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Sibyl

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2019)

Sibyl

"Sibyl" (2018) comme les autres films de Justine TRIET nage dans la confusion et le chaos. Entre les personnages qu'on a du mal à identifier de prime abord comme la soeur de Sibyl jouée par Laure CALAMY, les changements de temporalité avec des flashbacks abrupts, les allers-retours entre le réel et la fiction (écriture d'un livre et tournage d'un film à l'intérieur du film),les changements de pied et d'état permanents de Sibyl, psychanalyste à côté de qui le docteur Dayan de "En Thérapie" (2020) est un modèle de rationalité et d'éthique, il est difficile pour le spectateur de s'y retrouver. C'est d'ailleurs le but recherché je pense: nous plonger dans le cerveau de Sibyl et nous montrer comment elle se noie dans un déferlement de pulsions, d'addictions et d'émotions qu'elle cherche à mettre à distance sans y parvenir puisque c'est de ce déferlement qu'elle tire sa force créatrice. C'est pourquoi alors qu'elle a décidé d'en finir avec son cabinet pour se remettre à l'écriture, elle ne peut résister à l'appel de Margot (Adèle EXARCHOPOULOS) jeune actrice en détresse dont la situation rejoue celle qu'elle vécut au même âge et qui l'entraîne sur un lieu de tournage ultra-référencé, celui du "Stromboli" (1949) de Roberto ROSSELLINI, un déferlement de feu se rajoutant à celui de l'eau qui achève de brouiller ses repères. Dans "La Nuit américaine" (1973) de François TRUFFAUT, la femme du régisseur disait "Qu'est-ce que c'est que ce métier où tout le monde couche avec tout le monde ? Où tout le monde se tutoie, où tout le monde ment." C'est exactement ce que montre le film à travers le personnage de l'acteur principal, Igor (Gaspard ULLIEL) qui se partage entre la réalisatrice, l'actrice principale et Sybil qui passe d'un rôle à l'autre et en nourrit son oeuvre.

Mais si le film s'en tenait au seul aspect des affres de la création, même du point de vue d'une femme, il ne se démarquerait pas d'autres films traitant du même sujet (j'en ai cité un plus haut) et respirerait juste l'entre soi bourgeois bohème. Je comprends d'ailleurs que cela passe au-dessus de la tête de beaucoup de gens. Ce qui m'a paru le plus intéressant et original dans le film, c'est son aspect intimiste. En s'identifiant à une femme plus jeune confrontée à une décision difficile, Sibyl revisite son passé et ses propres choix de vie un peu comme le faisait Gena ROWLANDS dans "Une autre femme" (1988). A ceci près que contrairement au personnage de Marion et également de Margot, Sibyl a choisi de "faire un bébé toute seule" et se sent poursuivie par le regard de sa fille (souligné par des plans assez saisissants) désireux de comprendre les origines de sa naissance. D'où une séquence finale apaisée et lumineuse comme celle de "Victoria" et des scènes de sexe qui pour une fois montrent le cheminement de l'excitation et de la jouissance féminine encore largement tabou dans la représentation de la sexualité à l'écran. D'ailleurs le partenaire de Sybil qui est également celui de Virginie EFIRA à la ville, Niels SCHNEIDER est nettement plus jeune qu'elle et à cela également, on est pas habitué. Rien que pour cela et pour la mise en scène inspiré, cela vaut la peine de dépasser ses préjugés.

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