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Dans les oreilles de Alain Resnais

Publié le par Rosalie210

Géraldine Boudot (2019)

Dans les oreilles de Alain Resnais

Une approche du cinéma de Alain RESNAIS par le son. On retrouve dans les témoignages comme dans l'interview du réalisateur certains aspects de sa personnalité tels que l'importance de la musique dans son oeuvre, son éclectisme et sa recherche permanente de renouvellement.

L'importance de la musique dans son oeuvre se manifeste d'abord par ses films musicaux tels que "On connait la chanson" (1997) ou l'opérette "Pas sur la bouche" (2003). Mais aussi par les personnages de musiciens dans son oeuvre ("Melo") (1986) et son attention à la musicalité des voix. Personnellement, je suis particulièrement sensible à cette musicalité lors des longs monologues de Andre DUSSOLLIER dans "Melo" (1986) et de Pierre ARDITI dans "Smoking" (1992) dont les modulations sont lyriques au possible, en accord avec la corde intérieure qu'ils font vibrer. Et que dire du magnifique "L'Amour a mort" (1984) construit comme les touches d'un piano, les blanches étant privées de musique et les noires, d'image (hormis la neige qui tombe).

L'éclectisme musical de Alain RESNAIS se manifeste dans les choix des compositeurs de ses musiques comme dans la variété des morceaux choisis, allant de la musique contemporaine à la variété. De même, il change de compositeur d'un film à l'autre, faisant parfois des choix surprenants comme celui de Mark SNOW qui a signé la célèbre musique de la série "X-Files" (et qui témoigne dans le documentaire). Un point commun se dessine avec deux de ses scénaristes fétiches, Jean-Pierre BACRI et Agnes JAOUI (qui témoigne dans le documentaire): le refus de s'enfermer dans une chapelle. Ainsi le cinéma de Resnais est à la fois expérimental, exigeant et pour certains de ses films, populaires.

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La Veuve Joyeuse (The Merry Widow)

Publié le par Rosalie210

Erich Von Stroheim (1925)

La Veuve Joyeuse (The Merry Widow)

Erich von STROHEIM transforme une opérette légère de Frantz Lehar en satire des moeurs des classes dirigeantes corrompues par l'argent, le sexe et le pouvoir. Il injecte même un côté franchement tordu à l'histoire d'une "petite" danseuse américaine courtisée par deux princes héritiers d'un trône imaginaire d'Europe balkanique. Tordu comme le sourire carnassier de Mirko (Roy D'ARCY), l'odieux prince héritier qui prend un plaisir sadique à torturer ceux qu'il domine. A commencer par son cousin, second sur la liste des héritiers au trône, Danilo (John GILBERT). Si lors d'une remarquable scène d'introduction, ce dernier apparaît infiniment plus sympathique que Mirko, réagissant de façon enthousiaste à la vue de l'auberge où il doit résider là où son cousin manifeste de la colère et du mépris à l'idée de dormir dans une porcherie (allusion à la présence de ces animaux de ferme ainsi que de flaques de boue non loin de l'entrée, une facétie de plus du réalisateur), Danilo se comporte comme un séducteur sans vergogne considérant que le corps des femmes de l'auberge lui appartient. Les deux hommes rivalisent d'audace pour séduire Sally la danseuse (Mae MURRAY) lors de scènes menées de main de maître, notamment lorsqu'il faut jouer des pieds et des jambes sous la table. Celle-ci tombe sous le charme de Danilo mais se ferme comme une huître dès que ses instincts de prédateur deviennent manifestes ce qui l'arrête net. Une véritable intimité finit par se créer entre eux que Eric von STROHEIM filme avec intensité, que ce soit dans une alcôve ou lors d'une scène de danse ou encore après un duel. Evidemment, les parents royaux s'offusquent de cette mésalliance qu'ils parviennent à déjouer mais lorsque Sally devient la richissime veuve du vieux baron concupiscent et infirme qui finance le royaume en sous-main (qui heureusement pour elle claque lors de leur nuit de noces, il semblait porter sur lui les verrues de la syphilis), elle devient "bankable", excitant encore plus les appétits malsains de Mirko qui peut ainsi faire d'une pierre deux coups: mettre la main sur des millions et détruire définitivement son cousin dont la nature joyeuse s'est muée en désespoir. Bref, tout un art du contraste qui en fait une oeuvre fascinante, à la fois populaire et personnelle tant le réalisateur se l'est appropriée.

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Pauvres créatures (Poor Things)

Publié le par Rosalie210

Yorgos Lanthimos (2024)

Pauvres créatures (Poor Things)

Style baroque mais récit initiatique archi-classique. Il n'y a pas beaucoup de surprises au menu de ce "Pauvres Créatures" bien trop léché (tout en se voulant provocant) pour m'avoir convaincue. Quelques scènes sont réussies quand Bella (Emma STONE) parle sans filtre ou danse sur le bateau, à la manière d'une parodie de "Titanic" (1997) mais son émancipation est en trompe-l'oeil. Elle n'a à la bouche que le mot "aventure" ou "expérience" mais celle-ci se résume à sauter de paquebot en hôtel et même lorsqu'elle s'essaye à la prostitution, c'est dans des décors que l'on croirait dessinés par Gaudi, sauf qu'ils sont censés être parisiens. Le vrai monde, elle ne le voit pas ou alors de très haut et furtivement. On est loin de "Candide", référence pourtant revendiquée avec le passage à Lisbonne. Le réalisateur a soigné ses décors (ce que j'ai préféré dans le film), ses costumes (assortis aux décors), ses plans alambiqués, distordus par le grand-angle mais de façon assez gratuite, pas très subtile et tout cela ressemble à une énorme coquille vide, à l'image de Bella, plus poupée mécanique que véritable femme-enfant. Bella, le dernier avatar de la créature de Frankenstein sur laquelle le réalisateur (et son double, le docteur Baxter joué par Willem DAFOE) projette des fantasmes masculins que j'ai trouvé personnellement cradingues et qui n'a droit à aucune vie intérieure. Elle a soif d'apprendre mais on la voit juste se remplir de nourriture et de sexe avec son cerveau de foetus. Une drôle de vision de l'émancipation féminine. Afin que l'on y voit que du feu, son ancien mari est une ordure qui terrorise les domestiques avec un flingue et veut la faire exciser. C'est sûr qu'avec une telle caricature, il est facile de paraître évolué. Même avec un cerveau de foetus. En résumé ça se prend pour de l'or mais c'est en réalité du toc. Dommage, car le rétrofuturisme "viandard" peut donner de pures pépites ("Delicatessen" (1990) de Jean-Pierre JEUNET et Marc CARO par exemple).

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Daïnah la métisse

Publié le par Rosalie210

Jean Grémillon (1931)

Daïnah la métisse

Renié par son réalisateur, Jean GREMILLON, Dainah la metisse" (1931) est un film qui a été amputé d'une quarantaine de minutes par la société de production Gaumont ce qui l'a transformé en moyen-métrage elliptique (forcément!) mais au contenu assez fascinant. Les inévitables lacunes narratives sont compensées par une atmosphère onirique et une mise en scène hypnotique qui épouse la géométrie du navire où se déroule l'histoire. Et les personnages sont pour le moins atypiques, surtout pour un film réalisé au début des années 30, âge d'or du colonialisme. Pour mémoire en 1931, la France organisait une exposition au bois de Vincennes glorifiant son Empire surnommé "la plus grande France". Or le film comme son titre l'indique a pour héroïne une jeune femme métisse (Laurence CLAVIUS) qui flirte avec les passagers du paquebot de luxe où ils voyagent en direction de Nouméa. Le tout sous l'oeil envieux de quelques commères frustrées et d'un mari magicien quelque peu délaissé. Comme dans "Green Book" (2018), les repères sont inversés. Smith, le mari de Dainah (Habib BENGLIA), est un homme noir extrêmement distingué et fortuné alors qu'elle devient la cible d'un mécanicien blanc fruste, Michaux (Charles VANEL) qui tente d'abuser d'elle. Le désir est donc central dans un film qui invite pour reprendre l'expression de Rimbaud à un dérèglement de tous les sens et de toutes les normes. Une des scènes les plus marquantes est celle du bal masqué à bord du navire où tous les convives bourgeois portent des masques particulièrement disgracieux et où le visage de Dainah est recouvert par une grille, comme celui d'Hannibel Lecter sans doute parce qu'elle est un "met de choix" qu'il faut la préserver des regards concupiscents, à moins que ce ne soit le contraire. En tout cas, le résultat est incontestablement subversif ce qui explique sans doute le charcutage en règle qu'a subi le film à sa sortie. Film qui entre en résonance avec le cinéma fantastique d'un Georges FRANJU ou d'un David LYNCH sans oublier "Eyes wide shut" (1999) de Stanley KUBRICK.

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Pluto (Puruto)

Publié le par Rosalie210

Toshio Kawaguchi (2023)

Pluto (Puruto)

Naoki Urasawa est l'auteur de mes deux mangas préférés: "20th Century Boys" et "Pluto", tous deux primés à Angoulême, respectivement en 2004 et en 2011. Tout en bâtissant des intrigues palpitantes et des personnages intenses, Naoki Urasawa insuffle à ses oeuvres une dimension existentielle d'une puissance rare. Ainsi en est-il de "Pluto" qui rend hommage au père des mangas, Osamu Tezuka et à "Tetsuwan atomu" alias "Astro le petit robot" chez nous. Un auteur qui développait dans ses oeuvres nombre de thèmes religieux et philosophiques. Mais l'oeuvre d'Urasawa est plus sombre, plus adulte, plus mélancolique, plus inquiète, hantée par le mal. Elle prolonge à la fois la réflexion d'Asimov et celle de Philip K. Dick sur les robots avec un questionnement très simple mais imparable sur nos profondes contradictions humaines. L'homme a voulu créer le robot à son image mais il ne veut pas qu'il mente ni qu'il tue tout en l'utilisant comme machine de guerre dans les conflits armés. Il veut en garder le contrôle tout en lui insufflant des émotions par essence incontrôlables et ensuite s'effraie de voir celui-ci lui échapper. Le dernier avatar de Frankenstein s'appelle d'ailleurs Bora dans "Pluto" et ressemble à la créature d'eau et de glaise de Prométhée.  

Le résultat est que les robots de "Pluto" sont des vétérans de guerre remplis de tourments. Les plus sophistiqués d'entre eux ont une apparence humaine qui les rend indécelables à l'oeil nu. Ils ont un subconscient, une mémoire traumatique, sont submergés par la haine ou l'empathie, jouent du piano, peignent, jardinent, ont une famille, ne comprennent pas d'où viennent leurs larmes, mentent aux autres comme à eux-mêmes. Alors évidemment en dépit du tabou nimbé d'une épaisse couche de déni, il apparaît évident que ces robots peuvent tuer, et pas seulement d'autres robots. L'enquête porte d'ailleurs sur une intelligence artificielle qui commet des meurtres, sur les robots les plus puissants du monde mais aussi sur des humains qui leur sont liés. Tous ont trempé dans un conflit sanglant qui s'inspire de l'invasion de l'Irak par les USA en 2003, le "39° conflit d'Asie centrale".

Mais cette enquête en rejoint une autre, beaucoup plus intime. Gesicht, le robot-inspecteur chargé des investigations veut comprendre l'origine des cauchemars qu'il fait toutes les nuits, comprenant peu à peu que sa mémoire a été trafiquée par ses supérieurs humains pour reprendre le contrôle sur lui et les armes redoutables qu'il possède dans son corps. Armes et démons intérieurs ne faisant pas bon ménage, il éprouve le besoin d'interroger Brau 1589, seul robot a avoir officiellement tué un humain en violation de la législation inspirée des lois d'Asimov. Celui-ci est prisonnier mais n'a pas été détruit parce que les humains, dépassés par son cas ont peur des conséquences. Peu à peu, Gesicht reprend possession de ses souvenirs et de son identité et c'est de cette mémoire que hérite Astro. Tous deux sont reliés par le souvenir d'un enfant mort et des émotions extrêmes qu'elle a déclenché, des émotions incontrôlables qui les ont propulsé à un stade d'évolution supérieur. Alors bien évidemment, la question angoissante qui se pose aux humains dépassés face à ces robots ayant acquis le libre-arbitre c'est "que vont-ils choisir?" 

 

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Sleep (Jam)

Publié le par Rosalie210

Jason Yu (2023)

Sleep (Jam)

"Sleep" est le premier film de Jason Yu, assistant-réalisateur pour BONG Joon-ho notamment dans "Okja" (2016). Cette influence saute aux yeux dans "Sleep", film de genre entre thriller et comédie horrifique qui se déroule presque totalement à l'intérieur d'un appartement et en utilise chaque recoin pour suggérer bien plus que pour montrer. L'histoire joue sur le fameux "je est un autre" mais à la sauce asiatique. Un nid conjugal douillet le jour se transforme en cauchemar la nuit. La faute au somnambulisme du mari qui le transforme en une autre personne lorsqu'il est endormi, de plus en plus dangereuse pour elle-même et pour les autres. L'épouse, d'abord déterminée à l'aider à guérir et à sauver son couple perd progressivement pied sous l'effet de l'accumulation des insomnies et de la naissance d'un enfant dont elle craint pour la sécurité au vu de ce qui est arrivé à leur petit chien. L'intimité du foyer vole en éclats au fur et à mesure que l'épouse s'éloigne physiquement de son mari et s'arme contre lui au point qu'à la fin les repères de la violence et de la folie sont brouillés. De plus comme la médecine moderne s'avère impuissante, le couple se tourne vers le chamanisme qui a tôt fait de débusquer un fantôme, celui du voisin du dessous, étendant le cauchemar à sa famille qui a pris sa place, une fois celui-ci décédé. Bien que tendu à l'extrême, le film se permet ainsi des moments d'humour bienvenus. C'est aussi l'une des dernières occasions de voir à l'écran LEE Sun-kyun, connu mondialement depuis sa prestation dans "Parasite" (2019) et qui s'est donné la mort le 26 décembre dernier après avoir été harcelé par la police et les médias au sujet d'une affaire de consommation de drogue.

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Austin Powers dans Goldmember (Austin Powers In Goldmember)

Publié le par Rosalie210

Jay Roach (2002)

Austin Powers dans Goldmember (Austin Powers In Goldmember)

Le seul volet de la trilogie Austin Powers que je n'avais pas encore vu est à l'image des autres: un délicieux bonbon pop, régressif juste ce qu'il faut, bourré d'énergie, d'idées et de références judicieusement placées. Cette parodie des films d'espionnage biberonnée au swinging London et animée de l'esprit potache du Saturday Night Live d'où est issu Mike MYERS est plus réjouissante que jamais, frisant souvent le mauvais goût mais parvenant à l'éviter la plupart du temps grâce à sa tonalité bon enfant. Le titre se passe de commentaire, d'autant que même l'original "Goldfinger" (1964) avait déjà donné lieu à des détournements douteux. L'ouverture est un pastiche de "Mission : Impossible 2" (2000) renommé "Austinpussy" (allusion à "Octopussy") (1983)" avec l'apparition clin d'oeil de Tom CRUISE déguisé en Austin Powers, les autres personnages étant incarnés par Gwyneth PALTROW, Kevin SPACEY et Danny DeVITO, le tout sous la houlette de Steven SPIELBERG et Quincy JONES (il n'y a pas à dire, Mike MYERS fait fort en terme de casting). Quant à l'anti-James Bond des années 60, alias Harry Palmer alias Michael CAINE, il devient rien de moins que le père de Austin Powers ce qui rend explicite le fait que Mike MYERS s'est inspiré de lui pour créer son personnage. Autre très bonne idée, rendre hommage à la blaxploitation au travers du personnage joué par Beyonce KNOWLES qui ressemble furieusement à Pam GRIER. Alors il est vrai que le film ressemble plus à une suite de sketches qu'à un vrai film mais c'était après tout également le cas des Monty Python à qui Mike MYERS rend un hommage appuyé. Et plusieurs scènes sont vraiment très drôles comme celle du cameo de Britney SPEARS (qui devient "canon" au sens propre!), du clip de rap, du sous-marin ou celles qui jouent sur les illusions d'optique (il y en a deux fois plus que dans l'opus précédent). Tout n'est cependant pas aussi drôle, à commencer par Goldmember lui-même (joué également par Mike MYERS) qui exploite maladroitement le concept de "bijoux de famille" que l'on retrouve jusque dans "Pulp Fiction" (1994). Et si le répugnant personnage de Gras-Double (autre personnage joué par Mike MYERS) en fait déjà trop (pour moi), cela aurait pu être pire. Heureusement que Beyonce KNOWLES a mis des limites à l'imagination débordante du réalisateur. Il n'en reste pas moins que cet opus est un festival dont on sort le sourire aux lèvres.

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Virgin Suicides (The Virgin Suicides)

Publié le par Rosalie210

Sofia Coppola (2000)

Virgin Suicides (The Virgin Suicides)

Le premier film de Sofia COPPOLA adapté du roman éponyme de Jeffrey Eugenides fait penser à d'autres films qui sont contemporains de son histoire se déroulant dans les années 70 comme "Pique-nique a Hanging Rock" (1975) (le puritanisme, le mystère, les jeunes filles en fleur idéalisées qui s'évaporent) et "Carrie au bal du diable" (1976) (l'extrémisme religieux, la puberté, le lycée et ses rituels comme le bal de fin d'année). Mais il a été réalisé à la fin des années 90 par une femme et me fait également penser à un film encore plus contemporain et radical, "Mustang" (2014) où il est également question de cinq soeurs cloîtrées par leur famille et l'obscurantisme des moeurs de leur communauté afin de les contrôler jusqu'à leur mariage. Mais autant "Mustang" est rempli d'une énergie rageuse, autant "Virgin suicides" est éthéré. Il faut dire que jamais le film n'adopte le point de vue des jeunes filles. Le spectateur n'a accès qu'au souvenir nostalgique des garçons les ayant connu 25 ans plus tôt. Celles-ci étaient alors des fantasmes sur patte pour eux qui épient chacun de leur mouvement et collectionnaient les objets leur appartenant afin de tenter de saisir leur mystère insondable. Il y a même dans les poses de Lux (Kirsten DUNST) un côté "Lolita" (1962)(est-ce en pensant aux "lollipops" que Humbert Humbert a imaginé le surnom de Dolorès?). Et dès que celle-ci est "consommée", elle semble perdre tout attrait pour le jeune homme qui l'abandonne. L'émancipation entravée par les parents surprotecteurs s'avère être un cul-de-sac à l'aune du conformisme américain symbolisé par le quartier pavillonnaire où vivent les jeunes filles. Dans une scène hautement symbolique, elles tentent en vain de sauver un arbre malade promis à l'abattage pour qu'il ne contamine pas les autres et ont cette phrase tellement significative: "pourquoi ne pas laisser faire la nature?" L'arbre sera coupé et elles s'autodétruiront. Superbe musique du groupe "Air" renforçant le caractère irréel des images.

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Les Mystères de Paris

Publié le par Rosalie210

André Hunebelle (1962)

Les Mystères de Paris

Ca fait un bail que je n'avais pas vu de film de Andre HUNEBELLE, le spécialiste des films de divertissement des années cinquante et soixante dans des genres variés: espionnage, comédie policière, cape et d'épée ou ici, mélodrame historique XIX° adapté du roman de Eugène Sue mâtiné d'une ambiance western importée des USA (la chanson dans le saloon ou plutôt la taverne, le dégainage des flingues à tout bout de champ, la scène de pendaison collective etc.) Jean MARAIS, acteur fétiche du réalisateur alors au sommet de sa gloire endosse le rôle de Rodolphe, cet aristocrate au grand coeur et à la force herculéenne qui se fait passer pour un ouvrier dans le Paris des bas-fonds pour réparer un malheur dont il est responsable. Tel Robin des bois, notre super-héros redresseur de torts envoie des torgnoles aux méchants exploiteurs du prolétariat et déjoue tous les pièges avant d'affronter le fourbissime baron de Lansignac (Raymond PELLEGRIN), le tout épaulé par une galerie de seconds rôles savoureux: Pierre MONDY, Jean LE POULAIN, Noel ROQUEVERT etc. Bref, un spectacle plaisant à défaut d'être transcendant.

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Orange mécanique, les rouages de la violence

Publié le par Rosalie210

Benoît Felici, Elisa Mantin (2023)

Orange mécanique, les rouages de la violence

Arte consacre une série de documentaires aux grands romans qui ont fait scandale à leur sortie, soit parce qu'ils ont été l'objet de malentendus voire de contresens, soit parce qu'ils étaient en avance sur leur époque. Comme "Lolita" de Nabokov, autre roman incompris (et adapté au cinéma par Stanley KUBRICK), "Orange mécanique" est un roman "extralucide" qui s'avère aujourd'hui d'une brûlante actualité. Hélas, il a voyagé dans le temps avec le contresens tenace consistant à y voir une apologie du crime. Contresens qui pour mémoire (le documentaire ne l'évoque pas) avait conduit à la censure du film jusqu'à la mort de Stanley KUBRICK. Un contresens largement basé sur une vision tronquée de l'oeuvre. Que ce soit le livre ou le film, c'est la première partie, celle des exactions de Alex et de sa bande qui absorbe la lumière alors que la suite montre la violence infiniment plus grande qu'exerce l'Etat vis à vis des individus déviants. Une occultation significative puisqu'elle permet aux sécuritaires d'instrumentaliser l'oeuvre (par exemple dans "La France Orange Mécanique") pour réclamer d'un Etat supposé laxiste davantage de mesures coercitives. Or nous dit Anthony Burgess dont le catholicisme irrigue philosophiquement le livre, qu'est ce qu'un individu privé de la liberté de choisir sinon un être privé d'humanité?

Le documentaire se penche sur l'histoire personnelle de l'auteur marquée par plusieurs drames (dont une agression sur son épouse qui fait écho à celle de l'écrivain dans "Orange Mécanique" et ce d'autant plus que cet écrivain est en train de rédiger le roman que l'on est en train de lire, une redoutable mise en abyme) mais aussi sur le contexte socio-culturel du Royaume-Uni des années cinquante et soixante marqué par l'acculturation américaine et la fin de l'Empire colonial. Une crise existentielle qui a favorisé la montée en puissance d'une jeunesse rebelle et nihiliste avec la formation de gangs violents, le tout attisé par la consommation de drogues. Une énergie créative retournée en pulsion destructrice, voilà comment Anthony Burgess définit Alex et sa bande qui n'incarne pas seulement la jeunesse britannique. Le fameux argot "nadsat" étant une manière d'effacer le rideau de fer ou plutôt de le déplacer d'une frontière géopolitique vers une frontière générationnelle, Anthony Burgess ayant remarqué lors d'un séjour en URSS que le mal-être de la jeunesse était tout aussi important à l'est qu'à l'ouest. Mais la plus grande préoccupation de Burgess et ce qui rend son oeuvre intemporelle est son profond humanisme. Le documentaire se penche sur un manuscrit inachevé retrouvé récemment, "A Clockwork Condition", dans lequel Burgess livre son inquiétude sur le monde à venir. Un monde "freak control" où le mécanique (dont fait partie le conditionnement pavlovien ayant servi de modèle au programme Ludovico) réussirait à dompter l'organique. Avec à la clé certes, la disparition du "mal" mais aussi du "bien", l'un n'allant pas sans l'autre et l'être humain ne l'étant que parce qu'il est doté de la capacité de choisir. En inhibant le mal chez Alex, le programme étouffe également le bien en lui, son potentiel artistique lié à son amour de la musique. Cette réflexion n'est pas très éloignée de celle du géographe François Terrasson qui montrait dans ses livres sur la civilisation anti-nature que l'homme occidental détruisait tout ce qu'il ne pouvait contrôler et que son idéal était un monde minéral et non un monde vivant. Il suffit de regarder l'allure de nos métropoles avec leurs alignements de tours de verre et d'acier pour comprendre ce que cela signifie. Burgess était tout simplement visionnaire.

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