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8 Miles

Publié le par Rosalie210

Curtis Hanson (2002)

8 Miles

Pas besoin d'aimer le rap en général ou Eminem en particulier pour apprécier "8 Mile". Le film offre une plongée si magistrale dans les racines sociales de la culture hip-hop qu'il est encore plus d'actualité en 2018 qu'à sa sortie. On peut affirmer qu'Eminem est à Detroit ce que Michael Moore est à Flint: des ambassadeurs privilégiés de cette rustbelt ("ceinture de la rouille") industriellement sinistrée où la misère et le chômage ont fait le lit du vote Trump en 2016. Il est dommage qu'Eminem n'ait pas poursuivi sa carrière d'acteur, son interprétation très engagée offre la même densité que ses prestations scéniques.

"8 Mile" se situe en effet au carrefour de plusieurs genres: le film de ghetto, le film social, le film musical, le biopic romancé et le documentaire. Film de ghetto de par les affrontements de bandes rivales transposées dans le domaine artistique à coup de "battle" où chacun débite un flow assassin pour son adversaire sous le regard d'une foule déchaînée. Film de ghetto aussi par ses normes (on discute, on marche, on s'habille "rap") dans lesquelles le "slim shady" ("Rabbit" dans le film) est assigné au rôle de bouc-émissaire parce qu'il est de constitution frêle et qu'il appartient à la minorité blanche déshéritée. Film social qui raconte l'histoire d'une famille monoparentale pauvre où règne la précarité et la violence. Film musical bercé par la musique hip-hop et qui a accouché d'un hit "Lose Yourself". Biopic romancé car du propre aveu d'Eminem sa véritable histoire est bien pire. Ce qu'on devine sans peine car même si on a des aperçus de la réalité sordide et avilissante de ce milieu, les personnages restent propres sur eux, le héros en premier lieu (loin de ses dérapages dans la vie réelle). Le documentaire enfin car les quartiers pauvres de Détroit sont filmés avec un réalisme saisissant, notamment les maisons abandonnées ou squattées présentes à chaque coin de rue, l'usine automobile et son travail à la chaîne (version années 2000)."8 Mile" c'est un peu la "trenchtown" de Bob Marley. Detroit est tranchée par la 8 mile road entre un nord riche et blanc et un sud pauvre et noir, espace de relégation dans lequel échouent également les "white-trash" c'est à dire les petits-blancs prolétaires.  

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Frankenstein

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1994)

Frankenstein

« J'ai imaginé toutes ces machines parce que j'étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J'ai voulu dompter le monde. Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du Pape. Rien ne me rebutait. Tout, pour moi, était sujet d'étude (...) Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux, et plus particulièrement à travers ma peinture, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine. »

Voici ce qu'écrivait Léonard de Vinci dans ses Carnets, vers 1510. L'esprit de la Renaissance humaniste qui imprègne Victor Frankenstein est symbolisé dans le film de de Branagh par le célèbre dessin de Vinci représentant l'Homme de Vitruve, mesure de toute chose et centre du monde. Il est présent aussi à travers l'allusion à la création d'Adam de Michel-Ange lorsque l'électrisation d'Elizabeth et de Victor fait jaillir une étincelle au bout de leurs doigts qui se frôlent.

Cependant l'histoire se situe au siècle des Lumières et de cela également Branagh tire un brillant parti en situant la demeure familiale de Victor dans un château mozartien lumineux et coloré (on y pense d'autant plus qu'Henry Clerval le médecin ami de Victor est joué par Tom Hulce qui 10 ans auparavant incarna Amadeus pour Milos Forman). Seul l'escalier en spirale jette une ombre sur ce décor rationnel et solaire tant il rappelle la tour tordue des films de Whale.

L'ancrage très fort du film dans l'histoire occidentale de la science et des arts s'explique aussi par une analogie évidente. Victor créé la vie exactement comme Branagh réussit à l'insuffler dans les œuvres qu'il adapte: en canalisant les flux énergétiques du cosmos (dont l'être humain est un échantillon) pour qu'ils traversent et animent des corps inertes. Le cinéma de Branagh se caractérise par une énergie à réveiller les morts. Son deuxième film s'intitule "Dead again" mais il aurait pu s'appeler "Born again": Il a revivifié Shakespeare, ressuscité Mary Shelley et fait également sortir de la tombe James Whale. Il y a l'escalier directement transposé du film des années 30 dans le film des années 90. Il y a l'union dans la mort de la créature et de son créateur que Whale n'avait pas pu filmer à cause des studios (qui voulaient un happy end pour Frankenstein et son épouse et censuraient ainsi l'aspect homosexuel/incestueux de sa relation à la créature). Il y a aussi des allusions à la médecine traditionnelle chinoise: le film de Branagh fait référence à l'acupuncture alors que dans celui de Whale, la créature à peine née recherche l'énergie solaire en faisant des gestes avec ses mains très semblables à ceux du Qi-Gong.

Le seul bémol de ce film est lié au fait que le rôle de la créature est moins finement écrit que dans le film de Whale et que Boris Karloff est irremplaçable. 

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Othello

Publié le par Rosalie210

Oliver Parker (1995)

Othello

Bien que cet "Othello" ne soit pas réalisé par Kenneth Branagh, il entretient des rapports étroits avec lui, ne serait-ce que parce qu'il interprète Iago et que son directeur artistique ainsi que son assistant metteur en scène ont été engagés. Les Inrockuptibles qui visiblement ne l'apprécient guère ironisaient à la sortie du film en lui adressant une lettre ouverte, "Même quand vous n'assurez pas la mise en scène, on a l'agréable impression que c'est vous le cinéaste. Peut-être créez-vous des clones, comme dans votre mémorable Frankenstein" (qui fut le premier échec commercial et critique de Branagh). Oliver Parker n'a guère dû apprécier (s'il a eu connaissance de l'article) d'être qualifié de "clone" d'un Branagh que nombre de journaux français ont accusé de mégalomanie. Car on peut voir les choses autrement: Kenneth Branagh s'est certainement reconnu dans ce jeune admirateur de Shakespeare et il lui a mis le pied à l'étrier en l'épaulant pour la réalisation de son premier film.

De fait il a eu raison. La vision que Parker propose de la pièce, très charnelle, est intéressante. Il a raccourci le texte pour faire de la place aux corps et aux visages filmés en gros plans. Ceux-ci, mûs par les passions physiques, les pulsions animales sexuelles et meurtrières se dévorent, s'étreignent, s'empoignent, se déchirent. Si Desdémone représente la facette lumineuse de l'être, Othello et Iago illustrent chacun son côté obscur. Othello, victime de son orgueil et de sa jalousie est pris d'une folie meurtrière qui finit par le détruire. Il est manipulé par un génie de l'intrigue, Iago qui visiblement jouit de sa position de deus ex machina. Les nombreux appartés et regard caméra de Branagh, son jeu avec les pièces de son échiquier le confirment. La duplicité de Iago fait la force. Tout au long de la pièce, il est qualifié "d'honnête", de "bon" et de "dévoué" alors qu'il est fourbe, sournois, maléfique et machiavélique. Quant à ses motivations, elles sont dictées elles aussi par la jalousie et l'envie. Iago ne voudrait pas seulement être Cassio, le lieutenant d'Othello, il voudrait être Othello lui-même. Dans le film, ce désir s'exprime par une image particulièrement forte: celle où Iago agonise sur le lit où gisent Othello et Desdémone, s'insinuant dans leur couple jusque dans la mort. Même si la mer purificatrice n'accueille que les dépouilles du couple défunt.   

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Ce que disent les fleurs (What the Daisy said)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1910)

Ce que disent les fleurs (What the Daisy said)

Un court-métrage qui résume parfaitement le paradoxe Griffith, cinq ans avant "Naissance d'une nation": une grande maîtrise formelle au service d'un récit raciste.

La beauté du film provient de plans fixes composés comme des tableaux vivants. On se croirait chez les frère Lumière, sauf que chez Griffith il y a une succession de plans et donc un montage. Néanmoins, les cadres choisis pour filmer l'action sont peu nombreux et reviennent souvent: un champ de marguerites, une forêt avec des cascades en arrière-plan, un jardin, un escalier, l'entrée d'une maison, la roulotte et la tente des bohémiens.

Mais ces plans, esthétiquement superbes, n'ont pas été choisis au hasard. Ils ont une valeur symbolique. La maison, le jardin et le champ sont le domaine des fermiers. L'escalier relie ce domaine "civilisé" à celui des pulsions sauvages symbolisées par le gitan, la forêt et ses cascades. Ce dualisme est en effet mis au service d'un récit qui met en scène la phobie des relations interraciales. Il tourne autour de deux jeunes filles romantiques (dont l'une est jouée par Mary Pickford qui n'avait alors que 18 ans). Dédaignant les ouvriers agricoles qui les courtisent, elle sont tentées par l'aventure avec un beau gitan qui s'est installé avec les siens non loin de chez elles. Sauf que celui-ci passe de l'une à l'autre sans scrupules et devient violent lorsque le père tente de défendre la "vertu" de ses filles. Pourchassé par les ouvriers agricoles en colère (le lynchage n'est pas loin), il est obligé de s'enfuir et les jeunes filles finissent dans les bras des fermiers. La terreur suprême des racistes, celle du métissage est donc écartée, voilà ce que disent in fine les marguerites dont la blancheur n'échappe à personne en dépit de l'image en noir et blanc. 

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King Kong

Publié le par Rosalie210

John Guillermin (1976)

King Kong

"King Kong" est le premier remake du chef d'œuvre de 1933. Il a paradoxalement beaucoup plus mal vieilli que son prédécesseur. Il ne faut pas en chercher très loin les raisons. C'est un film commercial aux effets kitsch typique des années 70, monté par un producteur un peu mégalomane sur les bords, Dino de Laurentiis qui a fait appel pour le réaliser à un bon faiseur de films catastrophes, John Guillermin. Le genre ,qui avait connu un pic de popularité avec "Les Dents de la mer" sorti un an auparavant, allait se ringardiser dès l'année suivante avec la sortie du premier "Star Wars".

Le résultat, divertissant, se suit sans déplaisir mais tombe parfois dans le ridicule, que ce soit au niveau des trucages, bâclés, ou au niveau des personnages, stéréotypés. On est à des années-lumière de la poésie et de l'onirisme de l'original. Les dinosaures sont d'ailleurs passés par pertes et profits et le serpent géant, seul rescapé de l'île avec Kong est assez peu animé. C'est d'autant plus dommage que la photographie est belle, la musique de John Barry inspirée et les acteurs, charismatiques. Mais Jeff Bridges et Jessica Lange (dont c'était le premier rôle) ne peuvent donner la pleine mesure de leur talent car leurs rôles ont été mal écrits. Bridges joue le rôle d'un scientifique écologiste et humaniste donneur de leçons face au représentant d'une compagnie pétrolière tout aussi caricatural. Lange est quant à elle affectée au rôle de la ravissante idiote qui débite ânerie sur ânerie et dont la robe échancrée puis mouillée est destinée à émoustiller les adolescents de l'époque.

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Une pauvre petite fille riche (The Poor Little Rich Girl)

Publié le par Rosalie210

Maurice Tourneur (1917)

Une pauvre petite fille riche (The Poor Little Rich Girl)

Ce n'est certainement pas par son scénario que ce film vaut encore aujourd'hui le coup d'œil. Il est obsolète, niais, rempli de clichés. Les personnages sont peu attachants à commencer par l'héroïne, la jeune Gwendolyn. Elle manque peut-être d'amour (la pauvre) mais elle fait tourner ses serviteurs en bourrique, vandalise la maison, jette par la fenêtre ses beaux vêtements ou les macule de boue (ce n'est bien entendu pas elle qui va nettoyer!) Quant aux cadeaux qu'elle reçoit pour son anniversaire, elle les snobe, ils font trop bébé. Devant de tels problèmes la compassion que l'on peut éprouver pour elle ne peut être que limitée.

L'intérêt du film est donc ailleurs. Tout d'abord dans la prestation de Mary Pickford qui parvient à nous faire croire qu'elle a 11 ans alors qu'elle en a 25. Sa (relative) petite taille est accentuée par le choix d'acteurs très grands, la mise en scène ainsi que les angles de vue de la caméra. Le résultat suscite le trouble d'autant que son jeu plein de vivacité et d'espièglerie sonne juste. Ensuite, la mise en scène met bien en valeur la solitude et l'enfermement de Gwendolyn par un jeu sur les reflets dans les miroirs et les vitres des fenêtres par lesquelles elle observe le monde extérieur dont elle est privée avec envie. Enfin la séquence finale onirique où droguée elle évolue dans un monde imaginaire (où l'on reconnaît sous une forme symbolique les personnes qui l'entourent) préfigure la veine psychédélique du cinéma de "Alice au pays des merveilles" au "Magicien d'Oz".

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Soudain l'été dernier (Suddenly, Last Summer)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1959)

Soudain l'été dernier (Suddenly, Last Summer)

"Soudain, l'été dernier" est une pièce en un acte de Tennessee Williams aux résonances autobiographiques: une mère castratrice, un fils poète à l'homosexualité cachée et honteuse, une sœur (cousine dans le film) fragile ayant subi une lobotomie. En résumé, des personnages incapables d'affronter la dure réalité et s'en protégeant par toutes sortes de mécanismes de défense.

La bonne idée de Mankiewicz est de bâtir son film sur le thème de la cure psychanalytique. En cinéaste traquant la vérité derrière les faux-semblants, il mène à travers son double, le Dr Cukrowicz (Montgomery Clift), une enquête qui couche après couche permet de la percer à jour. Plaçant ses personnages dans un huis-clos étouffant, il les fait évoluer dans une "forêt de symboles" (plantes et oiseaux carnivores, squelettes, fous, dieux, saints, martyrs...) Sauf que cette forêt-là est une jungle si épaisse qu'il faut une certaine patience pour en démêler les lianes. La parole libératrice occupe une place essentielle dans de longues scènes dialoguées ainsi que les réminiscences de la jeune Catherine Holly (jouée par Elisabeth Taylor) dont le traumatisme a été si profond qu'elle a tout oublié pour survivre. Quant à sa tante, Mrs Violet Venable (jouée par Katharine Hepburn), elle s'est réfugiée dans le déni et une posture mégalomane. Ses apparitions saisissantes dans l'ascenseur donnent l'impression qu'il s'agit d'une déesse qui descend des cieux alors qu'elle tente avec son argent de contrôler tout son entourage. Son obsession est de faire taire définitivement Catherine dont les paroles lui sont insupportables.

Mais quel est donc le terrible secret qui lie ces deux femmes? Il s'agit des circonstances exactes de la mort de Sébastien, cousin de l'une et fils de l'autre. Deux récits, deux visions d'un homme double. Une victime expiatoire dévorée par ses proies et un bourreau à la recherche de chair fraîche (la station balnéaire "Cabeza de lobo" signifie "Tête de loup"). Un être manipulé et manipulateur, cherchant à la fois à s'élever dans la sublimation et à se vautrer dans la fange. Sa fin digne d'une tragédie grecque a quelque chose de pasolinien alors que les deux femmes échangent leur place (l'une guérit, l'autre devient folle à son tour).

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Moonlight

Publié le par Rosalie210

Barry Jenkins (2016)

Moonlight

J'ai beaucoup aimé "Moonlight", film intime dont la délicatesse et la sensibilité ainsi que la manière de coller au plus près des émotions de ses personnages (et des acteurs qui les interprètent, tous formidables) fait voler en éclats les clichés que l'on attache aux ghettos noirs-américains. La lumière de la lune éclaire trois fragments de la vie d'un homme dont l'apparence -celle d'un caïd de la drogue bling-bling et bodybuildé- est totalement trompeuse. On comprend que cette carapace lui sert à dissimuler ses fragilités, lesquelles nous sont révélées alors qu'il n'est encore qu'un petit garçon. Taiseux, frêle et efféminé, Chiron est la tête de turc de son quartier où comme on peut s'en douter règne le crime, la drogue et le machisme. Oui mais pas que. La première bonne surprise vient de Juan, un dealer qui prend Chiron sous son aile. En dépit de sa carrure impressionnante, il s'avère être un père de substitution bienveillant, attentif et ouvert, plein de douceur et de délicatesse. C'est avec lui que Chiron fait ses premiers pas sur la plage et se baigne dans la mer, ce paysage féminin symbolisant un échappatoire du ghetto masculiniste où tous deux sont enfermés. La compagne de Juan, Teresa, elle aussi pleine de patience et de tact lui offre une alternative à sa mère indisponible, une paumée qui se défonce au crack et se prostitue. Tous deux lui offrent le toit, la protection et l'écoute qu'il n'a pas chez lui. Mais Juan ne réussit pas à résoudre ses contradictions et meurt dans le ghetto. Ensuite il y a Kevin, l'ami d'enfance de Chiron dont celui-ci tombe amoureux en grandissant. Kevin est lui aussi un homme à la sensibilité féminine, beaucoup plus intelligent et sensible que la moyenne. Mais son attirance pour Chiron pèse peu face au dictat normatif de son milieu. Du moins jusqu'à ce que les épreuves ne le fasse changer et sortir de l'enfer du ghetto.

Il rappelle alors Chiron à lui dans une longue scène qui est sans doute l'une des plus belles vues ces dernières années au cinéma. Celle où sans que rien d'explicite ne soit dit et encore moins montré l'on voit un homme mettre tout son cœur à nourrir un autre homme, sonder son regard, le faire parler pour faire craquer le vernis et l'aider à accoucher de lui-même. L'élan des retrouvailles amoureuses est sublimé par deux magnifiques chansons. Du côté de Chiron c'est "Cucurrucucu Paloma" de Caetano Veloso qui imprimait déjà sa marque au plus beau film d'Almodovar "Parle avec elle". Du côté de Kevin c'est "Hello stranger" de Barbara Lewis. Et c'est magnifique!  

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Pour un garçon (About a Boy)

Publié le par Rosalie210

Paul Weitz et Chris Weitz (2002)

Pour un garçon (About a Boy)

Une comédie romantique vraiment? J'ai rarement vu une comédie aussi morne et dépressive que celle-là. Les bonnes comédies traitent de sujets graves mais elles le font la plupart du temps avec une énergie subversive qui renverse tout sur son passage. Rien à voir avec le rythme mollasson adopté par cette galerie d'adulescents neurasthéniques avachis sur leur canapé, incapables d'endosser la moindre responsabilité (et donc à fortiori de changer quoi que ce soit). Il faut dire que la vision de la société véhiculée dans ce film est assez spéciale. Les liens familiaux et amicaux y sont atomisés. Les mères sont des célibataires qui cherchent à éviter la confrontation avec leur fils adolescent. Les pères sont absents. Les fils restent d'éternels enfants incapables de grandir et de s'émanciper comme le montre le personnage de Will (Hugh Grant) qui vit sur les droits d'auteur de la chanson écrite par son père. L'école est un lieu de harcèlement.

La solitude est finalement ce qui définit le mieux les personnages. Ce n'est pas un hasard si Will regarde le passage de "La fiancée de Frankenstein" où deux solitaires, la créature et l'ermite, se lient d'amitié. "Pour un garçon" narre en effet la rencontre de Will qui vit en ermite et de Marcus qui est considéré comme un freak par le reste de son école. Point de romantisme dans tout cela d'autant que la mère de Marcus, une maniaco-dépressive hippie adepte de la macrobiotique n'est pas glamour pour un sou. C'est pourquoi histoire de sauver les meubles du romantisme on parachute le personnage de Rachel Weisz qui sort de nulle part. On ne comprend pas non plus pourquoi Will s'attache à elle alors qu'il se présente comme un tombeur invétéré. Toutes ces incohérences scénaristiques rajoutées au manque d'entrain du film et au caractère assez peu sympathique des personnages finissent par gâcher le plaisir.

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L'homme invisible (The invisible Man)

Publié le par Rosalie210

James Whale (1933)

L'homme invisible (The invisible Man)

Il était logique que H.G. Wells et James Whale finissent par se rencontrer. Tous deux d'origine britannique, ils ont œuvré dans le domaine de la science-fiction dont ils ont contribué à façonner les contours. H.G. Wells est avec Jules Verne, le père du genre en littérature. Quant à Whale, il a transposé de façon si marquante l'œuvre de Mary Shelley au début du cinéma parlant que Frankenstein, créature et créateurs confondus, ont pour toujours le visage maquillé de Boris Karloff.

Mais Wells et Whale ont un autre point commun. S'ils se sont projetés dans des univers futuristes ou fantastiques, c'est qu'ils ne se sentaient pas en accord avec la société dans laquelle ils vivaient. Wells avait connu la pauvreté donc le mépris de classe et Whale le rejet en tant qu'homosexuel. Les œuvres de Wells comme "La machine à explorer le temps" ou "Une histoire des temps à venir" comportent beaucoup d'éléments de critique sociale alors que la différence et la marginalité sont au cœur du travail de Whale.

Qu'arrive-t-il lorsqu'un homme qui n'a subi que des humiliations reçoit un pouvoir (l'invisibilité) qui le rend omnipotent c'est à dire semblable à dieu? C'est le questionnement qui hante "L'homme invisible" tout comme une autre britannique ayant connu la pauvreté avant de devenir riche et célèbre: J.K Rowling. Dans la saga "Harry Potter" plusieurs anciens enfants maltraités deviennent de redoutables sorciers dotés d'immenses pouvoirs, dont celui de devenir invisible. Le scientifique n'étant qu'un avatar du sorcier, il est logique que les questions traitées par ces oeuvres soit si proches.

Il en est de même en ce qui concerne leurs réponses. Le pouvoir que s'attribue le docteur Jack Griffin le rend complètement fou. Il régresse jusqu'à éprouver une joie infantile et sauvage à se venger de la société par laquelle il s'est senti écrasé comme il le confie à la femme qu'il aime. Perdant tout sens éthique, il sombre dans le vol et le crime. Même si chez Rowling, la rédemption et le désintéressement existent, la quête du pouvoir absolu est une folie qui se paye cash. Il en est de même pour Jack Griffin que son mal ronge au point de finir par le détruire.

Dans tous les cas, la psychopathologie de l'individu mégalomane se révèle indissociable d'une société elle-même malade. Le mal invisible qui frappe à l'aveugle évoquait hier les "rouges" ou les "bruns", il évoque aujourd'hui "les fous de dieu" suscitant la terreur et la paranoïa et son cercle vicieux d'injustices susceptibles d'entraîner encore plus de violences.   

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