestes et attitudes relèvent du Qi-Gong) avec ou sans prise de drogue. En dépit des considérations commerciales de sa famille qui ne comprennent pas sa musique, Brian Wilson maintient le cap, poussé par une impérieuse nécessité plus forte que tout "Il faut que cela sorte". Par ailleurs, le film s'ouvre sur les propos par lequel il exprime ses doutes et ses peurs à propos de cette voix intérieure qui l'inspire mais sur laquelle il n'a aucun contrôle: "Ca me fait peur parfois de ne pas savoir d'où cela vient. Comme si quelqu'un d'autre était en moi. Et si ça disparaissait, que je n'y arrivais plus, je ferais quoi?" Dans l'autre volet du film, on retrouve le même Brian Wilson plus âgé (joué par John CUSACK qui est lui aussi très convaincant), celui qui ne se soucie que de cette voix intérieure qui le guide et se fiche du commerce. ("Ce n'est pas important, c'est de l'ego"). Bien que cette voix ne lui permette plus à ce moment-là de créer mais lui indique comment sortir de sa dépression et de son isolement. Brian Wilson décrit comme un "enfant dans un corps d'adulte" a en effet tout de la proie facile sur laquelle fondent les vautours. Si le même acteur (Paul GIAMATTI) interprète à la fois son père et le docteur Eugène Landy, ce n'est certainement pas par hasard. Brian Wilson est ce que Alice Miller appelle un ancien "enfant sous terreur", celui qui a grandi sous la férule d'un père violent qui l'a maltraité physiquement (au point de le rendre à demi-sourd) et psychiquement et qui continue à exercer son emprise sur son fils adulte en exploitant son talent tout en le dénigrant (et en l'escroquant). Après sa mort, son influence néfaste continue à s'exercer au travers de l'avatar qu'est le gourou, oups, le "docteur" Eugène Landy, homme aussi creux que cupide, misogyne et infatué de lui-même qui exerce un contrôle absolu sur tous les aspects de la vie de Brian Wilson. Il lui colle l'étiquette d'un malade psychiatrique, le menace d'internement, l'abrutit de médicaments sans doute pour l'achever plus vite et fait le vide autour de lui afin de toucher le jack pot sur son cadavre (lui aussi escroc, il avait fait falsifier son testament). Néanmoins Brian Wilson n'est pas et n'a jamais été un aliéné. C'est sa planche de salut d'être de par sa nature aussi imperméable aux intrusions extérieures que les bulles dans lesquelles il se réfugie. De même qu'il n'a pas cédé aux pressions de son entourage dans les années 60 et a fait l'album qui lui correspondait quitte à le payer après par sa mise à l'écart de groupe et sa dépression, il cherche à échapper à la surveillance de son geôlier en lançant un S.O.S. qui finit par être capté par Mélinda (Elizabeth BANKS). Elle va se lancer dans une bataille psychologique et juridique pour l'arracher aux griffes du vampire qui lui suce le sang, discrètement mais efficacement aidée par une autre femme, Gloria (Diana Maria RIVA), l'employée de maison de Brian Wilson qui comme beaucoup de latinos clandestins vit pourtant sous l'épée de Damoclès de l'expulsion que lui agite sous le nez Landy pour la faire taire.

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Green Book: Sur les routes du sud (Green Book)

Publié le par Rosalie210

Peter Farrelly (2018)

Green Book: Sur les routes du sud (Green Book)

Comme ses héros en mouvement, Peter FARRELLY ne sait pas rester à la place qui lui a été assignée. Après avoir réalisé pendant quinze ans des comédies délirantes et provocantes avec son frère mettant en scène Jim CARREY ou Ben STILLER, le voilà qui se lance en solo dans le drame humaniste, un cheminement qui peut faire penser en France à celui de Albert DUPONTEL. Mais bien qu'ayant changé de genre, Peter FARRELLY ne renonce pas à son humour très physiologique. Rien de tel qu'une bonne dose de subversion pour déjouer (du moins en grande partie) les pièges du film à grand sujet pétri de bons sentiments. Dans cette nouvelle histoire d'Intouchables tirée d'une histoire vraie, tous les repères sont inversés. le (petit) blanc, Tony Lip est un prolétaire brutal confiné dans son ghetto rital du Bronx et son ignorance crasse. Mais il a envie d'aller voir ailleurs et son appétit est sans borne (il est champion de concours de hot-dog ^^). Et Viggo MORTENSEN, inattendu dans ce rôle, d'enfiler continuellement des tonnes de junk food en y initiant son patron tout en recrachant avec mépris les canapés servis dans les grandes maisons bourgeoises. Le reste est à l'avenant: siège avant transformé en poubelle, flingue à la ceinture, billets de banque bien en évidence dégainés au moindre problème, tendance à confondre sa poche et celle des autres, langue bien pendue et poings prompts à partir. Derrière lui, son employeur, le Docteur Shirley (Mahershala ALI) se définit par ce qu'il n'est pas "pas assez noir, pas assez blanc, pas assez homme". Cette identité par soustraction varie selon les lieux où il passe. A New-York, il est surtout un grand bourgeois raffiné et un pianiste virtuose proche des cercles du pouvoir. Dans le sud profond du début des années 60 où il décide courageusement de se produire, il n'est plus aux yeux des blancs qu'un "nègre" qui se prend de plein fouet la violence de la ségrégation et de la discrimination raciale, ceux-ci ne l'acceptant comme l'un des leurs que dans le cadre étroit de la salle de concert. Pour aggraver son malheur, il ne peut pas davantage se fondre dans la masse de ses "congénères" (comme ne cesse de lui dire Tony Lip dont le racisme essentialisant est partagé par les bourgeois se voulant ouvert d'esprit, persuadés que tous les noirs aiment le poulet frit), car il est trop différent d'eux. Il est donc condamné à rester seul et à se faire rejeter de tous les côtés. Ou presque, la cohabitation avec le remuant Tony Lip dans l'habitacle de la voiture s'avérant au final un havre de douceur et de délicatesse comparée aux grandes maisons de maître et aux commissariats du sud. De quoi décoincer un peu le si guindé et snob Docteur Shirley alors que sous sa direction, Tony Lip se met à articuler et à écrire du Shakespeare à sa femme ("putain, c'est romantique!" ^^). Il y a même une scène où Tony, surprenant son patron dans une situation délicate révèle des trésors de tact alors qu'il aurait pu verser (et Peter FARRELLY avec lui) dans la lourdeur.

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Fra Diavolo (The Devil's Brother)

Publié le par Rosalie210

Hal Roach et Charles Rogers (1933)

Fra Diavolo (The Devil's Brother)

Fra Diavolo, c'est d'abord le surnom d'un personnage qui a réellement existé, le brigand napolitain Michele Pezza, chef d'une troupe de bandits qu'il entraîna dans une guérilla contre les armées napoléoniennes avant qu'il ne soit capturé, jugé et pendu en 1806. Il inspira à Daniel-François-Esprit Auber un opéra-comique (que l'on peut définir comme un métissage entre le théâtre parlé et l'opéra chanté, mélange de burlesque et de romanesque), "Fra Diavolo ou l'hôtellerie de Terracine" qui fut représenté pour la première fois en 1830. Pour coller au style léger et élégant de cet opéra-comique, Michele Pezza fut dépouillé de son aspect sanguinaire et devint un galant bandit de grand chemin.

Le film de Hal ROACH et Charles ROGERS est une adaptation cinématographique fidèle à l'esprit de l'opéra-comique d'Auber. Les films musicaux étaient alors à la mode et il s'agissait également pour Hal ROACH et son studio de se servir du film pour imposer définitivement le duo comique formé par Stan LAUREL et Oliver HARDY dans un long-métrage parlant (avec le succès que l'on sait). Pourtant, s'il se regarde sans déplaisir, ce film fonctionne assez mal comme un tout. Il y a en effet deux parties distinctes et qui sont mal raccordées entre elles. La partie "opératique" plus proche par la légèreté de son argument de l'opérette est dirigée par Hal ROACH et s'avère assez inégale. Thelma TODD est irrésistible comme d'habitude et forme un couple amusant avec la moustache de son potentiel cornard de mari joué par James FINLAYSON. Dennis KING dans le rôle de Fra Diavolo s'il est un bon chanteur est en revanche un piètre acteur dont la prestation est assez risible. La partie burlesque du film officiellement dirigée par Charles ROGERS mais en réalité plus vraisemblablement par Stan LAUREL est celle qui met en scène les gags du duo Stanlio et Ollio, officiellement prisonniers-domestiques-rivaux de Fra Diavolo mais en réalité tellement en roue libre qu'ils forment un ensemble à part même s'ils ne dynamitent pas le récit principal pour autant (on est pas chez les Marx Brothers!) La complicité et la complémentarité des deux comparses fonctionne à plein régime avec quelques trouvailles hilarantes (le chiffon rouge, la fuite dans le tonneau, la cuite, les jeux de mains et de doigt de Stan LAUREL).

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