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Articles avec #grimault (paul) tag

Le Chien mélomane

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1973)

Le Chien mélomane

Réalisé en 1973, "Le Chien mélomane", sorte de "Docteur Folamour" (1963) animé se situe dans la continuité du précédent court-métrage de Paul GRIMAULT, "Le Diamant" (1970). On retrouve dans cette nouvelle fable antimilitariste au dessin stylisé le personnage du professeur Savantas non plus cette fois en colonisateur mais en marchand d'armes. L'allusion à la guerre froide est transparente lorsqu'on le voit vendre le même instrument de destruction (qui ironiquement se trouve être un instrument à cordes) à deux pays ennemis jumeaux qui l'utilisent pour s'entretuer. Dans son immense usine de guerre prénommée "Pax" s'accumulent les ogives nucléaires du même nom (allusion sans doute à Orwell et aussi au fait que la dissuasion nucléaire était présentée comme le meilleur moyen de neutraliser le conflit en faisant courir des dangers insensés à la planète). De fait, comme dans le célèbre bijou d'humour noir de Stanley KUBRICK, la pacification aboutit à l'apocalypse nucléaire. Le présence de Jacques PRÉVERT au scénario se fait ressentir non par les dialogues (le film est muet, comme "Le Diamant") (1970) mais par le clin d'oeil à "Les Temps modernes" (1936) de Charles CHAPLIN. Non par le travail à la chaîne comme dans "Le Roi et l Oiseau" (1979) mais par une machine qui traduit le langage du chien en langage humain, seule source de parole du film. Chien qui par ailleurs fait dérailler la machine bien huilée jusqu'à l'irréparable.

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Le Diamant

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1970)

Le Diamant

"Le Diamant" et "Le Chien mélomane" sont des oeuvres tardives de Paul GRIMAULT car réalisées dans les années 70 alors que ses autres courts-métrages datent des années 40. Le changement de style n'en est que plus frappant. Alors que les films des années 40 évoquaient l'univers des contes, Walt DISNEY ou Tex AVERY, ceux des années 70, plus stylisés et évoluant dans un univers de science-fiction dystopique font penser à René LALOUX ou à Roland TOPOR. Sur le fond, les charges anti militaristes sont également plus frontales car au lieu d'être intemporelles elles font directement allusion à l'actualité de l'époque. "Le Diamant" par exemple était projeté en complément de "L'Aveu" (1970) de COSTA-GAVRAS. Il relie deux lieux opposés: une sorte de prison située d'après le costume des gardiens dans une dictature latino-américaine et une île coupée du monde jonchée de diamants dans laquelle vivent des autochtones qui ont choisi le plus gros pour orner leur totem. A l'aide d'un vaisseau qui semble carburer au sang des victimes de la prison (une métaphore limpide!), le professeur Savantas, sinistre personnage qui ressemble à un squelette (et que l'on retrouve dans "Le Chien mélomane", parfaitement complémentaire de "Le Diamant") s'en va voler la pierre en ne se privant pas de laisser derrière lui un champ de ruines causé par les rafales de sa mitraillette-parapluie. Mais le diamant étant trop lourd pour son vaisseau, il finit par tomber dans une immense étendue stérile. Paul GRIMAULT montre à travers ce film que les dernières oasis de liberté dans lesquelles l'homme vit en harmonie avec la nature dans un monde animiste sont détruites par la convoitise d'un capitalisme insatiable qui supporte des régimes de terreur et d'oppression et stérilise tout ce qu'il touche.

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Les passagers de la Grande Ourse

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1943)

Les passagers de la Grande Ourse

Plusieurs courts-métrages de Paul GRIMAULT tels que "Le Marchand de notes" (1942) ou "Le Petit Soldat" (1947) ont mis en évidence sa filiation avec les contes d'Andersen et son influence par conséquent sur les films d'animation du studio Pixar. "Les Passagers de la Grande Ourse" met plutôt en évidence une autre influence majeure, celle que Paul GRIMAULT a exercé sur Hayao MIYAZAKI, co-fondateur du studio Ghibli avec Isao TAKAHATA (influencé lui aussi par Paul GRIMAULT mais plutôt par l'aspect social et politique de ses films que par leur univers graphique). Le voyage aérien d'un enfant et de son chien à bord d'un engin improbable (un "aéroscaphe") qu'on croirait sorti d'un roman de Jules Verne et qui est habité par un robot (Figmin), voilà ce qui semble être une ébauche de "Le Château dans le ciel" (1986). Bien entendu, il ne s'agit pas d'une influence directe car les deux réalisateurs nippons n'ont découvert Grimault qu'avec "La Bergère et le Ramoneur", la première version de son chef d'oeuvre "Le Roi et l'Oiseau" (1979). Mais il n'en reste pas moins que les liens entre les deux oeuvres sautent aux yeux. Paul GRIMAULT ne s'est toutefois pas inspiré de Jules Verne pour "Les Passagers de la Grande Ourse" mais d'un poème de Victor Hugo intitulé "Plein Ciel", extrait du recueil "La Légende des siècles" qui décrit un engin volant en forme de bateau. En voici la première strophe (il est extrêmement long):

"Loin dans les profondeurs, hors des nuits, hors du flot,
Dans un écartement de nuages, qui laisse
Voir au-dessus des mers la céleste allégresse,
Un point vague et confus apparaît ; dans le vent,
Dans l’espace, ce point se meut ; il est vivant ;
Il va, descend, remonte ; il fait ce qu’il veut faire ;
Il approche, il prend forme, il vient ; c’est une sphère ;
C’est un inexprimable et surprenant vaisseau,
Globe comme le monde et comme l’aigle oiseau ;
C’est un navire en marche. Où ? Dans l’éther sublime !"

Ce n'est pas le seul lien du film avec l'univers de la littérature. En 1944, Paul GRIMAULT a publié chez Gallimard en association avec Paul Guth une version littéraire de cette histoire.

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Le Marchand de notes

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1942)

Le Marchand de notes

"Le Marchand de notes" est le premier court-métrage de Paul GRIMAULT, co-écrit avec Jean AURENCHE et sorti en 1942. Les deux hommes s'étaient rencontrés dans une agence publicitaire dans laquelle ils travaillaient au cours des années 30. La patte de Grimault est parfaitement reconnaissable dans l'histoire qui raconte un affrontement sur le mode burlesque entre un marchand qui vend des notes de musique... au poids mais aussi le ballet mécanique d'une danseuse (il faut mettre une pièce de monnaie pour qu'elle s'anime) et un troubadour quelque peu facétieux qui met des bâtons dans les roues de cette conception mercantile de l'art, libère les notes et aussi la danseuse. Leur duo préfigure celui du "Le Petit Soldat" (1947) et bien sûr, celui de la bergère et du ramoneur*. Grimault puise en effet sa source d'inspiration chez Hans Christian Andersen, conteur spécialiste de l'animation des objets. Par ailleurs tous les films de Grimault sont porteurs d'un message politique subversif. Sur le plan formel, deux styles graphiques s'entrechoquent pour un résultat étonnamment harmonieux: un décor dépouillé constitué de lignes géométriques qui n'est pas sans rappeler certains tableaux de Giorgio de Chirico (influence majeure par ailleurs de son chef-d'oeuvre "Le Roi et l'Oiseau") (1979). Et des personnages tout en rondeurs que l'on imagine sans peine sortis de l'univers Disney, l'irrévérence en moins.

* "Objets inanimés, avez-vous donc une âme" est le trait d'union entre l'univers des contes d'Andersen, les films animés de Grimault et leurs héritiers des studios Pixar, ce dernier ayant eu une influence mondiale.

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Le Petit Soldat

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1947)

Le Petit Soldat

"Le Petit Soldat" est la première collaboration des trois grands poètes à l'origine de "Le Roi et l'Oiseau" (1979) à savoir Paul GRIMAULT, Jacques PRÉVERT et Joseph KOSMA. On peut même en rajouter un quatrième avec Hans Christian Andersen, "Le Petit Soldat" étant l'adaptation de l'un de ses contes "Le Vaillant petit soldat de plomb". Par conséquent, il n'est guère surprenant que le résultat soit un chef d'oeuvre touché par la grâce, aussi beau que poignant qui préfigure non seulement "Le Roi et l'Oiseau" (1979) mais toute sa descendance américaine. Les jouets animés de vie de la boutique du Petit Soldat sont les contemporains des premiers grands films de Walt DISNEY à qui ils font penser par la fluidité de leur animation, la délicatesse des couleurs, la rondeur des tracés et la pureté de leurs sentiments (les larmes de la poupée m'ont fait penser à celles que verse Dumbo). Ils sont aussi les grands-parents de ceux qui peuplent la chambre d'Andy dans "Toy Story" (1995), John LASSETER signant également son affiliation à Andersen par l'apparition de la bergère au milieu des petits soldats (en plastique et non plus en plomb, changement d'époque oblige). Mais le contexte du film de Paul GRIMAULT, réalisé en 1947 est beaucoup plus dramatique. L'ombre de la guerre plane sur l'innocence de l'enfance avant de venir la ravager par le biais de la destruction programmée des jouets et de leur temple. Dans un paysage hivernal parsemé de ruines un petit automate acrobate enrôlé de force revient blessé dans sa boutique d'origine pour retrouver l'élue de son coeur, une danseuse qui est accaparée par le diable. Mais celui-ci vole le coeur de l'automate avant de tenter de le détruire. S'engage alors une course-poursuite sur la glace charriée par le fleuve qui rappelle le magnifique film de D.W. GRIFFITH, "À travers l'orage" (1920) dans lequel l'amour fou s'oppose à la tyrannie dans une situation marquée par l'ombre portée de la mort.

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La Flûte magique

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1946)

La Flûte magique

Comme la plupart des films d'animation de Paul GRIMAULT, "La Flûte magique" est une ode à la résistance à l'oppression par le pouvoir enchanteur de la beauté. Réalisé en 1946 soit dans l'après-guerre, sans le scénariste de ses premières oeuvres Jean AURENCHE, il préfigure dans son esthétique comme dans sa thématique "Le Roi et l'Oiseau"* (1979). Il raconte l'histoire d'un jeune troubadour qui se fait méchamment refouler à l'entrée d'un château fort par un seigneur et ses sbires particulièrement mal embouchés, ceux-ci allant jusqu'à lui casser son instrument. Mais par la grâce d'une flûte magique, don de la nature alliée au petit troubadour (et obtenue par la métamorphose d'un oiseau), celui-ci va radicalement changer la nature de la menaçante forteresse et de ses sombres habitants, à leur corps défendant, les obligeant au péril de sa vie à danser au son de sa petite musique. Bien que l'histoire se situe au Moyen-Age, le film lorgne vers le cinéma burlesque et cartoonesque et le compositeur Marcel DELANNOY se permet de délicieux anachronismes avec des airs jazzy entraînants. C'est joyeux, léger et délicieusement impertinent.

* "graphisme net et élégant fondé sur la courbe, le traitement en volume des personnages, le soin apporté aux détails dans les décors tendant au réalisme, une animation fluide et riche en mouvements, une palette luxuriante de couleurs fort variées, un découpage technique abondant en plans de différentes valeurs, de changements d'angles de prises de vues et de mouvements d'appareils... En ce qui concerne le fond, par une philosophie poético-anarchiste « prévertienne », par un amour pour les faibles, les êtres différents et fantaisistes, par une haine de la méchanceté, de la bêtise, de l'envie et de la tyrannie." (Alain GAREL critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma)

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Le voleur de paratonnerres

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1944)

Le voleur de paratonnerres

70 ans avant "The Walk: Rêver Plus Haut" (2015), Paul GRIMAULT imaginait avec son scénariste Jean AURENCHE l'histoire d'un petit garçon funambule défiant la gravité... et l'autorité. Autorité prenant la forme de deux policiers jumeaux moustachus très fortement inspirés des Dupond Dupont de l'oeuvre de Hergé. Influence de la bande-dessinée franco-belge donc et influence également du cartoon américain dans la suite de gags dans lequel le voleur déjoue systématiquement les combines des deux policiers pour tenter de l'arrêter. Leurs corps élastiques se retrouvent en effet emprisonnés dans des tuyaux, écrasés en accordéon par des parpaings ou bien en quasi lévitation au-dessus du vide. Derrière l'intrigue classique du gendarme et du voleur, on devine l'appel à la désobéissance civile liée au fait que pendant la guerre (époque de réalisation du film), les flics étaient aux ordres du régime de Vichy. Quant au petit voleur, il est un substitut de l'oiseau, de la bergère et du ramoneur qui sont autant de figures de la liberté. Le tout est mis en musique par Roger DESORMIÈRE, comme dans "L Epouvantail" (1942).

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L'Epouvantail

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1942)

L'Epouvantail

Les courts-métrages réalisés par Paul GRIMAULT dans les années 40 ont pour point commun d'être des manifestes poétiques de résistance à l'oppression. "L'Epouvantail", réalisé au milieu de la seconde guerre mondiale offre une fable limpide, celle d'un chat prédateur d'un charmant couple d'oiseaux qui ont trouvé refuge sous le chapeau d'un épouvantail plein de bonhommie, ce dernier effectuant pour l'occasion une reconversion à 180°. Les oiseaux préfigurent la bergère et le ramoneur tyrannisés par le roi mais aussi tous les innocents persécutés par les nazis dont le chat anthropomorphe revêtu d'un accoutrement de gestapiste est une incarnation, bien avant "Maus" de Art Spiegelman. Quant à l'Epouvantail, il fait penser aux Justes, les hommes et les femmes qui cachèrent les juifs au péril de leur vie pour les soustraire à la traque de la Gestapo et de la Milice. Mais en dépit de ses allusions à l'occupation allemande de la France, "l'Epouvantail" est très influencé par le cartoon américain qui était alors en plein âge d'or: courses-poursuites endiablées, coups de bâtons avec des étoiles au-dessus du personnage groggy, désarticulations. Quant à la ruse du chat se faisant passer pour une superbe pin-up pour piéger l'épouvantail, elle fait penser au loup de Tex AVERY bavant devant le sexy petit chaperon rouge.

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La Table tournante

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault et Jacques Demy (1988)

La Table tournante

Cette émouvante rétrospective de l'oeuvre animée de Paul GRIMAULT, filmé par Jacques DEMY* dans son atelier est profondément émouvante. Drôle, tendre, instructive et poétique, elle permet de mettre en évidence ce qui relie ses films les uns aux autres, par-delà les ans. De "La séance de spiritisme est terminée" (1931) à "Le fou du roi" (1987), ce sont plus de cinquante ans de courts-métrages essaimés comme les cailloux du Petit Poucet qui défilent devant nos yeux avec en point de mire son chef-d'oeuvre et unique long-métrage, "Le Roi et l Oiseau" (1979). Celui-ci n'est pas seulement présent par son affiche qui orne l'atelier. Ses personnages (ainsi que ceux des courts-métrages) s'en évadent pour venir interagir avec leur créateur. "La Table tournante" mêle donc prises de vue réelles et animation, permettant à Paul GRIMAULT d'expliquer le principe même de ce qui fonde son art aux personnages (et derrière eux, au public) à l'aide de la fameuse table qui donne son titre au film (échappée de "La séance de spiritisme est terminée") ainsi que d'une facétieuse tasse s'amusant à tourner à la façon de l'attraction de Disneyland, toutes deux des objets réels animés image par image selon le principe de l'animation en volume. On retrouve ce délicieux mélange dans l'introduction et le dénouement entre hiver et printemps avec tantôt un Paul GRIMAULT figuré par un ours anthropomorphe dans un dessin animé en 2D et tantôt comme dans "Mary Poppins" (1964), directement inséré dans un paysage animé.

Mais par-delà la forme, ce qui est le plus important, c'est le fond. Chacun des films de Paul GRIMAULT est une ode à la résistance contre la barbarie, qu'elle s'incarne sous les traits d'un animal prédateur, d'un despote du Moyen-Age, de flics jumeaux façon Dupond et Dupont ou bien d'ogives nucléaires ironiquement prénommées "Pax" en référence à l'équilibre de la Terreur de la Guerre Froide mais à qui Paul GRIMAULT fait subir le même sort que Stanley KUBRICK dans "Docteur Folamour" (1963). Avec évidemment la même conclusion glaçante.

* Celui-ci a commencé son parcours professionnel dans l'atelier de Paul Grimault et c'est lui qui a eu l'idée directrice de "La Table tournante". On remarque aussi l'intervention de l'une de ses muses, Anouk AIMÉE qui a doublé la Bergère, l'un des personnages phares de Paul GRIMAULT.

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Le Roi et l'Oiseau

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1979)

Le Roi et l'Oiseau

"Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, regardez-les s'envoler c'est beau, les enfants si vous voyez, des petits oiseaux prisonniers, ouvrez-leur la porte vers la liberté" chantait Pierre Perret en 1971. Un siècle auparavant, une certaine Carmen de Bizet chantait elle aussi "L'amour est un oiseau rebelle, que nul ne peut apprivoiser." Entre ces deux dates, les atteintes à la liberté ont atteint leur point culminant. Une atteinte souvent symbolisée au cinéma par un oiseau en cage. Dans Une journée particulière d'Ettore Scola par exemple réalisé également dans les années 70, la rencontre entre deux exclus du fascisme se fait grâce à l'évasion d'un mainate. Et dans le Dictateur de Chaplin, un gros plan d'oiseaux en cage explicite la situation des juifs enfermés dans le ghetto.

La création du roi et l'oiseau prend sa source dans la rencontre Grimault-Prévert en 1941 alors que la France est sous la botte nazie. Une version inachevée du film intitulé La bergère et le ramoneur voit le jour dans l'après-guerre contre la volonté de Grimault qui a été dépossédé de son œuvre par des producteurs peu scrupuleux. Grimault réussit cependant à racheter les droits du film après avoir acquis son indépendance financière et parvient à mener son projet à bien à la fin des années 70 juste avant la mort de Prévert. Entre temps, le monde a connu plus de 30 ans de guerre froide. La bergère et le ramoneur (l'amour) sont passés au second plan au profit du roi et de l'oiseau (le film politique).

Le roi et l'oiseau qui est à la fois un poème cinématographique et une satire politique met en scène l'amour et la création artistique comme moyens de résistance à l'oppression. Une oppression qui synthétise toutes les tares des sociétés modernes:

- La tyrannie politique du roi-dictateur mégalomane rappelle tous les régimes totalitaires avec police d'Etat, culte de la personnalité, propagande à outrance, société de surveillance etc. En même temps l'aspect satirique du film fait de ce petit roi complexé par son gros bide et son strabisme un bouffon façon Ubu roi. Ubu et Charles XVI de Takicardie (V et III font VIII et VIII font XVI) ont un autre point commun: ils usent et abusent du passage à la trappe de tous ceux qui ont le malheur de leur déplaire.

- La tyrannie est également économique et technologique. A la manière de Chaplin dans les Temps modernes, le ramoneur et l'oiseau font dérailler la production à la chaîne des effigies standardisées du roi. "Le travail, le travail à la chaîne, soudain le travail casse sa chaîne" écrivait déjà Prévert au moment de l'avènement du Front Populaire. Une standardisation qui s'étend aux gardes et policiers. Ceux-ci se rapprochent plus de la chauve-souris que de l'être humain. Les masses laborieuses sont confinées dans la ville basse où elles ne voient jamais la lumière du jour, ni à fortiori les oiseaux. Une verticalité du pouvoir qui avec ses 256 étages rappelle furieusement Metropolis. Quant à la technologie, omniprésente (ascenseur fusée, aéroglisseurs, trône auto-tamponneuse), elle accentue un peu plus l'inhumanité des immenses décors vénitiens vides d'hommes qui rappellent les tableaux de Giorgio de Chirico (quoique la pluie de policiers se servant de leur parapluie comme parachute n'est pas sans rappeler Golconde de Magritte). Quand elle n'échappe pas à son créateur pour tout ravager sur son passage (la destruction du palais par le robot fait penser à l'apocalypse nucléaire).

-Enfin on peut parler de tyrannie culturelle dans le sens où celle-ci, confisquée par le pouvoir se transforme en reproduction ad nauseam de l'effigie du dictateur qui envahit la totalité du champ visuel. Ajoutons que cette production à visée de propagande est mensongère ce que le film souligne ironiquement quand il montre une sculpture du roi en guerrier et chasseur émérite alors que son strabisme l'empêche de viser correctement.

Jusqu'à la toute dernière scène du film, on voit quelques individus libérés (la bergère, le ramoneur, l'oiseau, le musicien) tenter de résister au système. David contre Goliath, pot de terre contre pot de fer, déséquilibre des forces exprimé par la danse aérienne du fragile petit clown accordéon. Et puis arrive le miracle de l'extraordinaire scène finale de fusion-transmutation où le fer se fait chair. Le robot, symbole de l'arme de destruction massive aveugle se met à penser dans la pose de la célèbre sculpture de Rodin sur les décombres du palais détruit. Lui aussi est touché par la grâce de l'animation qui a le pouvoir de donner vie et âme aux objets. Il libère l'oiseau avec délicatesse puis détruit la cage d'un poing rageur, laissant entrevoir la possibilité d'une technologie à visage humain.

La France ne s'est pas contenté d'inventer le cinéma. Elle a réinventé le cinéma d'animation à travers ce long-métrage. Le roi et l'oiseau est le tronc de deux des plus belles branches du cinéma d'animation contemporain. D'une part la branche japonaise des studios Ghibli avec plusieurs films de Miyazaki qui s'en inspirent directement (Le château de Cagliostro et Le Château dans le ciel). D'autre part la branche américaine des réalisateurs affiliés au studio Pixar. Le Géant de fer du bien nommé Brad Bird évidemment. Mais aussi la petite bergère en porcelaine de la trilogie Toy Story de John Lasseter (voir l'avis de Cavalierbleu sur le premier volet pour plus de détails).

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