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Voici le temps des assassins

Publié le par Rosalie210

Julien Duvivier (1956)

Voici le temps des assassins

"Voici le temps des assassins" de Julien DUVIVIER est rempli de qualités, particulièrement dans son écriture et sa mise en scène qui font revivre une époque révolue avec beaucoup de détails. L'évocation du marché des halles grouillant d'activité et celle du restaurant où se pressent des clients plutôt fortunés mais à la moralité discutable relève d'un art d'orfèvre. Ce naturalisme contraste violemment avec l'intrigue principale d'une noirceur si absolue, si caricaturale qu'elle finit par nous embarquer dans une autre dimension. Nombre de films parlants de Julien DUVIVIER reposent sur un canevas misogyne récurrent dans lequel un ou plusieurs braves types qui vivaient en parfaite harmonie se font retourner le cerveau et les sens par une ou plusieurs garces jusqu'à ce que mort s'ensuive. Même quand la femme n'est pas une garce, elle est ontologiquement autre et donc celle par qui le drame arrive (comme dans "Marie-Octobre") (1958). Mais "Voici le temps des assassins" et sa galerie de monstres en jupon dépasse le stade de la simple misogynie et en devient presque fantastique. Les dernières scènes qui laissent une grande place aux cris d'animaux (ceux d'un corbeau et ceux du chien) et se déroulent dans l'obscurité et dans un lieu désert hors de la ville vont d'ailleurs en ce sens. Certes, Julien DUVIVIER n'est pas Georges FRANJU mais plusieurs de ses meilleurs films reposent sur le surgissement d'une inquiétante bestialité au coeur de l'homme. La mère de Chatelin (Germaine KERJEAN) qui élève ses poulets au fouet en est le meilleur exemple. Quant au personnage de Jean GABIN, s'il apparaît longtemps dans le film comme un élément de savoir-vivre et de pondération, il finit sous le poids des événements par montrer un côté de sa personnalité plus trouble et on se dit que son mauvais génie, joué par une Daniele DELORME à la fois manipulatrice et sous emprise représente non l'autre mais bien une part sombre de lui-même, le restaurateur devenant une sorte de Cronos qui mange ses propres enfants. Alors oui, à première vue le film est daté, tellement d'ailleurs qu'à la fin un passage célèbre "une cuisine bien française, une cuisine bien de chez nous, une cuisine tricolore, messieurs, vive la France!" Mais à première vue seulement.

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