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Une idylle aux champs (Sunnyside)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1919)

Une idylle aux champs (Sunnyside)

Une idylle aux champs court-métrage réalisé pour la First National en 1919 constitue une régression dans la carrière de Chaplin. A partir d'une idée de départ (ici Charlot dans un décor champêtre), Chaplin développait une histoire en improvisant. Parfois cela aboutissait au meilleur mais ce n'est pas le cas ici. Le manque d'inspiration du réalisateur se fait sentir dans les gags très slapstick qui rappellent la période Essanay, un montage décousu de scènes ayant peu de rapport les unes avec les autres et un final tiré par les cheveux. Le passage le plus connu du film, celui où Charlot danse avec quatre nymphes est un hommage au ballet L'après-midi d'un faune et au danseur Vaslav Nijinsky qui en était le chorégraphe et l'interprète principal. Prise isolément, la séquence a un certain charme mais elle dessert le film en constituant une digression inutile qui nous fait perdre le fil de l'histoire. De plus son caractère poétique est bien trop appuyé pour convaincre.

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Charlot et le masque de fer (The Idle Class)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1921)

Charlot et le masque de fer (The Idle Class)

Un des trois derniers courts-métrages de Chaplin pour la First National où celui-ci s'offre un double rôle (comme il le fera plus tard dans Le Dictateur): celui du vagabond et celui d'un grand bourgeois distrait et alcoolique (un trait récurrent lorsque celui-ci interprète ce genre de personnage). Comme dans le roman du Prince et du pauvre, leur ressemblance va donner lieu à d'amusants quiproquos quand lors d'une soirée déguisée le bourgeois coincé dans son masque de fer voit avec impuissance son sosie prendre sa place. L'occasion encore une fois d'égratigner la upper class ou plutôt la "classe oisive", titre en VO du film. Ce dernier est inégal mais il offre quelques moments franchement hilarants comme celui où le bourgeois découvre qu'il a oublié d'enfiler son pantalon où encore plus drôle, celui où on le croit secoué de sanglots alors qu'il secoue en fait un shaker à cocktails!

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Sexe, mensonges et vidéos (Sex, Lies, and Videotape)

Publié le par Rosalie210

Steven Soderbergh (1989)

Sexe, mensonges et vidéos  (Sex, Lies, and Videotape)

Écrit en moins de deux semaines et tourné avec un budget dérisoire, le premier film de Steven Soderbergh qui obtint la palme d'or à Cannes reste à mes yeux son meilleur film, le plus intimiste, le plus profond, le plus vrai. Notamment parce qu'il fait la part belle au désir féminin, rarement représenté au cinéma avec cette justesse et cette sensibilité délicate.

Depuis la (pseudo) libération sexuelle des années 70, les scènes de sexe ont envahi les écrans de cinéma comme une sorte de passage obligé pour faire le buzz, attirer le public, faire moderne, faire jeune mais la sexualité, elle, est restée taboue. Soderbergh fait l'inverse de cette pornographie ambiante: il laisse les scènes de sexe hors-champ tout en verbalisant, analysant et interrogeant la sexualité et ses faux-semblants à l'aide de brillants dialogues mais aussi de plans de coupe qui mettent en relation le conscient et l'inconscient. Et lorsque l'image semble sur le point de basculer, Graham (le catalyseur de l'histoire) coupe la caméra ce qui agit comme une mise en abyme puisque le mari d'Ann regarde la séquence à la TV et nous, derrière l'écran. Son film aurait pu s'intituler "malaise dans la sexualité" (en référence au livre de Freud "malaise dans la civilisation") tant il met en lumière les facteurs qui font obstacle à son épanouissement dans la société américaine des années 80. Le film tourne autour d'un couple américain upper middle class qui affiche des signes extérieurs de réussite tout en étant rongé par le mal-être. John (Peter Gallagher, odieux macho ténébreux) est avocat, menteur comme un arracheur de dents et fier de son alliance qui lui permet de faire tomber toutes les femmes à ses pieds. Sa femme Ann (Andie MacDowell, pleine de douceur et de détermination), femme au foyer névrosée astique l'intérieur de leur superbe demeure (dont il est le seul propriétaire comme elle le rappelle) avec une obsession de la propreté qui n'a d'égal que son ennui abyssal et ses pulsions refoulées ("vous êtes obsédée par les choses négatives que vous ne pouvez pas contrôler" lui dit son psy). Entre eux, il y a un gouffre insondable. John se console dans les bras de Cynthia (Laetitia San Giacomo), la sœur nymphomane d'Ann, une tenancière de bar qui n'a trouvé que ce moyen pervers pour se venger de celle dont elle jalouse la réussite et les allures de petite femme parfaite. John conçoit la virilité comme une compétition, une course à la performance où il faut écraser les rivaux et collectionner des conquêtes. Ce jeu de massacre a fait au moins une victime: le mystérieux Graham à la troublante beauté androgyne (le "choc" James Spader, fantasmatique pour l'amatrice de shojo manga que j'étais à l'époque avec ses allures bishonen d'adolescent angélique et éthéré). Soi-disant ancien grand ami/double de John, Graham est un perdant meurtri, un homme aux ailes brisées qui s'est retiré de la compétition et du monde. Complètement paumé, il a renoncé à avoir une vie amoureuse (et une vie tout court d'ailleurs), n'a aucune attache, nul lieu où se réfugier. Quant à sa vie sexuelle, elle se limite au visionnage des enregistrements de confessions intimes de femmes rencontrées durant son errance, la caméra tenant lieu de phallus super puissant contre lequel même un John ne peut que se casser les dents (ce qui donne lieu à quelques scènes de revanche bien jouissives).

Mais la caméra agit aussi comme un puissant révélateur. Tel un confesseur, Graham aide ces femmes à accoucher d'elles-mêmes tout en recherchant sans s'en rendre compte sa propre vérité intime, en dehors du système phallocrate. L'éveil d'Ann est la clé du film. N'ayant jamais trouvé elle non plus sa place dans la phallocratie, elle n'a pu accéder au plaisir et en a conclu que le sexe n'était pas pour elle. N'ayant pas été éveillée au désir et à la conscience des besoins de son corps, elle finit par ne plus supporter que son mari la touche et se réfugie dans l'abstinence...et chez le psychanalyste. Jusqu'à ce qu'elle rencontre Graham dont le comportement hors-norme lui ouvre un large espace d'expérimentation permettant d'exprimer sa vraie personnalité. Leur relation est fondée sur une attirance réciproque immédiate et sur une compatibilité sexuelle évidente mais refoulée (cf la scène où Ann observe Graham faire semblant de dormir, celle où elle caresse sensuellement son verre en l'écoutant évoquer son impuissance révélant ainsi son plaisir sexuel à dominer et lui à être dominé etc.) mais elle est entravée par leurs complexes, ignorances, tabous respectifs bref par leur absence de repères. Jusqu'au jour où avec l'aide involontaire de sa soeur (que l'enregistrement de ses confessions pour Graham métamorphose subtilement elle aussi), elle ouvre les yeux sur le naufrage de son mariage, la vacuité de son existence et ses frustrations sexuelles. Elle décide alors de prendre son destin en main (en divorçant et en prenant un emploi), d'assumer son désir pour Graham et de l'obliger à s'ouvrir à elle ("je peux vous aider à résoudre votre problème"). La scène où elle s'empare de la caméra pour la braquer sur Graham, l'empêchant de se dérober malgré sa panique et où elle le met en demeure de s'impliquer ("vous avez changé ma vie" (...) "je quitte mon mari maintenant au moins en partie à cause de vous") marque le début de leur libération (y compris de l'intellectualisation, leur conversation changeant radicalement de nature après leur déblocage sexuel).

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Eternel sunshine of the spotless mind

Publié le par Rosalie210

Michel Gondry (2004)

Eternel sunshine of the spotless mind

Le début du film est en trompe-l'oeil. Ce que l'on croit être une première rencontre est en fait un "éternel retour" cher à Nietzsche (cité explicitement dans le film tout comme le poème d'Alexander Pope d'où est extrait le titre du film.) Eternel sunshine of the spotless mind est un éternel recommencement et l'autopsie d'une relation amoureuse entre deux personnages qui ne peuvent ni s'aimer, ni se séparer. L'attachement entre eux est aussi viscéral que la communication est impossible. Leurs premières rencontres matérialisent leur sentiment commun d'étrangeté. Leur solitude les condamne à se rapprocher que ce soit au bord d'une plage désolée ou bien sur un étang gelé. Et en même temps, la mise en scène souligne leur incapacité à se comprendre au travers de tensions, de silences, de barrières infranchissables (rampe d'escalier, sièges de wagon, rayonnages de bibliothèque etc.) L'idée d'avoir fait jouer à contre-emploi deux acteurs au profil typé est particulièrement brillante. Kate Winslet est l'élément explosif, spontané, déluré, instable du couple. Elle change de couleur de cheveux aussi souvent que ses variations d'humeur. Jim Carrey est à l'inverse un homme triste et introverti voire dépressif car incapable de gérer les conflits (autrement qu'en se défoulant sur les objets). Tous deux crèvent l'écran et forment un couple aussi détonnant qu'attachant.

En guise de (fausse) solution à leur problème de couple, un élément fantastique est introduit dans le film, celui qui consiste à se faire effacer la mémoire. Une tentation très humaine, celle de ne plus souffrir et dont la réalisation s'avère pire que le mal. Outre le fait que l'anesthésie de leurs sentiments prive les personnages de leur humanité elle les prive aussi de leur identité ce qui bénéficie à la société Lacuna dont les pratiques manquent singulièrement d'éthique. Patrick, l'un des employés joué par Elijah Wood vole l'identité de Joël pour devenir le nouveau petit ami de Clémentine, deux autres, Stan et Mary (Mark Ruffalo et Kirsten Dunst) font la nouba chez lui sans se soucier de son existence, Howard le gérant (Tom Wilkinson) s'offre en cadeau bonus Mary avant de lui faire effacer la mémoire etc. C'est pourquoi le film, passionnant de bout en bout, prend la forme originale d'une succession de souvenirs déstructurés engloutis les uns après les autres. Comprenant trop tard la manipulation dont il est l'objet, Joël tente de s'opposer à cet anéantissement avec ses faibles moyens et son combat prend la forme d'une lutte de l'individu contre la machine. A ce jeu là, Gondry est très fort et son cinéma inventif permet de se déplacer aux 4 coins du cerveau de Joël, en reconstituant ses souvenirs de façon très onirique: visages effacés, pans entiers d'images qui s'écroulent, changement brusque de personnage, scènes d'enfance où Gondry joue sur les âges et les échelles (tantôt on a un enfant sous la table, tantôt un Jim Carrey se comportant en enfant entouré de meubles gigantesques, tantôt Kate est une petite fille et tantôt la baby-sitter...)

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Une journée de plaisir (A Day's Pleasure)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1919)

Une journée de plaisir (A Day's Pleasure)

Court-métrage tardif tourné pour la First National, Une journée de plaisir résonne comme une ironique antiphrase. Dans la peau d'un américain lambda avec une maison, une Ford T et une petite famille, Charlot va vivre une journée pleine de mésaventures. Au menu, une excursion en bateau particulièrement mouvementée, une bagarre avec un mari jaloux et un incident mémorable à un carrefour avec deux policiers dont Charlot se débarrasse en les collant dans le goudron. Les gags tournent le plus souvent autour d'objets récalcitrants comme un transat impossible à monter qu'il finit par jeter par-dessus bord ou une voiture qui met un temps fou à démarrer. Ce rapport conflictuel aux objets, symboles du matérialisme est récurrent chez Chaplin (c'est le sujet par exemple de Charlot rentre tard). Il contient une critique contre la société industrielle de consommation de masse qui prendra toute son ampleur dans Les Temps modernes. Chaplin plaide pour une sortie du rapport imposé par la société aux objets au profit d'un rapport libre et poétique où l'homme les détourne de leur fonction première (le plus bel exemple d'un tel détournement se trouvant dans La ruée vers l'or). Ainsi il reste le maître de son environnement au lieu d'en devenir l'esclave.

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Charlot fait une cure (The Cure)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1917)

Charlot fait une cure (The Cure)

Dixième des douze courts-métrages réalisés pour la Mutual, Charlot fait une cure est du burlesque pur sans élément dramatique. C'est aussi un des courts-métrages de Chaplin parmi les plus connus et les plus populaires. On retrouve des éléments vus dans les films précédents. Comme dans Charlot patine Eric Campbell fait des avances empressées à Edna Purviance qui cherche à l'éviter en prenant Charlot comme bouclier. Comme dans Charlot rentre tard, Chaplin joue le rôle d'un mondain alcoolisé qui sème la zizanie dans le lieu où il se rend. Au départ, Chaplin devait incarner un employé du centre de cure alors qu’un alcoolique arrivait éméché. Il y avait notamment toute une scène où il réglait la circulation des fauteuils roulants à la manière d’un agent de police à un carrefour, gag qui ne fut pas gardé lorsque Chaplin décida d’inverser les rôles et de jouer le client alcoolique. Chaplin construisait ainsi ses films, petit à petit, par essais successifs jusqu’à ce qu’il soit satisfait du résultat (la construction de l'Emigrant obéit au même schéma). On notera le double sens du mot cure (cure thermale et cure de désintoxication). Guillaume Gallienne s'est inspiré (consciemment ou non) de ce film dans Les garçons et Guillaume à table (2013) pour la séquence où son personnage qui est lui aussi en cure se fait torturer par un masseur sadique. A cette différence près que Charlot ne se laisse pas faire et rend au masseur la monnaie de sa pièce. On est frappé d'ailleurs dans ce film comme dans d'autres par l'aspect chorégraphique des séquences burlesques réglées comme des ballets.

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Charlot rentre tard (One A.M.)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1916)

Charlot rentre tard (One A.M.)

One A.M. (que l'on peut traduire par Une heure du matin mais aussi par Je suis seul), le quatrième film de Chaplin réalisé pour la Mutual est l'unique one man show de sa carrière. Hormis la présence d'un chauffeur de taxi aussi immobile qu'une statue au tout début du film, Chaplin est seul face à la caméra pendant plus de 20 minutes. Il porte le film sur ses épaules et réussit une performance éblouissante. Pour une fois, il passe vraiment de l'autre côté de la barrière sociale et joue le rôle d'un gentleman mondain très riche. Passablement éméché, il veut rentrer chez lui pour aller se coucher mais les objets lui résistent. Bien que ces objets ne soient pas très nombreux, la constante inventivité avec laquelle il les utilise évite toute redite. On pense en particulier à la table tournante qui lui joue bien des tours, au balancier de l'horloge qu'il ne cesse de se prendre dans la figure, à l'escalier aussi difficile à grimper qu'une falaise et qu'il dévale de multiples façons, au lit pivotant qui se dérobe, aux tapis qui glissent et enfin aux nombreuses peaux de bête et animaux empaillés, trophées de chasse que dans son ivresse Charlot croit vivants, prêts à "se venger" de leur bourreau.

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Le port de l'angoisse (To Have and Have Not)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1945)

Le port de l'angoisse (To Have and Have Not)

Adaptation très libre de To Have and have not, qu'Ernest Hemingway estimait être le plus mauvais de ses romans. Une rumeur prétend qu'il aurait mis au défi Hawks, son partenaire de chasse et de pêche de réaliser un bon film à partir de cette oeuvre (à moins que ce ne soit le contraire). Peu importe de toutes façons puisqu'au final, il ne reste rien du roman d'aventures initial et que le film est en revanche la quintessence du cinéma de Hawks (l'influence du film Casablanca est réelle -similitudes dans l'intrigue; le décor et même acteur principal- mais superficielle) Tous les autres films de ce cinéaste qu'ils le précèdent ou en découlent sont bâti sur le canevas de To Have and have not, à savoir:

- Etude des liens de camaraderie d'un petit groupe de personnalités disparates mais partageant la même philosophie de la vie: Morgan (Humphrey Bogart) le mercenaire qui loue son bateau de pêche à de riches clients, Frenchy (Marcel Dalio) le maître d'hôtel, Eddie le vieillard alcoolique gaffeur qui veille à ce que l'âme de Morgan ne se déssèche pas trop (Walter Brennan) etc.

- Respect absolu pour certaines valeurs: professionnalisme, fidélité, loyauté, transparence (se livrer imparfait, tel que l'on est, sans crainte du jugement des autres). Harry Morgan a beau être mercenaire, mauvais payeur et allergique à l'engagement, il obtient plus de considération de la part de Frenchy que n'en reçoivent ses collègues résistants, des "petites natures" amateuristes et idéalistes. De même, le riche client de Morgan, Johnson est descendu en flammes par Howks à cause de sa malhonnêteté, sa maladresse, son arrogance, son manque d'humour, son mépris vis à vis d'Eddie etc.

-Atmosphère chaleureuse et décontractée dans un cadre défini comme une scène de théâtre (ici le port et l'hôtel) permettant de particulièrement mettre en valeur les personnages et les acteurs qui les incarnent au détriment de tout le reste et particulièrement des codes du cinéma de genre. Il y a peu d'action et peu de meurtres dans le film et une partie d'entre eux sont situés hors-champ. En revanche il y a beaucoup plus important: ce cinéma "à hauteur d'homme" qui réduit au maximum la distance qui sépare les personnages de leurs interprètes nous permet d'être très proches de leur ressenti. Et c'est particulièrement important dans To Have and have not où s'accomplit sous nos yeux le coup de foudre Bogart-Bacall au travers de leurs rôles. La première scène, incandescente à tous points de vue ("Anybody got a match?") avec Frenchy/Marcel Dalio en témoin médusé (est-ce son personnage ou est-ce l'acteur qui comprend que quelque chose se passe?), est inoubliable. Grandiose moment de vie intime capté par une caméra.

-Bien qu'elle ait échappée à son pygmalion pour se mettre en couple avec Bogart (Hawks n'avait pas prévu d'aller jusque là et était même plutôt vexé et jaloux!) Lauren Bacall est l'une de ces formidables actrices de caractère qu'il savait découvrir et immortaliser. Dans To Have and have not, elle incarne la femme androgyne hawksienne type, regard qui tue et voix rauque, cette femme qui tout en ayant tous les attributs de la féminité sait tenir tête aux hommes et prendre les initiatives. C'est elle qui séduit, elle qui embrasse, elle qui met au défi son partenaire individualiste de s'engager "si vous avez besoin de moi, vous n'avez qu'à siffler. Vous savez comment faire, Steve? Vous n'avez qu'à serrer les lèvres et souffler.", réplique mythique mainte et mainte fois parodiée ou reprise par la suite.

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L'émigrant (The Immigrant)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1917)

L'émigrant (The Immigrant)

L'émigrant, avant-dernier film réalisé pour la Mutual est l'un des courts-métrages les plus accomplis de Chaplin et ce alors qu'il s'est construit de façon chaotique. Chaplin est parti de la scène du restaurant qui forme la deuxième partie du film puis pour expliquer le fait qu'Edna et Charlot se connaissent, il a eu une idée de génie, celle du prologue expliquant comment ils se sont rencontrés sur un bateau d'émigrants en provenance de l'Europe. De façon encore plus harmonieuse que Charlot violoniste, il mélange le burlesque et le drame social à caractère documentaire sans que jamais l'un ne nuise à l'autre. C'est même l'inverse, chacun de ces deux versants de l'expérience humaine se répondent l'un l'autre et forment un circuit rire-émotion d'une efficacité redoutable. La première partie du film évoque les conditions précaires de voyage en bateau des émigrants pauvres, la deuxième s'attache plutôt à raconter leur difficile intégration. Dans les deux cas, le film juxtapose les joies (les gestes d'attention et de tendresse entre Edna et Charlot, l'artiste providentiel qui les sauve) et les peines (la mort de la mère d'Edna et le vol de ses économies, la pauvreté). Le comique est constant que ce soit dans l'utilisation du roulis du bateau ou dans la figure patibulaire d'Eric Campbell en serveur très près de ses sous et aux méthodes musclées pour faire payer l'addition aux récalcitrants. La vision âpre de l'arrivée des émigrants aux USA, parqués comme des animaux et maltraités a nourri nombre de films ultérieurs sur le sujet comme America America d'Elia Kazan et a également donné de l'eau au moulin des maccarthystes lorsqu'ils accusèrent Chaplin d'antiaméricanisme au début des années 50.

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Les enfants de la chance

Publié le par Rosalie210

Malik Chibane (2016)

Les enfants de la chance

L'intérêt de ce film ne réside ni dans sa mise en scène, très classique, parfois même un peu lourde (les chansons des enfants qui tombent comme un cheveu sur la soupe hormis lors du repas, quelle coïncidence!) ni dans ses personnages pour la plupart archétypaux. L'histoire a un air de déjà vu tant elle est souvent traitée au cinéma (M. Batignolle, Le voyage de Fanny, La Rafle, Au Revoir les enfants etc.) mais elle est tirée de l'histoire vraie d'un survivant de la Shoah, Maurice Grosman (le créateur de l'entreprise de prêt-à-porter CELIO), et a donc valeur de témoignage à l'heure où justement les derniers protagonistes de ces événements disparaissent les uns après les autres. On entend d'ailleurs la voix de Maurice Grosman âgé aujourd'hui de 86 ans à la fin du film. Ce sont ses souvenirs qui forment la trame du film et lui donne au final sa personnalité. Pour survivre, il fallait avoir beaucoup de chance et le destin de Maurice est marqué par la chance. Il se casse la jambe au moment où a lieu la rafle du Vel d'hiv ce qui lui permet d'y échapper puis il est pris en charge par un docteur qui s'avère être un Juste et qui réussit à le garder pendant des années dans son hôpital, prétextant une tuberculose osseuse. Le dortoir de l'hôpital est un refuge même s'il n'est pas totalement à l'abri des exactions des allemands et de la police de Vichy. Le film casse les réflexes manichéens avec le personnage du collaborateur qui n'est autre que le frère du docteur et que celui-ci place sous sa protection quand le vent aura tourné. Ou encore avec les américains qui donnent à l'hôpital un médicament frelaté mortel alors que les allemands ont fait don d'un remède qui sauve deux enfants. Le film vaut enfin par toutes sortes de petits détails qui rappellent le contexte de la guerre, du venin antisémite distillé par Radio Paris aux repas de choux et de carottes liés aux privations.

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