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Sueurs froides (Vertigo)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1958)

Sueurs froides (Vertigo)


"Vertigo" avait été un semi-échec à sa sortie. Aujourd'hui il est considéré comme le plus grand film de Alfred HITCHCOCK et l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma. Il faut dire qu'il le reflète à la perfection. Comme le disait Hélène Frappat à propos de "La Baie des Anges" (1962) de Jacques DEMY "C'est un grand film sur le cinéma (…) cette forme de transfusion artificielle de la vie et du sang dont ont besoin les artistes et les vampires (…) cette forme de maladie ou de vice que l'art constitue dès lors qu'il devient beaucoup plus intense que la vie (…) Le film met en scène la violence qu'il y a à être accroché au royaume des ombres, des spectres et des morts quand tout nous convoque de l'autre côté, vers l'horizon lumineux des vivants." Comme les héros accros au jeu de la "La Baie des Anges" (1962), Scottie (James STEWART) perd tout contact avec la réalité pour le vertige d'une fiction qui l'entraîne toujours plus loin dans la spirale de la folie obsessionnelle. Dès lors qu'il pose les yeux sur Madeleine (Kim NOVAK), une femme-icône fabriquée de toutes pièces pour le manipuler, il s'enflamme et tombe aveuglément dans le panneau. Scottie est obsédé par cette femme qui se dit possédée par une morte. Or c'est le cas: cette femme n'est qu'une image ce qui confère à la passion de Scottie un caractère profondément mortifère comme le confirme la fin du film: derrière l'image il n'y a que du vide. Scottie apparaît moins alors comme une victime (d'accrophobie, de manipulations) que comme un être incapable d'aimer. Les femmes de chair et d'os amoureuses de lui (Madge l'amie de jeunesse jouée par Barbara BEL GEDDES et Judy, sosie réel de la fictive Madeleine) ne parviennent pas à le détourner de son obsession car elles sont à l'image de la vie: imparfaites. Madeleine, la femme parfaite est quant à elle à l'image de la mort: froide, distante, nimbée d'une lumière verte fantomatique qui contraste avec le rouge de la passion que Scottie éprouve à son égard. Tout autour d'eux est dévitalisé et irréel: ce ne sont que lieux vides, cimetières, musées, couronnes mortuaires. Lorsque Scottie veut la faire revivre à travers le corps de Judy, il affirme un peu plus ses fantasmes nécrophiles et fétichistes et son désir de possession. Car Madeleine-Judy n'est à ses yeux qu'une femme-objet, une poupée de chair que l'on habille et que l'on déshabille à sa guise comme Gavin Elster (Tom HELMORE) l'avait fait avant lui. Et si Judy souhaite comme tout le monde être aimée pour elle-même, elle se soumet au regard des hommes comme tant de femmes avant et après elle. "Vertigo" comme d'autres films d'Hitchcock est un grand film sur le regard qui est à la base de l'art éminemment visuel qu'est le cinéma. Le célébrissime générique en est la parfaite illustration.

"Vertigo" est un film matriciel dont l'influence sur la cinéphilie mondiale a été considérable. Chris MARKER et Terry GILLIAM se sont tous deux inscrits dans la généalogie du sequoia géant de "Vertigo", le premier avec "La Jetée" (1963), le second avec son remake, "L Armée des douze singes" (1995). Lui-même est dérivé de "Brazil" (1985) dont la parenté avec "Vertigo" saute aux yeux: un homme qui rêve d'une femme inaccessible et duale (au point de mourir deux fois comme Madeleine-Judy) et qui dans ses cauchemars tombe dans le néant d'une tombe ou d'un cercueil. Autre exemple célèbre de film dérivé de "Vertigo": "Mulholland Drive" (2001) de David LYNCH avec ses personnages d'actrices qui se dédoublent en version blonde et en version brune. Et Brian De PALMA bien sûr dont toute la filmographie est hantée par la figure tutélaire de Alfred HITCHCOCK. 

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