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Articles avec #cuaron (alfonso) tag

Roma

Publié le par Rosalie210

Alfonso Cuaron (2018)

Roma

"Roma", titre trompeur n'a aucun rapport avec la capitale de l'Italie. Il s'agit du quartier de Mexico où a grandi Alfonso CUARÓN qui restitue donc une partie de son enfance avec une beauté et une inventivité qui forcent l'admiration. Sous ses allures de simple chronique familiale, le film ne cesse en effet de gagner en intensité au fil des minutes pour aboutir à un final bouleversant. Final qui répond d'ailleurs à un générique particulièrement génial qui sous sa simplicité apparente est d'une grande richesse. Le plan-séquence montre en plongée un sol dallé et mouillé et on entend en hors-champ que celui-ci est en train d'être lavé à grande eau ce qui introduit sous forme métaphorique le paradoxe d'un personnage principal invisible car triplement discriminé: en tant que femme, domestique et d'origine indigène. Parallèlement le flux et le reflux de l'eau savonneuse fait penser à l'immensité de la mer où se dénoue l'intrigue du film mais s'oppose aussi en tous points à la fixité et la géométrie du sol de même qu'elle reflète le ciel dans lequel passe un avion: on a donc la juxtaposition de trois des quatre éléments de l'univers (le feu surgira plus tard dans le film) et de pôles contraires, terre/ciel, propre/sale, mouvement/fixité. Des pôles qui seront ensuite développés.

Dans "Roma", ce n'est pas en effet le cinéaste qui est au centre de l'histoire mais la domestique de la maison où il a grandi, Cléo dont on suit la vie quotidienne. Résidant dans la maison de ses employeurs, elle est considérée comme en faisant partie intégrante. On le voit à plusieurs reprises: quand Sofia la maîtresse de maison apprend la grossesse de Cléo et qu'elle l'emmène à l'hôpital se faire examiner, quand elle la prend avec eux en vacances ou encore quand la mère de Sofia va dans un grand magasin acheter un berceau pour le bébé à naître. Par ailleurs Cléo aime les enfants de Sofia comme s'ils étaient les siens ce que la scène finale prouve de façon éclatante. Néanmoins, la distance sociale se fait sentir à travers le fait que Cléo réside dans un logement à part avec une autre domestique, qu'on leur rationne l'électricité mais surtout par le fait que lorsque Sofia est émotionnellement débordée, elle a tendance à passer ses nerfs sur elle.

Malgré cela, la véritable fracture est surtout entre les femmes et les hommes. Alors que les femmes sont montrées comme solidaires, manifestant une sororité qui dépasse parfois les clivages ethniques et sociaux, les hommes sont à l'inverse absents ou menaçants. La présentation du mari de Sofia est volontairement inhumaine puisque la mise en scène l'efface au profit de sa voiture qui a bien du mal à s'encastrer dans la maison. Ce mari ectoplasmique qui n'existe qu'au travers de ses machines finira par disparaître tout à fait du paysage. Outre les difficultés de la voiture à entrer au garage, le dysfonctionnement de cette famille se traduit par le fait qu'en dépit des domestiques, le désordre et la saleté règnent dans leur grande et belle maison et lorsque quelque chose est cassé, il n'est pas réparé. Quant à l'amant de Cléo, présenté dans un premier temps comme plutôt sympathique, il s'avère d'abord lâche, puis odieux puis enfin dangereux. La scène où on le voit s'entraîner avec d'autres camarades aux arts martiaux a des relents néo-fascistes qui ne laissent aucun doute sur sa véritable nature de tueur*. Et au cas où on n'aurait pas compris, tous les combattants se figent dans une posture statuaire pendant que l'avion du générique traverse de nouveau le ciel.

Car l'un des thèmes majeurs qui traverse le film est celui de la vie et de la mort. Ce clivage ne traverse pas seulement les femmes et les hommes. Il touche Cléo au travers de son rapport paradoxal à la maternité**. Là encore, la mise en scène à l'intérieur des plans joue un rôle essentiel. Une scène de tremblement de terre dans une maternité se termine par un présage funeste. Une scène au premier plan d'accouchement se transforme à l'arrière-plan en cérémonie funèbre. Une scène de noyade se transforme en scène de sauvetage et de renaissance par un travelling qui les relie intimement. Si les enfants sont abandonnés voire reniés par leurs géniteurs, ils sont protégés par leurs mères, qu'elle soit biologique ou non. C'est donc un message d'amour à celles qui l'ont élevé et plus particulièrement à la plus humble d'entre elles que Alfonso CUARÓN dédie le film.

Ajoutons que "Roma" a fait sensation en étant le premier film produit par Netflix a avoir été primé. Bien sûr, un film aussi abouti aurait mérité de sortir en salles. Mais sans Netflix, il n'aurait tout simplement pas existé. Quel producteur américain mainstream aurait pris le risque de financer un film en noir et blanc en langue espagnole et indigène?

* La scène nous prépare à découvrir son rôle actif pendant le massacre de Corpus Christi en 1971, une journée durant lequel plus de cent étudiants qui manifestaient en faveur de la démocratisation du pays furent massacrés par des paramilitaires au service de l'Etat mexicain et formés par la CIA.

** Un thème qui semble particulièrement lui tenir à coeur, sauf qu'il l'avait jusque là traité dans des films de science-fiction (le futur) et non dans une chronique historico-biographique (le passé).

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Les fils de l'homme (Children of Men)

Publié le par Rosalie210

Alfonso Cuaron (2006)

Les fils de l'homme (Children of Men)

Les fils de l'homme est moins un film de SF qu'un film très contemporain sur les angoisses liées à l'avenir de l'humanité. Le portrait de Londres en 2027 extrapole à partir des problèmes actuels des métropoles des pays développés: terrorisme (islamiste), catastrophe nucléaire, pollution et épuisement des ressources, lutte contre l'immigration, crise des réfugiés politiques et climatiques, chute de la fécondité (qui atteint dans le film le niveau 0). On pense notamment au Japon qui refuse l'immigration, a un des taux de fécondité parmi les plus faibles du monde et est confronté aux conséquences de Fukushima. Dans le film d'un côté il y a l'Angleterre (une île également) qui est le seul Etat qui fonctionne encore et de l'autre le reste du monde qui est plongé en plein chaos. Mais l'Angleterre de 2027 s'apparente en partie à l'Etat nazi avec un régime totalitaire et policier qui persécute les immigrés et en partie à la Bosnie des années 90 ou au Liban des années 70-80 avec une atmosphère de guérilla urbaine menée par les groupes extrémistes. Dans un contexte où il n'y a pas eu de naissances depuis 18 ans, l'enfant à naître d'une jeune fille enceinte devient un enjeu politique, convoité par les deux camps.

Alfonso Cuaron choisit deux approches diamétralement opposées pour traiter de cette histoire apocalyptique. D'une part une approche réaliste s'apparentant au documentaire avec une caméra à l'épaule et de longs plans-séquences immersifs qui plongent le spectateur au coeur de la guerre, d'une course-poursuite en voiture où d'un accouchement dans les pires conditions possibles. Il avoue s'être inspiré de la bataille d'Alger pour les séquences de guérilla urbaine, un film référence en la matière. De l'autre un sous-texte religieux avec les maux qui frappent l'humanité et s'apparentent à une punition divine, une jeune femme qui révèle sa grossesse dans une étable, la naissance d'un enfant-sauveur (Jésus dans les Evangiles est surnommé "le fils de l'homme") devant lequel les soldats s'agenouillent et font le signe de croix, un protecteur dont le prénom Théo signifie en grec "Dieu", un navire "tomorrow" qui devient une nouvelle arche de noé, une femme qui tient son fils dans ses bras comme une piéta sans parler de la fin où la mère et l'enfant sont sauvés des eaux alors que le protecteur meurt en s'étant racheté (l'enfant portera le prénom de son propre fils défunt).

L'enfant étant noir, le message est clair: l'origine de l'humanité se trouve en Afrique mais l'avenir aussi (au vu des perspectives démographiques). Persécuter les immigrés et réfugiés revient à s'auto-détruire.

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Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban (Harry Potter and the Prisoner of Azkaban)

Publié le par Rosalie210

Alfonso Cuaron (2004)

Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban (Harry Potter and the Prisoner of Azkaban)

Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban marque un premier tournant dans la saga vers un récit plus sombre et plus adulte. Harry et ses amis ont 13 ans, l'âge du basculement de l'enfance à l'adolescence. Le changement de réalisateur pour le 3° film s'avère donc d'autant plus pertinent que Cuaron avait déjà réalisé un film sur ce thème. Contrairement à son prédécesseur, il n'hésite pas à imprimer sa marque sur le film en opérant toutes sortes de changements: la panoplie des sorciers se modernise, le relief du château de Poudlard se valonne, le saule cogneur devient un marqueur des saisons qui passent (une jolie idée poétique qui fonctionne très bien au cinéma), les mouvements de caméra sont moins statiques et plus nerveux, le montage est plus dynamique bref tout paraît plus mature et réaliste. Quant aux nouveaux acteurs, tous issus du gratin de la british academy, ils sont tout simplement excellents avec notamment un nouveau Dumbledore (Michael Gambon) dont l'esprit hippie est beaucoup plus proche du personnage créé par JK Rowling que celui du vieux sage à barbe blanche représenté dans les deux premiers volets. David Thewlis et Gary Oldman apportent toute l'ambiguité nécessaire à leurs magnifiques personnages et Emma Thompson est géniale en voyante foldingue.

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