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Articles avec #cinema chinois tag

Guang

Publié le par Rosalie210

Quek Shio Chuan (2011)

Guang

Parmi la dizaine de courts-métrages que j'ai pu voir dans le cadre d'un cycle consacré à l'autisme au cinéma, "Guang" a été mon préféré à égalité avec "Ya Basta" (2010). Le réalisateur malaisien de "Guang", Quek Shio Chuan a d'ailleurs sept ans après réalisé un long-métrage à partir de ce court-métrage comme l'ont fait par exemple Fanny LIATARD et Jeremy TROUILH avec "Gagarine" (2020). L'histoire de "Guang" est lumineuse. Elle raconte l'histoire de deux frères (celui du réalisateur étant lui-même autiste) dont le plus âgé est autiste. Son cadet lui met la pression pour qu'il trouve un emploi et l'aide à partager les frais du quotidien. Mais Wen Guang ne parvient pas à suivre le chemin qu'a balisé son frère pour lui tant il a en tête autre chose. Cet autre chose qui est une obsession autistique c'est de trouver un verre émettant un son bien particulier pour enrichir sa collection. Si bien qu'au lieu d'aller à son entretien d'embauche, le voilà en train de fouiller les poubelles à la recherche de la perle rare. On comprend la colère de son frère quand il apprend comment Wen Guang a saboté ses efforts. Mais c'est sans compter sur la chute du film, d'une beauté renversante. L'une des plus belles façons de montrer que ce n'est pas celui que l'on croit qui est le plus limité dans sa vie.

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Have a Nice Day

Publié le par Rosalie210

Liu Jian (2017)

Have a Nice Day

Une curiosité que ce film d'animation chinois, simple mais percutant qui rappelle beaucoup sur la forme le style pop de Quentin Tarantino: mélange de violence et d'humour noir, ballet de mafieux et d'aspirants mafieux autour d'un sac de billets dérobé à un malfrat (comme dans "Jackie Brown") et même plan iconique en contre-plongée d'ouverture du coffre d'une voiture dans lequel se trouve un type pas mal amoché. L'humour masque quand même la terrible vacuité de la petite société chinoise dépeinte complètement atomisée en individus transformés par l'appât du gain en bêtes féroces. Le film comporte un morceau de bravoure assez épatant: une vidéo détournant des affiches de propagande maoïste en version pop art capitaliste dans laquelle deux des personnages lancés à la course au fric rêvent de "lendemains qui chantent" dans un Shangri-la de pacotille. Ils n'iront pas plus loin que la chambre 301 d'un hôtel minable. Quant à la plupart des autres personnages après s'être entre-déchirés comme des fauves lâchés dans une arène, ils finiront leur course folle dans un grand carambolage. Laissons le mot de la fin à l'élément déclencheur de l'intrigue, Xiao Zhang, un jeune employé du BTP qui arrondit ses fins de mois en convoyant les fonds de son patron mafieux avant de s'enfuir avec la caisse. Il a besoin de cet argent pour payer en Corée l'opération de ravalement de façade de sa fiancée défigurée par une opération de chirurgie (in)esthétique qui a mal tourné en Chine. Par ailleurs il proclame son admiration au tueur à gages venu lui faire la peau. Bref, peu de substance sous la coquille et on appréciera aussi bien l'ironie du titre que du passage sur l'acquisition de la liberté en Chine qui se mesure à ce qu'il est possible ou non d'acheter selon le taux de remplissage de son portefeuille.

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A Touch of Sin (Tiān zhù dìng)

Publié le par Rosalie210

Jia Zhangke (2013)

A Touch of Sin (Tiān zhù dìng)

J'ai du mal à accrocher en général aux films choraux qui racontent des histoires parallèles en n'accordant de ce fait à chacune qu'une durée limitée. Cela me laisse sur un sentiment de frustration car il n'y a pas assez de temps pour développer l'intrigue et les personnages de chaque histoire et de ce fait, ceux-ci sont subordonnés à l'idée d'ensemble. En dépit de quelques tentatives d'entrecroisement, "A Touch of Sin" relève en effet de cette structure et peut se décomposer en quatre courts-métrages sur un même thème, celui de la violence des rapports économiques et sociaux en Chine depuis que celle-ci est devenu l'épicentre de la mondialisation. Le réalisateur, Jia Zhangke a essayé de mêler documentaire et fiction en s'inspirant de quatre faits divers ayant défrayé la chronique et en les inscrivant dans un genre cinématographique d'action populaire. Avec un bonheur inégal.

Le premier et le troisième segment sont à mes yeux les plus réussis. Le premier bénéficie d'un personnage charismatique d'une taille imposante et reconnaissable à son grand manteau vert qui fait penser aux cache-poussière des héros de western (et il a même une moto en guise de cheval sans parler du fait qu'il lance dans les airs à plusieurs reprises une tomate, gimmick qui fait irrésistiblement penser à "Scarface" d'Howard Hawks). Son expédition punitive s'inscrit dans le registre du vigilante movie du type "Justice sauvage" sauf qu'il s'agit ici d'éliminer les chefs de village corrompus et leurs sous fifres serviles, les voies pacifiques s'étant révélées être des impasses. Le troisième segment a pour protagoniste principale une femme et se développe dans le sous-genre de série B du "rape and revenge movie" qui a par exemple abouti à des films mainstream tels que le diptyque "Kill Bill" de Quentin Tarantino ou "Elle" de Paul Verhoeven. En effet dans ces films, les femmes subissent d'abord la violence des hommes avant que par un effet boomerang elles ne retournent cette violence contre eux. Une violence physique mais aussi économique puisque le client du sauna frappe sa victime à coups de billets de banque: on ne peut être plus clair! 

En revanche les deuxième et quatrième segments sont plus faibles. Les motivations mal définies du travailleur migrant laissent sceptiques face à tant de violence déployée pour voler de l'argent. Cela ne suffit pas à en faire un "personnage". Idem avec le quatrième protagoniste, très veule et passif qui n'arrive pas à trouver sa place dans la jungle économique et sociale qui l'exploite. L'histoire se base sur un scandale très connu, celui des vagues de suicide dans les filiales chinoises de l'entreprise taïwanaise Foxconn qui sous-traite toute l'informatique mondiale (de Apple à Microsoft en passant par Nintendo). Mais ce thème est à peine effleuré au profit de celui, plus cinématographique du bordel de luxe où le jeune homme, employé comme hôte d'accueil se heurte à l'impossibilité de construire une relation dans le monde de la prostitution. Cet épisode est particulièrement mal raccordé aux autres.

"A Touch of Sin" est donc une expérimentation intéressante, qui donne lieu à de grands moments de cinéma et suscite la réflexion mais il ne parvient pas toujours à se hisser à la hauteur de ses ambitions qui consiste à allier à la fois la précision du documentaire et le caractère populaire et spectaculaire du "wu xia pian" (film de sabre chinois, le titre du film se référant à "A Touch of Zen" de King Hu visible en ce moment sur Arte Replay).

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So Long, My Son (Dì jiǔ tiān cháng)

Publié le par Rosalie210

Wang Xiaoshuai (2019)

So Long, My Son (Dì jiǔ tiān cháng)

Il y a des films d'1h30 qui semblent interminables. Et d'autres comme celui-ci dont on ne voit pas passer les 3h. Dense, virtuose et poignant, le film de WANG Xiaoshuai mêle inextricablement grande et petite histoire en racontant le parcours de deux familles chinoises sur les quatre décennies qui ont fait passer la Chine du maoïsme au capitalisme mondialisé. Et ce qui rend son film passionnant bien qu'un peu déroutant au début, c'est qu'il privilégie une narration émotionnelle sur la chronologie des faits. Autrement dit, les événements racontés ne le sont pas de façon linéaire mais plutôt selon un système d'échos et de rimes qui forment chacun le morceau d'un puzzle qui n'est reconstitué qu'à la fin. Système formel qui humanise l'histoire beaucoup mieux que ne l'aurait fait une reconstitution chronologique*.

En effet ce qui ressort de manière particulièrement aigüe dans ce film qui travaille le temps long de façon admirable, ce sont les notions de culpabilité et de responsabilité. Ou comment des actes commis à un instant T auront des répercussions pour tout le reste de l'existence. Les deux familles dont le film raconte l'histoire sont liées l'une à l'autre mais ne sont pas égales, pas plus au temps du communisme (ou l'une est la supérieure hiérarchique de l'autre même si leurs conditions d'existence sont égales) qu'au temps du capitalisme débridé (où la première s'est enrichie alors que la deuxième s'est précarisée). Derrière la façade amicale, ce qui se joue entre ces deux familles est une relation de type bourreau/victime avec des actes aux conséquences dont on peut mesurer les effets délétères 5,10 ou 20 ans plus tard. La scène de la noyade dans le lac de barrage qui ouvre le film et revient plusieurs fois ensuite est un instant T de basculement de l'existence qui plonge la famille dominante dans les affres de la culpabilité et la famille dominée dans la tragédie de la perte et du deuil impossible. C'est alors qu'un acte commis au nom de la doxa du régime politique en place (empêcher la naissance d'un deuxième enfant en vertu de la doctrine de l'enfant unique) se met à ronger celle qui l'a commis jusqu'à la détruire de l'intérieur. Les correspondances créées par le montage font comprendre qu'à la tentative de suicide de la mère privée de descendance correspond la tumeur qui abrège la vie de celle qui s'en sent responsable.**

En dépit de la tonalité mélancolique et par moments tragique du film, le réalisateur ne tombe jamais dans le mélo larmoyant. Chaque scène délicate est tournée de façon pudique, soit à l'aide de rideaux qui cachent, soit en éloignant la caméra du drame en train de se jouer, ce qui fait d'autant mieux ressortir le vide de la perte (ce que l'on voit surtout ce sont les longs couloirs d'hôpitaux ou l'immensité du barrage dans lesquels s'agitent de minuscules silhouettes, symboles d'un régime qui écrase et déshumanise.) Et l'interprétation est remarquable, particulièrement celle du couple formé par Yaojun (Wang JINGCHUN) et Liyun (YONG Mei) qui ont été à juste titre primés à Berlin. La scène où ils arborent un pauvre sourire forcé sur leur visage triste parce qu'ils sont sommés de se réjouir pour le prix qu'ils ont reçu en tant que "couple modèle du planning familial" m'a fait penser à celui de Lillian GISH dans "Le Lys brisé" (1919).

* C'est la limite d'un film comme "La Famille" (1987) de Ettore SCOLA qui raconte l'histoire d'une famille sur un siècle de façon linéaire avec un plan de couloir faisant la transition entre deux époques. Le procédé est lassant tant il est répétitif et finit par ressembler à un catalogue.

** Cette question de la responsabilité individuelle face aux ordres d'un système inique voire criminel ne se pose pas seulement dans les régimes autoritaires qui imposent le devoir d'obéissance et pratiquent le lavage de cerveau (les rouages qui acceptent de servir le système y adhèrent la plupart du temps et sont même plutôt zélés ce qui est le cas de Haiyan dans le film). Dans "Sicko" (2007) qui dépeint les dérives du système de santé américain, on voit d'anciens employés de groupes d'assurances privés qui sont hantés par le fait d'avoir reçu des primes pour avoir fait faire des économies à leur société c'est à dire avoir trouvé le moyen qu'elles refusent de payer les soins de leurs clients, entraînant la plupart du temps leur décès prématuré.

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Beijing Bicycle (Shiqi sui de dan che)

Publié le par Rosalie210

Wang Xiaoshuai (2001)

Beijing Bicycle (Shiqi sui de dan che)

"Beijing Bicycle" est sorti au début des années 2000 alors que la Chine amorçait sa décennie de croissance exponentielle couronnée par les jeux olympiques de Pékin en 2008. C'est donc l'instantané d'un pays en mutation (comme "Slumdog Millionaire" (2008) pour l'Inde, autre géant démographique émergent) à un moment clé de son histoire que nous offre le film. On y voit le capitalisme libéral le plus débridé symbolisé par les gratte-ciel, les hôtels de luxe, les salons de massage côtoyer les taudis alors que la bicyclette, alors encore reine du pavé reste un signe extérieur d'ascension sociale très convoité pour une large part de la population. Le héros, Gui est un adolescent qui débarque tout juste de sa campagne natale et qui se retrouve plongé dans une jungle (urbaine mais aussi économique) dont il ne comprend pas les règles. S'ensuit une série de mésaventures liées à l'ignorance de Gui qui se fait exploiter sans vergogne par l'entreprise qui l'emploie. Celle-ci finit par le jeter sans ménagement après que celui-ci se soit fait voler son vélo qu'il était sur le point d'acquérir avec son labeur. Comme l'identité du voleur n'est jamais clairement établie dans le film, il est tout à fait possible que ce soit l'entreprise elle-même qui ait volé l'engin au moment où elle allait en perdre la propriété pour ensuite le receler et se faire encore de l'argent dessus. A cette âpreté du gain sans scrupules (la scène tragi-comique où Gui se fait doucher malgré lui puis ensuite réclamer le prix de la douche) répond l'obstination de Gui qui refuse qu'on lui tonde la laine sur le dos. Ce qui lui vaut d'être considéré comme "un petit malin" alors qu'il veut juste faire son travail et que son contrat soit honoré.

Gui part donc à la recherche de son vélo qui peut s'il le retrouve lui rendre son travail (une intrigue qui rappelle celle du "Le Voleur de bicyclette" (1948) de Vittorio DE SICA). Son chemin croise celui d'un autre adolescent, Jian, celui qui a acheté d'occasion le vélo volé (avec de l'argent volé à ses parents!). C'est l'occasion de faire le portrait de la classe sociale urbaine laborieuse qui vit dans les taudis mais rêve de changer sa condition quitte à employer des moyens peu scrupuleux. Le vélo permet à Jian de s'intégrer dans un groupe et de gagner la fille de ses rêves. Il n'est donc pas plus prêt que Gui à y renoncer ce qui donne lieu à des mano a mano particulièrement âpres, signe d'une atomisation des structures sociales (famille comprise) et de la poussée de l'individualisme chez les jeunes prêts à tout pour avoir leur place au soleil.

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Human Flow

Publié le par Rosalie210

Ai Weiwei (2017)

Human Flow

"Qui trop embrasse mal étreint": le film de Ai Weiwei en forme d'état des lieux mondial de la pire crise des réfugiés depuis la fin de la seconde guerre mondiale est éclaté, fourre-tout, décousu. Par conséquent, il a tendance en dépit de ses 2h20 à survoler ses sujets (au sens propre comme au figuré) voire à s'égarer dans le hors-sujet lorsqu'il traite par exemple de la question des murs et des frontières plutôt que celle des réfugiés. Certes les deux questions se recoupent mais par exemple les palestiniens des territoires occupés ne sont pas des réfugiés contrairement à ceux qui sont partis vivre dans les pays voisins. Or le documentaire s'attarde un moment sur la bande de Gaza dont la problématique n'est pas la même que celle des cohortes de migrants fuyant leur pays exangue ou au contraire à feu et à sang. Il en est de même lorsqu'il mélange les réfugiés politiques et les migrants économiques qui ne relèvent pas des mêmes flux d'immigration ni des mêmes procédures d'admission (dans le cas de la frontière américano-mexicaine par exemple).

Mais en dépit de ce manque de rigueur, il atteint quand même sa cible qui est d'alerter l'opinion publique des pays développés sur l'effroyable tragédie qui se joue à leurs portes. Comme l'explique Ai Weiwei, la procédure de demande d'asile qui fonctionnait bien en Europe lorsque les réfugiés étaient peu nombreux n'a pu faire face à leur afflux massif. La réaction de la plupart des pays qui a été de se barricader est une bombe à retardement qui nourrit les catastrophes de demain. Comme le rappelle le film, ceux qui choisissent de s'exiler ne le font pas de gaieté de cœur mais parce qu'ils n'ont pas le choix. La faim, la pauvreté, la guerre, les persécutions les contraignent à tout quitter pour tenter de sauver leur vie ou en trouver une meilleure ailleurs. Et pendant qu'ils croupissent dans des no man's land souvent dans des conditions indignes (les tentes détrempées alignées le long d'une gare à la frontière entre la Grèce et la Macédoine font frémir), leurs enfants grandissent privés de tout et notamment d'éducation. Un terreau idéal comme le rappelle le film pour toutes les formes d'exploitation y compris la radicalisation.  

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