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Pluto (Puruto)

Publié le par Rosalie210

Toshio Kawaguchi (2023)

Pluto (Puruto)

Naoki Urasawa est l'auteur de mes deux mangas préférés: "20th Century Boys" et "Pluto", tous deux primés à Angoulême, respectivement en 2004 et en 2011. Tout en bâtissant des intrigues palpitantes et des personnages intenses, Naoki Urasawa insuffle à ses oeuvres une dimension existentielle d'une puissance rare. Ainsi en est-il de "Pluto" qui rend hommage au père des mangas, Osamu Tezuka et à "Tetsuwan atomu" alias "Astro le petit robot" chez nous. Un auteur qui développait dans ses oeuvres nombre de thèmes religieux et philosophiques. Mais l'oeuvre d'Urasawa est plus sombre, plus adulte, plus mélancolique, plus inquiète, hantée par le mal. Elle prolonge à la fois la réflexion d'Asimov et celle de Philip K. Dick sur les robots avec un questionnement très simple mais imparable sur nos profondes contradictions humaines. L'homme a voulu créer le robot à son image mais il ne veut pas qu'il mente ni qu'il tue tout en l'utilisant comme machine de guerre dans les conflits armés. Il veut en garder le contrôle tout en lui insufflant des émotions par essence incontrôlables et ensuite s'effraie de voir celui-ci lui échapper. Le dernier avatar de Frankenstein s'appelle d'ailleurs Bora dans "Pluto" et ressemble à la créature d'eau et de glaise de Prométhée.  

Le résultat est que les robots de "Pluto" sont des vétérans de guerre remplis de tourments. Les plus sophistiqués d'entre eux ont une apparence humaine qui les rend indécelables à l'oeil nu. Ils ont un subconscient, une mémoire traumatique, sont submergés par la haine ou l'empathie, jouent du piano, peignent, jardinent, ont une famille, ne comprennent pas d'où viennent leurs larmes, mentent aux autres comme à eux-mêmes. Alors évidemment en dépit du tabou nimbé d'une épaisse couche de déni, il apparaît évident que ces robots peuvent tuer, et pas seulement d'autres robots. L'enquête porte d'ailleurs sur une intelligence artificielle qui commet des meurtres, sur les robots les plus puissants du monde mais aussi sur des humains qui leur sont liés. Tous ont trempé dans un conflit sanglant qui s'inspire de l'invasion de l'Irak par les USA en 2003, le "39° conflit d'Asie centrale".

Mais cette enquête en rejoint une autre, beaucoup plus intime. Gesicht, le robot-inspecteur chargé des investigations veut comprendre l'origine des cauchemars qu'il fait toutes les nuits, comprenant peu à peu que sa mémoire a été trafiquée par ses supérieurs humains pour reprendre le contrôle sur lui et les armes redoutables qu'il possède dans son corps. Armes et démons intérieurs ne faisant pas bon ménage, il éprouve le besoin d'interroger Brau 1589, seul robot a avoir officiellement tué un humain en violation de la législation inspirée des lois d'Asimov. Celui-ci est prisonnier mais n'a pas été détruit parce que les humains, dépassés par son cas ont peur des conséquences. Peu à peu, Gesicht reprend possession de ses souvenirs et de son identité et c'est de cette mémoire que hérite Astro. Tous deux sont reliés par le souvenir d'un enfant mort et des émotions extrêmes qu'elle a déclenché, des émotions incontrôlables qui les ont propulsé à un stade d'évolution supérieur. Alors bien évidemment, la question angoissante qui se pose aux humains dépassés face à ces robots ayant acquis le libre-arbitre c'est "que vont-ils choisir?" 

 

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