Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #guy (alice) tag

Alice Guy tourne une phonoscène

Publié le par Rosalie210

Anonyme (1907)

Alice Guy tourne une phonoscène

Attention, moment historique!! "Alice Guy tourne une phonoscène" est le premier making-of de l'histoire du cinéma. Un précieux instantané de cette époque dite du "cinéma premier" encore expérimentale où les femmes occupaient les postes-clés. L'effet produit est d'ailleurs le même que celui du carton d'archives des années 10 et 20 de la cérémonie des Oscars ouverte à l'occasion du documentaire des soeurs Kuperberg, "Et la femme crea Hollywood" (2015) où l'on découvre une foultitude de femmes tenant les rênes du pouvoir. La phonoscène tournée par Alice GUY date d'avant son départ pour les USA, à l'époque où elle travaillait pour Gaumont. Il s'agit de tester un dispositif rudimentaire d'enregistrement du son en synchronisation avec l'image. Outre l'aspect pionnier de cette technique (comme d'autres dans la carrière de Alice GUY) on est impressionné par la machinerie du tournage en studio: lampes électriques, réflecteurs, caméra et phonographe à deux pavillons, appareil photo. Et Alice GUY dirigeant l'ensemble, aidée par des assistants. On estime à plus d'une centaine les courts-métrages musicaux qu'elle a tourné avec les techniques et dans les studios Gaumont. Ce film de tournage dont on ne connaît pas l'auteur immortalise le bal des Capulets au début de l'Opéra de Roméo et Juliette de Charles Gounod et nous en dévoile les coulisses.

Voir les commentaires

The Empress

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1917)

The Empress

"The Empress" ("L'Impératrice") est l'un des rares films qu'il nous reste de la dernière période d'activité de Alice GUY dans le cinéma aux USA. La première guerre mondiale fragilisa beaucoup la Solax, ce qui l'obligea à travailler pour d'autres studios. Ainsi "The Empress" qui date de 1917 a été réalisé pour la Popular Plays and Players. La Cinémathèque qui le diffuse gratuitement depuis quelques mois sur sa plateforme de streaming HENRI possède un négatif des images mais sans la musique et sans les intertitres. Pour que l'histoire soit compréhensible, un résumé complet est proposé avant le début du film. On reste quand même gênés à certains moments par l'absence d'explications d'autant que deux personnages se ressemblent beaucoup.

Le film qui dure un peu plus d'une heure ce qui correspond à peu près aux standards de la période raconte une histoire d'une brûlante actualité, quelque part entre le "male gaze" et le mouvement Metoo. L'héroïne, Nedra est en effet victime de deux hommes. Le premier qui est l'artiste-peintre pour lequel elle pose ne cesse de la harceler. Le second qui est l'hôtelier qui les héberge lui fait du chantage à partir d'une photo prise à son insu sous un angle compromettant ce qui n'est pas sans rappeler "La Victime" (1961) de Basil DEARDEN. On peut ajouter qu'elle également victime de son mari qui préfère jouer les Othello plutôt que de la croire. Par ailleurs tous trois confondent la personne et sa représentation. L'artiste-peintre et son mari fantasment sur un portrait idéalisé d'elle en impératrice (le premier l'a créé, le deuxième est tombé amoureux du portrait, comme dans "Laura" avant de l'épouser) (1944). Quant à l'hôtelier, il la manipule à partir d'un cliché volé, lui aussi biaisé. On pense au mythe de Pygmalion mais aussi à "Cleo de 5 a 7" (1961) qui partait de ce mythe pour montrer l'héroïne s'en affranchissant et retrouvant une amie posant en toute liberté pour des artistes. Car comme Agnes VARDA, Alice GUY croit en la sororité. Nedra, acculée au suicide est sauvée de la calomnie et de la jalousie par une autre jeune femme, Winnie qui a été témoin de son refus de céder aux avances de l'artiste-peintre.

Voir les commentaires

Une histoire roulante

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1906)

Une histoire roulante

Un court-métrage burlesque de la Gaumont réalisé par Alice Guy qui n'a rien à envier à leurs homologues américains de la même époque. Il fallait en effet distancer la concurrence française (Pathé et Lux). Quelques années plus tard, celle-ci fera la seconde partie de sa carrière aux USA dans son propre studio et si la constitution dans l'après-guerre des grandes majors hollywoodiennes aura sa peau, ce sont les américains qui travailleront par la suite à la faire redécouvrir, bien plus que sa France natale que le révisionnisme historique auquel elle est contrainte pour lui faire une place dérange.

Le film de Alice Guy a pour personnage principal un vagabond (dont l'accoutrement préfigure cependant davantage celui de Harpo Marx que de Charles Chaplin) qui se retrouve malgré lui prisonnier d'un tonneau lancé à vive allure sur une pente descendante. Autrement dit, gare à ceux et celles qui se trouvent sur son chemin. Ce jeu de chamboule-tout grandeur nature est orchestré en neuf plans bien rythmés avec à peu près en son milieu une ellipse lorsque le tonneau se retrouve dangereusement catapulté sur les rails du chemin de fer. Il passe alors brusquement de la position couchée à la position redressée ce qui lui évite d'être écrasé par le passage du train qui se contente de le pousser pour qu'il continue sa roulade jusqu'à l'atterrissage final dans le fleuve. Encore que le pauvre vagabond, même libéré de son engin infernal conserve dans le dernier plan des traces visibles de sa mésaventure.

Voir les commentaires

L'Enfant de la barricade/L'émeute sur la barricade/Anarchiste

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1906)

L'Enfant de la barricade/L'émeute sur la barricade/Anarchiste

Ce court-métrage qui possède plusieurs titres (j'en ai mis trois mais il en existe d'autres variantes) est considéré comme la première adaptation du roman "Les Misérables" de Victor Hugo. Compte-tenu de sa durée, il n'en adapte qu'un fragment, inspiré de l'histoire de Gavroche. Inspiré seulement car la version qu'en donne le court-métrage est très différente. Et pour cause, Victor Hugo a également écrit un poème "Sur une barricade", publié dans le recueil l'Année terrible en 1872 et qui fait référence à la Commune de Paris. Et c'est bien plus de ce poème qu'est tiré l'argument du film que de l'échec de l'insurrection de 1832. L'auteur y évoque en effet un enfant arrêté par les Versaillais pour avoir combattu avec les Communards mais qui obtient l'autorisation d'aller rendre sa montre à sa mère avant d'être fusillé. Comme il tient parole, l'officier impressionné par son courage lui fait grâce.

Dans la version de Alice Guy (je me demande encore comment Gaumont a pu attribuer le court-métrage à un homme tant le point de vue féminin se fait ressentir), l'enfant est innocent (il est pris pour un émeutier alors qu'il est juste sorti pour faire des courses), le personnage de la mère joue un rôle actif en s'interposant entre son enfant et l'officier et la montre devient une bouteille de lait. Il y a d'ailleurs un va-et-vient entre l'intérieur symbolisé par la cuisine (le ventre de la mère) et l'extérieur, théâtre de la tuerie perpétré par les hommes sur d'autres hommes. En devenant actrice politique et historique, la femme perturbe cet ordre du monde à l'image de Alice Guy qui réalisait des films. Elle n'avait cependant pas pensé que l'histoire pouvait être manipulée selon les intérêts politiques du moment et donc que les femmes pouvaient en être effacées.

Voir les commentaires

Madame a des envies

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1907)

Madame a des envies

"Madame a des envies" est un court-métrage burlesque de Alice Guy encore plus osé et jubilatoire que "Les résultats du féminisme" (1906). Il alterne de façon très rythmée les plans d'ensemble filmés en extérieur et les gros plans filmés en studio ce qui était un procédé innovant à l'époque. Les plans d'ensemble montrent une femme enceinte s'adonner à des vols compulsifs envers les passants qu'elle croise, son mari resté à l'arrière avec leur premier marmot assistant impuissant aux écarts de conduite de sa femme et essayant de réparer les dégâts dans son sillage. Les gros plans montrent la femme déguster avec gourmandise le fruit de ses larcins ce qui constitue un autre type de transgression. Les produits qu'elle avale sont encore aujourd'hui déconseillés ou interdits aux femmes enceintes (tabac et alcool) mais à l'époque, ils n'étaient consommés que par des hommes. Plus largement ce que montrent ces plans, c'est que ce sont le désir (plans d'ensemble) et le plaisir (plans rapprochés) féminin qui mènent la danse ce qui était tellement subversif en soi qu'il n'est guère étonnant que le cinéma de Alice GUY soit passé à la trappe, à la fois pour ce qu'elle incarnait mais aussi pour ce qu'elle montrait. Car outre tabac, alcool et hareng saur (aliment à l'odeur forte qui s'oppose au goût supposé délicat des femmes)*, Madame commence par chiper une sucette à une petite fille dont la forme équivoque ne laisse aucun doute sur le sens caché que prend sa dégustation. Comme quoi Serge Gainsbourg n'a certainement pas été le premier à avoir l'idée d'évoquer le plaisir sexuel en le déplaçant sur cette friandise particulièrement suggestive.

* Dans le documentaire "Le sexe du rire", diffusé récemment sur France 5, l'éviction des femmes de la sphère comique au cours des siècles est expliqué par leur situation dominée dans la société. Le rire est un moyen de prendre le pouvoir par la séduction et parce qu'il a aussi quelque chose de carnassier, donc de puissant (on montre l'intérieur de la bouche, les dents etc.) Il en va de même avec la nourriture: une femme qui rit, fait rire ou qui dévore à pleine dents montre sa puissance.

Voir les commentaires

Be Natural: L'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché (Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché)

Publié le par Rosalie210

Pamela B. Green (2018)

Be Natural: L'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché (Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché)

La France a peut-être transmis le cinéma aux USA mais sans eux, notre mémoire, notre histoire et notre patrimoine des premières années du septième art serait sacrément amputé. C'est à eux que l'on doit la sauvegarde des négatifs originaux d'une partie de l'oeuvre de Georges MÉLIÈS et c'est eux qui ont contribué, bien plus que la France à sortir de l'oubli Alice GUY. Il faut dire que la France est un pays si conservateur que remettre en cause les histoires officielles du cinéma dans lesquelles cette pionnière est passée sous silence ou bien à peine évoquée suscite de vives résistances. Rien de tel aux USA. Certes, c'est la loi du Big Business qui a été à l'origine de son éviction du 7eme art quand son studio américain, la Solax a fait faillite au début des années 20 comme la plupart des indépendants de la côte est, ruinés par le trust Edison qui a précipité la migration du cinéma en Californie. On remarque au passage que c'est cette loi qui a exclu les femmes des postes de direction dès que le cinéma est devenu une industrie lucrative. Mais en ce qui concerne le domaine de la recherche, les USA n'ont pas les rigidités dont souffre la France et n'ont donc pas hésité à faire une place à Alice GUY entre les frères Louis LUMIÈRE et Auguste LUMIÈRE et Georges MÉLIÈS en soulignant son apport essentiel au cinéma. Alice GUY est en effet non seulement la première réalisatrice de l'histoire mais aussi la première à avoir eu l'idée d'utiliser les images animées pour raconter des histoires. Autrement dit elle a inventé la fiction et ce, dès 1896 alors qu'elle travaillait comme secrétaire pour Léon Gaumont. A cette époque le cinéma n'était pas pris au sérieux, un truc pour les artistes de foire et pour les filles. Alice a profité de cette liberté où tout était alors à inventer non seulement pour réaliser mais aussi produire et diriger ses propres studios, d'abord en France, puis aux USA lorsqu'elle a suivi son mari, Herbert Blaché. Elle a expérimenté de nombreux procédés (couleur, son) et osé raconter des histoires non-conformistes dans lesquelles les femmes sont maîtresses de leurs choix et de leur destin voire inversent les rôles avec les hommes. Le documentaire souligne par exemple l'influence qu'elle a eue, notamment "Les résultats du féminisme" (1906) sur Sergei M. EISENSTEIN et en particulier "Octobre" (1927) ainsi que sur Alfred HITCHCOCK. Il analyse aussi les mécanismes de son effacement de l'histoire, écrite par des hommes qui n'acceptent pas de partager le pouvoir avec les femmes (au point d'attribuer ses films à d'autres comme Louis FEUILLADE alors que c'est Alice GUY qui était sa patronne!) et fonctionne comme un travail d'enquête des deux côtés de l'Atlantique permettant de reconstituer sa vie et son oeuvre, parfois à l'aide d'archives très abîmées qu'il faut patiemment restaurer. Plusieurs de ses films ont été ainsi retrouvés et vont faire l'objet d'une restauration par la fondation de Martin SCORSESE qui est l'un de ses admirateurs.

Preuve des réticences de la France à la réhabiliter (il faut dire que ses institutions, à commencer par la Cinémathèque française sont pour beaucoup dans son enterrement puis dans la minimisation de son apport au cinéma), le documentaire de Pamela B. Green qui avait été présenté au festival de Cannes en 2018 n'est sorti au cinéma qu'en juin 2020 (il devait sortir en mars mais le premier confinement en a décidé autrement) et sa distribution est restée confidentielle.

Voir les commentaires

Ocean Waif

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1916)

Ocean Waif

A l'origine, "Ocean Waif" qui est divisé en cinq parties devait être un long métrage mais il n'est parvenu que partiellement jusqu'à nous. Il reste donc environ 40 minutes de film avec des images parfois très abîmées. L'équipe qui a restauré le film a remplacé les sections manquantes par des photos du tournage et des explications tirées de revues spécialisées de l'époque. De même, le film comprenait des scènes teintées qui ont été recrées à partir d'autres films semblables de la Solax qui ont servi de modèle. Ce gros travail de restauration permet aujourd'hui de visionner un film qui se tient.

"Ocean Waif" est un film de commande que Alice GUY a réalisé mais qu'elle n'a ni écrit, ni produit. Il s'agit d'un mélodrame stéréotypé avec une jeune fille martyrisée par un ogre et sauvée ensuite par un romancier (!) prince charmant (qui ne se salit pas les mains au passage, l'ogre est terrassé par l'idiot du village). Quelques passages humoristiques allègent l'ensemble comme le quiproquo autour de la maison où la jeune fille s'est réfugiée pour échapper à son tortionnaire et que le romancier et son valet croient hantée. L'intérêt du film ne réside pas dans son histoire mais dans de petits détails comme l'accoutrement de la jeune fille, Millie Jessop (Doris KENYON) qui outre une crinière de sauvageonne et des pieds nus, porte une salopette. Une image subliminale censée rappeler qu'en 1916, les femmes remplacent les hommes partis au front dans les usines d'armement? Cependant dès que Millie tombe amoureuse, elle redevient parfaitement féminine selon les critères les plus traditionnels. Beaucoup de chemin restait à parcourir avant que les femmes ne puissent complètement s'émanciper, y compris sur le plan vestimentaire. D'autre part on peut remarquer que Roberts, l'écrivain (Carlyle BLACKWELL) fréquente un milieu social très supérieur à celui de Millie et que si finalement il finit avec elle, c'est parce qu'il est accusé (à tort) du meurtre du beau-père de Millie (William MORRIS) et qu'il est aussitôt lâché par son entourage. La fiancée bourgeoise de Roberts lui écrit d'ailleurs qu'elle est sûre qu'il sera reconnu innocent mais que c'est le fait même d'être compromis dans une histoire de meurtre qui le rend persona non grata (elle en profite d'ailleurs pour se fiancer aussitôt avec un comte, on voit quelles sont ses priorités). Cette attitude préfigure celle d'Hollywood lâchant ses poulains dès que ceux-ci étaient éclaboussés par un scandale, qu'ils soient ou non reconnus innocents.

Voir les commentaires

Algie, le Mineur (Algie, the Miner)

Publié le par Rosalie210

Alice Guy, Edward Warren, Harry Schenck (1912)

Algie, le Mineur (Algie, the Miner)

Les films de l'âge primitif du cinéma n'étaient pas signés. Par conséquent déterminer leur créateur/créatrice n'est pas chose aisée. Pour s'en convaincre, il suffit de se pencher sur le cas de "Algie, the Miner". Si on est absolument certain qu'il a été produit par la compagnie Solax, fondée par Alice GUY certains attribuent sa réalisation à Edward Warren, d'autres à Harry Schenck, d'autres encore aux deux avec Alice GUY dans le rôle de celle qui supervise alors que par exemple le coffret DVD Lobster 2018 consacré aux pionnières du cinéma lui attribue l'entière maternité du film (mais il fait aussi commencer sa carrière en 1902 en ignorant superbement "La Fée aux choux" (1896) qu'il confond comme beaucoup d'autres avec "Sage-femme de première classe ou la naissance des enfants") (1902). Bref tout cela pour dire qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce qui est dit sur tel ou tel site ou dans tel ou tel livret car en réalité, c'est l'incertitude (pour ne pas dire l'ignorance) qui domine.

Le film lui-même porte tout de même (quel que soit son rôle réel) l'empreinte de Alice GUY et pas seulement parce qu'il a été réalisé par son studio. Sur la forme, à l'image d'autres de ses courts-métrages d'une bobine il alterne les scènes théâtrales en intérieur et les scènes plus cinégéniques en extérieur (celle du train qui s'éloigne est très belle!). Sur le fond il fonctionne sur le principe des vases communicants. Algie (Billy QUIRK), jugé trop efféminé par son (futur) beau-père de la bourgeoisie côte est "bon teint" doit aller accomplir un "stage de virilité" dans l'ouest. Il en revient certes bien "masculinisé" mais il a désormais collé à ses basques "Big Jim", le gros rustre qui l'a "rééduqué". En réalité ils se sont mutuellement influencés car Algie a sauvé Big Jim de deux bandits qui en voulaient à son or et l'a aidé à se guérir de sa dépendance à l'alcool. Ainsi la fiancée jouée par Blanche Cornwall épouse un homme à deux facettes ce qui suggère qu'un homme accompli est en réalité un homme complet (c'est à dire à la fois masculin et féminin ^^).

Voir les commentaires

For Love of the Flag

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1912)

For Love of the Flag

Un court-métrage dont certaines images sont assez dégradées et qui est construit autour d'un dilemme moral. Robert (Darwin KARR) qui dessine des plans pour le gouvernement et qui a été injustement licencié après une querelle avec son supérieur va-t-il trahir son pays en livrant des secrets militaires à l'ennemi? La situation est d'autant plus critique qu'il ne parvient pas à retrouver de travail et qu'il est père de famille. Sa femme (Blanche Cornwall) est obligée de travailler à domicile comme couturière et ils connaissent une déchéance sociale visible au changement de standing de leur nouvel appartement (une évolution que l'on retrouve quasi à l'identique dans "The Artist") (2011). Bien entendu, la morale triomphe, l'ardeur patriotique étant incarnée par l'enfant (Magda Foy) qui en jouant avec des petits soldats et en agitant un drapeau américain sous le nez de son père le rappelle à temps à ses devoirs. Le méchant agent corrupteur est chassé manu militari de la maison et immédiatement, comme par magie, justice est rendue à Robert, son supérieur étant reconnu incompétent, c'est lui qui prend sa place. Bref sur le fond, c'est une petite histoire bien moralisatrice qui exalte le patriotisme américain. Sur la forme, c'est une succession de plans fixes variés, certains en intérieur, d'autres en extérieur, certains très théâtraux, d'autres beaucoup plus cinégéniques. Il y a notamment un beau plan dans l'office de l'agent étranger où Alice GUY utilise la profondeur de champ et le mouvement dans le cadre pour suggérer une folle activité diplomatique (qui correspondait à une réalité historique, le film ayant été tourné deux ans avant l'éclatement de la première guerre mondiale).

Voir les commentaires

A Fool and His Money

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1912)

A Fool and His Money

Alice GUY a réalisé 1000 films dans sa carrière qui s'étire de 1896 à 1920 environ. La majorité ont été perdus sans parler des difficultés d'identification (la plupart des films de cette époque n'étaient pas signés). Cependant, grâce aux efforts des archivistes et conservateurs, de plus en plus de films de la réalisatrice sont retrouvés (plus de 130 à ce jour alors qu'il y a dix ans il n'y en avait que 40).

"A Fool and His Money" est un court-métrage de Alice GUY qui n'a été retrouvé et restauré que récemment. Et tant mieux car en plus d'appartenir à la filmographie de la pionnière du cinéma c'est aussi un véritable morceau d'histoire. En effet il est considéré à ce jour comme le plus ancien film mettant en scène un casting 100% afro-américain, qui plus est pour une distribution nationale et non pour des cinémas réservés aux noirs. Pour mémoire les conventions (racistes) de l'époque faisaient que les métiers du cinéma étaient fermées aux non-blancs aux USA. Certes l'esclavage était aboli depuis la fin de la guerre de Sécession mais en 1912 la ségrégation régnait alors en maître dans les anciens Etats esclavagistes et aussi dans les têtes de la majorité des WASP (white anglo-saxons protestants). Ils avaient la phobie du métissage et ne supportaient pas l'idée du moindre contact avec les noirs. Lorsqu'il fallait faire intervenir un personnage de couleur dans les films (réalisés par des blancs), l'usage consistait donc à grimer des blancs en noirs. C'est justement parce que ses acteurs blancs refusaient d'apparaître à l'écran avec des noirs que Alice GUY eu recours à un casting 100% afro-américain. On peut d'ailleurs constater que le film reproduit tout de même les préjugés à l'endroit de la couleur de la peau que l'on trouve par exemple dans le célèbre roman antiesclavagiste de 1852 "La case de l'oncle Tom" de Harriet Beecher Stowe. En effet si ces œuvres mettent en scène un casting noir au sens où aux USA une seule goutte de sang noir fait de vous un noir, phobie du métissage oblige, le fait est que plus vous aviez la peau claire (autrement dit plus vous avez de sang blanc dans les veines) mieux vous vous en sortiez. Ainsi dans le film, Lindy qui est métisse appartient à une classe sociale supérieure à Sam qui a la peau beaucoup plus foncée. Dans "La case de l'oncle Tom", le noir foncé c'est Tom qui en dépit de sa noblesse d'âme est sacrifié et la métisse c'est Elisa qui est sauvée avec son mari et son fils. Ces conventions ne valent que pour les œuvres favorables aux "colored people". Car par exemple dans "Naissance d une Nation" (1915) de D.W. GRIFFITH, le méchant absolu c'est le métis Silas Lynch qui traduit la peur viscérale des blancs de se mélanger (par erreur…) à des noirs à la peau si claire qu'ils pourraient se faire passer pour blancs. Il suffit d'écouter les phrases récitées comme des mantras par les néo-nazis américains tirées d'une interprétation dévoyée d'un passage de la Bible ("Dieu a créé les races pour qu'elles ne se mélangent pas") pour comprendre où réside les racines du fléau raciste qui gangrène le pays depuis sa naissance.

Voir les commentaires

1 2 3 > >>