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Whiplash

Publié le par Rosalie210

Damien Chazelle (2014)

Whiplash

Whiplash offre un vrai paradoxe. Les instruments envahissent le cadre, les morceaux jazz (très beaux au demeurant) joués en live saturent l'espace sonore. Mais la vision de l'art et de l'artiste est complètement tordue, biaisée. Le jazz est instrumentalisé, vidé de son identité et de sa substance (à commencer par son terreau afro-américain. Les noirs sont relégués aux marges du film au profit des blancs dominants) Au lieu d'être l'expression d'une sensibilité ou d'une passion, la musique devient objet d'un affrontement musclé entre un professeur sadique et particulièrement retors (vu la façon abjecte dont il feint l'empathie pour soutirer des confidences qui lui servent ensuite à mieux asseoir son pouvoir castrateur) et un élève masochiste qui en redemande. But noblement affirmé de ces séances de tortures psychologiques et physiques: faire sortir le génie qui est en lui ("c'est pour ton bien mon fils.") But inavoué: transformer un "puceau" trop tendre en vrai mec... de boîte gay SM vu les insultes sexistes et homophobes qui pleuvent sur les épaules d'Andrew sommé de s'extirper de sa peau de "tarlouze sodomite" tout en devant se livrer corps et âme à son bourreau. Le réalisateur lui-même affirme s'être inspiré de l'instructeur psychopathe de Full Metal Jacket pour le personnage du professeur. Sa classe ressemble en effet plus à un terrain d'entraînement militaire ou à un ring de boxe qu'à un orchestre. Quant aux élèves terrorisés, ils sont au garde-à-vous, regard à terre, pétrifiés par la peur. Mais on pense également aux jeunesses hitlériennes et au discours que tenait Hitler sur elles "Il ne doit y avoir en elles rien de faible ni de tendre. Le fauve libre et magnifique doit briller dans ses yeux." Andrew adhère si bien à cette idéologie de la virilité (et ses paradoxes cachés mis à jour par Visconti dans Les Damnés), de la (force) brute, de l'individualisme et de la compétition à outrance que l'élève finit par dépasser le maître. On le voit suer sang et eau, sacrifier sa vie personnelle à son objectif mais aussi écraser les autres et finir même par piétiner son maître. Celui-ci en est ravi d'ailleurs. Il a fabriqué un monstre à son image. Et la mise en scène intense, (trop) fascinée finit par distiller une intolérable ambiguïté comme si elle justifiait l'injustifiable au nom d'un prétendu intérêt supérieur. Aucun recul, aucune réflexion, aucun esprit critique possible avec ce genre de mise en scène immersive (une plaie du cinéma contemporain) qui flatte les pulsions en endormant la raison. On est à des années-lumières d'un Kubrick.

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Charlot Marquis (Cruel, Cruel Love)

Publié le par Rosalie210

George Nichols (1914)

Charlot Marquis (Cruel, Cruel Love)

Huitième court-métrage de Chaplin pour la Keystone, Charlot marquis est un film charmant et grande nouveauté, doté d'un vrai scénario à rebondissements. Chaplin joue le rôle d'un gentleman très amoureux de sa fiancée. A la suite d'un quiproquo, celle-ci le croit infidèle et rompt ses fiançailles. Déprimé, Charlot boit ce qu'il croit être du poison et s'imagine déjà en proie aux pires tortures de l'enfer (une séquence onirique à la Méliès très amusante où il se fait piquer les fesses par les fourches des démons). Mais lorsque sa fiancée lui écrit une lettre dans laquelle elle avoue qu'elle a compris son erreur et l'aime toujours, sa souffrance se transforme en panique et il appelle les médecins à son secours. S'ensuit une course contre la montre en montage alterné digne de D.W Griffith. Tout cela pour finalement découvrir que le soi-disant poison n'était en fait que de l'eau. Ce que savait son majordome depuis le début mais il était trop occupé à se fendre la poire pour le lui dire. Après une scène slapstick où Charlot envoie valser tout le monde, il tombe dans les bras de sa fiancée.

Le film fut considéré comme perdu pendant 50 ans jusqu'à la découverte miraculeuse d'une copie en Amérique du sud. Il est d'autant plus précieux qu'il contient une scène que Chaplin reprendra dans l'un de ses derniers films, M. Verdoux. Il s'agit du moment où il boit de l'eau (en croyant boire du poison) puis du lait comme antidote. Dans M. Verdoux, il s'agit de vin.

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Charlot est trop galant (His Favorite Pastime)

Publié le par Rosalie210

George Nichols (1914)

Charlot est trop galant (His Favorite Pastime)

Ce court-métrage de la Keystone sorti en mars 1914 met de nouveau en scène le personnage du vagabond après Tango Tangles où Chaplin incarnait un dandy sans moustache. Mais il y a un point commun entre Charlot est trop galant et son prédécesseur: l'ivresse. Le titre original (His favorite pastime) et le titre alternatif français (Charlot entre le bar et l'amour) annoncent beaucoup mieux la couleur. On y voit le vagabond draguer une jeune femme entre deux cuites de bar en bar. Peggy Pearce est connue pour être la première relation "sérieuse" que Chaplin eut à Hollywood. Un flirt plutôt qu'une vraie liaison, l'actrice vivant encore chez ses parents et ne voulant pas dépasser certaines limites. C'est le seul film où ils apparaissent ensemble.

Ce film en annonce d'autres de la période Essanay, Mutual et First National. On y voit Charlot de nouveau utiliser le comique de transposition en se servant d'une saucisse comme d'un cigare. On le voit également se battre avec des portes battantes récalcitrantes, former un duo comique de poivrots avec Roscoe Arbuckle et se faire expulser manu militari par le mari de la jeune femme de leur maison après une séquence de pur slapstick. Enfin cette comédie nous rappelle qu'à cette époque, les afro-américains n'avaient pas accès à Hollywood et que les noirs étaient joués par des blancs grimés. Sans surprise ceux-ci jouent des rôles d'escla....euh non, de domestiques et le spectateur est censé rire à leurs dépends. Lorsque Chaplin aura le contrôle de ses films il refusera de recourir à l'humour raciste contrairement à ses collègues du burlesque, exprimant ainsi une fibre humaniste qu'il aura l'occasion de manifester souvent par la suite.

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Le Prénom

Publié le par Rosalie210

Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière (2012)

Le Prénom

Le Prénom a été mon film préféré de l'année 2012 au sens de celui auquel je me suis le plus attaché. Les qualités d'écriture de la pièce originale (des dialogues incisifs, mordants et qui font souvent mouche), les thèmes abordés (le film commence de façon légère puis s'alourdit en abordant des questions graves et cette double identité est aussi musicale avec deux morceaux récurrents à la tonalité opposée), la précision et la justesse de l'étude des caractères, des relations familiales et amicales et le jeu remarquable des acteurs compensent plus que largement les (supposées) faiblesses de la mise en scène. D'ailleurs pour ce type de film en huis-clos théâtral, sa discrétion est de mise. On peut également souligner que le film fait la part belle au langage non verbal, aux silences, aux sous-entendus et aux non-dits ce qui n'est pas si courant.

Les personnages sont la chair et l'âme du film. Tous admirablement travaillés ils sont beaucoup moins superficiels et caricaturaux qu'ils en ont l'air. En dépit de leurs imperfections, on s'attache à eux car ils sont humains et croqués avec justesse. Leurs relations sont jubilatoires à observer car le film contient une importante part de satire sociale. Ainsi on remarque très vite qu'il y a deux "camps" au sein de la famille Garaud-Larchet. D'une part celui des coqs de basse-cour phallocrates que la pièce renvoie dos à dos par delà leurs différences d'opinion, de culture, de mode de vie. Vincent (Patrick Bruel) l'agent immobilier titulaire d'un BEP, self-made-man bling-bling prêt à polémiquer pour le plaisir de faire des bons mots (et de se payer la tête des autres) et Pierre (Charles Berling), l'intellectuel normalien bobo de gauche avare et snob monopolisent l'écran et la parole durant la première partie du film. Ils instrumentalisent les sujets de société pour le plaisir de se livrer à des joutes oratoires où chacun essaye de prendre le dessus sur l'autre. Pendant ce temps, la femme de Pierre, "Babou" (Valérie Benguigui) qui a perdu son prénom au profit d'un surnom qui en dit long sur la rabotage dont elle fait l'objet fait le service et ferme sa gueule (hormis de ci, de là de petites remarques acerbes à son mari qui montrent qu'elle en a gros sur la patate). Son ami d'enfance, confident et "prolongement féminin/masculin", Claude (Guillaume de Tonquédec), musicien discret à la sexualité mal définie se contente de rester spectateur tout en subissant les petites vacheries des deux autres. Mais au fur et à mesure de l'histoire, ces deux personnages vont passer de l'ombre à la lumière et livrer ce qu'ils ont au fond de leur coeur quitte à renverser la table. Ce n'est pas un hasard s'ils ont droit chacun à un long monologue qui tranche avec les dialogues certes hilarants mais parfaitement creux de Vincent et de Pierre. Ce n'est pas un hasard non plus si Valérie Benguigui et Guillaume de Tonquédec ont reçu chacun le césar du meilleur second rôle pour leur belle performance. Valérie Benguigui qui moins d'un an plus tard disparaissait prématurément. Enfin n'oublions pas Françoise FABIAN qui fait une petite mais déterminante apparition dans le rôle de la mère de Vincent et Babou.

Le Prénom ne se réduit pas cependant à une opposition binaire entre deux phallocrates et leurs souffre-douleurs. Les premiers sont amenés à dévoiler leurs faiblesses et leurs fragilités. Si au début du film Vincent apparaît sûr de lui, arrogant et narcissique, il perd de sa superbe lorsqu'il est victime d'un lynchage en règle (la scène hilarante de la petite moue). Puis il se prend un scud en pleine figure lancé par sa mère à travers Claude qui lorsqu'il ose enfin prendre sa place devient un rival inattendu auprès de toute la gente féminine ("Mais qu'est ce qu'elles lui trouvent toutes à ce mec?") Claude qui représente la part féminine de Vincent résume très bien leur relation: "tu t'es toujours foutu de ma gueule, tu t'es tenu à distance mais tu m'as protégé comme un frère." Vincent se retrouve ainsi empêtré jusqu'au cou dans ce paradoxe alors que les révélations de Babou mettent à mal la virilité de Pierre. Et c'est tout l'édifice familial patriarcal qui vacille lorsque l'homo macho subit un tel démontage en règle.

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Souvenirs goutte à goutte (Omoide poro poro)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (1991)

Souvenirs goutte à goutte (Omoide poro poro)

En France, Omoide Poro Poro fait partie des oeuvres les moins connues du studio Ghibli. Le film est sorti en 1991 soit bien avant la reconnaissance internationale du studio alors qu'il a été un hit au Japon. En France, il n'a été montré que dans des festivals puis il a fini par sortir en DVD en 2007 et en blu-ray en 2013 uniquement en VO sous-titrée. Pourtant il s'agit d'une oeuvre très riche que tout amoureux du Japon et/ou des oeuvres du duo Miyazaki (ici producteur)/Takahata (ici réalisateur et scénariste) se doit de découvrir.

Omoide poro poro à l'image de son titre est une oeuvre nostalgique et introspective qui effectue un va-et-vient entre deux espaces et deux temporalités. En 1982, l'héroïne, Taeko est une jeune femme de 27 ans qui vit à Tokyo et travaille comme critique littéraire dans un journal. Elle prend quelques jours de congé car elle éprouve le besoin de faire le point. Elle a le sentiment d'avoir pris un faux départ dans la vie. Un faux départ qu'elle fait remonter à 1966 lorsqu'elle avait 10-11 ans, l'âge des premiers pas dans la vie communautaire et sociale, l'âge de l'entrée dans la puberté, l'âge du premier amour. Mais la chenille n'a pas réussi à devenir chrysalide et le papillon qui en est sorti s'est contenté de battre des ailes sans prendre son envol. Résultat, 16 ans plus tard, elle se retrouve dans une ville qu'elle déteste, un travail qui ne la passionne pas et sous le joug de pressions familiales qui cherchent à arranger son mariage. Pour échapper à tout cela, elle décide de passer ses vacances à la campagne dans la région de Yamagata où vit la famille de son beau-frère ce qui va constituer un nouveau départ.

Takahata s'inspire d'un manga au titre homonyme d'Hotaru Okamoto (scénario) et Yūko Tone (dessin), publié en 1988 chez Seirindou. Mais ce manga n'évoque que l'enfance des auteurs, retranscrite fidèlement dans le film sous forme de flashbacks. Les décors sont peints à l'aquarelle comme des vignettes oniriques et les traits des personnages comme ceux du manga sont doux et arrondis. En revanche les passages où Taeko est adulte sont une pure invention de Takahata. Le style se fait plus photo-réaliste, plus documentaire, les traits des visages sont plus marqués pour souligner la différence d'âge et de temporalité.

Le scénario est d'une grande subtilité. Ainsi, le réalisateur n'oppose pas caricaturalement la ville et les champs. Taeko idéalise certes la campagne en laquelle elle voit un retour au pays natal (alors qu'elle n'y est pas née!) mais le cousin de son beau-frère Toshio lui fait découvrir la réalité de ce milieu aussi transformé par l'homme que le milieu urbain: le tourisme de masse dans les stations de ski, l'exode rural et le déclin démographique, le regard rétrograde des citadins, l'âpreté du travail agricole. Toshio et Taeko se sont tous deux heurtés dans leur jeunesse à l'autoritarisme patriarcal mais devenus adultes, ils sont en mesure de faire leurs propres choix. Toshio est plus jeune que Taeko mais plus avancé dans sa quête de lui-même. Il a choisi de vivre et de travailler à la campagne dans l'agriculture biologique (Takahata a une sensibilité écologiste que l'on retrouve dans beaucoup de ses films). Taeko est confrontée à un choix de vie clair: retourner à la ville et continuer dans une voie qui ne lui plaît pas ou réellement s'engager dans une vie d'agricultrice (ou d'épouse d'agricultrice) avec toutes les difficultés que cela implique et en surmontant les préjugés attachés à cette condition. Mais elle découvre que faire la paix avec elle-même est à ce prix.

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Irma la douce

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1963)

Irma la douce

Le début du film nous plonge dans le ventre d'un Paris fantasmé de carton-pâte avec voix-off qui rappelle le début d'Ariane. Et ce n'est que le premier des nombreux échos aux précédents films de Wilder en particulier Sabrina (pour le conte de fée type Cendrillon avec chaussure perdue et Lord-prince charmant), Ariane déjà cité (pour le mixage du conte de fée et du graveleux), Certains l'aiment chaud (le type impuissant ranimé par les bons soins d'Irma ou qui se retrouve dans un espace confiné entouré de filles) et enfin La Garçonnière (Les parties de cartes se substituant au sexe avec le retour du beau couple formé par Jack Lemmon et Shirley Mc Laine ainsi que plusieurs seconds rôles). On est cependant loin de la finesse et de la profondeur des meilleures œuvres de Wilder. Il faut dire que l'opposition caricaturale entre les deux destins dIrma, celui de l'épouse et maman et celui de la putain n'aide pas. Tout semble outrancier, forcé, artificiel, jusqu'à la pirouette finale fantastique dont le seul intérêt est peut-être de remettre en cause le happy-end en rappelant que Nestor n'a pas avoué ses mensonges à Irma qui est persuadée qu'elle a porté l'enfant d'un autre. Mais le mordant des dialogues ravit (ah ce début parfaitement rythmé où Irma embobine ses clients avec des histoires plus mélodramatiques les unes que les autres sur son passé pour qu'ils ajoutent quelques billets.) Quant à la performance de Jack Lemmon dans un triple rôle (Nestor le policier, Nestor le mac et Lord X) elle vaut le détour. Comme presque toujours chez Wilder, les personnages passent par tout un tas d'épreuves (et d'identités) pour obtenir le droit de "se la couler douce". Alors même si Wilder n'est pas l'auteur du sujet tiré d'une comédie musicale à succès de 1956 (livret d'Alexandre Breffort, musique de Marguerite Monnot) même s'il méprisait le résultat et même si le film a mal vieilli (et dure tout de même 2h30!), il serait dommage de passer à côté.

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Spotlight

Publié le par Rosalie210

Tom McCarthy (2015)

Spotlight

Un film dont la sobriété et la pudeur parfois critiquées peuvent être aisément retournées comme étant des qualités:

- Aucun excès de gras: l'intrigue se concentre sur l'essentiel, l'enquête aux ramifications complexes ayant permis de mettre à jour un scandale de pédophilie touchant l'Eglise de la région de Boston. La mise en scène tout comme l'interprétation sont au diapason. Le portrait des journalistes d'investigation se fait "en creux". On perçoit bien leurs différences d'approche, de style, d'origine entre le bourgeois catholique mondain (Walter Robinson joué par Michael Keaton) qui fait jouer ses réseaux du collège au terrain de golf, le jeune bull-terrier adepte du rentre-dedans (Mike Rezendes joué par Mark Ruffalo), la psy qui privilégie le porte-à porte et l'écoute empathique (Sacha Pfeifer jouée par Rachel McAdams) et enfin le rat de bibliothèque taiseux qui épluche et recoupe les registres et les dossiers (Matt Caroll joué par Brian d'Arcy James, acteur moins médiatique que les autres car n'ayant pas eu la chance d'incarner Batman ou Hulk à l'écran). Cependant tout ce qui ne relève pas de l'enquête (et notamment leurs vies privées) est laissé hors-champ.

- L'inscription dans un genre balisé par des films antérieurs à succès, celui du film-dossier ou film-enquête au déroulement haletant pour mieux dissimuler son véritable sujet qui est la mise à jour des rouages d'un système perverti dans une communauté repliée sur elle-même où l'omerta règne. " Il faut un village pour élever un enfant. Il faut un village pour abuser de lui." Le village, c'est Boston, la "plus grande petite ville" des USA et la plus catholique où tout le monde se connaît, où tout le monde sait mais où personne ne dit rien. L' Eglise catholique agit exactement comme la mafia. Elle fait taire les victimes en achetant leurs parents par l'entremise d'avocats véreux. Elle s'infiltre dans les coulisses des institutions et des pouvoirs locaux pour en prendre le contrôle ou faire pression sur eux à la manière d'un lobby. Par la corruption ou par la menace, elle musèle la justice, la police, les médias et les familles. Et quand elle n'y parvient pas, elle isole les brebis galeuses pour mieux les affaiblir comme l'avocat spécialisé dans les affaires de pédophilie, Mitchell Garabedian (joué par Stanley Tucci). D'où l'importance du travail d'équipe mis en avant par le film qui réussit à retrouver, faire parler et fédérer les nombreux protagonistes de cette histoire (victimes, avocats, policiers, prêtres etc.)

-Le film souligne aussi le rôle essentiel joué par les "étrangers" dans le dévoilement de l'affaire. Mitchell Garabedian précise qu'il est arménien et rappelle que l'enquête journalistique à été déclenchée par le nouveau rédacteur en chef du Boston Globe, Marty Baron (Liev Schreiber) qui est juif et originaire de Miami. Tom Mc Carthy le réalisateur avait déjà mis en avant dans un précédent film engagé (The Visitor sur la rencontre entre un professeur du Connecticut et un couple de clandestins) l'importance de l'ouverture à l'étranger pour être revivifié soi-même.

- Enfin le film a une valeur documentaire certaine. Pas seulement parce qu'il s'inspire de faits réels. Mais parce que au fil de l'enquête, il met en lumière l'ampleur des dégâts de ces crimes sur ceux qui en furent victimes: suicides en chaîne et pour les survivants, plongée dans la drogue et l'alcool pour s'anesthésier, ne plus ressentir l'horreur de ces actes criminels et du silence complice qui s'ensuivit. Si bien qu'en plus de s'interroger sur la notion de responsabilité collective, le film est une incitation à parler et à témoigner.

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Charlot danseur (Tango Tangles)

Publié le par Rosalie210

Mack Sennett (1914)

Charlot danseur (Tango Tangles)

Sixième ou septième court-métrage de Chaplin pour la Keystone (selon que l'on compte ou non A Thief Catcher où il fait une courte apparition non créditée), Charlot danseur marque la première apparition au cinéma de l'autre rôle récurrent de Chaplin, celui du dandy ivre. En prime, il ne porte pas encore la moustache dans ce rôle ce qui nous permet de voir qu'il est très jeune. D'autre part même si en dépit du titre en VO on ne le voit pas vraiment danser le tango, on sait qu'il était un danseur très doué et on peut également apprécier ses talents d'acrobate. Enfin c'est le premier film ou il joue sous la direction de Mack Sennett qui réunit les acteurs les plus importants de la Keystone: outre Chaplin, on y trouve Ford Sterling, Roscoe Arbuckle et Chester Conklin. Comme souvent, il s'agit d'une improvisation où trois hommes amoureux de la même fille vont mettre la pagaille sur la piste de danse du dancing de Venice. Le délire atteint même une certaine irrévérence. On voit Ford Sterling embrasser fougueusement Chaplin sur la bouche et les deux hommes esquissent même un striptease. Il faut dire que c'est leur dernier film ensemble alors ils se sont lâchés!

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Charlot et le parapluie (Between Showers)

Publié le par Rosalie210

Henri Lehrman (1914)

Charlot et le parapluie (Between Showers)

Le sujet du film Charlot et le parapluie a été inspiré par les pluies torrentielles qui s'abattirent sur Los Angeles en février 1914, formant d'énormes flaques d'eau qui furent judicieusement exploitées dans le court-métrage. Peu importe qu'aujourd'hui les comédies slapstick de la Keystone soient datées et stéréotypées avec des courses-poursuites, des pugilats, des chutes (dont une dans un lac, le film se déroulant en extérieurs et plus précisément dans un parc public de Los Angeles). Voir Chaplin inventer le personnage du Vagabond (Charlot en VF) de film en film est un vrai bonheur. Dans ce cinquième opus, on commence à voir se dessiner la gestuelle du personnage: le haussement d'épaules, le virage négocié en tournant brusquement et dérapant un pied en l'air, la main couvrant la bouche lorsqu'il éclate de rire, le pied de nez aux forces de l'ordre etc.

D'autre part c'est le dernier film de Chaplin réalisé par Henry Lehrman car les deux hommes ne s'entendaient pas. Lehrman était vraisemblablement jaloux de Chaplin (ou bien il était borné et considérait son jeu non conforme au style maison) et sabotait ou supprimait systématiquement ses meilleurs effets comiques. C'est particulièrement évident ici. Lehrman fait la part belle à Ford Sterling, le rival de Chaplin dans le film et star de la Keystone dont le jeu est fondé sur des codes datés et limités (gestes, mimiques de la pantomime) alors que celui de Chaplin est beaucoup plus intérieur et expressif, donc immédiatement compréhensible par tous, sans frontières géographiques ni temporelles. Ceci explique pourquoi les comédies Keystone auraient sombré dans l'oubli si le style Chaplin ne s'y était pas aventuré et pourquoi celui-ci connut un succès quasi instantané et dès 1915, mondial. Un succès tel et si durable qu'il explique que sa filmographie soit parvenue jusqu'à nous en quasi intégralité alors que 90% des films muets ont disparu à jamais.

 

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Charlot fait du cinéma (A Film Johnnie)

Publié le par Rosalie210

George Nichols (1914)

Charlot fait du cinéma (A Film Johnnie)

Sixième court-métrage de Chaplin pour la Keystone, Charlot fait du cinéma est le premier film de Chaplin réalisé par George Nichols. Hélas, celui-ci ne s'avéra pas plus clairvoyant que son prédécesseur Henry Lehrman et fut incapable de saisir le potentiel comique du comédien. Selon Chaplin, il ne disposait que d'un seul gag celui de "prendre un acteur par le cou et de le trimbaler d'une scène à l'autre. J'ai essayé de suggérer des gags plus subtils, mais il ne voulait rien entendre. "Nous n'avons pas le temps, pas le temps!" criait-il. Tout ce qu'il voulait, c'était une imitation de Ford Sterling." Ford Sterling était l'acteur star de la Keystone et son jeu stéréotypé allait de pair avec les slapstick formatés du studio. En s'écartant de ce modèle, Chaplin suscitait l'incompréhension voire l'hostilité des réalisateurs maison car il dérangeait leur canevas.

Malgré ce bémol, le film est intéressant à plus d'un titre. Tout d'abord on assiste pour la première fois à l'utilisation du comique de transposition: Chaplin détourne un pistolet de son usage habituel pour s'en servir comme cure-dent. Ensuite, il offre un témoignage fascinant, quasi-documentaire sur les conditions de tournage dans les premières années d'Hollywood. On croise les stars du studio de cette époque (Mabel Normand, Ford Sterling, Henry Lehrman, Edgar Kennedy, Roscoe Arbuckle...), on voit les équipes techniques au travail et on découvre comment un événement concomitant pouvait être intégré de façon opportuniste dans le film (un incendie ici mais dans les précédents courts-métrages il s'agissait d'une course de baby-cart et d'inondations).

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