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Articles avec #film musical tag

Coco

Publié le par Rosalie210

Lee Unkrich et Adrian Molina (2017)

Coco

La force des scénarios pixariens repose tout entière dans l'angoisse métaphysique de l'anéantissement: la saga "Toy Story" et ses jouets en sursis, "Ratatouille" et sa petite madeleine (de légumes) proustienne, "Le monde de Némo" et les troubles de la mémoire immédiate de Dory, "Vice Versa" et les souvenirs qui s'effacent et maintenant "Coco" qui nous prouve qu'il y a une mort après la mort: celle de l'oubli.

Le film commence comme une joyeuse fiesta colorée qui nous plonge au cœur du folklore mexicain le jour de la fête des morts. En soi ce choix oxymorique est déjà extrêmement fort graphiquement (les images sont d'une beauté renversante), émotionnellement (en liant indissolublement l'amour familial et le chagrin de la perte), spirituellement (en liant les vivants et les morts par le pont du souvenir) et politiquement (en abattant le mur americano mexicain le temps d'une œuvre d'art).

Puis il se resserre sur le parcours de son héros dont la quête d'identité ne peut se résoudre qu'en complétant un puzzle familial amputé de la figure de l'arrière-arrière grand-père. Accusé d'avoir abandonné sa femme et sa fille pour une carrière artistique, il a été banni de l'autel familial en même temps que la musique. Sa photographie ayant été déchirée, il n'existe plus que dans la mémoire de sa fille Coco, laquelle devenue une vieillarde sénile est sur le point de mourir et de l'oublier. Parallèlement, son arrière-arrière petit fils Miguel subit le traumatisme familial qui l'entrave dans sa passion pour la musique. En basculant dans le monde des morts à la faveur de la connexion établie par la fête, il ne joue pas simplement son avenir mais son existence même puisque le temps lui est compté: s'il ne revient pas dans le monde des vivants avant l'aube, son corps se transformera en squelette.

Et c'est avec un certain trouble que l'on effectue le rapprochement avec une autre culture, celle du Japon, son autel des ancêtres avec ses photographies et ses offrandes et la porosité des mondes temporel et spirituel. Un rapprochement qui n'est pas une coïncidence. Il est impossible de ne pas penser au "Voyage de Chihiro" de Miyazaki en regardant "Coco". Quand on sait à quel point John Lasseter et ses équipes le vénèrent, il n'est pas interdit de penser que "Coco" est un hommage au maître de l'animation nippone.

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Dumbo

Publié le par Rosalie210

Ben Sharpsteen (1941)

Dumbo
Dumbo

"Dumbo", le quatrième long-métrage des studios Disney c'est la pureté des émotions du film muet alliée aux expérimentations graphiques surréalistes d'un "Fantasia" ou plus tard d'un "Alice au pays des merveilles".

"Dumbo" décline toutes les figures de l'éléphant dans l'imaginaire humain. Celle du monstre de foire est au cœur de l'histoire du film. "Dumbo" c'est le "vilain petit canard" d'Andersen, le "Freak" de Tod Browning, c'est "Elephant man" de David Lynch avant la lettre, suscitant le mépris, le rejet, les insultes, les moqueries tant chez les humains que chez ses congénères. Les grandes oreilles qui entravent ses mouvements terrestres avant qu'il ne découvre qu'elles lui permettent de voler font penser à "L'Albatros" de Baudelaire. Face à la violence du groupe qui exclue l'être né différent, "Dumbo" est l'innocence même, comme la Gelsomina de la "Strada". Privé de parole (ne peut-il, ne veut-il pas parler?), il est également privé de sa mère qui a été enfermée et mise aux fers pour avoir cherché à la protéger, ultime forme de cruauté qui donne lieu à des scènes poignantes.

Mais si "Dumbo" est profondément triste et mélancolique il est également parcouru de scènes de pure fantaisie. L'expression "voir des éléphants roses" provient d'une incroyable séquence où ayant bu(sans le vouloir) trop de champagne, Dumbo et son ami Timothée sont en proie à des hallucinations proches d'un trip sous acide (lequel ne sera pourtant inventé que deux ans plus tard). Hommage surréaliste à Dali avec lequel Disney travaillera quelques années plus tard sur le court-métrage "Destino", cette séquence complètement dingue est d'une inventivité visuelle... stupéfiante!   

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Billy Elliot

Publié le par Rosalie210

Stephen Daldry (2000)

Billy Elliot

C'est un film extrêmement riche et extrêmement limpide à la fois. Il aurait pu s'intituler "la révolte". Bien que servant de toile de fond au film, il ne s'agit pas de celle des mineurs face à Thatcher en 1984. Pas seulement parce qu'elle est perdue d'avance mais parce qu'elle annonce la fin d'un monde ouvrier communautaire et solidaire mais également étouffant, limité, insulaire, conservateur, conformiste, uniforme. Un monde dont s'accommodait d'ailleurs très bien l'establishment conservateur ("chacun chez soi et les vaches seront bien gardées").

La révolte, la vraie, provient d'un individu "différent" (donc toujours solitaire, exclu ou incompris) dont la créativité n'a pas encore été brisée par le milieu environnant. Un individu donc très jeune forcément, en phase de construction. Ici il s'agit de Billy, 11 ans. Le générique de début, parfait en tous points, nous dit tout de lui. Sur la musique de T.Rex "Cosmic Dancer", il s'élève, encore et encore sur un fond de papier peint lui-même cosmique (mi-mandala, mi-fleurs de cosmos). On ne peut pas mieux exprimer la rage de s'en sortir, de s'extraire du charbon pour les cimaises des salles de spectacle. Plus tard, on verra Billy se heurter puis s'envoler par-dessus les murs.

Le film explique très bien également pourquoi Billy y parvient. Il bénéficie tout d'abord de la situation de crise sociale que l'on a décrite plus haut qui ôte toute perspective d'avenir aux mines et contraint à chercher des solutions ailleurs. Cette crise sociale se double d'une crise familiale provoquée par la mort de la mère. Billy en se cherchant, cherche également à renouer le contact avec elle ce qui passe par la découverte de sa partie féminine à travers l'art de la danse. Là aussi, il s'engage dans une voie créative et résiliente là où son père et son frère grévistes se murent dans leur carapace de "gros durs". Enfin, il rencontre une bonne fée, comme la plupart des personnes ayant pu bénéficier de la méritocratie. Celle-ci est -logique- une professeur de danse qui repère son talent, l'aide à l'épanouir et surtout lui offre une courroie de transmission pour accomplir son rêve. Issue d'une classe sociale plus élevée (soulignée par sa maison et sa voiture), elle possède également un capital culturel qui s'avère déterminant dans le parcours de Billy. Elle lui fait connaître l'école du Royal Ballet et l'inscrit aux auditions.

Enfin le film montre avec beaucoup de justesse que cette ascension (sociale, artistique, spirituelle) ne va pas sans douleur, sans tristesse, sans déchirement. Et ce même si la libération de Billy rejaillit positivement sur sa famille. Son père et son frère s'ouvrent: pas seulement en découvrant un peu plus le vaste monde mais en laissant leurs sentiments s'exprimer. On a beaucoup critiqué la fin "sentimentaliste" du film avec le père qui pleure devant la prestation de son fils aux côtés de son ancien meilleur ami devenu gay et travesti. Elle est certainement "too much" mais elle a du sens. Elle achève en effet de déconstruire les stéréotypes de genre qui enferment les hommes aussi sûrement que le déterminisme social. Un autre titre aurait très bien convenu à Billy Elliot: "Liberté".

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Les aristochats (The Aristocats)

Publié le par Rosalie210

Wolfgang Reitherman (1971)

Les aristochats (The Aristocats)

"Les Aristochats" est un paradoxe dans l'histoire des productions Disney.

D'une part c'est incontestablement un film charmant grâce à trois éléments déterminants:

- Les personnages sont drôles, attachants et gracieux. La famille de Duchesse incarne l'upperclass à la perfection: pedigree impeccables et références culturelles de haute volée (Eva Gabor, Maria Callas, Hector Berlioz, Toulouse-Lautrec). Chez Disney qui préférait les chiens, voir des chats dans les rôles principaux est une nouveauté agréable. Le duo cartoonesque de chiens aux prises avec le majordome fait également partie des meilleurs moments du film ainsi que le duo d'oies anglaises.

- La musique jazzy imprègne le film de son ambiance avec quelques passages mémorables dont le célèbre tube "Tout le monde veut devenir un cat".

- Enfin plusieurs décennies avant "Ratatouille", le film bénéficie d'une atmosphère parisienne rétro où rien ne manque, pas même la voix de Maurice Chevalier, sorti de sa retraite pour l'occasion.

Néanmoins, même si la production du film fut approuvée par Walt Disney avant sa mort, il préfigure déjà le déclin du studio et sa traversée du désert des années 1970 et 1980. Wolfgang Reitherman qui prit le leadership des studios après la mort de Walt Disney était loin d'avoir les mêmes ambitions créatives que son prédécesseur. Il préférait s'appuyer sur des recettes qui marchaient et qu'il réutilisait ad nauseam. Il n'est pas difficile de constater que la trame des "Aristochats" ressemble beaucoup à celle de "La Belle et le Clochard" et des "101 Dalmatiens", tout comme O'Malley est une copie de Baloo et préfigure Petit-Jean car ils sont tous inspirés par le même acteur. Ce manque d'innovation touche aussi l'aspect technique. On remarque par exemple l'abandon de la caméra multiplane et donc l'absence de profondeur de champ dans le film. Enfin, le scénario des "Aristochats" est non seulement une réédition d'œuvres passées mais il est bien trop léger et manque d'unité. On a plus une succession de scènes mal reliées entre elles qu'un véritable film.

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Zombillenium

Publié le par Rosalie210

Arthur du Pins et Alexis Ducord (2017)

Zombillenium

L'animation française a encore frappé très fort avec ce merveilleux film à déguster sans modération qui "déniaise" le genre tout en restant accessible au plus grand nombre (les enfants peuvent l'apprécier dès 5-6 ans).

Zombillenium, c'est une atmosphère, gothique et brumeuse, portée par des graphismes d'une beauté et d'une originalité que l'on avait pas vu depuis longtemps dans le cinéma d'animation. Il n'y a d'ailleurs pas que l'atmosphère qui est originale dans Zombillenium. Le mélange de comédie, d'horreur, d'énergie rock et punk, de lutte des classes et enfin de romance est inédit.

Zombillenium nous scotche également par la puissance avec laquelle il nous parle d'un drame social qui n'était jusque là illustré que par quelques banderoles de la CGT. Le film se situe dans un contexte historique, géographique et sociologique précis, celui du Nord de la France, pas le Nord métropolisé et intégré dans la mondialisation mais le Nord des anciennes mines de charbon et des terrils, sinistré par le chômage. Le générique de début, remarquable de bout en bout, évoque la reconversion économique de la région. A savoir comment le parc d'attraction (activité tertiaire touristique soumise aux lois du capitalisme mondialisé) a poussé sur les ruines de la mine de charbon (dans un contexte de désindustrialisation de la France) alors que les mineurs, pris dans un "coup de grisou" (au sens propre et au sens figuré) devenaient les zombies-employés du parc. Ces zombies "pas assez glamour" contrairement aux vampires scintillants et romantiques néo-Twilight qui font fureur auprès des touristes-consommateurs, les actionnaires veulent définitivement les effacer du paysage en les envoyant trimer dans les tréfonds de l'enfer (qui ressemble étrangement aux barbaresques de la "Folie des grandeurs" de Gérard Oury).

La résistance s'exprime en musique, comme celle des esclaves noir-américains. La puissance des séquences musicales est un autre moment fort du film. Arthur du Pins (auteur de la BD d'origine et réalisateur) et Alexis Ducord (co-réalisateur et scénariste) ont fait appel à Mathieu-Emmanuel Monnaert, alias Mat Bastard, chanteur du groupe punk "Skip the use" pour un concert d'anthologie. Mais l'utilisation de la chanson de Pierre Bachelet "Les Corons" est tout aussi forte.

Seul bémol, un scénario un peu "bateau" avec un personnage en trop, Lucie sans lequel il n'y aurait eu aucun enfant dans le film. Les auteurs n'ont pas très bien réussi à intégrer cette variable enfantine dans leur histoire mais cela reste accessoire au vu de la qualité de l'ensemble.

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Accords et désaccords (Sweet and Lowdown)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1999)

Accords et désaccords (Sweet and Lowdown)

Dans les années 90, les films de Woody Allen m'ont globalement déçue. "Accords et désaccords" est plutôt une heureuse surprise même si je trouve le film au final assez anecdotique. C'est un film d'aficionados où Allen rend hommage à deux de ses grands amours: le guitariste de jazz manouche Django Reinhardt et le cinéaste Federico Fellini.

Comme "Zelig", "Accords et désaccords" est un faux documentaire sur Emmet Ray, un guitariste de jazz des années 30 qui aurait été le meilleur du monde, après Django. Inutile de préciser qu'Emmet Ray n'a jamais existé mais tout est fait pour entretenir l'illusion à l'aide de faux témoignages et de fausses reconstitutions de la vie d'Emmet. Un personnage haut en couleurs, romanesque mais qui à force de refuser l'attachement nous attache bien peu. Et sa façon de jouer n'a rien de gipsy, on s'ennuie assez vite.

Le personnage le plus attachant du film c'est Hattie, la petite amie muette, gauche et pleine de candeur d'Emmet. Hattie c'est la Gelsomina de Woody Allen, la même pureté, la même grâce sacrificielle lancée au cœur du monstre pour enfin le faire renaître humain. Mais Emmet Ray est un personnage trop médiocre pour que cela fonctionne pleinement. Mieux vaut revoir l'original de Fellini plutôt que la copie, aussi bonne soit-elle.

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Amadeus

Publié le par Rosalie210

Milos Forman (1984)

Amadeus

Milos Forman ne pouvait qu'être séduit par le Mozart de la pièce de Shaffer en qui il a sans doute reconnu le frère de Randle McMurphy de Vol au dessus d'un nid de coucous et du hippie de Hair. Tous trois seront rejoints par la suite par Larry Flint et Andy Kaufman de Man on the Moon. L'ADN du héros de Forman, c'est le solitaire incompris, provocateur et anticonformiste aux prises avec une société aliénante qui l'oblige à se sacrifier pour faire triompher son art ou sa cause.

Peu importe que la vie de Mozart ne soit pas retranscrite avec fidélité, ce qui compte c'est la fidélité à l'esprit. Par son iconoclasme, le film est fidèle à ce qu'a été Mozart. Comme tous les génies, il n'entrait dans aucune case et était rétif à tout ce qui pouvait brider son génie créatif. On réalise mieux en visionnant le film l'audace qu'a représenté certains de ses choix comme "L'enlèvement au sérail" ou "Les noces de Figaro". Des choix largement rejetés par la cour viennoise, snob et gangrenée par les querelles de chapelle ce qui a conduit Mozart à composer "La flûte enchantée" pour un public plus populaire.

Autre intérêt majeur du film, l'affrontement entre Mozart et Salieri, deux hommes que tout oppose. D'un côté le jouisseur dont les manières grossières et le rire tonitruant détonent avec le génie musical, de l'autre l'ascète dissimulant sa jalousie derrière ses manières policées et compensant ses frustrations par sa gloutonnerie. Entre eux, une relation complexe, faite de fascination et de répulsion. Salieri a joué le rôle du mauvais génie du compositeur qu'il a contribué à ruiner et dont il a écourté la vie. Mais en s'abaissant ainsi, il s'est aussi condamné lui-même à une interminable agonie. En homme torturé qu'il est, Salieri est capable de reconnaître le génie chez l'autre tout en étant lucide sur sa propre médiocrité. Le film suggère également avec pertinence que Salieri n'est autre que la figure du père castrateur que Mozart n'a jamais réussi à tuer comme le démontre la fin de "Don Giovanni" où le jouisseur est précipité dans les flammes de l'enfer par le Commandeur.

Enfin, une fois n'est pas coutume, je suis très attachée à la VF années 80 de ce film. Les voix de Luq Hamet (Mozart), Claude Giraud (L'empereur) et Jean Topart (Salieri) sont inoubliables.

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La Flûte enchantée (Trollflöjten)

Publié le par Rosalie210

Ingmar Bergman (1975)

La Flûte enchantée (Trollflöjten)

On associe aujourd'hui l'œuvre d'Ingmar Bergman ainsi que l'opéra en général à un certain élitisme. Historiquement, rien n'est plus faux. Le singspiel, genre d'où est issu "La flûte enchantée" se rapproche de l'opéra-comique français de par son mélange des genres (de la farce au drame) tout en puisant son inspiration dans le folklore allemand. C'est justement pour reconnecter l'œuvre de Mozart à ses racines populaires que Bergman a eu l'idée de ce film prévu au départ pour être diffusé à la télévision suédoise. Cette volonté de vulgarisation explique aussi la traduction du livret en suédois, les nombreux plans sur les spectateurs au profil varié (à l'inverse de ce que l'on observe dans une salle d'opéra habituellement) ou les coupes effectuées dans l'histoire. En effet si la musique est célébrissime, l'histoire est des plus absconse, sans doute peuplée de références maçonniques auquel le non-initié ne comprend rien. L'implication politique est d'ailleurs ce qui différencie le singspiel de l'opéra-bouffe ou de l'opérette. Bergman rend les enjeux de l'histoire limpides avec un combat du bien contre le mal et met aussi en valeur l'aspect ludique et enfantin de l'opéra à travers l'oiseleur Papageno notamment qui est assez irrésistible. Il rend également hommage au monde du théâtre en filmant régulièrement ses coulisses ce qui donne lieu à des scènes assez cocasses notamment pendant l'entracte. Son film fusionne ainsi harmonieusement trois arts: le théâtre, l'opéra et le cinéma. En effet de nombreux plans cinématographiques (zooms avant et arrière, champs et contrechamps, plongées et contre-plongées etc.) contredisent l'impression de théâtre filmé qui s'en dégage au premier abord.

Ainsi aux antipodes de l'image que l'on peut s'en faire, Bergman est un formidable passeur de culture et un magnifique peintre du monde de l'enfance. Je peux en témoigner, l'ayant découvert vers l'âge de 10 ans avec une autre œuvre diffusée pour la télévision à l'époque où je n'avais pas accès au cinéma: "Fanny et Alexandre". Un film-testament où il recrée son enfance entre lanterne magique et ténèbres.

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Florence Foster Jenkins

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (2016)

Florence Foster Jenkins

En 2014 deux biopics consacrés à Yves Saint Laurent se sont succédés à quelques mois d'écart. En octobre 2015 et juillet 2016, rebelote avec la vie de la "cantatrice" chantant comme une casserole qui aurait inspiré à Hergé le personnage de la Castafiore, Florence Foster Jenkins. Si le film français de Xavier Giannoli ("Est-ce toi Marguerite, est-ce toi?") se présentait comme une adaptation assez libre, celui de Stephen Frears se veut beaucoup plus fidèle à la véritable histoire de la chanteuse. Néanmoins les deux films ont en commun leur mise en abyme du spectacle cinématographique. Florence/Marguerite est persuadée d'avoir un immense talent et tout son entourage s'évertue à entretenir l'illusion pour la maintenir à flots. Dans les deux cas le mauvais chant trouve ses origines dans les fêlures intérieures de la cantatrice. Chez Giannoli il s'agit d'une compensation à la souffrance d'être délaissée par son mari. Chez Frears le chant est un instinct de survie face aux ravages de la syphilis contractée auprès de son premier mari. Sans occulter les moqueries et réticences dont elle fait l'objet, les films traitent leur personnage avec compassion.

Cependant là ou Giannoli se centrait quasi exclusivement sur son héroïne, Frears fait le choix de dépeindre un trio. Meryl Streep quoique convaincante fait une prestation moins fine que celle de Catherine FROT. En revanche les personnages masculins sont plus travaillés chez Frears. Saint-Clair est une résurrection pour Hugh Grant qui peut de nouveau exceller dans un rôle mêlant plusieurs registres (comique, romantique, mélancolique). Saint-Clair est un acteur raté qui a trouvé un sens à sa vie en protégeant son épouse. Cet objectif moral justifie à ses yeux ses mystifications à l'aide de moyens peu scrupuleux (mensonges, dissimulation, corruption...) qui donnent lieu à des scènes souvent comiques et parfois mélancomiques. Le tout rehaussé par un troisième personnage important, celui du pianiste Cosmé McMoon joué par Simon Helberg lui aussi doué de grands talents comiques pour jouer les ahuris dépassé par le monde de fous dans lequel il est invité à entrer. Peut-être que Frears n'a pas poussé assez loin justement l'aspect déjanté du film. Celui-ci est émouvant, parfois drôle mais il reste un peu trop sage à mon goût pour s'implanter durablement dans les mémoires. 

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La danseuse

Publié le par Rosalie210

Stéphanie Di Giusto (2016)

La danseuse

Stéphanie Di Giusto avait en main des cartes maîtresses pour faire de son premier film une vraie sensation. Force est de constater qu'à l'arrivée, son manque d'audace, son désir de plaire au plus grand nombre (et les calculs qui vont avec) aboutit à un pétard mouillé.

Parmi ces cartes, l'histoire vraie et passionnante de Loïe Fuller, une danseuse homosexuelle de la fin du XIX° siècle cherchant à s'affranchir des diktats masculins dans le domaine de la danse. Au lieu de dévoiler le corps féminin, de l'envisager sous le prisme de l'érotisation, elle le dissimule par un jeu de lumières et de voiles aériens pour mieux le libérer, en faire une matière fluide et souple, métamorphosable à l'infini, ici en fleur, là en papillon. Ce personnage intrigant et magnifique est de plus porté par la prestation incandescente d'une chanteuse-actrice hors-norme, Soko. Si je mets 3 étoiles à ce film, c'est à cause d'elle. Soko n'a pas son pareil pour faire exploser le désir et la sensualité au sein de sociétés corsetées. Sa carrure athlétique, sa beauté sauvage et indomptable fascinent. Elle crame la pellicule en se consumant pour son art. Face à elle, Lily-Rose Deep campe une Isadora Duncan convaincante en jeune rivale aux dents longues pour qui danser est aussi naturel que respirer. Ajoutons enfin l'ambition esthétique du film: la danseuse Jody Sperling a œuvré sur les chorégraphies, et Denoît Debie, chef opérateur de Love ou Spring Breakers, en a dirigé la photographie.

Mais on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. En voulant ratisser large et ne fâcher personne, la réalisatrice a gommé tout ce que la vie de Loïe Fuller avait de sulfureux (en clair son lesbianisme) ce qui brouille aussi bien ses choix créatifs intimement liés à son identité sexuelle que son rapport aux autres femmes, purement et simplement éludé. A la place, on lui prête une relation (fictive évidemment) avec Louis d'Orsay un dandy joué par Gaspard ULLIEL. Un dandy impuissant, à l'image du film.

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