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Articles avec #film musical tag

Fra Diavolo (The Devil's Brother)

Publié le par Rosalie210

Hal Roach et Charles Rogers (1933)

Fra Diavolo (The Devil's Brother)

Fra Diavolo, c'est d'abord le surnom d'un personnage qui a réellement existé, le brigand napolitain Michele Pezza, chef d'une troupe de bandits qu'il entraîna dans une guérilla contre les armées napoléoniennes avant qu'il ne soit capturé, jugé et pendu en 1806. Il inspira à Daniel-François-Esprit Auber un opéra-comique (que l'on peut définir comme un métissage entre le théâtre parlé et l'opéra chanté, mélange de burlesque et de romanesque), "Fra Diavolo ou l'hôtellerie de Terracine" qui fut représenté pour la première fois en 1830. Pour coller au style léger et élégant de cet opéra-comique, Michele Pezza fut dépouillé de son aspect sanguinaire et devint un galant bandit de grand chemin.

Le film de Hal ROACH et Charles ROGERS est une adaptation cinématographique fidèle à l'esprit de l'opéra-comique d'Auber. Les films musicaux étaient alors à la mode et il s'agissait également pour Hal ROACH et son studio de se servir du film pour imposer définitivement le duo comique formé par Stan LAUREL et Oliver HARDY dans un long-métrage parlant (avec le succès que l'on sait). Pourtant, s'il se regarde sans déplaisir, ce film fonctionne assez mal comme un tout. Il y a en effet deux parties distinctes et qui sont mal raccordées entre elles. La partie "opératique" plus proche par la légèreté de son argument de l'opérette est dirigée par Hal ROACH et s'avère assez inégale. Thelma TODD est irrésistible comme d'habitude et forme un couple amusant avec la moustache de son potentiel cornard de mari joué par James FINLAYSON. Dennis KING dans le rôle de Fra Diavolo s'il est un bon chanteur est en revanche un piètre acteur dont la prestation est assez risible. La partie burlesque du film officiellement dirigée par Charles ROGERS mais en réalité plus vraisemblablement par Stan LAUREL est celle qui met en scène les gags du duo Stanlio et Ollio, officiellement prisonniers-domestiques-rivaux de Fra Diavolo mais en réalité tellement en roue libre qu'ils forment un ensemble à part même s'ils ne dynamitent pas le récit principal pour autant (on est pas chez les Marx Brothers!) La complicité et la complémentarité des deux comparses fonctionne à plein régime avec quelques trouvailles hilarantes (le chiffon rouge, la fuite dans le tonneau, la cuite, les jeux de mains et de doigt de Stan LAUREL).

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L'Amour à mort

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1984)

L'Amour à mort

Il peut être dur d'entrer dans un film aussi austère et formaliste, janséniste diront certains, bergmanien diront d'autres plus justement car il est baigné de culture protestante. Mais quand on y arrive, on est largement récompensé tant derrière son apparente aridité, ce film est riche et puissant.

Dans une scène du film, Simon (Pierre ARDITI) qui parie avec Elisabeth (Sabine AZÉMA) à pile ou face lance une pièce de monnaie mais celle-ci reste suspendue dans les airs en tournoyant sur elle-même comme si le temps s'était arrêté. C'est une métaphore du film lui-même. Parce qu'il fonctionne de façon binaire et suspend le vol du temps. Au niveau du symbolisme des couleurs, le rouge de la passion et le noir funèbre dominent largement les débats. Mais surtout le film est construit sur une alternance de piles (des instants de "vie") et de faces (des plages musicales composées par Hans Werner HENZE sur fond d'écrans noirs parfois striés de blanc par les flocons de neige qui tombent) un peu comme les touches noires et blanches d'un piano. En dépit du montage particulièrement tranchant, il n'y a pas de rupture entre la vie et la mort mais un continuum, la musique étant conçue pour commencer à l'endroit exact où se termine la voix de l'acteur (tout comme le titre "L'Amour à mort" fonctionne comme un tout indissociable).

L'amour dont il est question dans le titre est en effet indissociable de la mort. Il s'agit de l'histoire d'une passion fusionnelle, cette forme d'idéal romantique mortifère à propos duquel Garance- ARLETTY dans "Les Enfants du Paradis" (1943) disait "c'est dans les livres qu'on aime comme ça, et dans les rêves, mais pas dans la vie !" Et pour cause puisque ce désir d'union absolue ne peut s'atteindre que dans la mort (dont la variante brève, la "petite mort" est montrée plusieurs fois)… ou par la sublimation de l'art qui arrache des fragments d'éternité au flux continuel de la vie. "L'Amour à mort" comporte une évidente dimension réflexive. Il met en scène deux types de relations amoureuses: l'Eros, la forme passionnelle, brève et violente de l'amour incarnée par Simon et Elisabeth et l'Agapé, la forme apaisée de l'amour au long cours incarnée par Judith et Jérôme les pasteurs protestants (Fanny ARDANT et André DUSSOLLIER). Ils permettent d'introduire également une dimension spirituelle où ces deux formes d'amour se retrouvent. Alors que Elisabeth n'a de foi qu'en son amour pour Simon qui la pousse à le rejoindre dans la mort, Judith et Jérôme ont la foi religieuse qui les motivent à répandre l'amour de Dieu autour d'eux dans le monde des vivants sans rien attendre en retour.

Réflexion très riche sur l'amour, la mort, l'art et la foi, "l'Amour à mort" comporte aussi une réflexion sur le temps. Ainsi Judith a connu avec Simon l'amour-passion qui l'a conduite au bord du suicide, une expérience propre à l'adolescence dont elle a fait le deuil pour devenir adulte. Simon lui n'a jamais dépassé le stade de l'adolescence (on pourrait même dire celui de la petite enfance où le désir d'union fusionnelle avec la mère est très fort, Garance dit d'ailleurs à Baptiste qu'il parle comme un enfant juste avant la citation que j'ai rappelée plus haut). C'est pourquoi il a échoué à ressentir l'amour Agapé avec son ex-femme et ses enfants et n'a eu aucun mal à les quitter lorsque lui a été donner l'occasion de replonger dans sa "drogue" avec Elisabeth. Sombre et torturé, Simon ressemble à un mort-vivant (Pierre ARDITI s'est d'ailleurs considérablement amaigri pour coller à la peau du personnage). C'est ainsi qu'il nous est présenté puisqu'il revient littéralement d'entre les morts après une attaque qui l'a fait basculer brièvement de l'autre côté (analogie frappante avec l'art qui a une dimension vampirique). Quant à Elisabeth, elle incarne le côté solaire de cette passion, sa foi l'illuminant de l'intérieur. C'est pourquoi Judith, contrairement à Jérôme qui a moins d'expérience personnelle se refuse à la juger et à condamner son geste. Et ce d'autant plus qu'elle considère le sacrifice de Jésus comme une forme de suicide, sa condamnation par l'Eglise n'étant qu'un moyen de contrôler les corps et les âmes des fidèles.

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Bohemian Rhapsody

Publié le par Rosalie210

Bryan Singer (2018)

Bohemian Rhapsody

Le titre du film porte le nom de la chanson emblématique du groupe Queen, "Bohémian Rhapsody". Emblématique parce que hybride et même multiface comme le dit Brian May (Gwilym Lee) dans le film. Comme les 4 membres du groupe et l'identité éclatée de son chanteur, elle mélange 4 styles: balade, rock, opéra et hard-rock pour un résultat hors-norme qui leur donna du fil à retordre pour parvenir à leurs fins: en faire un tube planétaire.

De fait le premier mérite de ce biopic est de donner une grande place à la musique du groupe dont on redécouvre la puissance fédératrice et la flamboyance. Grâce à l'implication de Roger Taylor et de Brian May sur le film, on assiste à la genèse de plusieurs titres (le riff de guitare de "Another one bites the dust", le battement en mesure de "We will rock you", l'ambiance bucolique de la composition de "Bohémian Rhapsody"). Ils insistent sur l'importance du travail collectif dans leur élaboration (alors que les médias ne s'intéressaient qu'à la diva Freddie Mercury). L'alchimie entre les acteurs fonctionne bien et la ressemblance avec les membres du groupe est bluffante. La séquence finale de 18 minutes du concert de Wembley de 1985 où le groupe enchaîne quatre titres est tout simplement euphorisante. On en redemande !

Le second mérite du film réside dans la performance de Rami Malek dans la peau de Freddie Mercury. Certes au début on ne voit que ses dents proéminentes (exagérées sur les bords, je n'y avais jamais fait attention avant) mais par la suite on les oublie. Des dents constitutives de son identité problématique et qu'il a voulu garder en dépit des pressions. Ce qui m'a le plus impressionné, c'est moins le mimétisme en concert que ces moments plus intimes de transe dans lesquels il semble possédé par ce qu'il compose.

Là où le film est moins convaincant, c'est dans son traitement de la quête d'identité de Freddie Mercury, tant vis à vis de ses racines iraniennes, indiennes et africaines qu'en ce qui concerne sa bisexualité. La question des origines et du racisme est traité superficiellement. L'ennuyeuse petite amie Mary Austin (Lucy Boynton) prend trop de place au détriment d'une homosexualité réduite à la portion congrue alors qu'elle est essentielle dans la vie du chanteur. Celle-ci a d'ailleurs plusieurs facettes. Au début de sa carrière, Freddie Mercury apparaît frêle, efféminé, timide et extravagant à la fois, puis il devient musclé et hyper-viril avec un look moustache-cuir tout en conservant sa fragilité intrinsèque (comparable à celle du héros du film "Moonlight"). Quant aux orgies, elles sont évoquées en mode subliminal. C'est conforme à ce que voulait Freddie Mercury: suggérer plutôt que montrer (il y a les films x pour ça). Néanmoins il aurait fallu développer davantage le sujet car il est indissociable de son inspiration créatrice (alors que l'influence de Mary se réduit au très dispensable "Love of my life").

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La Cage aux rossignols

Publié le par Rosalie210

Jean Dréville (1945)

La Cage aux rossignols

Le succès du film Les Choristes (2004), remake avoué de la "Cage aux rossignols" de 1945 a eu le mérite de sortir ce dernier de l'oubli dans lequel il était injustement tombé. Car en dépit des défauts dû à son âge (principalement au niveau sonore), cela reste un très beau film, supérieur à son remake (qui est tout de même honorable).

A quoi tient le petit plus de la "Cage aux rossignols"? Au contexte dans lequel il a été réalisé et à la personnalité de son interprète principal, NOËL-NOËL, également scénariste, dialoguiste, caricaturiste, pianiste de music-hall, bref artiste jusqu'aux bouts des ongles et satiriste de talent par-dessus le marché. Contrairement au film Les Choristes" (2004) qui met l'accent sur le chant comme son titre l'indique, c'est l'éducation qui est le sujet principal de la "Cage aux rossignols". Car le film a été réalisé à la fin de l'occupation allemande et du régime de Vichy, le tournage a d'ailleurs été interrompu par le débarquement du 6 juin 1944 et lorsqu'il a repris, Roger Kreps qui interprète Laugier (l'équivalent de Pierre Morhange dans le film de Christophe BARRATIER) avait grandi et ne portait plus le même tricot. Cette discontinuité est visible pendant qu'il chante son solo extrait de "L'hymne à la nuit" de Rameau.

Mais au-delà du tournage chaotique, le contexte de guerre et de dictature pèse d'une autre façon sur le film (dont l'action est censée se dérouler dans les années 30). Il a été tourné dans une véritable maison de correction et la lourde chape répressive qui pèse sur les enfants (qui apparaissent plus comme abandonnés à eux-mêmes que comme délinquants) est bien perceptible. L'humanité introduite par Clément Mathieu (nommé ainsi à partir de Marie-Eugénie Mathieu, mère de NOËL-NOËL) faite de complicité tendre et malicieuse ainsi que de fermeté bienveillante apparaît beaucoup plus naturelle que dans le film "Les Choristes" (2004) où la reconstitution nostalgique est plus forcée (même si on y aborde des thèmes tabous en 1944 comme la pédophilie ou le statut de mère célibataire). De plus le statut d'outcast de Mathieu est beaucoup plus développé dans la "Cage aux rossignols", faisant de lui un grand frère idéal pour les enfants en dépit du fait que l'acteur n'était plus de la première jeunesse. La manière dont il parvient à faire publier son manuscrit et à obtenir la main de Micheline (Micheline Francey) sous les yeux des enfants relève en revanche du conte de fées là où le film de Christophe BARRATIER est plus réaliste et doux-amer.

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L'étrange noël de M. Jack (The Nightmare Before Christmas)

Publié le par Rosalie210

Henry Selick (1993)

L'étrange noël de M. Jack (The Nightmare Before Christmas)


La genèse de ce chef-d'œuvre de l'animation est le reflet de son intrigue. Il y est en effet question de cases, de marginalité et de normalité et au final de mélange des genres.

L'ouverture du film montre des cases ou plutôt des portes dans des arbres. Chacune ouvre sur une fête différente. Mais Halloween et Noël sont-elles réellement à l'opposé l'une de l'autre? La réponse du film jette la confusion. Halloween est joyeusement macabre grâce à l'animation d'esprits et de monstres plein de ressources, d'énergie et de vitalité alors que Noël est triste sous un maquillage festif. Elle se réduit à une succession de pièces vides que l'on remplit avec des objets "politiquement corrects". Il faut dire que son maître est lui-même un pur produit de consommation (issu d'une publicité pour Coca-Cola, faut-il le rappeler ?)

La manière dont Jack Skellington va secouer la torpeur de ces noëls convenus ressemble à s'y méprendre à celle de Tim BURTON employé au sein des studios Disney au début des années 80. Ceux-ci sont alors en panne de créativité et leur vision du monde bien-pensante leur fait rejeter tout ce qui est différent. Pourtant c'est de cette différence que pourrait venir leur revitalisation. Ils refusent donc d'assumer le décalage burtonien qui s'en va alors prouver son talent sous d'autres cieux. Mais le poème écrit par Tim BURTON qui est à la base de "L'étrange Noël de monsieur Jack" reste la propriété de Disney. Burton et le studio se retrouvent donc 10 ans après pour réaliser ce projet, le premier ayant acquis une notoriété suffisante pour crédibiliser l'entreprise et le second ayant un nouveau directeur plus éclairé, Michael Eisner . Néanmoins avant de devenir le 41° long-métrage du studio et de trôner dans ses parcs à thèmes à chaque Halloween, il lui faudra passer par la filiale Touchstone, l'image du film étant décidément trop décalée avec le style bonbonnière habituel de Disney. Tim BURTON a réussi au bout du compte à casser les codes et à faire accepter à l'Amérique son côté sombre (comme avec les films Batman) et ambivalent ce qui n'est pas une mince affaire dans un pays marqué par un mode de pensée manichéen qui veut maîtriser le monde en collant des étiquettes à chacun.

La réussite totale du film n'est cependant pas seulement due à Tim BURTON. Il s'est appuyé autant par manque de temps que de savoir-faire sur Henry SELICK, un spécialiste de l'animation en stop-motion qui n'avait pas eu droit aux honneurs d'un long-métrage depuis des décennies. Le succès du film ouvre la porte à d'autres longs-métrages de ce type qu'ils soient réalisés par Tim BURTON, Henry SELICK ou d'autres (Wes ANDERSON, Nick PARK etc.) Et la musique de Danny ELFMAN est tout simplement exceptionnelle. Les chansons envahissantes des films Disney sont la plupart du temps convenues et superflues. Ici elles font corps avec la narration et la mise en scène, contribuant à leur lisibilité et à leur dynamisme.

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Last Days

Publié le par Rosalie210

Gus Van Sant (2005)

Last Days

"Last Days" est le troisième film de la trilogie de la mort tournée par Gus Van SANT entre 2002 et 2005. Il partage avec les deux autres opus "Gerry" (2002) et "Elephant" (2003) le caractère d'élégie funèbre en mémoire d'adolescents ou d'adultes fauchés en pleine jeunesse, le dispositif expérimental et dépouillé et enfin une origine puisée dans des faits réels. "Gerry" (2002) évoquait l'histoire de deux garçons qui s'étaient perdus dans le désert dont un seul avait réussi à survivre. "Elephant (2003)" s'inspirait librement de la tuerie du lycée de Columbine."Last Days" est dédié à Kurt COBAIN car bien que le héros s'appelle Blake, il est évident qu'il s'agit du fantôme du chanteur du groupe Nirvana qui s'est suicidé en 1994 à l'âge de 27 ans. En dépit de son apparence flottante, le film comporte beaucoup de détails extrêmement précis relatifs aux derniers jours du chanteur. Comme son double réel, le compte à rebours commence lorsque Blake s'échappe du centre de désintoxication où il était enfermé. L'événement (comme tout ce qui est relatif aux faits) reste hors-champ. On le devine au bracelet que Blake porte au poignet, au rituel de purification auquel il s'adonne lorsqu'il traverse la forêt et enfin à un coup de téléphone où son évasion est évoquée. Blake comme Kurt COBAIN porte un pull rayé noir et rouge. Gus Van SANT utilise magnifiquement cette couleur sur les vêtements du chanteur pour créer un contraste avec la verdure dans laquelle il trouve son principal refuge. On trouve également dans le film, le détective engagé par Courtney LOVE, la femme de Kurt COBAIN et chanteuse du groupe Hole à l'époque, pour le retrouver ainsi que le jardinier qui découvre le corps. Comme le chanteur de Nirvana, Blake a une petite fille qu'il a plus ou moins abandonné et aurait dû partir en tournée en Europe avec son groupe juste après sa désintoxication. Enfin c'est dans la cabane du jardin qu'il écrit sa lettre d'adieu celle qui sera publiée partout ensuite et notamment adressée à ses fans. Blake meurt par overdose mais une carabine est retrouvée à ses côtés. Kurt COBAIN meurt d'un coup de carabine dans la bouche mais l'autopsie révèle qu'il s'était gavé d'héroïne auparavant. C'est bonnet blanc et blanc bonnet.

Ce que ce film très sensoriel (comme les deux autres) nous rend palpable, c'est à quel point Blake lors de ses derniers moments n'était déjà plus présent au monde. Son détachement face au réel fait penser au "Le Feu follet (1963)" et son remake "Oslo, 31 Août" (2011) qui narraient eux aussi les derniers moments d'une personnalité qui avait choisi de se suicider. Blake est décrit comme un fantôme ou un zombie qui se traîne d'une pièce à l'autre, ploie sous un fardeau invisible (mais qui est suggéré par le harcèlement incessant des sonneries de téléphone, les coups à la porte, les allées et venues des amis de passage et surtout l'incursion du détective auquel il réussit à échapper) et ne communique plus avec personne. L'a-t-il jamais fait d'ailleurs tant il semble fuir le contact humain. Dans un plan-séquence extraordinaire qui se compose d'un lent travelling arrière, on le voit jouer seul en simulant son groupe à l'aide d'une machine, le JamMan qui permet de passer en boucle de la musique enregistrée. Cet autisme donne lieu aussi à des scènes comiques décalées lorsqu'il est confronté à un représentant du Big Business ou lorsque deux mormons débarquent pour tenter de convertir à leur foi ces néo-hippies. Mais Blake est bien trop christique pour eux. Sa mort est filmée comme une délivrance, elle lui permet enfin de quitter l'unité de lieu où il était enfermé depuis le début du film ainsi que le champ de la caméra.

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Les Choristes

Publié le par Rosalie210

Christophe Barratier (2004)

Les Choristes

"Les Choristes" est un film populaire à la mise en scène sans prétention mais il a une qualité précieuse qui va avec son titre: il sonne juste. Les huit millions de spectateurs qui sont allés le voir au cinéma ont capté que le film ne parlait pas tant des années 40 (époque où se situe la principale intrigue du film) que de nos jours.

On y voit s'affronter deux conceptions opposées de l'éducation portées par deux personnages qui ont raté leur vie: Rachin le directeur du pensionnat (François BERLÉAND) et Clément Mathieu le surveillant (Gérard JUGNOT). Le premier est un aigri faisant montre d'un autoritarisme excessif, arbitraire et stérile. Il se décharge en effet de ses frustrations sur les enfants dont il a la charge. On remarque également qu'il s'agit d'une personne malhonnête qui s'attribue les mérites des autres pour grapiller des miettes de reconnaissance sociale. Le second est un "petit gris", un homme à l'apparence insignifiante mais qui comme beaucoup de gens qui ne payent pas de mine cache un trésor qu'il cultive en secret. C'est ce qui lui permet de rester humain dans le monde de brutes où il est envoyé, le bien nommé pensionnat du "Fond de l'Etang" où végètent des enfants considérés comme des rebus de la société. Aucun d'entre eux n'est montré comme irrécupérable en soi. En revanche les abus dont ils sont victimes (injustices, coups, attouchements sexuels) sont clairement dénoncés. La décision de Mathieu de leur faire partager sa passion de la musique en créant une chorale produit de la beauté et change l'image que ces enfants se font d'eux-mêmes. D'ailleurs l'une des images les plus célèbres du film montre en ombre chinoise Mathieu en train de corriger leur posture pour les inciter à redresser la tête. La musique de Bruno COULAIS et la voix angélique de Jean-Baptiste MAUNIER dans le rôle de Pierre Morhange ont fait beaucoup pour la réussite du film. Ils masquent tout de même le fait que son dénouement est doux-amer et non d'un utopisme béat: Clément Mathieu, trop anticonformiste est rejeté par l'institution et la mère de Pierre Morhange, Violette (Marie BUNEL) dont le statut de mère célibataire est stigmatisé au point qu'elle ne parvient pas à refaire sa vie.

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La Fièvre du samedi soir (Saturday night fever)

Publié le par Rosalie210

John Badham (1977)

La Fièvre du samedi soir (Saturday night fever)

La discothèque où danse Tony Manero (John TRAVOLTA) s'appelle le "2001 Odyssey". Le passage culte où il s'élève jusqu'à la stratosphère sur la musique non moins culte des The BEE GEES (qui ont composé 5 titres pour le film, tous passés à la postérité) et les lumières psychédéliques du dancefloor n'en finit plus de retomber en pluie d'étoiles filantes sur la culture pop. A commencer par son king. Les pavés du clip "Billie Jean" qui s'illuminent quand Michael JACKSON pose le pied dessus ne sont-ils pas un hommage direct à cet autre extraterrestre de l'apesanteur que de son propre aveu, il admirait? Steven SPIELBERG dans ce merveilleux best of pop qu'est "Ready Player One (2018)" envoie le dancefloor de pavés lumineux multicolores valdinguer dans l'espace alors que le jeu vidéo de World of Warcraft à Fortnite s'est emparé à son tour du mythe (et de sa relecture par Quentin TARANTINO dans "Pulp Fiction (1993)" pour Fortnite).

Tony Manero ça résonne un peu comme Tony Montana et ce n'est pas surprenant. Certes, Brian De PALMA n'avait pas encore réalisé le remake de "Scarface (1983)" mais il avait fait débuter John TRAVOLTA dans "Carrie au bal du Diable (1976)" et d'autre part l'un des modèles d'identification de Tony est Al PACINO dans "Serpico (1973). Même si l'article sociologique sur les affrontements entre bandes de jeunes new-yorkais d'origine italienne, portoricaine ou afro-américaine à l'origine du film de John BADHAM s'est avéré complètement bidon, l'intrigue (et la danse) rappelle la guerre des gangs ethniques de "West side story (1960)". Et l'envie de s'arracher des bas-fonds pour tutoyer les étoiles grâce à un talent exceptionnel est une référence directe à "Rocky (1976)" de Sylvester STALLONE dont Tony a également le poster dans sa chambre. Si l'on subsistue le rap au disco, Détroit à New-York et l'usine au marchand de couleurs, on constate que "La Fièvre du samedi soir" préfigure "8 mile (2001)" avec EMINEM. En dépit de son emballage disco chatoyant (certains diront kitsch mais comparé à "Grease (1978)", "La Fièvre du samedi soir" est très sobre), c'est en effet un film assez sombre et déprimant sur une jeunesse défavorisée, inculte qui végète dans sa fange. La rencontre entre Tony et Stéphanie (Karen Lynn GORNEY) qui veut s'en sortir par tous les moyens (y compris peu recommandables mais le film ne porte pas de jugement et s'avère nuancé) aboutit à un fragile espoir. Le personnage de Tony, très Kéké bourrin au premier abord gagne beaucoup en maturité au cours du film (nourri par le drame personnel de l'acteur qui a perdu sa compagne sur le tournage).

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Lisbonne Story (Lisbon Story)

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1994)

Lisbonne Story (Lisbon Story)

A l'origine, "Lisbonne Story" devait être un documentaire sur la capitale du Portugal. Il est devenu une fiction aux allures de retour aux sources pour Wenders qui reprend énormément d'éléments de ses films précédents. La ville, le cinéaste (Friedrich Monroe joué par Patrick Bauchau), le principe du film dans le film et l'Isetta BMW de "L'Etat des choses", l'écrivain-photographe Philip Winter de "Alice dans les villes" devenu ingénieur du son (mais toujours joué par Rüdiger Vogler), un hommage à un grand cinéaste disparu (Federico Fellini) comme dans "Faux Mouvement" (John Ford), les intermèdes musicaux avec des artistes du cru (Madredeus, groupe de fado qui livre deux chansons envoûtantes), le thème de la frontière (abolie) lors d'un générique mémorable.


"Lisbonne Story" est une réflexion sur le temps au cinéma et sur le cinéma dans le temps (son passé, son présent et son avenir incertain). Un très beau passage montre Manoel de Olivera (l'intervention de cinéastes dans les films de Wenders est également un élément récurrent, l'exemple le plus célèbre se trouvant dans "L'Ami américain") se livrant à une imitation du Vagabond de Chaplin, la caméra qui le filme n'étant autre que celle de Buster Keaton dans "Le Caméraman". Parallèlement, on l'entend réfléchir sur le rôle mémoriel du cinéma "Au cinéma, la caméra peut fixer un moment mais ce moment est déjà passé. Le cinéma garde la trace d'un fantôme de ce moment. Nous ne sommes plus certains que ce moment existe en dehors de la pellicule ou la pellicule garantit-elle l'existence de ce moment? Je ne sais plus." Quant aux plus jeunes, leur manie de tout filmer machinalement au camescope pousse Winter à les traiter de "Vidiots"! Alors que Friedrich est comme sa voiture en panne d'essence (et de sens). Après avoir sans succès tourné en noir et blanc et en muet pour tenter de retrouver l'innocence originelle du cinéma, il en arrive à filmer sans regarder, tout regard étant selon lui pollueur (un cinéma sans point de vue c'est la négation du cinéma!)

Cependant, "Lisbonne Story" échoue à incarner toutes ces idées. Contrairement à d'autres films de Wenders, le film reste trop théorique et manque cruellement d'une dimension humaine. Le cinéma mémoriel prenait vie dans le petit film de famille de "Paris, Texas", la scène du train de "L'Ami américain" ressuscitait les grandes heures du burlesque muet, les artistes (musiciens et cinéastes) étaient aussi de vrais personnages dans les films et pas simplement des citations. "Lisbonne Story" tient trop à distance le spectateur, c'est dommage.

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Parade

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati (1974)

Parade

C'est pour honorer une dette envers la télévision suédoise qui l'avait aidé à terminer "Trafic" que Jacques Tati a conçu "Parade", tourné au Stockholm Cirkus en 1973. Le spectacle alterne numéros de cirque comiques, acrobatiques ou musicaux et pantomimes assurées par M. Loyal, alias Tati himself. Il s'agit pour l'essentiel d'extraits de son numéro de music-hall des années 30 "Impressions sportives", littéralement ressuscité, revivifié d'autant qu'à 67 ans, Tati jouissait encore d'une forme olympique et rayonnait de bonheur. Même s'il savait qu'il s'agissait de son dernier tour de piste et qu'il émane du film une certaine nostalgie, il nous offre un vrai bouquet final plein de joie et de couleurs.

Produit par et pour la télévision, "Parade" est un drôle d'objet filmique, tourné en vidéo mobile comme une émission de télévision mais conçu pour le cinéma. C'est aussi un superbe hommage au spectacle vivant. Pour une fois, la mode seventies s'accorde parfaitement avec le propos et on est émerveillé devant cette débauche de motifs et de couleurs d'autant qu'une partie du public est déguisée. En effet Tati a fait en sorte d'abolir les frontières entre la salle, la scène et les coulisses, leur permettant d'interagir. Les dons d'observation de Tati font merveille et permettent de saisir de vraies petites pépites. Parmi les meilleurs moments, celui du dressage comique de mule, version poétique de la vachette d'"Interville" où deux spectateurs inattendus font partie des plus motivés pour se mesurer à la "bête": un monsieur rondouillard d'un certain âge sans cesse bridé par sa femme et un petit garçon déguisé en cow-boy. Ou encore celui du tennis, l'un des numéros de Tati où le public tourne la tête d'un côté puis de l'autre comme si l'échange de balles avait lieu pour de vrai...jusqu'à ce gros plan où un jeune homme tourne la tête alternativement en direction de deux jeunes et jolies jeunes femmes.

Il y a une si belle énergie dans "Parade", tant de fraîcheur, de passion, de simplicité et de moments de grâce qu'on lui pardonne ses petits moments de faiblesse, surtout dans les 20 dernières minutes. D'autant que la dernière scène où deux enfants s'emparent de la scène pour recréer le spectacle à leur manière est la plus belle façon de tirer sa révérence: en passant le relai aux jeunes générations.

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