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Articles avec #jaoui (agnes) tag

Bacri, comme un air de famille

Publié le par Rosalie210

Erwan le Gac, Stéphane Benhamou (2022)

Bacri, comme un air de famille

Pour le deuxième anniversaire de sa disparition, France 5 rend hommage à Jean-Pierre BACRI en proposant après la diffusion de "Les Sentiments" (2003) dans lequel il joue un rôle inhabituel le documentaire de Erwan LE GAC et Stéphane BENHAMOU qui retrace sa vie et sa carrière. Narré par Gilles LELLOUCHE, le film est assez classique sur la forme, faisant intervenir des amis et des collaborateurs entre deux scènes d'archives (mais pas tous. Agnès JAOUI brille ainsi par son absence). Sans prétendre éclairer toutes les facettes de sa personnalité, le film parvient tout de même par moments à sortir de l'anecdotique ou des platitudes. Il y a déjà tous les passages où à l'occasion de remises de prix ou d'émissions radio ou tv, Jean-Pierre BACRI a marqué les esprits avec son intelligence et son franc-parler. On peut ainsi rapprocher deux moments où il manie l'ironie pour dénoncer l'hypocrisie bien-pensante sur l'écologie (se payant la tête de Hulot au passage), l'autre dans lequel il feint de n'avoir aucune revendication à porter sur la place publique, preuve selon laquelle il est bien entré dans le système. Tant sur la forme que sur le fond, on reconnaît le Bacri observateur critique de son milieu et de son époque et ne s'épargnant pas lui-même. Ensuite il y a son rapport à ses origines dans lesquelles il a refusé de se laisser enfermer. Avant sa rencontre avec Agnès JAOUI qui l'a hissé au rang de co-auteur de pièces de théâtre et de scénarios de films, Jean-Pierre BACRI était l'acteur pied-noir de service, ce type de rôle culminant dans "Le Grand pardon" (1981) qui lui a permis de connaître une certaine notoriété. Mais contrairement à Roger HANIN avec lequel il a fini par se brouiller, Jean-Pierre Bacri détestait le communautarisme sous toutes ses formes. Il y a beaucoup de lui dans Castella, le chef d'entreprise autodidacte de "Le Goût des autres" (1999) (un des rôles dans lesquels je le préfère) qui s'ouvre à l'art, à la culture et aux autres en bravant courageusement le mépris et les humiliations des chapelles d'intellos snobinards. Et côté coulisses, c'est à lui et à Agnès JAOUI que l'on doit d'avoir enfin vu au cinéma dans un rôle important Anne ALVARO, cette formidable actrice qui était jusque-là cantonnée dans le milieu du théâtre (comme Jean-Pierre BOUVIER qui lui a mis le pied à l'étrier et que j'ai eu plaisir à revoir*). Le théâtre qui est aussi la matrice de la rencontre fructueuse avec Alain RESNAIS dont pourtant il n'avait rien compris dans sa jeunesse à "Hiroshima mon amour" (1958). Cet universalisme, on le retrouve jusque dans "Le Sens de la fête" (2016) où il dirige une brigade de carpes et de lapins qu'il cherche à fédérer, tel le double du duo de réalisateurs Philippe TOLEDANO et Olivier NAKACHE qui réunissent dans un même film des acteurs jouant dans des univers très éloignés.

* Au cinéma, en dehors de Roger HANIN, son autre "parrain" a été Lino VENTURA.

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Cuisine et dépendances

Publié le par Rosalie210

Philippe Muyl (1993)

Cuisine et dépendances

Alors que j'ai vu et revu la plupart des films du brillant duo formé par Agnès JAOUI et Jean-Pierre BACRI dont je suis fan, je n'avais jamais vu leur première oeuvre, celle qui les a révélés. Je connaissais seulement quelques extraits comme celui dans lequel le personnage joué par Bacri refuse de se plier au diktat de la majorité à la façon de Alexis de Tocqueville ^^. On reconnaît les qualités d'observation et d'écriture qui feront leur succès, en particulier leur talent pour mettre à jour les fractures sociales derrière le vernis des apparences. La pièce qui a engendré le film ne s'appelle pas pour rien "Cuisine et dépendances" (1993): la cuisine qui est quasiment le lieu unique du film est l'équivalent des coulisses du spectacle dans laquelle deux personnages qui n'existent que par leur rôle social n'apparaissent jamais. Quant aux "dépendances", elles sont à prendre au sens figuré et évoquent les nombreuses relations de sujétion qui se sont créées dans un groupe d'amis autrefois unis: dépendance de l'épouse vis à vis de son mari, dépendance du frère immature et irresponsable vis à vis de la soeur et du beau-frère, dépendance de l'ami raté vis à vis du couple qui l'héberge, dépendance enfin de ce même couple dont la cuisine délabrée révèle les failles vis à vis d'un ancien ami perdu de vue qui a mieux réussi qu'eux et est devenu une vedette de la télévision. Leur réunion sous le même toit à l'occasion d'un dîner est le prétexte à un grand déballage en arrière-plan des rancoeurs, frustrations, haines, regrets avec l'originalité que ce qui d'ordinaire est caché est ici mis au centre du jeu alors que le dîner en lui-même est occulté.

Cependant, comparativement à leurs productions ultérieures, celle-ci est en dessous. D'abord parce que le réalisateur, Philippe MUYL n'est ni Cédric KLAPISCH, ni a fortiori Alain RESNAIS et n'a pas beaucoup d'idées pour animer ce qui reste du théâtre filmé. Et ensuite parce qu'en dépit des plaintes du caractère trop salé des plats dans le film, les Jabac sont plutôt des spécialistes des recettes douce-amère (dont je raffole, l'un de mes films préférés est d'ailleurs "La Garçonnière" (1960) de Billy WILDER qui est un modèle de réussite du genre) et que je trouve ici la recette bien plus amère que douce. Autrement dit s'il y a beaucoup de vacheries, il manque la tendresse qui fait justement tout le sel de "Un air de famille" (1996), "On connaît la chanson" (1997) et des films réalisés par Agnès JAOUI comme Le Goût des autres" (1999).

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En Thérapie, saison 2

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano, Olivier Nakache, Agnès Jaoui, Arnaud Desplechin, Emmanuelle Bercot, Emmanuel Finkiel (2022)

En Thérapie, saison 2

La deuxième saison de la série "En Thérapie" qui avait créé l'événement l'année dernière et que je viens de terminer en seulement cinq jours est une éclatante réussite. Elle est même supérieure à la première saison qui était déjà d'un niveau remarquable mais qui présentait quelques défauts qui ont disparu de cette nouvelle saison. Je pense en particulier à l'intérêt très inégal des différents patients que recevait le docteur Dayan. Le succès de la première saison a sans doute libéré le champ des possibilités d'enquête intérieure (car qu'est ce que l'analyse sinon une enquête sur soi afin que l'éclairage des zones d'ombre de sa personnalité et de son histoire vienne apaiser les souffrances, rendre compréhensible ses actes et son cheminement et ainsi permette de vivre plus en harmonie avec soi, les siens et le monde) car les scénaristes du tandem Philippe TOLEDANO et Olivier NAKACHE osent aller beaucoup plus loin et affronter le tabou de la mort ainsi que s'approcher au plus près de la véracité d'un travail analytique (actes et paroles manquées, interprétation des rêves etc.). L'intervention du psychiatre et psychanalyste Serge Hefez dans l'écriture du scénario se ressent. Exit donc les affaires de coeur et autres dissensions de couple qui polluaient la première saison à la manière d'une rengaine sentimentale un peu éculée. Le penchant du docteur Dayan (Frédéric PIERROT, extraordinaire dans sa capacité à exprimer par le moindre de ses regards, de ses expressions, par les postures de son corps tous les états d'âme de son personnage) à sortir de son rôle pour jouer les sauveurs et sa profonde culpabilité liée au fait de ne pas y parvenir sont ici profondément questionnés:

- Au travers des fantômes de la saison 1 (dont les événements sont situés cinq ans avant la saison 2 qui s'ouvre au sortir du premier confinement de l'ère covid) qui reviennent le hanter, la mort de Adel Chibane (Reda KATEB) s'étant muée en procédure judiciaire aboutissant sur un procès dans lequel intervient Esther (Carole BOUQUET), l'ancienne superviseuse de Philippe.
- Au travers de sa propre enfance et adolescence qu'il affronte avec l'aide d'une nouvelle superviseuse qui devient au fil du temps une égale et presque un miroir de lui-même, forte et fragile à la fois, remarquablement interprétée par Charlotte GAINSBOURG (qui avait déjà joué sous la direction de Philippe TOLEDANO et Olivier NAKACHE dans "Samba") (2014). Le titre de son livre est programmatique du sens de la série comme de ce qu'elle apporte à Dayan: "la psychanalyse réenchantée".
- Au travers de ses nouveaux patients qui sont tous à un titre ou à un autre en danger de mort (physique, symbolique, filiale ou sociale): l'avortement, le suicide, le cancer, le cyberharcèlement, la dénutrition poussent le docteur Dayan dans ses retranchements tandis que les acteurs qui les interprètent, tous brillants, offrent des compositions subtiles et complexes. On mesure une fois de plus le talent de Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE à faire travailler harmonieusement des gens d'horizons très différents voire opposés et à sortir le meilleur d'eux-mêmes que ce soit au niveau des différents réalisateurs des épisodes (Agnès JAOUI qui a également un petit rôle dans la série, Arnaud DESPLECHIN dont je me suis rappelé qu'il avait déjà abordé la psychanalyse dans "Jimmy P. (Psychothérapie d un Indien des Plaines)" (2013), Emmanuelle BERCOT, Emmanuel FINKIEL) ou bien au niveau des acteurs (Eye HAÏDARA qu'ils avaient d'ailleurs révélé dans "Le Sens de la fête" (2016), le jeune Aliocha Delmotte dont le rôle est autrement plus intéressant et touchant que celui de ses parents dans la saison 1, Suzanne LINDON, fille de qui affirme une présence forte bien à elle et enfin le grand Jacques WEBER que l'on est plus habitué à voir au théâtre et dont l'intensité des échanges, non-verbaux surtout avec Frédéric PIERROT atteint des sommets).

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Place publique

Publié le par Rosalie210

Agnès Jaoui (2018)

Place publique

Le dernier des cinq films co-écrits par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri et réalisé par Agnès Jaoui est passé relativement inaperçu à sa sortie, éclipsé par "Le Sens de la fête" sorti quelques mois auparavant et présentant certaines similitudes (oeuvre d'un duo, casting masculin intégrant dans les deux cas Jean-Pierre Bacri et Kevin Azaïs, cadre identique d'une fête dans une demeure luxueuse à l'écart de la ville). Mais là où "Le Sens de la fête" conservait un ton bon enfant et rendait ses personnages attachants tout en faisant beaucoup rire, "Place publique", satire visant l'air du temps, les bobos parisiens et le show-biz délocalisant leurs fêtes bling-bling dans le rural périurbain a un ton amer, limite aigri, qui vire au jeu de massacre. Le résultat est inégal. Si les dialogues sont globalement savoureux, les personnages tendent à être réduits à des caricatures (le présentateur TV people has-been inspiré d'Ardisson qui refuse de vieillir et étouffe sa compagne de sa jalousie, son ex-femme engagé dans l'humanitaire qui emmerde à peu près tout le monde, leur fille qui surfe sur la notoriété de son père pour vendre ses livres tout en crachant dans la soupe, la productrice cynique, le quinquagénaire en plein démon de midi, l'agriculteur bio sans TV ni internet, l'agriculteur bourrin et son fusil, le youtubeur influenceur* et ses fans incarnant la jeune génération célèbre pour le seul fait de passer à l'écran, la serveuse groupie qui n'en fiche pas une rame et n'est là que pour faire des selfies etc.) Tout ce remue-ménage paraît bien vain à force de tourner en rond en ne remuant que des lieux communs et de l'artificiel. Quelques séquences un peu plus denses humainement entre Kevin Azaïs (qui incarne un chauffeur qui n'est pas sans rappeler celui que jouait Gérard Lanvin dans "Le Goût des autres") et Nina Meurisse ("la fille de" qui rappelle lointainement la Lolita de "Comme une image") ainsi que la mélancolie que distille Jean-Pierre Bacri valent le détour. Sa reprise du "Osez Joséphine" de Alain Bashung lors du générique de fin lui offre une porte de sortie à sa hauteur dans le cinéma français auquel il continue de manquer terriblement.

* La passe d'arme entre lui et Castro (alias Bacri) fait certainement allusion à la séquence de "Salut les terriens" en 2017 durant laquelle Ardisson se montra méprisant envers le youtubeur Squeezie et ses 9 millions d'abonnés, illustrant le fossé culturel et technologique entre les générations et l'incapacité des plus anciens d'accepter leur déclin (les exemples sont légion d'anciens rois du petit écran incapables de raccrocher les gants et débarqués de force, de PPDA à Julien Lepers ou qui continuent de s'accrocher à leur poste en dépit de leur âge avancé comme Michel Drucker ou... Thierry Ardisson). 

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Au bout du conte

Publié le par Rosalie210

Agnès Jaoui (2013)

Au bout du conte

Le quatrième film de Agnès JAOUI confirme un certain déclin qui se faisait déjà sentir dans "Parlez-moi de la pluie" (2007). Le début est laborieux et le dispositif de transposition des contes dans une satire du monde d'aujourd'hui est beaucoup trop appuyé pour ne pas paraître artificiel. A cela s'ajoute l'aspect choral du film qui le rend très brouillon avec trop de personnages à peine esquissés. La greffe des deux genres ne fonctionne qu'avec un seul personnage, celui du grand méchant Wolf (Benjamin BIOLAY qui joue à la perfection les odieux séducteur manipulateur) qui aurait mérité d'être beaucoup plus développé. Il aurait permis de critiquer de manière autrement plus pertinente le mythe du prince charmant (version beau ténébreux) et de la princesse que les films Disney continuent à véhiculer auprès des petites filles du monde entier. La pauvre Laura (Agathe BONITZER) qui doit cumuler les rôles de Cendrillon, Blanche-Neige, La Belle au bois Dormant et cie apparaît surtout comme une belle cruche qui se demande ce qu'elle fiche là. Le film est beaucoup trop fourre-tout en essayant d'embrasser de façon très générale la question des croyances (un sujet bien trop vaste!) pour ne pas tomber à plat. On voit bien la limite du dispositif avec le personnage de Jean-Pierre BACRI certes touchant dans un rôle écrit sur-mesure pour lui mais dont le lien avec la thématique du film est plus que tiré par les cheveux (une auto-école qui s'appelle Leconte, des convictions athées, une prédiction de Mme Irma qui le terrorise, ça fait vraiment un peu court). Bref, "Au bout du conte" est tout simplement non un beau cygne mais juste un canard boîteux.

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Comme une image

Publié le par Rosalie210

Agnès Jaoui (2004)

Comme une image

Plus étriqué dans le monde qu'il dépeint que "Le Goût des autres" (1999), "Comme une image" ne manque néanmoins pas de qualités. En effet la satire du microcosme intello-gaucho-bobo-parigot se double d'un portrait sensible de Lolita (Marilou BERRY), jeune femme enrobée qui se sent rejetée de ce milieu. Il faut dire que sans l'aval du nom du père, aucune porte ne s'ouvre devant elle, pas même celle des boîtes de nuit qui d'ailleurs jettent également à ses pieds un certain "Sébastien" qui s'avère s'appeler Rachid. Mais qui est-il ce père finalement dont le nom et l'attitude fait instantanément retourner la veste des taxis mal embouchés, des profs de chant débordés, des tâcherons de l'écriture et des vedettes de la TV? Pas grand-chose à vrai dire. Jean-Pierre BACRI est impérial dans le rôle antipathique du type dont les poches débordent de ce type de cadeaux empoisonnés qui font de ceux qui les acceptent ses obligés mais qui en réalité n'a strictement rien à donner de ce dont sa fille aurait le plus besoin: de l'attention, de l'estime, de la considération. L'émancipation par le chant de Lolita est certes une façon (vaine) d'attirer l'attention de son père mais aussi une manière de s'élever au dessus du marigot (intello-gaucho-bobo-parigot) afin d'y voir plus clair. Car bien que très amère de ne susciter l'intérêt que pour son "image" (la carte de visite de son père serait un terme plus exact), Lolita n'est pas toujours lucide et accorde sa confiance à des gens qui n'en valent peut-être pas la peine ou à l'inverse qui s'avèrent plus intègres qu'elle ne le croit. Le petit monde filmé par Agnès JAOUI et scénarisé par le duo a beau donc être rempli de faux-semblants (et parfois de maladresses), il s'avère sonner juste.

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Parlez-moi de la pluie

Publié le par Rosalie210

Agnès Jaoui (2007)

Parlez-moi de la pluie

Ayant déjà écrit sur tous mes films préférés scénarisés et/ou interprétés par Jean-Pierre BACRI, je suis allée chercher dans ce qu'il restait de la filmographie de cet artiste et j'ai choisi "Parlez-moi de la pluie" (2007), réalisé par Agnès JAOUI. En dehors du "Le Goût des autres" (1999), inégal mais proposant quelques personnages et situations fortes, je ne suis pas convaincue par les films qu'elle a réalisé. "Parlez-moi de la pluie" (2007) ne fait pas exception, je le trouve académique sur la forme et faible sur le fond en ce qui concerne particulièrement l'analyse des crises de couple. Si je l'ai néanmoins revu, c'est moins pour son cadre géographique agréable (pour une fois, on sort de Paris et on s'aère un peu) que pour l'analyse ô combien juste qui est faite du racisme ordinaire. C'est même, je dois l'avouer la seule chose qui m'a marquée. Agathe et Florence Villanova (Agnès JAOUI et Pascale ARBILLOT) sont des filles de pieds-noirs rapatriés d'Algérie. Dans leurs bagages, leurs parents ont emporté leur domestique, Mimouna (Mimouna Hadji) qui perpétue un rôle devenu anachronique. Son fils, Karim (Jamel DEBBOUZE) qui tente de sortir du lumpenprolétariat en devenant cinéaste et de préserver son identité dans une société qui n'est pas faite pour lui subit la condescendance d'Agathe Villanova à qui il explique pourquoi il ne supporte pas les humiliations ordinaires que sa mère accepte sans broncher, en particulier le tutoiement. Un marqueur soulignant dans ce contexte le racisme mais aussi les inégalités sociales issues de la décolonisation. La finesse d'observation des Jabac fait ici d'autant plus mouche que tous deux sont issus de cette histoire coloniale douloureuse aux cicatrices mal refermées.

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On connaît la chanson

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1997)

On connaît la chanson

"On connait la chanson" est le plus gros succès public de Alain RESNAIS en plus d'avoir raflé une pluie de récompenses. L'histoire très boulevardière est heureusement doublement transcendée, d'une part par le brillant jeu sur le contraste entre la norme sociale bourgeoise et l'intériorité et de l'autre par le dispositif ludique consistant à insérer des bribes de chansons en play-back au milieu des dialogues. Ce double effet donne de la profondeur à ce qui sinon n'aurait été qu'un médiocre vaudeville à base d'adultère et de questions de patrimoine. Mais le spectateur est intelligemment invité à participer à la pièce qui se déroule sous ses yeux. Il a souvent un coup d'avance sur les personnages tout en se joignant musicalement à eux. Le film est basé sur un festival de mensonges et de malentendus. Ainsi Camille (Agnès JAOUI) tombe amoureuse de Marc (Lambert WILSON) parce qu'elle le croit en souffrance alors qu'il a un rhume et parle au téléphone de transaction immobilière et non d'amour (ce qui définit bien le personnage). Au restaurant, une jeune femme en pleurs (Charlotte KADY, ex-présentatrice de Récré A2) envie le couple qui est derrière elle, prenant un geste de rectification d'une imperfection pour une marque de tendresse. A l'inverse, la femme du couple, Odile (Sabine AZÉMA) envie ce qu'elle croit être la conversation de deux amies alors que son couple n'a plus rien à se dire. Plus tard, elle voit son ex, Nicolas (Jean-Pierre BACRI) en compagnie d'une femme et croit à tort à son adultère alors qu'elle croise juste après son mari Claude (Pierre Arditi) embrassant une autre femme dans une voiture mais s'aveugle en pensant qu'il s'agit d'un sosie. Bref, tout le monde en dépit des apparences est un peu à côté de la plaque, aveugle, escroc, rongé
par la culpabilité, dépressif ou hypocondriaque et exprime ses états d'âme en chanson.

Alain RESNAIS est un formidable expérimentateur, il aime croiser les arts (théâtre, opérette, BD) et invite régulièrement des familles d'artistes à se joindre à sa troupe. Le couple Bacri-Jaoui alors à l'apogée de sa créativité ne se contente pas de jouer dans le film, il l'a scénarisé et le choix des chansons mixe l'époque de la jeunesse de Resnais (airs populaires des années 30-40) et celle des Jabac (tubes des années 60 à 80). Si pour le spectateur lambda d'aujourd'hui, les airs anciens à une ou deux exceptions près sont des découvertes (mais qui impriment bien car judicieusement insérés et répétés), ceux de la période la plus récente ont imprégné de façon durable la mémoire collective et font partie du patrimoine universel. Enfin comment ne pas souligner la formidable prestation de André DUSSOLLIER qui n'a pas volé son César? Il joue le rôle de l'intrus qui tente de compenser par son érudition son infériorité sociale (Quoi ma gueule? Qu'est ce qu'elle a ma gueule? Ou l'invention du tube sur le délit de faciès par Johnny HALLYDAY ^^). Bien que mentant par omission sur son métier, il est le seul personnage fondamentalement honnête de l'histoire, faisant surgir la vérité chez les autres, notamment pour la fragile Camille, une brillante intellectuelle qu'il est le seul à vraiment reconnaître*. Enfin on oubliera pas de sitôt sa délirante rêverie autour des "Vertiges de l'amour" de Alain BASHUNG.

* Parmi les running gags du film, il y a le sujet hyper-pointu de la thèse de Camille devenu culte "Les chevaliers paysans vers l'an 1000 au lac de Paladru".

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Un air de famille

Publié le par Rosalie210

Cédric Klapisch (1997)

Un air de famille

Une comédie culte qui bénéficie de trois atouts majeurs:

-La réalisation inspirée de Cédric Klapisch qui réussit à donner du relief et du rythme à une adaptation théâtrale et à faire oublier la grisaille des décors: bistrot décrépi, terrain vague, cité. A l'image de certains cuisiniers qui parviennent à concocter des recettes savoureuses avec trois fois rien, Klapisch réussit une leçon de mise en scène avec un comptoir de bar, un juke-box, une table et quatre chaises.

-La finesse d'observation et d'écriture du duo Jaoui/Bacri qui fait mouche et a donné lieu à des répliques cultes à la fois cruelles et tendres qui écornent les relations familiales. Loin d'être un refuge, la famille est montrée comme un milieu d'incommunicabilité ou tout le monde parle mais personne ne s'écoute tant chacun est enfermé dans les projections-préjugés des autres autant que dans ses propres préoccupations.

-L'interprétation si remarquable qu'on a du mal à imaginer d'autres comédiens dans la peau de ces personnages. Catherine Frot joue génialement Yoyo l'épouse soumise et pas très maligne du suffisant et égocentrique Philippe (Vladimir Yordanoff), le fils préféré de la famille qui la méprise et la houspille. De même, Jean-Pierre Bacri compose un inénarrable Henri dont le "petit gilet du vendredi" est passé à la postérité. Henri est le mal-aimé de la famille, un homme bourru et irascible enfermé en lui-même mais non dénué de bonté. Ma préférence va toutefois au duo moins connu et assez anticonformiste Betty-Denis. Betty (Agnès Jaoui) la sœur cadette est une éternelle adolescente rebelle un peu garçon manqué qui forme un couple touchant avec Denis (Jean-Pierre Darroussin) le garçon de café rêveur délicat et lettré qui apporte une grande humanité au film.

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Le Goût des autres

Publié le par Rosalie210

Agnès Jaoui (2000)

Le Goût des autres

Ces gens-là n'auraient jamais dû se rencontrer. Des barrières (des gouffres) de classes, de culture, d'opinion les séparent. Chacun vit dans son petit entre soi (et les vaches seront bien gardées): les beaufs avec les beaufs (la famille Castella), les prolos avec les prolos (Frank-Bruno-Manie), les intermittents du spectacles snobinards fauchés avec les artistes snobinards fauchés (la bande de Clara). Mais au fond chacun se sent bien seul. Castella (Jean-Pierre Bacri) déprime dans la bonbonnière de sa femme dans laquelle il ne se reconnaît pas. Manie et cie jouent les durs alors qu'ils sont tous blessés, perdus et phobiques de l'engagement. Enfin Clara (Anne Alvaro) résume sa situation par une punchline bien sentie: "tu sais ce que c'est qu'une actrice de 40 ans au chômage? Un pléonasme." Sans parler de l'horloge biologique qui tourne et pas d'enfant ni d'homme pour le faire à l'horizon. D'autant que Clara est une romantique "Je veux être un peu amoureuse, que ça veuille dire quelque chose, ça n'a rien d'extraordinaire." Car et c'est tout le génie de cette comédie de mœurs, sommet d'écriture dans la carrière du couple "Jabac" (Jaoui/Bacri), les préjugés et les sentiments sont deux choses bien différentes. Au point que les deuxièmes peuvent démonter les premiers ce que cette comédie s'emploie à faire avec jubilation et non sans cruauté au passage.

Bien sûr il faut quand même un lien pour que tous ces gens se rencontrent. L'usine de Castella est pourtant tout sauf glamour. Mais relookée par l'un des artistes qui gravitent autour de Clara (Anne Alvaro), elle présente déjà beaucoup mieux. L'artiste en question méprise soit disant ceux qui sont "bankables"... jusqu'à ce que Castella dégaine son chéquier. Et puis il y a un gros contrat à signer avec des iraniens. En attendant que l'affaire soit conclue, on colle à Castella un coach polytechnicien (Xavier de Guillebon) et un garde du corps, Frank (Gérard Lanvin) qui sympathise avec le chauffeur Bruno (Alain Chabat) lequel est un des anciens amants de passage de Manie (Agnès Jaoui) laquelle vend de l'herbe et écoute les confidences de Clara qui donne des cours d'anglais accélérés à Castella (toujours dans le but de faciliter la signature du contrat).

Mais cela ne suffit bien évidemment pas même si au fil du temps, certains malentendus seront levés. Un autre lien essentiel est celui de l'art. A priori incompatible avec Castella, son côté bling-bling, ses blagues grossières, jusqu'à ce qu'il tombe fou amoureux de Clara en train de déclamer avec feu du Bérénice sur scène (Anne Alvaro n'est pas tragédienne pour rien). Laquelle le rejette même si elle refuse de participer aux scènes de lynchage collectif (type "Le dîner de cons") avant de s'apercevoir mais un peu tard (ou pas, suspens) qu'elle est peut-être passée à côté du grand amour.

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