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Articles avec #annaud (jean-jacques) tag

Coup de tête

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Annaud (1979)

Coup de tête

Le bouc-émissaire de Francis VEBER (auteur du scénario) + la causticité satirique d'un Bertrand BLIER portée par son acteur fétiche de l'époque, Patrick DEWAERE = "Coup de tête", deux ans avant qu'un "Coup de torchon" (1981) ne vienne balayer les restes d'une notabilité locale corrompue (dont l'un des gardes-chiourme est interprété également par Gerard HERNANDEZ) et quelques années encore avant qu'elle ne reçoive le KO subversif de "Quelques jours avec moi" (1988), Daniel AUTEUIL étant par ailleurs l'un des interprètes de François Pignon dans les films de Francis VEBER. "Coup de tête" présente un petit monde consanguin d'"Affreux, sales et mechants" (1976) (la référence à la comédie italienne est revendiquée par Jean-Jacques ANNAUD lui-même) qui tiennent une petite ville de province, Trincamp (le film a été en réalité tourné à Auxerre) sous leur coupe réglée avec le football pour ciment. Cela va du président du club de foot et de l'usine qui va avec, Sivardière (Jean BOUISE) aux marchands de meubles et d'automobiles (Paul LE PERSON et Michel AUMONT) en passant par le bistrot "Le Penalty" tenu par Maurice BARRIER. Bref toute une petite économie prospérant sur la religion du foot comme moyen de contrôle des masses. C'est là qu'il faut peut-être chercher la raison de la présence de Jean-Jacques ANNAUD que l'on associe d'habitude à des films historiques certes mais dépeignant souvent une communauté (voire une communauté religieuse comme dans l'enquête de "Le Nom de la Rose") (1986) en tension entre repli et ouverture. Perrin, qualifié de "primate" (et pourtant, on n'est pas dans "La Guerre du feu") (1981) parce que trop fort en gueule pour entrer dans les cases se retrouve brutalement exclu des rouages de cette communauté au fonctionnement très féodal et même s'il reste confiné à l'intérieur d'un espace restreint, il fait l'expérience de l'exclusion liée à l'altérité, voyageant avec les éboueurs africains sans sortir de chez lui. Cela ne rend que plus délectable le coup de théâtre footballistique qui le transforme brutalement de paria en héros local, lui donnant les moyens de mettre ses persécuteurs au tapis mais pas de la manière dont on l'imagine. Perrin, incarné avec ce mélange d'attitude bravache, de fureur et de fragilité extrême qui rendait Patrick DEWAERE si unique ne cesse jusqu'à la fin de déjouer les attentes de ses adversaires et s'avère parfaitement insaisissable.

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Le Nom de la Rose

Publié le par Rosalie210

Jean-Jacques Annaud (1986)

Le Nom de la Rose

C'est étonnant ce qui peut rester d'un film lorsque plusieurs dizaines d'années ont passé. Ainsi, je n'avais plus en mémoire que deux scènes de ce grand film qu'est "Le Nom de la Rose", adapté du non moins remarquable polar médiéval de Umberto Eco. Pas celle de la grande bibliothèque, du scriptorium ou même de l'Inquisition, non. Mais d'une part celle dans laquelle le jeune novice Adso (Christian SLATER) est initié aux plaisirs de la chair par une jeune paysanne un peu sauvageonne (Valentina VARGAS), scène qui me faisait penser alors à un autre film de Jean-Jacques ANNAUD que j'avais vu à sa sortie au cinéma, "La Guerre du feu" (1982). Quant à l'autre scène dont je me souvenais avec beaucoup de précision, c'était celle au début du film dans laquelle Guillaume de Baskerville (Sean CONNERY) indique à Adso où se trouve le petit coin alors qu'il n'est jamais venu à l'Abbaye. C'est qu'en fait cette scène n'est pas triviale, ni anecdotique. Elle est au contraire essentielle. Déjà, elle nous permet de saisir le sens de l'observation de Baskerville. Alors qu'il n'a même pas encore sorti ses lunettes grossissantes, on comprend que c'est quelqu'un "qui a l'oeil" et qu'il ne s'appelle pas Baskerville pour rien. Ensuite, on mesure son degré élevé de sagesse dans le fait qu'il ne cherche pas à nier la nature humaine. Comme il le dit "si nous voulons commander à la nature, il faut d'abord s'y plier". Pourtant, les besoins naturels du corps ne sont pas, même dans nos sociétés sécularisées, un sujet facile à aborder et dans le domaine de l'art grand public, c'est encore très tabou (combien de fois peut-on entendre "on dirait que ces gens ne vont jamais aux toilettes"). Alors dans une communauté de moines bénédictins du XIV° siècle, n'en parlons pas! Et pourtant, Guillaume de Baskerville a mis le doigt d'entrée sur le problème. A ce que le clergé est censé représenter la spiritualité, il n'y a pas plus organique que "Le Nom de la Rose". Le titre est trompeur: ça ne sent pas la rose. On a plutôt l'impression de patauger dans une fosse à purin quand il ne s'agit pas de disséquer de la chair putride, qui avant de l'être, était parcourue de désirs et de besoins tout aussi charnels. Mais plutôt que d'aller chercher en soi les raisons de ces mauvaises odeurs et de ces matières immondes, on va les rejeter sur "l'Autre" et l'"Autre" c'est le diable. Mais comme le diable est insaisissable, c'est la femme qui va trinquer. Tout le monde sait qu'elle a "le diable au corps", qu'elle fait "commerce avec le diable". Et puis justement, une femme est humide et a des écoulements, c'est donc l'impureté personnifiée. C'est sans doute pour cela que l'Inquisition qui intervient dans le film sous les traits de F. Murray ABRAHAM est obsédée par la purification par le feu des sorcières, hérétiques et aussi du moine-détective un peu trop clairvoyant ^^. Moine qui appartient par ailleurs à l'ordre franciscain dans lequel comme par hasard on apprécie le rire là où les austères bénédictins le maudissent, considérant qu'il tire l'homme vers l'animal. Mais pourtant, Baskerville rappelle l'évidence: le rire est le propre de l'homme. Alors que les moines bénédictins semblent directement échappé d'une baraque dédiée aux monstres de foire (on retrouve par exemple Ron PERLMAN dont la trogne à la Quasimodo est visible chez Jean-Pierre JEUNET ou bien Bérenger (Michael HABECK), un moine inverti à la face lunaire tout à fait comparable à la Boule de Ford Boyard). C'est donc autour d'un livre d'Aristote sur la comédie que se noue l'intrigue, Baskerville essayant de le transmettre là où Jorge (Feodor CHALIAPIN Jr.) le doyen de l'Abbaye qui est (comme c'est étonnant) aveugle essaye de le détruire ainsi que tous ceux qui osent l'approcher... avec une signature pourtant éminemment humaine.

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