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Articles avec #cinema russe tag

Le Capitaine Volkonogov s'est échappé (Kapitan Volkonogov bezhal)

Publié le par Rosalie210

Natasha Merkulova et Aleksey Chupov (2021)

Le Capitaine Volkonogov s'est échappé (Kapitan Volkonogov bezhal)

Si j'ai quelque chose à reprocher à ce film, c'est son caractère programmatique et un peu mécanique. Une fois que "Le Capitaine Volkonogov s'est echappe" (2021) et surtout, une fois qu'il a reçu (en rêve) la mission qui donne du sens à son évasion, on devine sans peine dans quelle direction le film va et comment il va se terminer. De plus, même si cela est fait d'une manière élégante, parfois même burlesque, l'odyssée du capitaine se résume à des variations autour d'un même enjeu à la manière d'un film à sketches: rencontrer des familles de personnes victimes des purges staliniennes auxquelles il a participé afin d'obtenir un pardon et ainsi, sauver son âme. On objectera que chaque rencontre enrichit un peu plus le tableau de l'effroyable totalitarisme stalinien. Bienvenue dans un système de terreur orwellien et kafkaïen reposant sur la paranoïa et la délation où n'importe qui pouvait être torturé et exécuté non pour les crimes qu'il avait commis mais pour ceux qu'il était susceptibles de commettre sur la foi de ses origines, de ses liens de parenté ou de camaraderies, de ses activités, de ses comportements. Un système dans lequel grâce à des "méthodes spécifiques", des innocents finissaient par avouer une culpabilité imaginaire ce qui justifiait leur élimination bien réelle. Quant aux familles, elle n'étaient pas informées et certaines préféraient pour leur propre survie renier ceux que le régime avait frappé. Un système dans lequel, Volkonogov l'apprend à ses dépends, le chasseur devient le chassé le jour où STALINE décide de retourner les grandes purges contre leurs auteurs afin de les "réévaluer" c'est à dire leur faire porter le chapeau des crimes et de s'en exempter lui-même. D'ailleurs, celui qui poursuit Volkonogov a lui-même une épée de Damoclès sur la tête. Bref, c'est irrespirable et on ressent bien la culture de mort qui règne dans le film ainsi que l'absence de toute humanité (aucun lien n'est possible puisqu'il est aussitôt entaché de soupçon et chacun apparaît comme un mort en sursis). Seulement ce caractère monolithique du film est franchement plombant à la longue en dépit d'une esthétique rétro-futuriste originale (on appréciera particulièrement l'utilisation de la couleur rouge) et de l'interprétation magistrale de Yuriy BORISOV.

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Leto

Publié le par Rosalie210

Kirill Serebrennikov (2018)

Leto

Les reproches que j'ai formulé à propos de "La Fièvre de Petrov", le premier film de Kirill Serebrennikov que j'ai vu sont également en partie valables pour "Leto". Certes, le rythme n'est pas aussi hystérique et épuisant mais on reste dans quelque chose qui ne dépasse pas "l'art pour l'art" qui a donc du mal à atteindre le spectateur. Pourtant sur le papier, le programme était alléchant: revivre les années du rock underground soviétique juste avant la perestroïka, écouter des versions locales de grands standards et voir (en rêve) des remake inventifs de pochettes cultes, assister à des scènes de concert bridées par les autorités soviétiques soucieuses de marquer leur différence par rapport à la "décadence" occidentale et imaginer ce qu'elles auraient pu être sans cette censure (comme dans "La Fièvre de Petrov", le réalisateur abat la cloison entre réalité et fantasme ce qui brouille les repères). Mais il manque à ce bouillonnement formel typique des délires du réalisateur un vrai scénario et des personnages consistants. L'intrigue, famélique s'étire sur deux heures ou plutôt tourne en rond autour d'un triangle amoureux aussi excitant d'une boîte de flageolets. Il faut dire qu'ils ne dépassent pas le stade de la pose et que leurs velléités libertaires sont contredites par un style de vie des plus conventionnel dicté par la société répressive dans laquelle ils vivent (c'est sans doute conforme à la réalité puisqu'ils ont réellement existé mais le réalisateur ne sait pas quoi en faire). C'est quand même un paradoxe de célébrer l'énergie rock en ne s'intéressant qu'à l'emballage au détriment de l'ossature et de la chair. Bref, si on comprend bien l'intention politique de Kirill Serebrennikov qui se pose en rebelle du système, sa personnalité intime, elle, nous échappe.

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La Fièvre de Petrov (Петровы в гриппе, Petrovy v grippe)

Publié le par Rosalie210

Kirill Serebrennikov (2021)

La Fièvre de Petrov (Петровы в гриппе, Petrovy v grippe)

"La Fièvre de Petrov" a été le deuxième long-métrage du cinéaste russe Kirill SEREBRENNIKOV en compétition au festival de Cannes (après "Leto") (2018) et doit sortir dans les salles le 1er décembre 2021. Sa radicalité en a sûrement crispé plus d'un si j'en juge par les spectateurs qui sont sortis de la salle pendant la séance.

Déroutant, "La fièvre de Petrov" l'est, assurément. Et il vaut mieux avoir la tête bien reposée avant tant il frôle l'indigestion, surtout au début. Naviguant entre plusieurs niveaux de temporalité et de réalité, formé de plans-séquence aux mouvements frénétiques et saturés d'informations tant visuelles que sonores permises notamment par la grande profondeur de champ utilisée, "La fièvre de Petrov" nous plonge dans le monde chaotique de son personnage principal, un artiste de BD (double du cinéaste?) qui glisse imperceptiblement (et nous avec) d'une strate à l'autre de sa vie voire en se glissant dans le point de vue d'un autre personnage que lui: présent, passé, fiction, réalité, fantasmes, hallucinations forment une sorte de labyrinthe mental que la caméra parcourt un peu comme au début du film de Brian DE PALMA, "Snake eyes" (1998). Il faut accepter de s'y perdre, de ne pas tout comprendre car cela en vaut la peine. En dépit de son apparence décousue, il s'agit en effet d'un film maîtrisé dont les repères sont des leitmotiv (cercueil, soucoupe, arbre de noël, motifs vestimentaires ou au contraire absence de vêtements) qui tels les fils d'Ariane, permettent de dresser le portrait d'un homme et d'un pays. Celui de l'homme, c'est celui d'un artiste contradictoire. D'un côté c'est un homme malade, alcoolique, voire suicidaire. De l'autre c'est un incessant créatif qui se sert du dérèglement de tous ses sens (pour reprendre la phrase de Rimbaud) afin de créer et qui puise son inspiration dans l'enfance (la sienne au temps de l'URSS et celle de son fils de nos jours finissent par se confondre comme si l'histoire bégayait). Si bien que l'image du corbillard est aussi et en même temps une image festive et que le corps qui s'y laisse prendre s'en échappe pour un extérieur à l'allure de cendres. Il faut dire qu'à l'image de Jafar PANAHI en Iran, Kirill SEREBRENNIKOV subit l'oppression du régime (prison avec sursis et assignation à résidence) ce qui se ressent de par l'aspect confiné du film (ambiance nocturne, couloirs étroits et encombrés, images étouffantes). C'est pourquoi, "La Fièvre de Petrov" est aussi un film politique et sociétal. L'image qu'il donne des russes et de la Russie à de quoi terrifier. A l'image du cinéaste, la société est cadenassée. Les rapports sociaux sont marqués par la violence, tant physique que psychologique et participent de l'ambiance brutale et hystérique qui sature le film. L'environnement est vieillot, poussiéreux, traduisant une économie n'ayant visiblement pas évolué depuis l'URSS. La xénophobie est omniprésente tout comme le sexisme. Quant aux rapports intimes, ils sont plutôt brefs et rugueux, la solitude étant le lot de presque tous les personnages. On apprécia particulièrement la relecture trash de la Reine des neiges qui ressemble davantage à une sorcière qu'à une reine, surtout dans l'époque présente.

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