Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Quat'cents farces du diable

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1906)

Les Quat'cents farces du diable

"Les Quatre cents farces du diable" est un "best-of" du cinéma de Georges MÉLIÈS, une sorte de testament. Inspiré comme "Le Royaume des fées" (1903) d'une féérie théâtrale représentée au théâtre du Châtelet, il accumule les morceaux de bravoure, chaque tableau renvoyant à un ou plusieurs de ses films*. On y trouve des scènes "à trucs" comme les explosions et transformations alchimiques qui peuvent faire penser à "Le Chaudron infernal" (1903). Les malles contenant le contenu entier d'une maison fait penser par anticipation à "Le Locataire diabolique" (1909). D'autres comme la scène du restaurant sont d'essence burlesque avec beaucoup d'acrobaties. Enfin la scène dans les étoiles, onirique, renvoie aux voyages fantastiques inspirés de Jules Verne ("Le Voyage dans la Lune" (1902), "Le voyage à travers l Impossible" (1904)). On mesure combien Terry GILLIAM s'est inspiré de Georges MÉLIÈS dans ses techniques artisanales d'animation (la scène du Vésuve pourrait tout à fait appartenir à un des génériques des Monty Python) tout comme pour l'idée des têtes détachées du roi et de la reine de la lune dans "Les Aventures du baron de Münchausen" (1988). De même, j'ai souvent relevé les similitudes entre les inventions de Méliès et celles qui se trouvent dans la saga Harry Potter. C'est peut-être juste une coïncidence mais c'est quand même troublant. Ici, comment par exemple ne pas penser aux Sombrals, les chevaux squelettiques tirant les carioles acheminant les élèves vers Poudlard lorsqu'on voit celui de Méliès emporter l'inventeur et son valet dans les étoiles? D'autant que celui-ci ayant signé un pacte avec le diable, son destin est de finir aux enfers, lequel est figuré par un Moloch monumental qui préfigure celui de "Metropolis" (1927). Bref c'est beau, c'est riche, ça fourmille d'inventivité et tout amateur de cinéma devrait se jeter dessus sans attendre.

La version que l'on peut voir aujourd'hui n'est que partiellement colorisée (technique de colorisation au pinceau, image par image).

Voir les commentaires

Trop belle pour toi

Publié le par Rosalie210

Bertrand Blier (1989)

Trop belle pour toi

Bernard (Gérard DEPARDIEU) a "tout pour être heureux" selon l'expression consacrée: une grande maison qui ressemble aux salles de réception d'un hôtel 5 étoiles, une épouse magnifique (Carole BOUQUET), de beaux enfants, un groupe d'amis, un bon travail. Mais tout cela est si parfait que cela en devient irréel. D'ailleurs Bernard semble presque déplacé dans un tel univers dans lequel il ne fait juste que passer, comme s'il était un simple visiteur. Bientôt, il s'éprend de Colette (Josiane BALASKO) une secrétaire intérimaire au physique quelconque et d'un milieu social beaucoup plus modeste. Mais le rêve d'exotisme de Bernard tourne court dès qu'il s'englue dans la routine de Colette. Au lieu de la rondeur de ses formes et de la blancheur des draps, c'est le bruit infernal du train qui passe sous les fenêtres, la grisaille, le jardin en friches, son peignoir usé et son vélo peu glamour qu'il voit. Des "tue-l'amour" pour cet amateur de Schubert qui ne sait plus très bien où il vit ni ce qu'il veut. Au risque de s'y perdre et de tout perdre.

Avec son style si reconnaissable fait de narration non linéaire, d'adresse directe aux spectateurs, de langage sans filtre (social), d'un mélange de provocations triviales et d'envolées lyriques passionnées flirtant avec la grâce, Bertrand BLIER réinvente le triangle amoureux et le romantisme en cassant les codes habituels, donnant à Carole BOUQUET et à Josiane BALASKO de beaux rôles à contre-emploi. La gravure de mode qui fait rêver tous les mecs devient une épouse trompée par un homme qui reporte son désir sur un fantasme ancillaire*, lui-même évanoui dès qu'il se concrétise véritablement. Cela souligne assez bien le vide qui se cache derrière les images ainsi que la nature éphémère du désir qui repose sur le manque et qui est souvent dramatiquement confondu avec l'amour. En effet dès que celui-ci est comblé, il se porte automatiquement sur un autre objet, démontrant par là même qu'il chosifie ses cibles. Florence est considérée comme un beau bibelot dans un superbe écrin et au bout d'un moment la médiocrité de la vie de Colette la renvoie elle aussi aux objets dont elle s'entoure (bon marchés, usés). On pourrait dire que Bernard se comporte comme un drogué de la passion amoureuse qui cherche désespérément à combler un vide intérieur. Il carbure à la musique, mélancolique et mortifère de Schubert devant cette illusion qui lorsqu'elle se dissipe ne lui laisse le choix qu'entre un objet précieux et un objet de consommation ordinaire. Le cri de la fin est-il le signe d'une prise de conscience de cette impasse existentielle?

* "Le Bruit des glaçons" (2010) reprend un schéma de ce type sauf que les amants sont sur un pied d'égalité face à la mort qui les suit partout.

Voir les commentaires

Be Natural: L'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché (Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché)

Publié le par Rosalie210

Pamela B. Green (2018)

Be Natural: L'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché (Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché)

La France a peut-être transmis le cinéma aux USA mais sans eux, notre mémoire, notre histoire et notre patrimoine des premières années du septième art serait sacrément amputé. C'est à eux que l'on doit la sauvegarde des négatifs originaux d'une partie de l'oeuvre de Georges MÉLIÈS et c'est eux qui ont contribué, bien plus que la France à sortir de l'oubli Alice GUY. Il faut dire que la France est un pays si conservateur que remettre en cause les histoires officielles du cinéma dans lesquelles cette pionnière est passée sous silence ou bien à peine évoquée suscite de vives résistances. Rien de tel aux USA. Certes, c'est la loi du Big Business qui a été à l'origine de son éviction du 7eme art quand son studio américain, la Solax a fait faillite au début des années 20 comme la plupart des indépendants de la côte est, ruinés par le trust Edison qui a précipité la migration du cinéma en Californie. On remarque au passage que c'est cette loi qui a exclu les femmes des postes de direction dès que le cinéma est devenu une industrie lucrative. Mais en ce qui concerne le domaine de la recherche, les USA n'ont pas les rigidités dont souffre la France et n'ont donc pas hésité à faire une place à Alice GUY entre les frères Louis LUMIÈRE et Auguste LUMIÈRE et Georges MÉLIÈS en soulignant son apport essentiel au cinéma. Alice GUY est en effet non seulement la première réalisatrice de l'histoire mais aussi la première à avoir eu l'idée d'utiliser les images animées pour raconter des histoires. Autrement dit elle a inventé la fiction et ce, dès 1896 alors qu'elle travaillait comme secrétaire pour Léon Gaumont. A cette époque le cinéma n'était pas pris au sérieux, un truc pour les artistes de foire et pour les filles. Alice a profité de cette liberté où tout était alors à inventer non seulement pour réaliser mais aussi produire et diriger ses propres studios, d'abord en France, puis aux USA lorsqu'elle a suivi son mari, Herbert Blaché. Elle a expérimenté de nombreux procédés (couleur, son) et osé raconter des histoires non-conformistes dans lesquelles les femmes sont maîtresses de leurs choix et de leur destin voire inversent les rôles avec les hommes. Le documentaire souligne par exemple l'influence qu'elle a eue, notamment "Les résultats du féminisme" (1906) sur Sergei M. EISENSTEIN et en particulier "Octobre" (1927) ainsi que sur Alfred HITCHCOCK. Il analyse aussi les mécanismes de son effacement de l'histoire, écrite par des hommes qui n'acceptent pas de partager le pouvoir avec les femmes (au point d'attribuer ses films à d'autres comme Louis FEUILLADE alors que c'est Alice GUY qui était sa patronne!) et fonctionne comme un travail d'enquête des deux côtés de l'Atlantique permettant de reconstituer sa vie et son oeuvre, parfois à l'aide d'archives très abîmées qu'il faut patiemment restaurer. Plusieurs de ses films ont été ainsi retrouvés et vont faire l'objet d'une restauration par la fondation de Martin SCORSESE qui est l'un de ses admirateurs.

Preuve des réticences de la France à la réhabiliter (il faut dire que ses institutions, à commencer par la Cinémathèque française sont pour beaucoup dans son enterrement puis dans la minimisation de son apport au cinéma), le documentaire de Pamela B. Green qui avait été présenté au festival de Cannes en 2018 n'est sorti au cinéma qu'en juin 2020 (il devait sortir en mars mais le premier confinement en a décidé autrement) et sa distribution est restée confidentielle.

Voir les commentaires

Le Chaudron infernal

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1903)

Le Chaudron infernal

"Le Chaudron infernal" est l'un des plus illustres films de la carrière de Georges MÉLIÈS, sans doute en raison de son ambiance gothique, de la qualité de ses trucages, de son rythme parfait et de la poésie horrifique qui s'en dégage. Car en effet il ne s'agit pas moins que de l'ancêtre du film d'épouvante! La colorisation au pinceau image par image rehausse considérablement l'impact du film. D'abord avec l'opposition entre la couleur verdâtre des démons et le rose vif de leurs trois victimes. Le vert, tout comme le jaune également présent à l'image sont les couleurs du soufre et symbolisent la folie. Tandis que le rose est la couleur associée au féminin, genre auquel appartiennent les trois victimes et dont sont friands les démons. Mais comme il n'est pas question de montrer la luxure, c'est plutôt en les jetant dans les flammes de l'enfer que ceux-ci espèrent s'en repaître (via des trucages cinématographiques et des escamotages théâtraux que l'on devine: coupures/raccords, trappe coulissante verticale à l'intérieur du décor figurant le chaudron). Viennent ensuite les spectaculaires explosions d'un rouge écarlate qui ponctuent la transformation des jeunes femmes en fantômes, lesquels apparaissent à l'aide d'un magnifique travail de surimpression floutés en blanc en haut de l'image avant que ceux-ci ne s'embrasent inexplicablement. Le chef des démons (joué par Georges MÉLIÈS) n'a plus qu'à se jeter à son tour dans le chaudron pour leur échapper... ou bien les rejoindre.

Voir les commentaires

Mes meilleurs copains

Publié le par Rosalie210

Jean-Marie Poiré (1989)

Mes meilleurs copains

Les "films de potes", ça peut être parfois très rance. Mais celui de Jean-Marie POIRÉ à résonance autobiographique échappe à ce travers. Grâce d'une part à sa bande de comédiens très inspirés, notamment Jean-Pierre DARROUSSIN qui est assez irrésistible et touchant dans le rôle de Dany, un doux rêveur perché. Et de l'autre, grâce à un ton doux-amer, ponctué de flashbacks aussi nostalgiques qu'hilarants sur la jeunesse soixante-huitarde de la petite troupe de rockers babas-cool qui vivait alors en communauté. La reconstitution de ce point de vue est soignée avec notamment une séquence d'happening gauchiste en usine, une autre qui fait penser à un Woodstock du pauvre et la projection d'un petit film bien dans le ton de l'époque -on pense à "Lions Love"- (1969) où on expérimente divers cocktails et où on exhibe nudité et sexualité sans tabou. Bien entendu, vingt ans plus tard, il ne reste plus grand-chose de cette époque aventureuse. La communauté s'est dissoute et chacun s'est plus ou moins embourgeoisé. Richard (Gérard LANVIN) avait même un prénom prédestiné puisqu'il est devenu chef d'entreprise avec belle propriété, femme et enfants ainsi que des aventures extra-conjugales pour pimenter le tout. Et il emploie à son service le pauvre Dany, indécrottable idéaliste qui est passé à côté d'une belle carrière. Jean-Michel (Christian CLAVIER) et Guido (Jean-Pierre BACRI) ont également évolué dans la même direction mais avec bien des regrets et des frustrations alors que Bernadette (Louise PORTAL) et Antoine (Philippe KHORSAND) sont restés dans le milieu artistique mais la première s'est intégrée au show-business (en acceptant les compromissions refusées par Dany) et le second est devenu un metteur en scène tyrannique et dépressif. Tout ce petit monde ainsi que quelques invités surprise se retrouve le temps d'une "nuit de folie" chez Richard qui ressemble fort à un baroud d'honneur, le temps de solder les comptes et de dissiper les dernières illusions.

Voir les commentaires

En Thérapie

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano et Olivier Nakache (2020)

En Thérapie

"En Thérapie", c'est la série-phénomène d'origine israélienne ("BeTipul") que la France, pas vraiment réputée pour sa réactivité aux événements qui la frappent a fini par adopter, après de nombreux autres pays en l'adaptant à son propre contexte. Radiographie d'un pays en crise après les attentats du 13 novembre 2015, la série de 35 épisodes de 20-30 minutes chacun dirigée par Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE qui mêle l'individuel et le collectif est fondée sur un dispositif très simple. On assiste à un condensé des entretiens hebdomadaires que mène Philippe Dayan, un psychanalyste (Frédéric PIERROT) avec cinq de ses patients qui défilent toujours à peu près dans le même ordre du lundi au jeudi dans son cabinet: Ariane (Mélanie THIERRY) une belle chirurgienne trentenaire complètement paumée, Adel, un agent de la BRI qui souffre de stress post-traumatique suite à son intervention au Bataclan (Reda KATEB), Camille (Céleste BRUNNQUELL), une adolescente qui a tenté de mettre fin à ses jours et enfin un couple en crise, Damien et Léonora (Pio MARMAÏ et Clémence POÉSY). Le cinquième jour, c'est Philippe qui se fait "contrôler" (entendez par là psychanalyser à son tour) par une confrère et amie qu'il n'a pas revue depuis 12 ans, Esther (Carole BOUQUET). Si les patients sont d'un intérêt inégal (la prestation la plus intense et riche revient à Reda KATEB dans le rôle de celui qui était initialement un pilote de chasse ayant abattu des civils alors que le couple de bobos est parfaitement insignifiant et tête à claques), c'est le portrait de Philippe qui s'avère le plus fascinant dans ses efforts de plus en plus désespérés pour dépasser son clivage. Opposant à ses patients parfois déstabilisants une maîtrise de soi, une patience et un professionnalisme (presque) à toutes épreuves (la fameuse "neutralité bienveillante" ponctuée de remarques destinées à établir des liens ou creuser des pistes), c'est au contraire un homme en pleine déroute que l'on voit s'épancher mais aussi ferrailler durement avec Esther, tantôt amie, tantôt ennemie, tantôt super surmoi (?). Cela va en effet beaucoup plus loin que la simple expression des affects refoulés. C'est à un véritable dynamitage en règle d'une personnalité que l'on assiste, tant sur le plan personnel que professionnel. Avec Ariane dans le rôle de l'allumeuse de mèche, véritable fil directeur qui court tout le long du générique de la série en suscitant une violente confrontation entre sensualité et déontologie. En cherchant à s'affranchir des règles pour satisfaire ses désirs, Philippe n'en questionne pas moins de façon pertinente les limites de la psychanalyse (et de toute forme d'institution, d'idéologie, de religion dans ce qui s'apparente à une crise de foi), Esther le renvoyant imperturbablement dans les cordes (sur le fil?) d'un monde sans boussole autre que celles des instincts. Instincts qui peuvent s'avérer contradictoires par ailleurs, un désir apparent pouvant en cacher un autre. Bref, cette dialectique passionnante parce que incarnée par des acteurs inspirés (Frédéric PIERROT s'avère remarquable en acteur de premier plan, c'est la première fois que j'ai remarqué qu'il avait quelque chose du regretté Bruno GANZ et Carole BOUQUET trouve là un de ses meilleurs rôles) tient autant en haleine qu'elle fait réfléchir.

Voir les commentaires

Bad Lieutenant

Publié le par Rosalie210

Abel Ferrara (1992)

Bad Lieutenant

A sa sortie, je n'ai pas été voir le film mais j'ai été intriguée par son affiche, cet homme nu aux yeux fermés et l'expression de douleur reflétée par son visage. Pas de couronne d'épines, pas de stigmates sanglants, pas même de bras en croix (bien que dans le film, ce soit le cas) et pourtant, l'image du Christ s'est imposée quelque part en moi. Un Christ qui sent quand même le souffre (pour ne pas dire d'autres substances, quand il ne se les fait pas directement injecter dans les veines, scène si étirée qu'elle en devient insoutenable). De fait si "Bad Lieutenant" n'est pas un film à mettre entre toutes les mains, c'est une oeuvre puissante qui se situe quelque part entre Martin SCORSESE et Pier Paolo PASOLINI, profondément catholique tout en étant pas très orthodoxe voire iconoclaste. Cependant c'est bien l'histoire d'une rédemption que raconte Abel FERRARA (dont le prénom semble lui-même prédestiné) à travers son flic corrompu jusqu'à la moëlle qui dès que ses enfants ont le dos tourné plonge sous la pellicule d'American of life dans les bas-fonds new-yorkais pour se vautrer dans le vice en abusant du pouvoir que son statut lui confère pour extorquer drogues, fric, services sexuels à ceux qu'il est chargé d'arrêter. Jusqu'à ce qu'il franchisse les portes d'une église de Spanish Harlem dans le cadre d'une enquête particulièrement sordide sur le viol d'une religieuse. Celle-ci lui impose sa morale du pardon (qu'on peut d'ailleurs trouver tout à fait discutable et les arguments du lieutenant dont on ne saura jamais le nom ne manquent pas non plus de bon sens) qui le fait entrer dans une âpre cure de "désintoxication" au bout de laquelle il expie ses fautes dans le sang et la douleur. Harvey KEITEL qui est un acteur à la forte présence est totalement habité par le rôle comme je le disais en commentant l'affiche et sa prestation est impressionnante. On peut aussi souligner le rôle joué par Zoë LUND qui interprète une dealeuse qui injecte les doses au lieutenant comme s'il s'agissait d'un rituel sacré (son prénom est d'ailleurs Magdalena ce qui me renforce dans l'idée que si le lieutenant n'a pas de nom c'est pour éviter de sombrer dans un symbolisme trop lourdingue tant il est évident qu'il est une réincarnation de Jésus). Zoë LUND qui a co-signé par ailleurs le scénario est pour beaucoup dans l'atmosphère de véracité éprouvante qui se dégage du film. Elle a d'ailleurs succombé à une crise cardiaque due à sa toxicomanie en 1999.

Voir les commentaires

Le Nom de la Rose

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Annaud (1986)

Le Nom de la Rose

C'est étonnant ce qui peut rester d'un film lorsque plusieurs dizaines d'années ont passé. Ainsi, je n'avais plus en mémoire que deux scènes de ce grand film qu'est "Le Nom de la Rose", adapté du non moins remarquable polar médiéval de Umberto Eco. Pas celle de la grande bibliothèque, du scriptorium ou même de l'Inquisition, non. Mais d'une part celle dans laquelle le jeune novice Adso (Christian SLATER) est initié aux plaisirs de la chair par une jeune paysanne un peu sauvageonne (Valentina VARGAS), scène qui me faisait penser alors à un autre film de Jean-Jacques ANNAUD que j'avais vu à sa sortie au cinéma, "La Guerre du feu" (1982). Quant à l'autre scène dont je me souvenais avec beaucoup de précision, c'était celle au début du film dans laquelle Guillaume de Baskerville (Sean CONNERY) indique à Adso où se trouve le petit coin alors qu'il n'est jamais venu à l'Abbaye. C'est qu'en fait cette scène n'est pas triviale, ni anecdotique. Elle est au contraire essentielle. Déjà, elle nous permet de saisir le sens de l'observation de Baskerville. Alors qu'il n'a même pas encore sorti ses lunettes grossissantes, on comprend que c'est quelqu'un "qui a l'oeil" et qu'il ne s'appelle pas Baskerville pour rien. Ensuite, on mesure son degré élevé de sagesse dans le fait qu'il ne cherche pas à nier la nature humaine. Comme il le dit "si nous voulons commander à la nature, il faut d'abord s'y plier". Pourtant, les besoins naturels du corps ne sont pas, même dans nos sociétés sécularisées, un sujet facile à aborder et dans le domaine de l'art grand public, c'est encore très tabou (combien de fois peut-on entendre "on dirait que ces gens ne vont jamais aux toilettes"). Alors dans une communauté de moines bénédictins du XIV° siècle, n'en parlons pas! Et pourtant, Guillaume de Baskerville a mis le doigt d'entrée sur le problème. A ce que le clergé est censé représenter la spiritualité, il n'y a pas plus organique que "Le Nom de la Rose". Le titre est trompeur: ça ne sent pas la rose. On a plutôt l'impression de patauger dans une fosse à purin quand il ne s'agit pas de disséquer de la chair putride, qui avant de l'être, était parcourue de désirs et de besoins tout aussi charnels. Mais plutôt que d'aller chercher en soi les raisons de ces mauvaises odeurs et de ces matières immondes, on va les rejeter sur "l'Autre" et l'"Autre" c'est le diable. Mais comme le diable est insaisissable, c'est la femme qui va trinquer. Tout le monde sait qu'elle a "le diable au corps", qu'elle fait "commerce avec le diable". Et puis justement, une femme est humide et a des écoulements, c'est donc l'impureté personnifiée. C'est sans doute pour cela que l'Inquisition qui intervient dans le film sous les traits de F. Murray ABRAHAM est obsédée par la purification par le feu des sorcières, hérétiques et aussi du moine-détective un peu trop clairvoyant ^^. Moine qui appartient par ailleurs à l'ordre franciscain dans lequel comme par hasard on apprécie le rire là où les austères bénédictins le maudissent, considérant qu'il tire l'homme vers l'animal. Mais pourtant, Baskerville rappelle l'évidence: le rire est le propre de l'homme. Alors que les moines bénédictins semblent directement échappé d'une baraque dédiée aux monstres de foire (on retrouve par exemple Ron PERLMAN dont la trogne à la Quasimodo est visible chez Jean-Pierre JEUNET ou bien Bérenger (Michael HABECK), un moine inverti à la face lunaire tout à fait comparable à la Boule de Ford Boyard). C'est donc autour d'un livre d'Aristote sur la comédie que se noue l'intrigue, Baskerville essayant de le transmettre là où Jorge (Feodor CHALIAPIN Jr.) le doyen de l'Abbaye qui est (comme c'est étonnant) aveugle essaye de le détruire ainsi que tous ceux qui osent l'approcher... avec une signature pourtant éminemment humaine.

Voir les commentaires

La Table tournante

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault et Jacques Demy (1988)

La Table tournante

Cette émouvante rétrospective de l'oeuvre animée de Paul GRIMAULT, filmé par Jacques DEMY* dans son atelier est profondément émouvante. Drôle, tendre, instructive et poétique, elle permet de mettre en évidence ce qui relie ses films les uns aux autres, par-delà les ans. De "La séance de spiritisme est terminée" (1931) à "Le fou du roi" (1987), ce sont plus de cinquante ans de courts-métrages essaimés comme les cailloux du Petit Poucet qui défilent devant nos yeux avec en point de mire son chef-d'oeuvre et unique long-métrage, "Le Roi et l Oiseau" (1979). Celui-ci n'est pas seulement présent par son affiche qui orne l'atelier. Ses personnages (ainsi que ceux des courts-métrages) s'en évadent pour venir interagir avec leur créateur. "La Table tournante" mêle donc prises de vue réelles et animation, permettant à Paul GRIMAULT d'expliquer le principe même de ce qui fonde son art aux personnages (et derrière eux, au public) à l'aide de la fameuse table qui donne son titre au film (échappée de "La séance de spiritisme est terminée") ainsi que d'une facétieuse tasse s'amusant à tourner à la façon de l'attraction de Disneyland, toutes deux des objets réels animés image par image selon le principe de l'animation en volume. On retrouve ce délicieux mélange dans l'introduction et le dénouement entre hiver et printemps avec tantôt un Paul GRIMAULT figuré par un ours anthropomorphe dans un dessin animé en 2D et tantôt comme dans "Mary Poppins" (1964), directement inséré dans un paysage animé.

Mais par-delà la forme, ce qui est le plus important, c'est le fond. Chacun des films de Paul GRIMAULT est une ode à la résistance contre la barbarie, qu'elle s'incarne sous les traits d'un animal prédateur, d'un despote du Moyen-Age, de flics jumeaux façon Dupond et Dupont ou bien d'ogives nucléaires ironiquement prénommées "Pax" en référence à l'équilibre de la Terreur de la Guerre Froide mais à qui Paul GRIMAULT fait subir le même sort que Stanley KUBRICK dans "Docteur Folamour" (1963). Avec évidemment la même conclusion glaçante.

* Celui-ci a commencé son parcours professionnel dans l'atelier de Paul Grimault et c'est lui qui a eu l'idée directrice de "La Table tournante". On remarque aussi l'intervention de l'une de ses muses, Anouk AIMÉE qui a doublé la Bergère, l'un des personnages phares de Paul GRIMAULT.

Voir les commentaires

The Third Murder

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2017)

The Third Murder

Hirokazu KORE-EDA ne manque pas d'ambition, ni d'audace. Il a voulu changer de son registre habituel (le film intimiste sur la famille) pour un thriller judiciaire dans lequel il interroge néanmoins toujours autant les institutions de son pays. Jamais autant que dans ce film, celles-ci ne semblent avoir été plus construites sur du sable, pour ne pas dire sur du vent. L'accusé de "The Third Murder" est en effet proprement insaisissable. Une vraie "coquille vide" comme il le dit qui n'arrête pas de changer sa version des faits et qui tel un miroir, renvoie les images, les projections que chacun se fait de lui ou plutôt de ce qu'il représente. Car le film fonctionne comme une mise en abîme en nous mettant en garde contre la véracité de ce qui est donné à voir: si les premières images indiquent qu'il est le tueur, d'autres images plus tardives mettent en doute ce postulat à peu près au moment où lui-même finit par prétendre qu'il n'a pas tué. On n'arrive plus alors à démêler le vrai du faux, ce qui est l'objectif du réalisateur: nous faire douter voire nous perdre dans un grand labyrinthe d'images trompeuses.

Ceci étant, je n'ai pas été pleinement convaincue par ce procédé aux ramifications si absconses et complexes qu'il finit par noyer tous les enjeux dans un océan d'illisibilité et d'abstraction que ce soit la dénonciation de la peine de mort, la démonstration du machiavélisme des procédures judiciaires, l'exploration de la part de mystère et d'ombre en chacun de nous, la mise en évidence des injustices sociales, de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la corruption, du sexisme, de l'inceste, bref de tout ce qui peut mener à l'homicide. A force d'emprunter des pistes comme autant d'images et de les brouiller entre elles, aucune n'est creusée ce qui laisse un sentiment de frustration et de vide. Mieux aurait valu en rabattre sur l'ambition et rester à hauteur d'homme. Et non d'ectoplasme servant de support à une démonstration brillante certes mais un peu vaine parce que manquant d'incarnation en dépit d'acteurs émotionnellement impliqués.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 > >>