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Viva Varda !

Publié le par Rosalie210

Pierre-Henri Gibert (2023)

Viva Varda !

Un documentaire de plus sur la vie et la carrière de Agnes VARDA? Oui mais celui-ci a une particularité: Agnes VARDA n'en est pas l'instigatrice. En effet, celle-ci a multiplié les analyses de sa propre oeuvre, principalement à la fin de sa carrière. Aussi le film de Pierre-Henri GIBERT a un programme bien défini " Jusqu'au bout, elle a assuré elle-même un monopole du récit sur son propre travail, cadenassant toute parole alternative, réécrivant son histoire et peaufinant sa légende". Une légende noire en lieu et place de la légende rose (ou plutôt mauve) véhiculée par la cinéaste? Pas vraiment. Certes, le film égratigne son image. Il souligne l'insuccès public de la majorité de ses films "A part Sans toit ni loi où elle a fait son million, ça floppe". Il revient aussi sur sa réputation de "freak control" et de pingrerie "Elle avait la réputation d'être très radine, de faire des films avec des bouts de ficelle, en ne payant pas ou très peu. C'est ce que j'entendais de beaucoup de gens du métier. » (Sandrine BONNAIRE). En même temps, avait-elle vraiment le choix? Le film souligne combien elle a dû passer une partie de sa vie à la chasse au financement et en revanche il ne dit pas assez que nombre de ses projets ont échoué ou ont dû être réorientés parce que l'avance sur recettes lui a été refusé (pour "A Christmas Carol") (1965) ou parce que le producteur a exigé un film moins cher (comme pour "Cleo de 5 a 7") (1961). Un cinéaste qu'elle admirait pour son indépendance, John CASSAVETES avait dû lui aussi compter sur le bénévolat de son équipe pour réaliser "Faces" (1968) en dehors des heures de bureau et sur le fil du rasoir: le lui-a-t-on reproché? On peut faire la même remarque concernant son supposé mauvais caractère. Son assistant dans le film rectifie le tir en ajoutant "Et Jean-Luc GODARD ou Francois TRUFFAUT, ils avaient bon caractère peut-être?" Toujours ce "deux poids, deux mesures" dès qu'il s'agit d'une femme qui ne souhaitait pas transiger avec sa liberté artistique.

Ceci étant, le film montre surtout à quel point la réalisatrice était anticonformiste. Il revient sur son choix de s'extraire de son milieu social bourgeois (elle était la fille d'un riche industriel) pour embrasser le monde de l'art, au point d'engloutir l'héritage paternel dans son premier film "La Pointe courte" (1954) et d'épouser un fils de garagiste, lui aussi transfuge social en rupture familiale, Jacques DEMY. Ce dernier a évoqué dans son oeuvre l'impossibilité d'aimer quelqu'un n'appartenant pas à la même classe sociale. On retrouve également dans ses premiers films le thème de la mère célibataire comme un écho à sa rencontre avec Agnes VARDA qui avait décidé d'élever seule sa fille, Rosalie VARDA-DEMY à une époque où cela était mal vu. Par ailleurs, le documentaire évoque la bisexualité de Agnes VARDA, moins connue que celle de Jacques DEMY qui a été pourtant cachée jusqu'en 2008. Une relation complexe dont les moments les plus douloureux l'ont amené à réaliser son film le plus sensible, "Documenteur" (1981) où elle fend son armure d'éternelle Jeanne d'Arc du cinéma pour se mettre à nu. Son intérêt pour les combats et mouvements d'avant-garde, les marginaux et les minorités. Mais le plus réjouissant de tout c'est son côté "vieille dame indigne", quand, ayant atteint un âge avancé, elle envoie plus que jamais balader les convenances pour se faire plaisir en toute liberté, dansant en discothèque, se déguisant en patate, s'offrant la plus improbable des coiffures bicolores (le fou rire de Sandrine BONNAIRE commentant ce look est communicatif), le tout avec une telle joie de vivre qu'on a qu'une envie: la suivre!

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