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Articles avec #thriller tag

Johnny English, le retour (Johnny English Reborn)

Publié le par Rosalie210

Oliver Parker (2011)

Johnny English, le retour (Johnny English Reborn)


"Johnny English le retour" ne bénéficie pas d'un meilleur scénario que le premier film de la saga et certains gags restent très primaires mais question mise en scène, il est bien supérieur. Plus rythmé, plus sophistiqué avec des parodies de passages obligés des films d'espionnage très réussies comme la retraite tibétaine, le tueur à gages à l'apparence inoffensive de femme de ménage chinoise ou les manifestations physiques du stress post-traumatique après l'échec d'une mission vue plusieurs fois en flashback (on retrouve ce leitmotiv aussi dans le deuxième OSS 117 de Michel HAZANAVICIUS, "OSS 117 : Rio ne répond plus") (2007). Les scènes d'action sont également très réussies, en particulier celle de la poursuite entre un Yamakasi adepte de prouesses acrobatiques et un Johnny adepte de solutions pragmatiques du genre ascenseur, échelle ou grue. Un grand moment burlesque qu'on a pu rapprocher de Jacques TATI ou de Blake EDWARDS et qui me fait également penser à la scène de "Les Aventuriers de l arche perdue" (1980) où Indiana Jones abat au pistolet un adversaire qui essayait de lui faire peur en maniant le sabre avec dextérité. Enfin si on peut déplorer l'absence de Ben MILLER, remplacé par un second couteau plus fade (Daniel KALUUYA) ainsi qu'un méchant d'opérette plus "fouine que taupe" (Dominic WEST) il est compensé par le casting féminin de choc entre la psychologue comportementaliste amoureuse de Johnny English (Rosamund PIKE une ancienne James Bond Girl) et la chef du M17 (Gillian ANDERSON, ex agent Scully de X-files).

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Johnny English

Publié le par Rosalie210

Peter Howitt (2003)

Johnny English


En dépit de la prestation très drôle de l'excellent John MALKOVICH, du capital sympathie de Rowan ATKINSON et du talent de l'acteur qui joue Bough, Ben MILLER (que l'on retrouve avec plaisir dans le numéro 3, "Johnny English contre-attaque" (2018), ce premier "Johnny English" n'est pas une franche réussite. Trop poussif, trop statique avec des gags de niveau maternelle assez grossiers et des longueurs (tout ce qui tourne autour du personnage féminin joué par Natalie IMBRUGLIA est raté). Il n'en reste pas moins que Johnny English est un personnage attachant, un grand enfant bien servi par la bouille attendrissante de Rowan ATKINSON. Sa bêtise et sa maladresse dynamitent allègrement les fondements des films du type James Bond. A savoir le virilisme fondé sur la maîtrise et la conquête. Johnny English est un incapable notoire bien qu'il affirme le contraire ce qui ajoute au ridicule ("j'ai la situation bien en main", "vous jouiez encore à la marelle à l'école que j'utilisais déjà ce matériel") et sa virilité lui joue de sales tours que ce soit le chargeur du pistolet qui tombe, ou une partie du canon ou encore sa cravate qui se prend dans un rail de sushis.

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Coraline

Publié le par Rosalie210

Henry Selick (2009)

Coraline
Coraline

La beauté de "Coraline", l'ultime chef-d'œuvre à ce jour de Henry SELICK réside dans son caractère d'oeuvre artisanale dans une industrie envahie par l'image de synthèse déshumanisée. La première séquence -la fabrication d'une poupée de chiffon à partir des restes d'une autre poupée- en offre une mise en abyme saisissante. C'est aussi un conte adapté du roman de Neil Gaiman mais qui s'abreuve également à la source de tous les récits de petites filles qui découvrent une interface ouvrant vers un autre monde: Alice et le wonderland, Wendy et le neverland, Dorothy et Oz ou encore Lucy et Narnia et plus récemment Ofelia et le labyrinthe. En beaucoup plus sombre, Coraline lorgnant vers le récit d'épouvante avec des métamorphoses/déformations angoissantes, des griffes acérées à la "Edward aux mains d argent" (1990) ou "Les Griffes de la nuit" (1984), des boutons noirs cousus à la place des yeux, un tunnel vortex à l'apparence organique. Il est d'ailleurs déconseillé aux plus jeunes.

Coraline est en effet un conte vénéneux sur l'identité et la dualité. L'héroïne s'appelle Coraline mais ses voisins la prénomment tous Caroline. La poupée à son effigie symbolise l'emprise de la sorcière qui elle-même a revêtu l'apparence de sa mère. Et de l'autre côté du tunnel qui se trouve derrière la porte il y a un monde parallèle au sien, un monde identique mais en plus beau, riche, grand, tournant autour d'elle et de ses désirs. Mais ce monde trop beau pour être vrai est un piège constitué de pantins-clones aux yeux cousus et de fleurs carnivores. Le sourire tordu de l'autre mère et celui, forcé par des points de suture de l'autre Wybie, l'utilisation de courtes focales et de séquences oniriques délirantes comme on peut en trouver chez Terry Gilliam* font basculer la féérie dans le cauchemar. Seule Coraline et le chat noir qui l'accompagne parviennent à conserver leur singularité. Coraline restitue même leurs yeux, c'est à dire leur âme à trois enfants qui en avaient étés dépossédés par la sorcière sur fond de ciel étoilé à la Van Gogh. Un moment de pure grâce.

* Je pense en particulier à la séquence complètement déjantée du trapèze. Dans la réalité déjà décalée, l'appartement situé au-dessous de celui de Coraline est occupé par deux vieilles femmes, Spink et Forcible issues du monde du spectacle et qui empaillent leurs fox-terriers, tous identiques, lorsqu'ils meurent en leur cousant en plus des ailes dans le dos. Dans la réalité alternative où le délire est poussé à l'extrême, les chiens reprennent vie et forment le public d'un théâtre où les deux femmes se produisent. L'une prend l'apparence d'une énorme sirène et l'autre d'une version fellinienne de la Vénus de Botticelli. Toutes deux déclament "Hamlet" de Shakespeare avant que tout ne se dézingue et que les corps difformes ne s'avèrent être que des costumes à l'intérieur desquels se cachent deux sylphides faisant du trapèze (Spink et Forcible jeunes?)

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Snake Eyes

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1998)

Snake Eyes

"Snake eyes" est un film malin, divertissant, prenant, à la mise en scène virtuose. La séquence d'ouverture, morceau de bravoure d'une durée de 12 minutes est un faux plan-séquence qui suit les mouvements d'un héros ou plutôt antihéros surexcité et cabotin, Rick Santoro (Nicolas CAGE dans un de ses meilleurs rôles) dans les coulisses du palais des sports d'Atlantic city qui deviendra le théâtre d'un drame se jouant à huis-clos. En parfait maniériste, Brian De PALMA rend ainsi hommage au dispositif de "La Corde" (1948) de Alfred HITCHCOCK qui était conçu pour apparaître comme un unique plan-séquence grâce à des effets trompe l'œil.

D'œil et de regard, il en est beaucoup question dans "Snake eyes". La caméra semble s'enrouler autour des lieux labyrinthiques à la manière d'un serpent et pour cause: l'œil dont il est question, c'est justement celui de la caméra. Au fur et à mesure du déroulement du film, cette scène originelle sera revue plusieurs fois, à chaque fois à partir d'un point de vue différent, donnant peu à peu des clés de compréhension au spectateur placé en position de détective et non de consommateur passif. En effet si la séquence d'ouverture nous annonce d'emblée que les images peuvent mentir (la présentatrice d'un émission TV transforme l'ouragan Jezebel en orage tropical), elles peuvent également servir à résoudre des énigmes. A deux reprises, Rick utilise la vidéo, d'abord pour confondre Tyler (Stan SHAW) puis son soi-disant meilleur ami, Kevin Dunne (Gary SINISE). Au passage, il y perd quelques plumes tout en y gagnant une intégrité qu'il avait perdue depuis longtemps. Le rachat est encore possible pour lui comme le montre le plan où il observe le billet ensanglanté, se disant à lui-même "Je n'ai jamais tué personne". Néanmoins la fin, bien ironique, utilise le double effet kiss cool de la médiatisation: Rick Santoro est célébré comme un héros pour avoir sauvé la vie de Julia Costello (Carla GUGINO) avant que toutes les casseroles qu'il a accumulé au cours de sa carrière de policier corrompu ne lui tombent dessus en même temps. On le voit alors chercher à fuir la caméra après s'être pavané devant elle.

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Johnny English contre-attaque (Johnny English Strikes Again)

Publié le par Rosalie210

David Kerr (2018)

Johnny English contre-attaque (Johnny English Strikes Again)

C'est toujours un plaisir de revoir sur les écrans <st_17619_st/>Rowan ATKINSON<st/>. Il se donne tellement à fond dans le rôle improbable de ce sous-doué de l'espionnage qu'on lui pardonne bien volontiers la légèreté du scénario, ses incohérences (il est bête en espion mais intelligent en professeur) et son caractère décousu. L'essentiel est que l'on passe un bon moment. Les gags ne sont peut-être pas toujours neufs mais ils restent drôles et font de ce film un petit concentré de réjouissances burlesques. Un genre qui au temps du muet a toujours privilégié le gag à la cohérence et à la vraisemblance il faut le rappeler. Johnny English dynamite involontairement plusieurs séquences (une réunion d'espions à la retraite, un restaurant chic, un navire à partir duquel se déroule les cyberattaques). Il est aussi définitivement fâché avec les nouvelles technologies ce qui nous vaut une scène très drôle où muni d'un casque de réalité virtuelle et lâché dans la nature il sème le désordre à Londres. Il finit d'ailleurs harnaché dans une armure du moyen-âge ce qui décrit assez bien où il se situe temporellement. Enfin il est bien épaulé par <st_17030_st/>Emma THOMPSON<st/>, hilarante dans le rôle du premier ministre britannique.

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Sueurs froides (Vertigo)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1958)

Sueurs froides (Vertigo)


"Vertigo" avait été un semi-échec à sa sortie. Aujourd'hui il est considéré comme le plus grand film de Alfred HITCHCOCK et l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma. Il faut dire qu'il le reflète à la perfection. Comme le disait Hélène Frappat à propos de "La Baie des Anges" (1962) de Jacques DEMY "C'est un grand film sur le cinéma (…) cette forme de transfusion artificielle de la vie et du sang dont ont besoin les artistes et les vampires (…) cette forme de maladie ou de vice que l'art constitue dès lors qu'il devient beaucoup plus intense que la vie (…) Le film met en scène la violence qu'il y a à être accroché au royaume des ombres, des spectres et des morts quand tout nous convoque de l'autre côté, vers l'horizon lumineux des vivants." Comme les héros accros au jeu de la "La Baie des Anges" (1962), Scottie (James STEWART) perd tout contact avec la réalité pour le vertige d'une fiction qui l'entraîne toujours plus loin dans la spirale de la folie obsessionnelle. Dès lors qu'il pose les yeux sur Madeleine (Kim NOVAK), une femme-icône fabriquée de toutes pièces pour le manipuler, il s'enflamme et tombe aveuglément dans le panneau. Scottie est obsédé par cette femme qui se dit possédée par une morte. Or c'est le cas: cette femme n'est qu'une image ce qui confère à la passion de Scottie un caractère profondément mortifère comme le confirme la fin du film: derrière l'image il n'y a que du vide. Scottie apparaît moins alors comme une victime (d'accrophobie, de manipulations) que comme un être incapable d'aimer. Les femmes de chair et d'os amoureuses de lui (Madge l'amie de jeunesse jouée par Barbara BEL GEDDES et Judy, sosie réel de la fictive Madeleine) ne parviennent pas à le détourner de son obsession car elles sont à l'image de la vie: imparfaites. Madeleine, la femme parfaite est quant à elle à l'image de la mort: froide, distante, nimbée d'une lumière verte fantomatique qui contraste avec le rouge de la passion que Scottie éprouve à son égard. Tout autour d'eux est dévitalisé et irréel: ce ne sont que lieux vides, cimetières, musées, couronnes mortuaires. Lorsque Scottie veut la faire revivre à travers le corps de Judy, il affirme un peu plus ses fantasmes nécrophiles et fétichistes et son désir de possession. Car Madeleine-Judy n'est à ses yeux qu'une femme-objet, une poupée de chair que l'on habille et que l'on déshabille à sa guise comme Gavin Elster (Tom HELMORE) l'avait fait avant lui. Et si Judy souhaite comme tout le monde être aimée pour elle-même, elle se soumet au regard des hommes comme tant de femmes avant et après elle. "Vertigo" comme d'autres films d'Hitchcock est un grand film sur le regard qui est à la base de l'art éminemment visuel qu'est le cinéma. Le célébrissime générique en est la parfaite illustration.

"Vertigo" est un film matriciel dont l'influence sur la cinéphilie mondiale a été considérable. Chris MARKER et Terry GILLIAM se sont tous deux inscrits dans la généalogie du sequoia géant de "Vertigo", le premier avec "La Jetée" (1963), le second avec son remake, "L Armée des douze singes" (1995). Lui-même est dérivé de "Brazil" (1985) dont la parenté avec "Vertigo" saute aux yeux: un homme qui rêve d'une femme inaccessible et duale (au point de mourir deux fois comme Madeleine-Judy) et qui dans ses cauchemars tombe dans le néant d'une tombe ou d'un cercueil. Autre exemple célèbre de film dérivé de "Vertigo": "Mulholland Drive" (2001) de David LYNCH avec ses personnages d'actrices qui se dédoublent en version blonde et en version brune. Et Brian De PALMA bien sûr dont toute la filmographie est hantée par la figure tutélaire de Alfred HITCHCOCK. 

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Les salauds dorment en paix (Warui yatsu Hodo yoku nemuru)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1960)

Les salauds dorment en paix (Warui yatsu Hodo yoku nemuru)

Méconnu en France sans doute parce qu'il s'agit d'un film noir et non d'un film historique, "Les salauds dorment en paix" est pourtant l'un des plus grands chefs d'œuvre de Akira KUROSAWA, mêlant avec virtuosité cinéma et théatre.

Le film est tout d'abord une satire au vitriol du Japon d'après-guerre gangrené par la corruption. La mise en scène est étourdissante de maîtrise. A l'image de Jean RENOIR, Akira KUROSAWA joue beaucoup sur la profondeur de champ pour instaurer une distance critique avec l'action qui se déroule sous nos yeux. La scène d'ouverture d'une durée de vingt minutes (qui a inspiré Francis Ford COPPOLA pour celle du film "Le Parrain" (1972)) se déroule pendant le banquet de mariage de la fille du patron avec son secrétaire particulier mais un aéropage de journalistes chargé de couvrir l'événement fait des commentaires acerbes et se délecte des incidents au parfum de scandale qui éclatent en direct. Lors d'une autre scène, un employé de la compagnie qui se fait passer pour mort contemple caché dans une voiture le spectacle de ses funérailles durant lesquelles les dirigeants s'inclinent devant son effigie alors qu'une bande magnétique enregistrée à leur insu dévoile leur contentement d'avoir poussé un témoin gênant de leurs pratiques mafieuses au suicide.

Mais là où le film atteint des sommets d'intensité, c'est lorsque sur ce cloaque nauséabond il greffe une tragédie shakespearienne digne de "Hamlet" dont Akira KUROSAWA s'est librement inspiré tout en étant encore plus sombre et fataliste que l'œuvre d'origine. Il y a quelque chose de pourri au pays du soleil levant et c'est la relation filiale qui en paye le prix. En effet les pères s'y révèlent d'une totale indignité. Nishi (Toshirô MIFUNE) veut venger le sien qui l'a jamais reconnu alors que son beau-père n'hésite pas à briser sa fille Yoshiko (Kyôko KAGAWA) pour mieux l'anéantir. Kurosawa semble nous dire qu'en sacrifiant leurs enfants au profit de leur hiérarchie ou de leurs ambitions sociales, les pères privent leur pays d'avenir. La fin se déroule dans un paysage ravagé lié aux stigmates de la guerre qui dans les années 60 ne semble toujours pas terminée. La mort de Nishi, laissée en hors-champ est racontée par un personnage tiers comme celle d'Ophélie dans "Hamlet". Il y a aussi un fantôme, le fameux employé revenu d'entre les morts pour terrifier sa hiérarchie. Et pour confondre son beau-père en public, Nishi commande une pièce montée en forme de scène de crime comme le faisait Hamlet avec les comédiens chargés de rejouer la scène devant le roi.

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Les Oiseaux (The Birds)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1963)

Les Oiseaux (The Birds)

L'une des grande force de ce chef d'œuvre de Alfred HITCHCOCK, c'est son dépouillement. Aucune explication, aucun flashback, aucune enquête, un paysage austère et des cris d'oiseaux pour seule bande-son sur fond de silence post-apocalyptique. La mise en scène créé une atmosphère d'angoisse diffuse qui finit par exploser en scènes de violence proprement cauchemardesques. On pense en particulier à la célèbre scène où Mélanie (Tippi HEDREN) attend près de la porte de l'école pendant que les oiseaux se regroupent dans son dos à son insu. Alfred HITCHCOCK en profite pour promener le spectateur, le mettant partiellement dans la confidence pour maintenir son intérêt mais pas suffisamment pour qu'au moment où Mélanie découvre avec horreur l'apocalypse prête à se déchaîner, il ne soit pas lui aussi saisi d'effroi. Du grand art!

Les "Oiseaux" peut tout à fait s'appréhender dans le sens d'une illustration du passage de "L'introduction à la psychanalyse" où Freud évoque les trois découvertes scientifiques qui ont remis en question les représentations que l'homme se faisait de lui-même et de sa place dans l'univers: "La première fois, ce fut lorsqu'elle a montré que la terre, loin d'être le centre de l'univers, ne forme qu'une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première démonstration se rattache pour nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine'ait déjà annoncé quelque chose de semblable. Le second démenti fut infligé à l'humanité par la recherche biologique, lorsqu'elle a réduit à rien les prétentions de l'homme à une place privilégiée dans l'ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l'indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s'est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Ch. Darwin, de Wallace' et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains. Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique."

En effet les "Oiseaux" s'apparente à une revanche (ou selon une lecture religieuse, à une punition) des forces de la nature sur la prétention des hommes à vouloir dominer leur environnement et leurs émotions. La scène finale montre un paysage saturé et contrôlé par les volatiles, un paysage que les hommes vaincus doivent abandonner, chassés de leurs maisons (non sans qu'auparavant, ceux-ci ne leur ait fait sentir ce que cela fait d'être en cage). Plusieurs scènes parmi les plus terrifiantes montrent Mélanie se faire attaquer par les volatiles alors qu'elle est confinée dans un espace clos dont elle ne peut pas sortir (une cabine téléphonique, un salon puis une chambre). Mélanie est perçue comme une intruse dont l'arrivée à Bodega Bey perturbe l'équilibre qui y régnait. Pour Lydia (Jessica TANDY) la mère de Mitch (Rod TAYLOR), elle est une dangereuse rivale qui menace de lui voler son fils d'autant qu'elle lui ressemble en plus jeune. Pour Annie (Suzanne PLESHETTE) l'institutrice qui a renoncé à Mitch tout en ne parvenant pas à se séparer de lui, elle est une projection de la séductrice idéale (d'autant que Annie est brune et Melanie blonde). Les attaques dont est victime Mélanie peuvent donc être vues comme celles de l'inconscient de ces femmes. Mais l'inverse est également vrai car elles sont également toutes deux attaquées par les oiseaux.

L'acharnement des oiseaux sur les enfants peut s'expliquer comme une punition divine cherchant à priver l'homme de sa descendance afin que la nature reprenne ses droits comme le montre la prise de possession des oiseaux sur la maison de Mitch. Mais il est aussi un reflet des carences parentales subies dans l'enfance par Mélanie abandonnée par sa mère et par Mitch dont la mère se comporte en petite fille ou en amante jalouse (quant au père, il est inexistant pour Mélanie et décédé chez Mitch). Les hommes sont ainsi vus comme des oiseaux contre-nature qui au lieu de couver leurs oeufs les dévorent. Il est d'ailleurs significatif que le film se dénoue sur l'adoption de Mélanie par la mère de Mitch. Une Mélanie dépouillée de sa carapace et redevenue une petite fille démunie à la suite des traumatismes infligés par les oiseaux alors qu'au contraire Lydia y trouve un accomplissement, se sentant plus forte et plus indispensable.

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Take Shelter

Publié le par Rosalie210

Jeff Nichols (2011)

Take Shelter

A sa sortie, le film de Jeff NICHOLS avait été encensé mais je n'avais pas du tout accroché. Depuis, les critiques ont réévalué le réalisateur à la baisse alors qu'en revoyant son deuxième film j'ai réévalué mon opinion à la hausse tout en conservant de sérieuses réserves. La principale est que je ne parviens jamais à ressentir la moindre ambiguïté quant à la dimension où se déroule l'apocalypse décrite dans le film. Hormis la dernière scène (qui du coup me semble complètement artificielle), nous n'avons que le point de vue de Curtis LaForche (Michael SHANNON) qui nous est montré (de façon répétitive qui plus est!) se réveillant dans son lit après des cauchemars ou visions de plus en plus terrifiants. Par conséquent, l'interprétation qui l'emporte largement de mon point de vue est celle d'un dérèglement mental interne (lourdement) appuyé par ses visites aux psychologues et à sa mère diagnostiquée schizophrène paranoïde. La vision des éclairs zébrant le ciel que Curtis est seul à voir fait également penser aux fissures qui apparaissent dans les murs de "Répulsion (1965)" de Roman POLANSKI, film qui parlait également d'un personnage s'enfonçant peu à peu dans la folie. La désagrégation mentale du personnage se traduit par la perte de contrôle de sa vie: il s'endette, perd son travail, se débarrasse de son chien, tourne le dos à ses amis, met sa femme à distance. En revanche il adopte un comportement fusionnel avec sa fille sourde-muette (donc atteinte d'un handicap qui la coupe du monde, comme lui?)

Si je trouve cette lecture individualiste plutôt convaincante bien que non exempte de maladresses (d'autant que Michael SHANNON est excellent), je le suis moins dès qu'il s'agit de la relier au cosmos. Pour que la croyance en une apocalypse prenne, il aurait fallu décentrer le regard du personnage principal et montrer un microcosme globalement déréglé comme le fait Gus Van SANT dans "Elephant" (2003), film choral dépeignant les derniers instants d'une communauté avant sa désintégration ou Alfred HITCHCOCK dans "Les Oiseaux" (1962), film auquel on pense forcément lorsqu'on évoque le thème du jugement dernier. La scène où Curtis se la joue prophète de malheur dans la salle des fêtes tombe comme un cheveu sur la soupe étant donné que dans toutes les scènes qui précédaient, il semblait convaincu que le problème venait de lui même si cela affectait ses rapports aux autres et au monde. Et ces "autres" et ce "monde" sont trop peu développés pour que l'on y croie. Si bien qu'au bout d'un moment le film finit par sérieusement se déliter et nous repousser loin des personnages.

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L'Ange Ivre (Yoidore tenshi)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1948)

L'Ange Ivre (Yoidore tenshi)

"L'Ange Ivre" est un film important dans la carrière de Akira KUROSAWA. C'est le premier qu'il estime vraiment personnel et c'est sa première collaboration avec Toshirô MIFUNE dont le talent et le charisme sont tels qu'il éclipse le principal protagoniste, le docteur Sanada (Takashi SHIMURA) qui donne pourtant son titre au film. Akira KUROSAWA conscient de son énorme potentiel n'a pas voulu le brider au détriment parfois de l'harmonie de son film. Au niveau du style également, il y a une hésitation entre plusieurs influences occidentales: le film noir américain, le néoréalisme italien et l'expressionnisme allemand. Cette hétérogénéité affecte la continuité de la narration visuelle d'autant qu'il y a aussi quelques lourdeurs démonstratives ici et là (la rose jetée dans la mare, quelques sermons un peu trop appuyés).

En dépit de ces réserves, "L"Ange Ivre" est un film très puissant. L'interprétation habitée de Toshirô MIFUNE y est pour beaucoup mais l'histoire et la mise en scène également.

Le film plonge dans les bas-fonds de la capitale du Japon ravagée par la guerre (le film date de 1948) mais également par un autre cancer, celui des yakuzas qui, profitant du chaos ambiant font régner leur loi rétrograde sur les bas quartiers. Akira KUROSAWA utilise une métaphore limpide: celle du marigot putride, centre de gravité du quartier, des personnages et du film. Par ses images organiques de gaz s'échappant du cloaque et de sueur dégoulinant des visages il parvient à rendre tangible pour le spectateur l'atmosphère malsaine qui règne dans le quartier et gangrène les corps et les esprits. Au milieu de ce taudis, Sanada, sorte de mère Thérésa japonaise, fait figure d'ange sauveur et rédempteur. Médecin des pauvres, il lutte avec acharnement contre les maux qui rongent le quartier, recueillant les "chiens errants" et essayant d'arracher les plus jeunes à la fatalité. Il ne se contente pas de soigner les corps, il se dresse aussi contre l'emprise des mentalités féodales qui règne encore sur les esprits. Il essaye par exemple d'empêcher Miyo son infirmière de replonger dans la pègre par esprit de sacrifice. En cela il est le porte-voix des convictions éclairées et humanistes du cinéaste.

Plus on avance dans le film, plus on constate que Sanada a tout d'un ange déchu. C'est un raté vivant au milieu des ordures qui n'a pas su s'élever et qui noie ses désillusions dans l'alcool (d'où le titre oxymorique "L'Ange Ivre"). Lorsque Matsunaga (Toshirô MIFUNE) entre dans son cabinet pour soigner sa blessure à la main, Sanada se reconnaît une filiation avec ce jeune chien fou(gueux) blessé à mort qu'il tente de guérir et de sortir du trou (à tous les sens du terme). Sous ses airs rugueux et son comportement de caïd ultra-violent, la maladie qui ronge Matsunaga de l'intérieur le fait de plus en plus apparaître pour ce qu'il est réellement: un orphelin solitaire, perdu, fragile et démuni qui n'a que le code d'honneur des yakuzas à quoi se raccrocher dans la vie. Mais les deux hommes ont beaucoup de mal à communiquer ce qui complique leur relation. Ils utilisent davantage les coups et les insultes que les mots qui apaisent. Ils ne parviennent à communier que dans l'alcool, un poison dont la toxicité compromet encore davantage le rétablissement de Matsunaga. Ce dernier finit par s'attacher au médecin qu'il tente de protéger des assauts de la pègre mais lâché par cette dernière qui ne tolère aucune faiblesse, il se sacrifie pour sauver son honneur et protéger le seul foyer qu'il ait connu, celui du médecin. La scène du corps à corps dans la peinture avec le yakuza Okada (Reisaburô YAMAMOTO) préfigure celle du flic et du voyou dans la boue de "Chien enragé" (1949). Matsunaga meurt d'ailleurs les bras en croix, achevant sa métamorphose de gangster en ange sacrificiel et rédempteur. Grâce à lui, le docteur peut continuer son oeuvre d'utilité publique en paix.

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