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Articles avec #thriller tag

Contact

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (1997)

Contact

"Contact" est un chef d'oeuvre de la hard science-fiction. Comme "2001, l'Odyssée de l'espace" de Kubrick et "Interstellar" de Nolan, autres must du genre, il s'appuie sur des bases scientifiques solides. Il s'agit de l'adaptation du roman éponyme de l'astronome américain Carl Sagan qui a collaboré à l'élaboration du programme SETI (recherche d'émissions intelligentes avec un réseau de radio-télescopes) dont il est question dans le film.

Mais livre et film se distinguent des autres œuvres du genre par le fait de reposer entièrement sur les épaules d'une héroïne dont l'histoire personnelle se confond avec son obsession: capter un message venu du fin fond de l'espace. Brillante astrophysicienne, Ellie Arroway (Jodie Foster) est aussi une femme seule au monde. Pas seulement parce qu'elle est orpheline (elle a perdu sa mère à la naissance et son père à l'âge de 9 ans), mais aussi parce qu'elle est une femme dans un monde d'hommes et une idéaliste se débattant au sein d'un milieu corrompu par l'argent et le pouvoir. Son supérieur, Dave Drumlin (Tom Skerritt) machiste bouffi, "conseiller de deux présidents" et "membre honoraire à vie de l'académie nationale des sciences" incarne l'un et l'autre et n'a de cesse que de lui couper l'herbe sous le pied ou de s'accaparer ses découvertes. C'est lui que l'on voit dans les médias, lui qui apparaît au côté du président, lui qui est désigné pour effectuer le voyage vers Vega.

Mais Ellie a "dieu" (John Hurt, milliardaire excentrique et omniscient qui vit dans l'espace) avec elle. La confrontation entre la religion et la science est l'autre grand thème du film. Les découvertes d'Ellie suscitent l'hostilité des créationnistes qui tentent de saboter la mission. Elle-même en est écartée parce qu'elle n'a pas la foi, or selon le comité chargé de la sélection de l'astronaute chargé d'aller sur Vega, l'élu doit être croyant pour représenter 95% de l'humanité (j'ai du mal à croire qu'il n'y ait que 5% d'athées dans le monde mais bon...) Enfin son histoire d'amour compliquée et contrariée avec le fervent chrétien Palmer Joss (Matthew McCONAUGHEY) symbolise ce qui sépare foi et science mais aussi ce qui les réunit: la recherche d'un sens à l'existence.

Ellie Arroway est une héroïne profondément zemeckienne: indépendante, passionnée, intègre, perfectionniste, obstinée. Comme Doc dans la saga "Retour vers le futur", c'est une scientifique géniale mais en marge du système. Elle est le prolongement à l'ère contemporaine de Clara Clayton dans "Retour vers le futur III": le père de la hard science-fiction n'est autre que Jules Verne, figure tutélaire de Doc et de Clara.

Mais "Contact" n'est pas seulement passionnant sur le fond, il l'est aussi dans sa forme. Zemeckis multiplie des morceaux de bravoure technique qui ont fait date. L'introduction de 3 minutes, magistral travelling arrière partant de la terre jusqu'aux confins de l'univers est accompagné d'une bande-son qui suggère la remontée du temps: les années 90,80,70,60,50,40 et enfin 30 ou plus exactement 36, date de la première retransmission d'un événement (les Jeux Olympiques de Berlin) dans l'espace et qui 60 ans après a été capté sur Vega. On ne peut mieux suggérer la distorsion de l'espace-temps qui est centrale dans tout film sur les voyages spatiaux. Zemeckis nous fait également le coup des images d'archives falsifiées comme dans "Forrest Gump", la Warner a d'ailleurs reçu par la suite un avertissement de la Maison Blanche pour avoir utilisé sans autorisation des images de Bill Clinton, insérées de manière bluffante dans le film. Depuis 20 ans, les cinéphiles sont fascinés par l'incroyable trucage du plan séquence du miroir où Ellie enfant (Jena Malone) découvre son père décédé au bas des escaliers. Lorsqu'elle repart au premier étage chercher son médicament, la caméra "traverse" le miroir de la salle de bain et tout est vu en reflet inversé. Enfin lorsque Ellie découvre Vega, son ravissement est si total et si profond que Zemeckis utilise la technique du morphing pour nous montrer brièvement le visage de l'enfant qu'elle était se superposer à son visage adulte

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Dracula (Bram Stoker's Dracula)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1992)

Dracula (Bram Stoker's Dracula)


Un film est inséparable du contexte dans lequel il a été réalisé. L'adaptation du "Dracula" de Bram Stoker par Francis Ford Coppola, aussi déroutante que fascinante a la force d'une évidence. Se déroulant en 1897, date de la sortie du livre, elle lui est extrêmement fidèle narrativement tout en exacerbant la dimension romantique et sexuelle du mythe vampirique. Le sexe et la mort y sont d'autant plus inextricablement liés que l'époque s'y prête. Les maladies vénériennes du XIX° couvrent l'angoisse de l'épidémie de sida qui fait rage au début des années 1990 lorsque sort le film. D'où l'importance donnée aux maladies du sang, à la contamination et aux plans anachroniques montrant des globules.

Mais le film n'a rien de clinique, bien au contraire, il se singularise par sa mise en scène digne d'un opéra baroque, surchargée d'effets somptueux parfois à la limite du kitsch. Nombre d'entre eux proviennent du cinéma muet auquel Coppola rend un hommage appuyé au détour d'une scène qui montre la projection des vues Lumière. Mais c'est surtout à l'expressionnisme qu'il se réfère. L'ombre démesurée du comte qui se meut de façon autonome rappelle le film de Murnau, de même que le plan menaçant du navire qui contient le mal dans ses flancs, prêt à se répandre. Les ornements et superpositions rappellent quant à eux la mise en scène de Peter Greenaway ainsi que les costumes extravagants.

Toute cette flamboyance est mise au service du thème de la passion qui est centrale dans le film. La scène inaugurale en ombres chinoises montre le chevalier Vlad tournant le dos à la passion religieuse et guerrière des chrétiens trucidant les Ottomans et se damnant par amour pour son épouse Elisabetha qui en se suicidant a été excommuniée. La passion amoureuse a fait de lui un vampire condamné à aspirer l'énergie vitale des vivants pour l'éternité. C'est pourquoi seule une réincarnation de son épouse défunte peut briser la malédiction en l'aidant à mourir en paix. Et à la différence de Murnau (où elle se sacrifie) et de Stoker (où elle est agressée), Mina tombe passionnément amoureuse de Dracula et réciproquement. C'est cette dimension qui m'a particulièrement marquée. Ce n'est pas pour rien que l'on dit de quelqu'un qui tombe amoureux qu'il est "mordu". En effet quel contraste entre la fiancée prude de Jonathan Harker (dont la fadeur est liée également à l'interprétation peu expressive de Keanu Reeves) et l'amante enflammée et luxurieuse de Dracula, semblable à ses maîtresses vampires. Winona Ryder nous offre là l'un de ses plus beaux rôles. Il en est de même pour Gary Oldman, lui aussi tout en dualités et métamorphoses. Vieux papy cynique et desséché, singe en rut, rats, ombre et vapeur, toutes ces apparences soulignent son inhumanité. Mais en retrouvant son amour perdu, il devient un jeune dandy au charme envoûtant dont la délicatesse et la mélancolie touchent au coeur.

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La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2017)

La Forme de l'Eau (The Shape of Water)

"La Forme de l'Eau" mérite sa réputation par sa richesse narrative et formelle nourrie de multiples références sans que pour autant le film n'y perde en originalité et en personnalité. La filiation avec "Le Labyrinthe de Pan", l'œuvre phare de Guillermo Del Toro est très forte. Le fantastique et l'atmosphère onirique de conte servent dans les deux cas à protéger une innocente de la brutalité de la guerre et de ses suites (espagnole dans "Le Labyrinthe de Pan", froide dans "La Forme de l'Eau"). Celle-ci est incarnée à chaque fois par un ogre terrifiant, incarnation la plus brutale du mâle alpha tueur et tortionnaire. Dans les deux cas aussi, l'eau enveloppe et protège comme à l'intérieur d'un ventre maternel (de manière littérale dans "La Forme de l'Eau", symbolique dans "Le Labyrinthe de Pan" où l'héroïne s'appelle Ofelia) alors que le corps des ogres est mutilé (les doigts putrescents de Strickland équivalent à la joue entaillée de Vidal avec l'élément liquide en plus). Ces différents niveaux de réalité sont représentés spatialement de façon verticale (surface/monde souterrain dans "Le Labyrinthe de Pan", premier étage où flottent en apesanteur Elisa et son voisin/cinéma au rez-de-chaussée qui nourrit l'imaginaire/laboratoire bunkerisé qui contient les forces obscures qui nourrissent l'imaginaire en surface).

"La Forme de l'Eau" bien que se situant dans les années 50-60 au temps de la guerre froide nous parle d'une guerre bien actuelle. Guillermo Del Toro est d'origine mexicaine et son film est traversé par la barda. Il s'offre la jouissance (et nous la offre) de la revanche des opprimés sur l'oppresseur. D'un côté les minorités ethniques latinos et noire, les handicapés, les homosexuels, les femmes et même un espion soviétique déserteur réunis sous la bannière du dieu "freak" homme-poisson. De l'autre le mâle wasp, incarnation aux USA du blanc dominateur qui affirme que dieu est humain et a un visage proche du sien. Celui qui tue, torture, harcèle, humilie mais qui incarne en surface l'american way of life bien propre sur lui avec sa maison, sa femme, ses enfants et sa Cadillac. C'est par l'objet de sa puissance phallique et destructrice qu'il nous est présenté, la première rencontre avec Elisa se fait dans les toilettes lorsqu'il pose son gourdin-taser sur le lavabo (principe masculin contre principe féminin). Sa bouche carnassière concassant des bonbons est aussi un leitmotiv marquant. C'est aussi toute sa faiblesse qui nous est montrée lorsqu'il s'avère incapable de concevoir qu'il s'est fait rouler dans la farine par ces femmes de ménage qu'il méprise. Son incapacité à sonder le mystère et la grandeur de l'autre lui est fatal.

Jean-Pierre Jeunet a récemment accusé Guillermo Del Toro d'avoir copié des séquences entières de "Délicatessen" dans "La Forme de l'Eau". Les ressemblances sautent en effet aux yeux. Le visuel de "La Forme de l'Eau" en tons bleu-vert-jaune comme à l'intérieur d'un aquarium et l'esthétique rétro rappellent "Délicatessen", du moins chez Elisa et son voisin. La scène où leurs pieds dansent en rythme avec la TV alors qu'ils sont assis sur le canapé existe à l'identique dans "Délicatessen" de même que celle de l'inondation de la salle de bain pour se créer une bulle d'amour avec l'âtre aimé face à l'hostilité du monde extérieur. Mais outre qu'il devrait être flatté d'être une source d'inspiration, lui-même n'est pas parti de rien comme le disait un article du magazine Utopia consacré à "Délicatessen" et daté de 1991 "C'est tout pompé sur l'immense Brazil! Mais c'est bien pompé, ça c'est sûr!". Guillermo Del Toro était d'ailleurs le premier à rappeler tout ce que lui et Jeunet devaient à Terry Gilliam, l'initiateur de cette esthétique rétro-futuriste et de ce ton à la fois romantique, onirique et joyeusement désespéré.

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Starship Troopers

Publié le par Rosalie210

Paul Verhoeven (1997)

Starship Troopers

En 1948, George Orwell avait fusionné le nazisme et le stalinisme pour nous dépeindre un terrifiant monde totalitaire. En 1997, Paul Verhoeven tourne un film mi sitcom/mi blockbuster de SF qui reprend tous les codes du nazisme (uniformes, emblèmes...) pour mieux tourner en dérision la société américaine. Tout y est:

- L'impérialisme avec le mythe de la frontière. L'attaque du fort et le contexte spatial se réfèrent clairement au western et au space opera. Dans les deux cas les "cafards" et "arachnides" remplacent les indiens, aliens et autres communistes. Si Verhoeven avait tourné le film 20 ans plus tard il aurait également fait allusion aux attentats islamistes. Le point commun étant que tous ces ennemis de la nation américaine sont montrés tels que les va-t-en-guerre se les représentent: des nuisible à exterminer. Et qu'aussi répugnants et dangereux soient-ils, les insectes ne font que défendre leur territoire alors que les humains eux ne supportent pas leur simple existence et cherchent à les éradiquer de l'univers.

- La propagande médiatique et la pornographie de la société du spectacle. Verhoeven reprend délibérément les codes du "Triomphe de la volonté", le film nazi de Léni Riefenstahl qu'il mélange à des slogans publicitaires, des reportages en caméra embarquée voire des fake news. La novlangue de la guerre du Golfe est très présente: "vitrifier", "passer la serpillière" remplacent les "dommages collatéraux" et autres "pacifications". Verhoeven filme délibérément la violence de façon obscène ("vous voulez en voir plus"? remplace "vous voulez en savoir plus"?) ce qui fait d'autant plus ressortir l'hypocrisie des cartons de censure dans les films de propagande.

- Le "décérébrage" de la jeunesse américaine, montrée comme une armée formatée de Ken et de Barbie (sourire éclatant, machoire carrée) docile, superficielle, parfaitement manipulable et qui au final ressemble aux insectes qu'ils combattent: de la matière cervicale et de la chair à canon. Les acteurs ont été volontairement choisis dans des casting de séries B et de soap opera et ils en ont le profil. Ils représentent parfaitement l'homme nouveau rêvé par les régimes totalitaires. C'est cette fusion qui fait réfléchir si l'on décode correctement le film.

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Hamlet

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1996)

Hamlet

"Hamlet" est l'œuvre-somme de Shakespeare et Branagh, lui répondant en miroir en a fait son film-somme. Une œuvre monumentale de 4 heures (en version longue) pour laquelle Branagh a convoqué différents pans de la mémoire du cinéma hollywoodien dans ce qu'il a de plus puissant, de plus spectaculaire. Cela va du muet (la séquence finale en montage alterné et suspense dilaté fait penser à "Naissance d'une nation" de D.W. Griffith) jusqu'aux grandes fresques des années 50-60 comme le "Docteur Jivago" de David Lean (choix du format 70 mm, des paysages enneigés et de l'actrice principale Julie Christie pour jouer Gertrude) ou "Ben-Hur" de William Wyler (également pour le 70 mm, la durée de 4 heures et Charlton Heston qui joue le chef de la troupe des comédiens).

C'est donc du très grand spectacle qui nous est offert. Mais c'est aussi une réflexion sur le spectacle et son rapport avec la vie. Le jeu de miroirs accentue le théâtre dans le théâtre qui est au cœur de la pièce. Il s'agit du célèbre passage de mise en abyme où des comédiens rejouent la scène du meurtre de Hamlet père par son frère Claudius dont la réaction épidermique a valeur d'aveu. Le simulacre de la pièce dans la pièce accouche d'une vérité (de plusieurs même puisque Claudius comprend à cette occasion qu'Hamlet connaît son secret). A l'inverse, lorsque la pièce "imite" la vie, elle prend l'allure d'une énorme mascarade sociale. Claudius, forcé de dissimuler son crime joue la comédie à tout le monde et Hamlet excelle à feindre la folie furieuse pour déstabiliser son entourage. Sans parler des scènes ou celui-ci se sait observé derrière un rideau ou un miroir sans tain et en rajoute à l'intention de son public.

"Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark". Effectivement le royaume-monde dans lequel se déroule le film, clos sur lui-même, entouré de grilles, de bibliothèques, de rideaux, de miroirs a quelque chose de terriblement claustrophobique. La transposition de cet univers dans un XIX° très "fin de siècle" en accentue le caractère décadent. C'est en effet à cette époque que l'aristocratie anglo-saxonne, rongée par la consanguinité s'est progressivement éteinte. Or ce "Hamlet" met particulièrement bien en valeur l'aspect nihiliste, "no future" de l'histoire. Les enfants de "Hamlet" sont pris au piège de relations incestueuses dont ils ne parviennent pas à se défaire. C'est évidemment le péché originel de Claudius-serpent qui convoite le trône et la femme de son frère aîné et s'en empare par le crime. C'est Hamlet fils, privé d'identité propre qui en dépit de ses atermoiements (eux-mêmes troubles) ne parvient pas à devenir autre chose que le bras armé de la statue du commandeur qu'est son père. Il finit dans le film littéralement crucifié. C'est également Ophélie, rejetée par Hamlet qui la défend de concevoir et l'enjoint d'entrer dans un couvent. Ophélie dont l'amour pour Hamlet ne fait pas le poids face à l'emprise de son père Polonius dont elle ne supportera pas la mort. Les images claustrophobiques s'accentuent alors et on voit cette pauvre Ophélie se jeter contre la grille qui la sépare du corps de son père puis se cogner contre les murs de sa cellule de contention dans sa camisole de force jusqu'à ce qu'elle en dérobe la clé et aille se jeter dans la rivière pour le rejoindre.

Dans ce contexte verrouillé, il n'est guère étonnant que tout ce petit monde s'entretue jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne. Le royaume d'Elseneur, envahi de toutes part s'écroule alors comme un château de cartes. Et le film de refermer la boucle en rappelant que les statues réputées les plus indéboulonnables meurent aussi (une référence sans doute à "Octobre" d'Eisenstein où la statue du Tsar est brisée). Toute forme de passion (pouvoir, argent, plaisir) n'est-elle pas que vanité en ce bas-monde ou rien ne dure?

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Eyes Wide Shut

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1999)

Eyes Wide Shut

Dernier film de Kubrick fidèlement adapté d'un roman d'Arthur Schnitzler "Rien qu'un rêve", "Eyes Wide Shut" est une oeuvre magistrale sur la pulsion érotique et son dévoiement par les élites sociales qui en ont fait un instrument de pouvoir.

"Eyes Wide Shut" ("Les yeux grands fermés") est construit sur une série de dualités en constante interactions. La première de ces dualités est évidemment sociale. Il y a deux mondes dans "Eyes Wide Shut": celui de l'arc-en-ciel et ses lumières multicolores qui symbolise la masse. Et celui de l'élite décadente, une petite société secrète se livrant à des rituels occultes sataniques. Bill et Alice Hartford (Tom Cruise et Nicole Kidman) bien qu'aisés appartiennent au premier monde mais ils sont inexorablement attirés par le second. Chacun d'eux rêve de transgresser les limites pour y pénétrer. "Bill" utilise son fric et son insigne pour se frayer un passage sans jamais parvenir à faire illusion (il est démasqué à la soirée parce qu'il est venu en taxi alors que les grands de ce monde se déplacent en limousine). Quant à "Alice", elle regarde un peu trop du côté du miroir. Les tentateurs et tentatrices qu'ils rencontrent au bal organisé par l'un des riches clients de Bill, Ziegler (joué par Sydney Pollack) leur promettent le 7eme ciel qui se trouve non "Under the Rainbow" mais "Over the Rainbow".

Mais comme chaque réalité est porteuse de son contraire, on suit la nage en eaux troubles de ce couple entre des dualités aux limites de plus en plus poreuses. Le rêve et la réalité s'entremêlent, le présent côtoie le passé (la valse de Vienne 1900, la Renaissance vénitienne), le mariage monogame subit les assauts de la débauche anonyme, les masques s'allient avec la nudité comme la lumière avec l'obscurité et le mensonge avec la vérité. Chaque proposition sexuelle que reçoit Bill possède un pendant morbide qui prend la forme d'un cadavre, du VIH ou d'une overdose. Car la dualité majeure du film est bien entendu celle d'Eros et de Thanatos. L'orgie satanique et ses incantations inversées est une représentation frappante de l'anti-ciel qui exploite et détruit la pulsion sexuelle à des fins mercantiles. On est fasciné par l'impression de vertige qui se dégage de la mise en scène et notamment tous ces travelling labyrinthiques qui ne semblent jamais finir. Même si Bill et Alice finissent par se retrouver non seulement "lucky to be alive" mais chauffés à blanc par leur plongée dans la dialectique du désir.

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Quelque part dans la nuit (Somewhere in the night)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1946)

Quelque part dans la nuit (Somewhere in the night)

"Quelque part dans la nuit", le deuxième film de Mankiewicz sorti en 1946 appartient au genre du film noir par son atmosphère nocturne (comme le titre l'annonce), les lieux de l'action, glauques, et son intrigue alambiquée (ce n'est pas le "Grand Sommeil" mais l'héroïne a quelque chose de Lauren Bacall par son look et ses attitudes).

Mais surtout "Quelque part dans la nuit" est déjà un film personnel. Il est construit autour d'un puzzle identitaire comme bon nombre des films ultérieurs de Mankiewicz. Sauf qu'ici, ce n'est pas un ou plusieurs tiers qui résolvent l'énigme. C'est le personnage principal qui se prend lui-même pour objet d'enquête. Amnésique à la suite d'une blessure de guerre, il part à la recherche d'un lui-même réduit à l'état de traces et dans lequel il ne se reconnaît pas. Le film s'ouvre alors sur une dimension plus intime et explore les thèmes de la renaissance, de la quête identitaire, du double et du libre-arbitre. Ayant failli mourir, le héros revient à la vie dans une nouvelle peau et sous un nouveau nom. Mais il est une coquille vide. Et ce qu'il découvre sur son passé lui fait horreur. Il revient sur les pas de celui qu'il a été et qui est bel et bien mort pour changer la nature de ses actes. On assiste ainsi au dédoublement du héros. Larry Cravat avait vendu son âme pour 2 millions de dollars et perdu sa femme, George Taylor remet l'argent à la police, livre tous ses complices et retombe amoureux d'une femme qui s'apparente à une sœur jumelle de celle qu'il a perdu. Si l'on file la métaphore du nom du héros (George "Tailleur" ou bien Larry "Cravate"), on peut dire qu'il effectue des retouches pour que sa vie s'adapte à sa nouvelle personnalité. On peut juste déplorer le manque de charisme de l'acteur qui interprète George Taylor/Larry Cravat cela limite la portée du film et c'est bien dommage.

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Frankenstein

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1994)

Frankenstein

« J'ai imaginé toutes ces machines parce que j'étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J'ai voulu dompter le monde. Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du Pape. Rien ne me rebutait. Tout, pour moi, était sujet d'étude (...) Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux, et plus particulièrement à travers ma peinture, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine. »

Voici ce qu'écrivait Léonard de Vinci dans ses Carnets, vers 1510. L'esprit de la Renaissance humaniste qui imprègne Victor Frankenstein est symbolisé dans le film de de Branagh par le célèbre dessin de Vinci représentant l'Homme de Vitruve, mesure de toute chose et centre du monde. Il est présent aussi à travers l'allusion à la création d'Adam de Michel-Ange lorsque l'électrisation d'Elizabeth et de Victor fait jaillir une étincelle au bout de leurs doigts qui se frôlent.

Cependant l'histoire se situe au siècle des Lumières et de cela également Branagh tire un brillant parti en situant la demeure familiale de Victor dans un château mozartien lumineux et coloré (on y pense d'autant plus qu'Henry Clerval le médecin ami de Victor est joué par Tom Hulce qui 10 ans auparavant incarna Amadeus pour Milos Forman). Seul l'escalier en spirale jette une ombre sur ce décor rationnel et solaire tant il rappelle la tour tordue des films de Whale.

L'ancrage très fort du film dans l'histoire occidentale de la science et des arts s'explique aussi par une analogie évidente. Victor créé la vie exactement comme Branagh réussit à l'insuffler dans les œuvres qu'il adapte: en canalisant les flux énergétiques du cosmos (dont l'être humain est un échantillon) pour qu'ils traversent et animent des corps inertes. Le cinéma de Branagh se caractérise par une énergie à réveiller les morts. Son deuxième film s'intitule "Dead again" mais il aurait pu s'appeler "Born again": Il a revivifié Shakespeare, ressuscité Mary Shelley et fait également sortir de la tombe James Whale. Il y a l'escalier directement transposé du film des années 30 dans le film des années 90. Il y a l'union dans la mort de la créature et de son créateur que Whale n'avait pas pu filmer à cause des studios (qui voulaient un happy end pour Frankenstein et son épouse et censuraient ainsi l'aspect homosexuel/incestueux de sa relation à la créature). Il y a aussi des allusions à la médecine traditionnelle chinoise: le film de Branagh fait référence à l'acupuncture alors que dans celui de Whale, la créature à peine née recherche l'énergie solaire en faisant des gestes avec ses mains très semblables à ceux du Qi-Gong.

Le seul bémol de ce film est lié au fait que le rôle de la créature est moins finement écrit que dans le film de Whale et que Boris Karloff est irremplaçable. 

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Soudain l'été dernier (Suddenly, Last Summer)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1959)

Soudain l'été dernier (Suddenly, Last Summer)

"Soudain, l'été dernier" est une pièce en un acte de Tennessee Williams aux résonances autobiographiques: une mère castratrice, un fils poète à l'homosexualité cachée et honteuse, une sœur (cousine dans le film) fragile ayant subi une lobotomie. En résumé, des personnages incapables d'affronter la dure réalité et s'en protégeant par toutes sortes de mécanismes de défense.

La bonne idée de Mankiewicz est de bâtir son film sur le thème de la cure psychanalytique. En cinéaste traquant la vérité derrière les faux-semblants, il mène à travers son double, le Dr Cukrowicz (Montgomery Clift), une enquête qui couche après couche permet de la percer à jour. Plaçant ses personnages dans un huis-clos étouffant, il les fait évoluer dans une "forêt de symboles" (plantes et oiseaux carnivores, squelettes, fous, dieux, saints, martyrs...) Sauf que cette forêt-là est une jungle si épaisse qu'il faut une certaine patience pour en démêler les lianes. La parole libératrice occupe une place essentielle dans de longues scènes dialoguées ainsi que les réminiscences de la jeune Catherine Holly (jouée par Elisabeth Taylor) dont le traumatisme a été si profond qu'elle a tout oublié pour survivre. Quant à sa tante, Mrs Violet Venable (jouée par Katharine Hepburn), elle s'est réfugiée dans le déni et une posture mégalomane. Ses apparitions saisissantes dans l'ascenseur donnent l'impression qu'il s'agit d'une déesse qui descend des cieux alors qu'elle tente avec son argent de contrôler tout son entourage. Son obsession est de faire taire définitivement Catherine dont les paroles lui sont insupportables.

Mais quel est donc le terrible secret qui lie ces deux femmes? Il s'agit des circonstances exactes de la mort de Sébastien, cousin de l'une et fils de l'autre. Deux récits, deux visions d'un homme double. Une victime expiatoire dévorée par ses proies et un bourreau à la recherche de chair fraîche (la station balnéaire "Cabeza de lobo" signifie "Tête de loup"). Un être manipulé et manipulateur, cherchant à la fois à s'élever dans la sublimation et à se vautrer dans la fange. Sa fin digne d'une tragédie grecque a quelque chose de pasolinien alors que les deux femmes échangent leur place (l'une guérit, l'autre devient folle à son tour).

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L'homme invisible (The invisible Man)

Publié le par Rosalie210

James Whale (1933)

L'homme invisible (The invisible Man)

Il était logique que H.G. Wells et James Whale finissent par se rencontrer. Tous deux d'origine britannique, ils ont œuvré dans le domaine de la science-fiction dont ils ont contribué à façonner les contours. H.G. Wells est avec Jules Verne, le père du genre en littérature. Quant à Whale, il a transposé de façon si marquante l'œuvre de Mary Shelley au début du cinéma parlant que Frankenstein, créature et créateurs confondus, ont pour toujours le visage maquillé de Boris Karloff.

Mais Wells et Whale ont un autre point commun. S'ils se sont projetés dans des univers futuristes ou fantastiques, c'est qu'ils ne se sentaient pas en accord avec la société dans laquelle ils vivaient. Wells avait connu la pauvreté donc le mépris de classe et Whale le rejet en tant qu'homosexuel. Les œuvres de Wells comme "La machine à explorer le temps" ou "Une histoire des temps à venir" comportent beaucoup d'éléments de critique sociale alors que la différence et la marginalité sont au cœur du travail de Whale.

Qu'arrive-t-il lorsqu'un homme qui n'a subi que des humiliations reçoit un pouvoir (l'invisibilité) qui le rend omnipotent c'est à dire semblable à dieu? C'est le questionnement qui hante "L'homme invisible" tout comme une autre britannique ayant connu la pauvreté avant de devenir riche et célèbre: J.K Rowling. Dans la saga "Harry Potter" plusieurs anciens enfants maltraités deviennent de redoutables sorciers dotés d'immenses pouvoirs, dont celui de devenir invisible. Le scientifique n'étant qu'un avatar du sorcier, il est logique que les questions traitées par ces oeuvres soit si proches.

Il en est de même en ce qui concerne leurs réponses. Le pouvoir que s'attribue le docteur Jack Griffin le rend complètement fou. Il régresse jusqu'à éprouver une joie infantile et sauvage à se venger de la société par laquelle il s'est senti écrasé comme il le confie à la femme qu'il aime. Perdant tout sens éthique, il sombre dans le vol et le crime. Même si chez Rowling, la rédemption et le désintéressement existent, la quête du pouvoir absolu est une folie qui se paye cash. Il en est de même pour Jack Griffin que son mal ronge au point de finir par le détruire.

Dans tous les cas, la psychopathologie de l'individu mégalomane se révèle indissociable d'une société elle-même malade. Le mal invisible qui frappe à l'aveugle évoquait hier les "rouges" ou les "bruns", il évoque aujourd'hui "les fous de dieu" suscitant la terreur et la paranoïa et son cercle vicieux d'injustices susceptibles d'entraîner encore plus de violences.   

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