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L'Exorciste (The Exorcist)

Publié le par Rosalie210

William Friedkin (1973)

L'Exorciste (The Exorcist)

Comme "Les Dents de la mer" (1975), "L'Exorciste" (1972) est un film dont j'avais vu des bribes tant il a infusé dans le cinéma et au-delà. L'ouverture de l'album "Tubular Bells" de Mike OLFIELD, l'affiche inspirée du tableau surréaliste de René Magritte "L'Empire des Lumières" où s'affrontent le jour et la nuit d'où se détache l'ombre de la haute silhouette de Max von SYDOW ou encore les plans de contorsions physiques du personnage de Regan (Linda BLAIR) instaurent une familiarité avec un film qu'aujourd'hui pourtant peu ont réellement vu. Un film que ses images les plus célèbres sont loin d'épuiser tant il contient de mystères et de symboles dont nous n'avons pas forcément la clé (ou une clé simpliste) comme l'escalier, la vierge profanée, les flashs mentaux ou le rêve du père Karras (Jason MILLER). Pour ma part, le film m'inspire quelques réflexions:
- L'importance que joue le "retour du refoulé" dans le film. Ce n'est pas par hasard si la première séquence qui se déroule en Irak montre des fouilles archéologiques menées notamment par le père Merrin (Max von SYDOW) qui aboutissent à l'exhumation d'une statue de démon. L'Irak est l'un des berceaux de l'humanité, aussi ces fouilles peuvent être interprétées comme un retour aux sources et ce retour aux sources s'accompagne de la redécouverte du mal et de tout ce qui lui est associé, chassé de la civilisation occidentale par la religion chrétienne mais aussi par le rationalisme scientifique, lui-même très lié à la philosophie des Lumières. Est-il alors surprenant que le film montre des représentants de ces deux institutions (l'Eglise et la Science) face au retour en force de ce mal, insidieusement suggéré par la rengaine obsédante de "Tubular Bells"?
- La nature de ce mal est forcément le négatif de tout ce que n'est pas la Science, la Raison et la Religion. Elle relève de l'inconscient (ultra-présent dans le film qui fonctionne comme un long cauchemar) c'est à dire toutes les forces obscures et incontrôlables tapies en l'homme qui ne sont ni rationalisables par la Science ni moralisables par la Religion. C'est bien pour cela qu'elles représentent "l'altérité" dans un monde que ces pensées rendent binaires et manichéen: l'Orient contre l'Occident mais aussi l'homme contre la femme. Car les institutions fonctionnent selon le modèle du patriarcat et c'est justement son délitement au niveau familial dans les années 70 (la mère de Regan est séparée du père et élève sa fille seule) qui ouvre une brèche dans lequel le mal va s'engouffrer. La femme (puissante sexuellement) associée au démon dans le christianisme l'est aussi dans la médecine en tant qu'être irrationnel (c'est à dire sensible aux émotions) face à un homme qui ne serait que raison. Ainsi l'hystérie est intrinsèquement lié au féminin par le langage puisque hystéra signifie utérus en grec.
- Il y a donc un parfait continuum dans le film entre le supplice qu'inflige la médecine à Regan et celui que lui inflige la religion: une véritable crucifixion. "L'Exorciste" décrit de façon clinique puis sataniste l'acharnement thérapeutique vain des institutions patriarcales sur une très jeune fille dont il n'aura échappé à personne qu'elle est à la veille de sa puberté, donc de ses règles et de son éveil sexuel. Tout cela étant refoulé au profit de la vision puritaine (seule acceptable) de la jeune fille -dont la statue de la Vierge est l'émanation avant sa profanation éloquente - cela se manifeste d'une manière monstrueuse. Un monstre qui ne peut être vaincu que de deux façons: en tuant Regan (l'autre) ou en laissant entrer le monstre en soi. Car si "L'Exorciste" est si puissant, il ne le doit pas seulement a ses moments-chocs mais aussi à l'étirement extrême des séquences de "traitement", mettant au supplice le spectateur à qui il n'épargne aucun détail.

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