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Cléo de 5 à 7

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1962)

Cléo de 5 à 7

Cléo de 5 à 7 , réalisé en 1961 est l'un des films les plus célèbres d'Agnès Varda. Il est emblématique de son oeuvre à la fois lumineuse et hantée par la mort. Durant la réalisation du film, Agnès Varda avait en tête un tableau d'Hans Baldung Grien intitulé La jeune fille et la mort et dont une reproduction est affichée dans l'appartement de Cléo. De même le titre est volontairement équivoque. Moi-même j'ai longtemps cru avant de le voir que Cléo avait un rendez-vous galant alors que le tirage des tarots par la cartomancienne au début du film annonce d'emblée que son rendez-vous est avec la grande faucheuse. Ce "5 à 7", c'est en effet le temps (filmé en temps réel) qui sépare la séance de tarots du résultat des examens médicaux qui doivent confirmer si oui ou non Cléo est atteinte d'un cancer.

Durant ces quatre-vingt dix minutes d'attente, Cléo va effectuer un parcours dans Paris où toutes sortes de messages subliminaux disséminés dans la ville lui envoient des signaux qui ravivent son angoisse: "Rivoli deuil", "Bonne santé", "Pompes funèbres", "Boulevard de l'hôpital". Ce cheminement reflète le parcours intérieur de Cléo qui va se métamorphoser, passant de la jeune fille frivole obsédée par le reflet du miroir à la jeune femme tournée vers les autres et empreinte de gravité. D'image factice modelée par des fantasmes masculins standardisés, elle devient une "belle" personne autonome qui regarde et qui agit.


L'un des moments les plus forts du film se situe dans le parc Montsouris. Cléo a réalisé dans la première partie du film que sa vie était vide et son entourage, indifférent. Sous la cascade, elle rencontre Antoine, un soldat permissionnaire sur le point de repartir dans l'enfer de la guerre d'Algérie, contemporaine de la réalisation du film. Parce qu'ils sont tous deux en danger de mort, les jeunes gens ont des échanges paisibles et dépourvus de tout artifice. Cléo révèle ainsi à Antoine son véritable prénom: Florence. Cléo est le pseudonyme d'une chanteuse de variétés périssables. Florence renvoie à la Renaissance. Les sculptures comme toutes les oeuvres d'art authentiques gravent pour l'éternité la beauté de ce qui est fragile, éphémère et mortel. Elles sont le fruit d'un vrai regard et non d'un miroir aux alouettes.

Les deux jeunes gens se soutiennent mutuellement dans l'épreuve: Antoine accompagne Cléo à l'hôpital puis elle se rend avec lui à la gare. N'étant enfin plus seule, elle n'a plus peur. L'angoisse, la souffrance et l'amertume débouchent sur un état de grâce: "La lumière ne se comprend que par l'ombre et la vérité suppose l'erreur. Ce sont ces contraires qui peuplent notre vie, lui donnent saveur et enivrement. Nous n'existons qu'en fonction de ce conflit dans la zone où se heurtent le blanc et le noir alors que le blanc ou le noir relèvent de la mort." (Agnès Varda)

A noter la présence d'un court-métrage burlesque muet au milieu du film "les fiancés du pont mac donald ou méfiez-vous des lunettes noires" avec le couple vedette de la Nouvelle vague: Jean-Luc Godard et Anna Karina. Agnès Varda joue sur les lunettes de Godard qui lorsqu'il les met lui font voir tout en noir. Godard jeune sans lunettes a des faux airs de Buster Keaton.

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Les fils de l'homme (Children of Men)

Publié le par Rosalie210

Alfonso Cuaron (2006)

Les fils de l'homme (Children of Men)

Les fils de l'homme est moins un film de SF qu'un film très contemporain sur les angoisses liées à l'avenir de l'humanité. Le portrait de Londres en 2027 extrapole à partir des problèmes actuels des métropoles des pays développés: terrorisme (islamiste), catastrophe nucléaire, pollution et épuisement des ressources, lutte contre l'immigration, crise des réfugiés politiques et climatiques, chute de la fécondité (qui atteint dans le film le niveau 0). On pense notamment au Japon qui refuse l'immigration, a un des taux de fécondité parmi les plus faibles du monde et est confronté aux conséquences de Fukushima. Dans le film d'un côté il y a l'Angleterre (une île également) qui est le seul Etat qui fonctionne encore et de l'autre le reste du monde qui est plongé en plein chaos. Mais l'Angleterre de 2027 s'apparente en partie à l'Etat nazi avec un régime totalitaire et policier qui persécute les immigrés et en partie à la Bosnie des années 90 ou au Liban des années 70-80 avec une atmosphère de guérilla urbaine menée par les groupes extrémistes. Dans un contexte où il n'y a pas eu de naissances depuis 18 ans, l'enfant à naître d'une jeune fille enceinte devient un enjeu politique, convoité par les deux camps.

Alfonso Cuaron choisit deux approches diamétralement opposées pour traiter de cette histoire apocalyptique. D'une part une approche réaliste s'apparentant au documentaire avec une caméra à l'épaule et de longs plans-séquences immersifs qui plongent le spectateur au coeur de la guerre, d'une course-poursuite en voiture où d'un accouchement dans les pires conditions possibles. Il avoue s'être inspiré de la bataille d'Alger pour les séquences de guérilla urbaine, un film référence en la matière. De l'autre un sous-texte religieux avec les maux qui frappent l'humanité et s'apparentent à une punition divine, une jeune femme qui révèle sa grossesse dans une étable, la naissance d'un enfant-sauveur (Jésus dans les Evangiles est surnommé "le fils de l'homme") devant lequel les soldats s'agenouillent et font le signe de croix, un protecteur dont le prénom Théo signifie en grec "Dieu", un navire "tomorrow" qui devient une nouvelle arche de noé, une femme qui tient son fils dans ses bras comme une piéta sans parler de la fin où la mère et l'enfant sont sauvés des eaux alors que le protecteur meurt en s'étant racheté (l'enfant portera le prénom de son propre fils défunt).

L'enfant étant noir, le message est clair: l'origine de l'humanité se trouve en Afrique mais l'avenir aussi (au vu des perspectives démographiques). Persécuter les immigrés et réfugiés revient à s'auto-détruire.

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Du silence et des ombres (To Kill a Mockingbird)

Publié le par Rosalie210

Robert Mulligan (1962)

Du silence et des ombres (To Kill a Mockingbird)

Ce très beau film de Robert Mulligan célèbre aux USA mais longtemps méconnu en France est une adaptation du roman de Harper Lee Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (To Kill a Mockingbird en VO, prix Pulitzer 1961) qui signifie "ne tirez pas sur les innocents". Les innocents se sont les enfants et plus généralement les boucs-émissaires: Tom Robinson, Boo Radley et Atticus Finch.

Le film est à mi-chemin entre chronique réaliste et conte fantastique. L'ambiance expressionniste proche de celle de la Nuit du chasseur nous plonge au coeur des peurs enfantines tout en jetant une lumière crue sur Maycomb, une petite ville d'Alabama durant les années 30 où sévit la ségrégation (le roman et le film sont sortis au début des années 60 au moment de la lutte pour les droits civiques des noirs). Atticus Finch, un avocat intègre et (trop) clairvoyant décide de défendre Tom Robinson, un noir accusé d'avoir violé une blanche (l'obsession des racistes américains). Il découvre la vérité et il l'expose durant le procès. Cela n'empêche nullement Tom d'être condamné mais Bob Ewell, le malfaisant père de la jeune fille violée décide de se venger d'Atticus en s'en prenant à ses enfants, Jem et Scout. Ceux-ci sont par ailleurs fascinés par le soi-disant croquemitaine de la ville, un fantôme qui ne sort jamais de chez lui et qu'ils ont surnommé "Boo". Sans qu'ils le sachent, celui-ci leur fait des cadeaux et veille sur eux. Enfin l'ami des enfants d'Atticus, Dill est inspiré de Truman Capote qui était un ami d'enfance d'Harper Lee.

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La nuit du chasseur (The Night of the Hunter)

Publié le par Rosalie210

Charles Laughton (1955)

La nuit du chasseur (The Night of the Hunter)

La nuit du chasseur est un conte cruel truffé de références bibliques et doté d'un riche sous-texte psychanalytique. Dans un monde où la civilisation s'est effondrée suite à la crise de 1929, deux enfants livrés à eux même sont contraints de retourner à la nature pour échapper aux griffes d'un terrifiant prédateur humain. Les références à M le Maudit et l'expressionnisme allemand avec l'ombre portée du pasteur sur les enfants, les symboles phalliques (couteau, locomotive) ne laissent aucun doute: il s'agit d'un prédateur sexuel (l'argent servant de substitut).

Aucun adulte ne semble en mesure de protéger les enfants. Le pasteur est un substitut du père biologique. Ce dernier a en effet violé psychologiquement ses enfants en déchargeant le fruit de son crime sur eux. Il dissimule l'argent volé (que l'on peut associer au sperme) dans le ventre de la poupée de sa fille et contraint son fils au silence. Un silence qu'il est pourtant incapable de garder devant le pasteur, le lançant ainsi aux trousses des enfants, tel un passage de relai puisque lui-même est condamné à la potence. Le pasteur est donc une version grotesque, monstrueuse, sanguinaire du père. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que John, le petit garçon, se tienne le ventre de douleur lorsqu'il assiste à l'arrestation de son père puis à celle du pasteur où il se délivre enfin de son terrible secret (les billets s'échappant de la poupée.)

Face au pasteur, la mère s'avère tout aussi défaillante. Elle se laisse séduire puis détruire sans lever le petit doigt, passive et impuissante. Les autres adultes (voisins, amis) se laissent tout aussi facilement abuser quand ils ne sont pas abrutis par l'alcool ou en proie à des pulsions perverses (sexualité vécue par procuration à travers la veuve). Les enfants n'ont d'autre choix que de fuir pour sauver leur peau et leur âme et d'errer dans la nature jusqu'à ce qu'ils rencontrent enfin Rachel Cooper, l'adulte salvateur capable de les protéger face au monstre. Rachel est le double inversé de Harry Powell sa foi religieuse n'est qu'amour et compassion face à la haine et au fanatisme des discours du pasteur. Ils sont liés dans l'âme humaine telles les mains tatouées de ce dernier, telle la scène où ils chantent des versions différentes du même cantique alors que le pasteur assiège la maison-refuge de la vieille dame et que celle-ci veille, sa carabine à la main.

La présence de Lilian Gish est un hommage au père du cinéma américain D.W. Griffith et à l'art du muet dont le film est imprégné. L'esthétique, sublimée par le chef opérateur Stanley Cortez marque les esprits avec un jeu d'ombres et de lumières d'une grande beauté et puissance expressive. Par bien des aspects la nuit du chasseur s'apparente à un rêve ou à un cauchemar.

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Naissance d'une nation (The Birth of a Nation)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1915)

Naissance d'une nation (The Birth of a Nation)

Considéré hier comme aujourd'hui comme le film matriciel de l'histoire du cinéma, cette fresque suscite le malaise en mélangeant reconstitution historique et vision occidentale du monde (messianique, christique, utopiste, raciste). En effet ce qu'il nous montre surtout c'est l'utopie de l'union des blancs (symbolisée par les mariages entre nordistes et sudistes) contre un bouc-émissaire: le monde noir, montré comme extérieur à la nation américaine. Une scène retirée au montage devait d'ailleurs montrer les anciens esclaves re-déportés en Afrique. Cette vision excède largement le racisme historiquement daté du livre de Thomas Dixon "The Clansman" dont le film est une adaptation. Obsédé par la pureté raciale, Thomas Dixon a une phobie du métissage que l'on retrouve dans le film où les mariages mixtes sont dépeints comme le mal absolu et où le noir fait figure de violeur en puissance de la virginité blanche. Il faut dire que la société esclavagiste et ségrégationniste des USA considérait qu'une seule goutte de sang noir faisait de vous un noir d'où la haine que suscitent les mulâtres, les personnages les plus négatifs du film. De même le KKK est une armée de chevaliers blancs bardé de rouge (défense de la pureté du sang blanc). Si ce racisme biologique a pris du plomb dans l'aile depuis la Shoah, ce n'est pas le cas du racisme historique. Il est encore largement répandu de nos jours dans nos sociétés post-coloniales (comme le montre le discours de Dakar de Sarkozy selon lequel "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire") et explique en partie la tolérance bienveillante que continue à susciter le film dont les noirs sont en réalité absents (car ce sont des blancs maquillés de noir qui jouent les rôles de premier plan). Les films pro-nazis de Léni Riefensthal qui présentent bien des points communs avec l'oeuvre de Griffith ne bénéficient pas d'une telle mansuétude. Pourtant ils allient les mêmes qualités cinématographiques (ce sont des chefs d'oeuvre artistiques) à une propagande idéologique à caractère racial. Le tout a assez de force pour séduire c'est à dire manipuler les émotions du spectateur.

Griffith voulait faire un film moins historique qu'allégorique c'est à dire hors du temps. Le problème est qu'au final il manipule l'histoire et les émotions du spectateur contraint de prendre fait et cause pour ces pauvres blancs opprimés par ces méchants noirs, et fait oeuvre de propagande en désignant une communauté opprimée comme étant l'incarnation du mal. Son film a notamment encouragé la renaissance du KKK en 1915.

Comme le dit Pierre Berthomieu dans son analyse des films de Zemeckis (qui détourne les images de chevauchée du KKK de naissance d'une nation dans Forrest Gump, autre fresque dans laquelle l'Amérique s'est reconnue mais qui elle donne la première place aux minorités) "aucune image n'est innocente." De fait naissance d'une nation est celui de la nation blanche la plus intolérante, une représentation que les USA se font d'eux-même qui occulte tout ce qu'ils doivent aux autres communautés. 

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Forrest Gump

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (1994)

Forrest Gump

"Un film sur un idiot, fait par des idiots, pour des idiots" est encore une image qui colle à la peau de Forrest Gump, surtout en France où critique et public se sont parfois laissés prendre au piège des apparences.
Forrest Gump, comme Naissance d'une nation dont il détourne certaines images parmi les plus polémiques (les chevauchées du KKK) est une fresque historique dans laquelle l'Amérique s'est reconnue. Néanmoins son point de vue est très différent. Naissance d'une nation célébrait l'utopie d'une Amérique unie et homogène sur le dos de la minorité noire qui était rejetée. Forrest Gump choisit un marginal qui devient une figure christique malgré lui. Forrest court devant un peuple qui le suit et invente sans le savoir le smiley-saint suaire. Forrest est surtout un candide à la Capra qui ne comprend rien aux événements qu'il traverse. Mais si Forrest est innocent, le film ne l'est pas et s'avère être celui de la mauvaise conscience de l'Amérique, des mouvements pour les droits civiques des noirs au Watergate en passant par la guerre du Vietnam. Forrest est idiot parce qu'il est l'idiot utile de la nation, le seul à pouvoir faire des doigts d'honneur aux présidents responsables de la boucherie du Vietnam sans que cela passe pour un outrage à la manière des fous du roi d'autrefois. Forrest, figure rédemptrice?

Le QI légèrement en dessous de la moyenne de Forrest lui ferme les portes de l'université mais son grand coeur lui ouvre celui d'autres exclus de l'Amérique dont il devient l'ami et dont il entretient fidèlement la mémoire. La jeune fille pauvre broyée par le sexisme (du père incestueux aux amants violents ou indifférents qui finissent par lui inoculer le VIH), le noir chair à canon au Vietnam, l'handicapé que le fait d'avoir été privé de la mort héroïque dont il rêvait plonge dans une crise existentielle.

Ce travail critique de fond est accompagné d'une réflexion sur le pouvoir des images et la manière dont elles forgent notre mémoire. Les médias audiovisuels fabriquent l'histoire et la mémoire depuis plus d'un 1/2 siècle. Zemeckis décide de détourner et de truquer ces images à l'aide d'effets spéciaux bluffants pour les faire accoucher d'une autre vérité que celle de la version officielle. Paradoxe qu'un artifice manipulateur aboutisse à plus de véracité historique.  


 

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La bataille d'Alger (La battaglia di Algeri)

Publié le par Rosalie210

Gillo Pontecorvo (1966)

La bataille d'Alger (La battaglia di Algeri)

Réalisé en 1965 par Gillo Pontecorvo, un cinéaste et journaliste italien, Lion d'or à Venise en 1966, La bataille d'Alger fut censurée en France jusqu'en 2004. En effet il fallu attendre 1999 pour que le mot de guerre soit officiellement employé pour qualifier les "événements" de cette période. Tourné trois ans seulement après la fin de la guerre, le film se focalise sur un épisode célèbre, celui de la bataille d'Alger de 1957 à travers le parcours de l'un des chefs de la guerilla urbaine du FLN, Ali la Pointe.

Le film possède une valeur documentaire absolument saisissante. Tourné pour l'essentiel sur les lieux mêmes des événements c'est à dire dans la Casbah d'Alger ainsi que dans les anciens quartiers européens de la ville, il revient sur les origines du conflit entre les descendants de colons européens et les musulmans. Il retranscrit fidèlement la montée de la violence avec une succession de cycles attentats-représailles toujours plus meurtriers. Impartial, il souligne la responsabilité des deux camps dans cet engrenage. Puis il s'attache à montrer avec réalisme et minutie les méthodes répressives menée par l'armée française et plus précisément dans le cas d'Alger, par le 10° régiment des parachutistes dirigés par le colonel Mathieu (inspiré du colonel Bigeard). C'est pourquoi d'ailleurs les écoles militaires US utiliseront le film dans leurs propres guerres asymétriques pour lutter contre la guérilla au Vietnam ou en Amérique latine. Enfin il évoque le rôle joué par l'ONU qui choisit de rester neutre dans le conflit ainsi que par les journalistes et les intellectuels, notamment Jean-Paul Sartre.

A noter que la musique du film composée par Ennio Morricone a été réemployée notamment par Tarantino dans l'une des premières séquences d'Inglorious Basterds.

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La vie des autres (Das Leben der Anderen)

Publié le par Rosalie210

Florian Henckel von Donnersmarck (2006)

La vie des autres (Das Leben der Anderen)

La vie des autres s'appuie sur un solide substrat historique et reconstitue avec précision la mise au pas des élites intellectuelles en RDA dans les années 80 par les dirigeants et leur police politique secrète la stasi (mise sur écoute, interdiction d'exercer leur art, de voyager, emprisonnement, tortures, "suicides", chantage à la délation sur l'entourage...) Il montre de façon tout aussi convaincante les conséquences de la chute du mur avec l'ouverture des archives de la stasi et la redécouverte par les allemands de l'est de tout un pan méconnu de leur passé.

Néanmoins, le film sait s'écarter de la véracité historique au profit du romanesque lorsqu'il s'agit de raconter le basculement d'un vaillant petit soldat de la stasi. Wiesler (le dernier rôle du formidable Ulrich Mühe) terrifiant robot obsédé par l'efficacité de ses méthodes répressives est brusquement arraché à son inhumanité par son écoute quotidienne de la vie d'un écrivain, Georg Dreyman (Sebastian Koch). Il est bouleversé à la fois par son amour pour sa compagne Christa Maria Sieland (Martina Gedeck) et par son talent d'artiste et devient son ange gardien. Son évolution psychologique (du réflexe conditionné aux retour du libre-arbitre et aux élans du coeur) est analysée avec beaucoup de finesse et son double jeu est jubilatoire pour le spectateur.

Le supérieur de Wiesler, le carriériste et cynique Grubitz joué par Ulrich Tukur s'oppose en tous points à son subordonné, qui comme Dreyman est un idéaliste déçu par ce qu'il découvre du fonctionnement réel de la RDA (à savoir le fait qu'il surveille Dreyman sur ordre du "camarade ministre" qui veut se débarrasser de lui pour s'emparer de sa petite amie). Dans Amen de Costa-Gavras Mühe et Tukur jouaient deux nazis mais Mühe était au-dessus de Tukur et il était du côté du mal alors que Tukur était l'idéaliste du côté du bien.

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Sparrow (Man jeuk)

Publié le par Rosalie210

Johnnie To (2008)

Sparrow (Man jeuk)

Les films récents de Hong-Kong sont des films de plaisir, célébrant la douceur de vivre. Cependant les nuages noirs menaçants à la fin de Sparrow évoquent la fragilité d’une démocratie sur le point d’être avalée par l’ogre chinois. Les parapluies pourront-ils la protéger ?

Sparrow (qui signifie pickpocket en argot de Hong-Kong) puise son inspiration à la fois dans le cinéma populaire asiatique (les films de kung-fu et de combat type Bruce Lee) et dans le cinéma français des années 50 et 60, source d’exotisme importante aussi bien pour le cinéma chinois que pour le cinéma japonais.
Dans Sparrow, deux films français sont cités directement, deux films qui gravitent autour de la nouvelle vague sans y appartenir :

-Pickpocket de Robert Bresson (1959). La séquence de la gare est reprise dans Sparrow. Le plaisir du spectateur provient de la virtuosité avec laquelle les portefeuilles passent de main en main. Le vol à la tire s’apparente à un art à mi-chemin entre la danse (chorégraphie des voleurs autour de la victime, grâce et délicatesse des vols sans aucune brutalité) et le tour de magie. Le voleur doit rester invisible. Pour cela il offre chez Bresson un visage neutre et une voix blanche. Chez To, il se comporte en monsieur tout le monde et se fond dans la masse. Bresson est une influence majeure du cinéma asiatique par son sens de l’épure et ses personnages neutres qui tendent vers l’abstraction et se fondent dans le décor. En même temps les gestes, économes, sont ritualisés et entrent dans une partition qui s’apparente à une chorégraphie.

-Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1963). Sparrow se termine par une reprise du générique de début du film de Demy avec chorégraphie de vélos et de parapluies. Bien des aspects des Parapluies de Cherbourg sont proches du cinéma asiatique : le sens de l’épure, la légèreté, la lenteur, l’explosion des couleurs et l’abstraction avec des figures quasi-géométriques. C’est cette esthétique qui est reprise dans le cinéma d’action de Hong-Kong (où Les parapluies de Cherbourg fait figure de film culte et d’inspiration majeure).

Autre exemple d’influence française dans Sparrow :
Alain DELON (qui a droit à une étagère entière dans les vidéos-clubs locaux!) En effet son jeu d’acteur est proche de celui des acteurs asiatiques. Ainsi Le Samouraï de Melville a beaucoup influencé le cinéma de cette région du monde et son générique est repris dans celui de Sparrow avec le moineau dans une cage au beau milieu d'un appartement. 
 

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Irma Vep

Publié le par Rosalie210

Olivier Assayas (1996)

Irma Vep

Irma Vep d’Olivier Assayas (1996) illustre la rencontre entre la Nouvelle vague et le cinéma de Hong-Kong. Maggie Cheung est engagée par un cinéaste (Jean-Pierre Léaud) pour tourner un remake des Vampires de Louis Feuillade, un film muet de 1915. Elle reprend le rôle d'Irma Vep (anagramme de Vampire) tenu par Musidora, une voleuse dans la lignée d’Arsène Lupin. Ce qui intéresse Léaud dans le cinéma de Hong-Kong, c’est le mouvement des corps des actrices et acteurs (qui tous ont au moins des bases en arts martiaux). Peu d’acteurs/d’actrices français sont véritablement corporels à l'exception de Denis Lavant ou d'Isabelle ADJANI. C'est pourquoi devant l'incapacité du réalisateur à tourner le film, Maggie Cheung décide de se mettre en scène elle-même en dérobant pendant la nuit un collier dans une chambre d'hôtel.

Le film bien qu'intéressant manque d'enjeu dramatique, est assez théorique et ennuyeux mais Maggie Cheung a une présence phénoménale à l'écran et marque les esprits dans son costume de vamp en latex.

 

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