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Certains l'aiment chaud (Some Like it Hot)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1959)

Certains l'aiment chaud (Some Like it Hot)

Some like it classic and some like it hot. Un des maîtres-mot du chef-d'oeuvre de Billy Wilder est la diversité et pas seulement celle des musiques. Celle des genres: poursuite du film noir/gags burlesque/comédie romantique d'un côté, filles/garçons/transgenres de l'autre. Celle des sexualités: hétérosexuelles et homosexuelles (féminine et masculine). Celle des climats: neige et mort à Chicago/soleil, palmiers et désirs torrides en Floride.

Car les autres thèmes majeurs du film sont le travestissement et la transgression. La Prohibition (le film se situe dans les années 20) cache le vrai sujet du film qui est le code de censure Hays encore en vigueur au moment du tournage à la fin des années 50. Seul le travestissement permet la transgression. Le cercueil contient des bouteilles de whisky, le corbillard contient des armes, les pompes funèbres abritent un tripot, le gâteau d'anniversaire cache un tueur, Joséphine et Daphné sont deux hommes, le millionnaire aux faux airs de Gary Grant (star glamour connu pour ses tendances bisexuelles et son goût pour le travestissement) est un saxophoniste fauché etc.

Certains l'aiment chaud s'avère donc être outre une comédie irrésistible un film très moderne dans son approche du désir, de la sexualité et de la féminité. Le film raconte l'initiation de deux hommes plutôt machistes au féminisme en les faisant passer de l'autre côté de la barrière. Ils découvrent la complicité et l'intimité avec des femmes et ils découvrent aussi les désagréments d'être considérés comme des objets sexuels par la gent masculine. En définitive ils découvrent surtout leur propre part de féminité. Joe acquiert une sensibilité qui lui faisait défaut dans son rapport à l'autre sexe alors que Jerry se retrouve coincé dans une hybridité comique dans laquelle son identité (de genre et sexuelle) vacille lorsqu'il se prend au jeu de la séduction avec le désopilant et néanmoins adorable millionnaire Osgood Fielding III. La scène finale ouvre tous les possibles comme le souligne la dernière réplique devenue culte, véritable provocation lancée à la face du puritanisme. Il est significatif que cette fin ouverte donne lieu aujourd'hui à deux interprétations diamétralement opposées. Pour la critique traditionnelle plutôt machiste, Jerry est pris au piège. Son "je suis un homme" est interprété comme une volonté d'être reconnu comme tel et le nobody's perfect d'Osgood est perçu comme une castration. Pour les gender studies, les féministes et les critiques LGTB il est au contraire libéré du poids de l'hétéro-machisme symbolisé par Joe et la mafia et l'on assiste à la naissance du premier couple homosexuel de l'histoire du cinéma, le nobody's perfect d'Osgood résonnant comme une déclaration d'amour inconditionnelle. Quant à Marilyn, elle est absolument parfaite dans le rôle de Sugar car elle est aussi hybride, ingénue d'un côté, bombe sexuelle de l'autre (et le film ne se prive pas de le souligner par tous les moyens!) 


 

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Ander

Publié le par Rosalie210

Roberto Caston (2009)

Ander

Ander, paysan du Pays Basque, célibataire, la quarantaine, vit avec sa mère et sa sœur Arantxa dans un hameau isolé du Pays Basque, la Biscaye. Sa vie est partagée entre les travaux de la ferme familiale et quelques heures à l'usine. Dans ce petit pays sauvage, rustique, la routine d'Ander n'est troublée que par quelques heures dans les bras de Reme, la prostituée locale. En effet, malgré l'insistance de sa mère, Ander refuse de s'engager et de se marier.
Jusqu'au jour où, à la suite d'une fracture de la jambe, il est obligé d'embaucher José, un ouvrier agricole péruvien. José débarque avec son sourire lumineux, sa douceur et sa timidité. L'immigré va bouleverser le monde si cloisonné du paysan et lui faire ressentir des choses qu'il ne soupçonnait même pas.

Dans son premier long-métrage superbe de sensibilité, de retenue et de grâce, Roberto Caston aborde de manière magistrale la thématique LGTB dans un environnement inattendu, celui du Pays Basque. L'histoire d'amour qu'il nous raconte est empreinte de délicatesse. Les regards sont fuyants, les gestes du quotidien évoluent imperceptiblement, les silences sont plus parlants que de longs dialogues : un suspense s’installe, entretenu avec tendresse et empathie. Puis vers le milieu du film, c'est l'explosion du désir qui nous surprend dans une scène d'amour physique brève et enfiévrée. Tout est juste et profondément humain, de la durée des plans au jeu sobre, pudique et intense des acteurs qui font de cet opus charnel, un bouleversement amoureux de deux hommes en quête de délivrance.

 

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Lady Oscar

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1978)

Lady Oscar

Comment expliquer le naufrage de ce film en bonne place sur le site Nanarland (tout comme Parking) alors qu'il avait tant d'atouts au départ? Trop d'écueils se sont dressés sur le chemin de Jacques Demy sans doute et trop de paramètres non maîtrisés.

- La barrière de la langue et de la culture japonaise tout d'abord. En 1978 qui connaît les mangas en France alors que les animés commencent tout juste à remplir les grilles des programmes jeunesse d'Antenne 2? Celui de Lady Oscar n'existe d'ailleurs pas encore puisqu'il sera diffusé au Japon l'année suivante et en France à partir de 1986 avec le succès que l'on sait. La grandeur tragique et le souffle épique du manga de Riyoko Ikeda ainsi que la touche shojo si particulière (ce mélange unique et délicieux d'androgynie, de kitsch et de raffinement) disparaissent complètement. On retrouve certes chez Demy le même raffinement, la même élégance (dans l'harmonie des couleurs ou les mouvements de caméra tourbillonants par exemple) mais il vide le scénario de tout élément dramatique pour le tirer du côté du divertissement à la française du style "les mariés de l'an II." La figure transgenre d'Oscar devient ainsi un simple effet de mode, exactement comme pour Marco enceint dans L'Evénement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune. Mal à l'aise avec un thème qui le touche manifestement de trop près, Demy désamorce ce qu'il peut avoir d'explosif. Or la transgression subversive est au coeur de l'histoire et donne un relief extraordinaire à la Révolution dans le manga et l'anime qui est aussi l'histoire d'une émancipation. Rien de tel ici.

-Les choix scénaristiques réduisent les personnages et situations à des caricatures. Oscar devient une potiche (le plus beau poireau de France en fait...), Marie-Antoinette, une idiote écervelée qui bécote Fersen sous les fenêtres de Louis XVI, Rosalie une fille facile, Girodet un gros pervers (fous rires garantis dans la salle).

- Le choix des décors et des acteurs. Tourner à Versailles en décors naturels était en soi une idée séduisante. Mais Demy l'a fait pour des raisons de contraintes budgétaires et a bien du mal à habiter ces vastes espaces auxquels il n'a pas le droit de toucher. De même il doit renoncer à Dominique SANDA qui aurait été parfaite pour le rôle d'Oscar parce qu'elle est trop chère. Il choisit une danseuse anglaise inconnue Catriona Mc Coll parce qu'elle est blonde, sait faire de l'escrime et monter à cheval. Problème: elle ne dégage aucun trouble d'aucune sorte et son jeu est disons...limité. Le reste de la distribution est à l'avenant. Conséquence de ce manque de moyens et d'une direction d'acteurs approximative: de nombreuses scènes deviennent ridicules comme la prise de la Bastille, les Etats Généraux ou les mouvements théatraux de Catriona Mc Coll et des autres (fous rires garantis dans la salle bis repetita). Quant à la fin qui s'inspire clairement de celle des Enfants du Paradis elle achève de dénaturer les personnages, privés de rôle actif dans les événements et au final séparés alors que dans la mémoire japonaise ils sont indissociables. Franchement quel sens aurait Roméo et Juliette si Juliette lui avait survécu?

Le film a été un nouvel échec cuisant pour Demy. Il n'a évidemment pas marché au Japon puisqu'il dénaturait trop l'oeuvre d'origine. En France il n'a tout simplement pas été distribué. Il a fallu attendre 1997 pour qu'il sorte enfin en salles. Cependant tout n'aura pas été négatif. Un lien est né entre deux mondes bien différents exactement comme avec Harrison Ford et Model Shop. Lorsque Riyoko Ikeda s'est reconvertie en chanteuse lyrique, elle a donné un récital des airs chantés par Marie-Antoinette dans son petit théâtre à Versailles et Agnès Varda est venue l'écouter.

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L'impossible monsieur Bébé (Bringing up Baby)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1938)

L'impossible monsieur Bébé (Bringing up Baby)

Hawks, largement ignoré dans son propre pays a été défendu par la critique française, notamment Les cahiers du cinéma (La nouvelle vague était très « hichcoco-hawksienne »). Mais si Hitchcock a été défendu surtout par Truffaut, c’est Rivette qui a mis en évidence l’importance de Hawks en 1953 avec un article intitulé Génie d’Howard Hawks : en apparence, Hawks ne fait jamais le même film et touche à tous les genres : films de gangster (Scarface), screwball comédies (Train de luxe, L’impossible M. Bébé, La dame du vendredi, Chérie je me sens rajeunir, Boule de feu, Le sport favori de l’homme, Allez coucher ailleurs ce dernier comme Certains l’aiment chaud ou Sylvia Scarlett étant aussi un drag-film puisque Cary Grant est déguisé en femme la moitié du temps), films d’aviation (Seuls les anges ont des ailes), western (La captive aux yeux clairs, Rio Bravo, Rio Lobo, Eldorado), films noirs (le port de l’angoisse, Le grand sommeil), comédie musicale (Les hommes préfèrent les blondes), fantastique (La chose d’un autre monde qui a donné lieu à un remake de John Carpenter, The Thing). Le génie de Hawks pour Rivette c’est de rester lui-même et reconnaissable quel que soit le genre abordé. En effet, il filme toujours de la même façon, à hauteur d’homme et de façon très énergique.

L’impossible M. Bébé est une comédie de la science comme Chérie je me sens rajeunir et Boule de feu. Le film aborde également le changement de sexe et les limites de l’humain (l’identité sexuelle souvent instable est au cœur des films de Hawks). C’est une screwball comédie (screwball signifie frénétique, fofolle, loufoque, déjantée) avec une forte présence de l’animalité (« comédie avec chien, léopard et brontosaure ») héritée du burlesque (Harold Lloyd) où un tandem qui se dispute se réconcilie à la fin.
Le film appartient au genre de la comédie du remariage (thème majeur de la screwball comédie) en ce que le héros est sur le point d’épouser une certaine Mrs Swallow qui lui promet une vie fossilisée symbolisée par le brontosaure. La rencontre avec Susan lui permet de suivre son instinct et de se réconcilier avec sa part animale qu’il refuse au départ comme le montre sa réaction à la première vision du léopard. La contamination homme/animal est particulièrement forte pendant le dîner avec le major qui imite le cri du léopard. Le film est anarchiste car il s’en prend à toutes les institutions et tous les conformismes. La screwball comédie est profondément subversive socialement, notamment sur les rapports hommes/femmes. Elle joue un rôle d’exutoire comme le carnaval en renversant l’ordre établi et en proposant des modèles de femmes fortes et libres.

Les sources de comique sont nombreuses :
-Répétition (par exemple: les phrases répétitives comme « Je reviens dans une minute Mr Peabody" ou « Tout va bien »)
-Gestes : olives, chutes, inversion des sacs de femme, costumes déchirés etc. L'héritage burlesque joue à plein comme le film avec Laurel et Hardy Son altesse Royale de Léo Mc Carey (un court-métrage muet) où l’on trouve également le gag de la robe déchirée.
-Allusions salaces : « Mr Bone-Mr Bony » qui signifie en argot "en érection" ; « Cet os doit faire partie de la queue » ; Mrs Swallow ; « Arrêtez de faire ça avec votre chapeau » (en fait une main aux fesses déguisée).
-Inversion, métamorphose, transformation (homme/femme), dédoublement (léopard apprivoisé/sauvage) et symétrie (première et dernière séquence, celle-ci étant reprise dans La mort aux trousses).

 

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L'Evénement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune  

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1973)

L'Evénement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune  

Un beau gâchis ce film de Jacques Demy! En effet dès qu'il aborde la problématique transgenre il se prend les pieds dans ses contradictions. Résultat, Lady Oscar, Parking et L'événement... sont ses moins bons films.

Pourtant le sujet, celui d'un homme qui tombe enceint de sa femme était prometteur. La première demi-heure est
d'ailleurs irrésistible, on pense aux meilleures screwball comedies sauf que l'on est chez les français moyens de l'époque Pompidou. Jubilation suprême, le couple (un moniteur d'auto-école et une coiffeuse) est interprété par Marcello Mastroianni et Catherine DENEUVE qui étaient ensemble à l'époque.

Mais dès que la "bonne" société s'en mêle, le soufflé retombe, le rythme devient poussif et tout se termine par "le retour à l'ordre naturel des choses" (ouf, la morale est sauve). Il faut dire que la présence envahissante de Mireille Mathieu (qui chante le générique et que l'on voit en concert) ne donne pas une couleur très progressiste au film. Et ce n'est pas le douteux calembour de fin " L'homme enceint, c'était du bidon" (ah ah ah!) qui va relever le niveau. Pour poursuivre dans la métaphore, Demy s'est littéralement "dégonflé" car il avait tourné une autre fin (sa valse hésitation sur la fin de ses films est une de ses marques de fabrique) où il osait aller jusqu'au bout et où Marco-Marcello accouchait vraiment avec les cris du bébé en fond sonore!

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Parking

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1985)

Parking

Comme le disent les Inrockuptibles "Pour aimer Parking, il faut passer par-dessus beaucoup de choses" à commencer par une esthétique visuelle et musicale eighties qui n'est pas du meilleur goût (sauf celle des Enfers très réussie avec un contraste noir/blanc/rouge et reflets bleus-verts) sans parler de la voix catastrophique de Francis Huster censé représenter une rock-star qui déplace les foules et déchaîne l'hystérie (quoiqu'au second degré, ça peut être très drôle de l'écouter, il existe un montage assez hilarant sur Youtube d'ailleurs).

Blague à part le film vaut quand même la peine d'être vu car il constitue en quelque sorte la descente aux enfers de Demy. En proie à des difficultés aussi bien professionnelles que personnelles depuis plusieurs années, Demy touche en effet le fond avec ce film laid, glauque et torturé qui reprend une trame orphique qui lui est chère: outre Orphée et Eurydice, on retrouve Caron, le Styx et l'Enfer déjà aperçus dans son deuxième film La baie des anges. Le tout transposé dans les années quatre-vingt où plane l'ombre de la drogue et du sida (dont on sait aujourd'hui que c'est la maladie dont est mort Demy en 1990).

Néanmoins comme tous les Demy, Parking est hybride. D'un côté donc le contexte très lourd des années quatre-vingt dans lequel il s'enfonce irrémédiablement, de l'autre, l'héritage du mythe et de Cocteau. Si Peau d'Ane était la fille (certes bigarrée de Flower Power, de Pop Art...) de La Belle et la Bête, Parking est le fils (certes un peu raté...) d'Orphée et du Testament d'Orphée. Avec dans les deux cas la présence de Jean Marais qui joue dans Parking le rôle d'Hadès le dieu des Enfers, marié à sa nièce "Claude" Perséphone. A l'inceste s'ajoute donc l'androgynie des couples Hadès/Perséphone et Orphée/Eurydice: hommes efféminés et femmes masculinisées. C'est bien évidemment pour cette raison qu'il avait pensé dans un premier temps au couple Bernard Giraudeau/Annie Duperey.

"Chez Demy ce n'est pas la mort qui sépare Orphée et Eurydice mais plutôt la différence des sexes." Orphée et Eurydice sont en effet bisexuels mais cette bisexualité à résonance autobiographique est empreinte d'une lourde culpabilité: juste au moment où il embrasse enfin Calaïs (son ingénieur du son), Eurydice s'injecte une dose mortelle d'héroïne (reçue des mains de Bacchantes lesbiennes bien résolues à récupérer leur brebis égarée!)

L'ambivalence sexuelle d'Orphée-Demy trouve son aboutissement dans la chanson "Entre vous deux mon cœur balance" que Francis Huster interprète dans Parking. La chanson fait d'ailleurs allusion au signe astrologique de Demy comme dans la chanson des jumelles de Rochefort ("toi la vierge de mon cœur, toi mon gémeau venu d'ailleurs, vous êtes mes deux enfants de l'amour, vous êtes ma nuit et mon jour, pourquoi choisir?)
Bien évidemment c'est à Jim Morrison que Jacques Demy pensait en écrivant le rôle puis à John Lennon, puis à David Bowie. Mais le rêve s'est fracassé contre le mur de la réalité dans ce film définitivement désenchanté.

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Une journée particulière (Una giornata particolare)

Publié le par Rosalie210

Ettore Scola (1977)

Une journée particulière (Una giornata particolare)

Le plus grand film d'Ettore Scola, un cinéaste plus intimiste et "modeste" en apparence qu'un Fellini, un Pasolini un Visconti ou un Antonioni mais non moins talentueux.

Une journée particulière est un film historique, un film humaniste et une leçon de mise en scène.
Après une séquence d'archives qui pose le contexte historique du film à savoir la visite d'Hitler à Mussolini le 8 mai 1938 qui donne lieu à une grande cérémonie festive, la fiction démarre dans un immeuble de cette époque. Tout évoque l'oppression: les couleurs délavées, l'agencement de l'immeuble, conçu pour permettre aux gens de s'espionner, la concierge véritable relais du régime qui pavoise les façades, surveille les allées et venues et tente de s'ingérer dans la vie des appartements . La caméra passe d'ailleurs de fenêtre en fenêtre comme l'oeil de Big Brother avant de se rapprocher de l'une d'entre elle et d'y entrer.

On découvre alors le quotidien d'Antonietta, une mère de famille d'une quarantaine d'années. Une mère écrasée de tâches ménagères, première levée et dernière couchée, méprisée par son mari et accablée par sa nombreuse progéniture que la caméra nous fait découvrir de façon virtuose. Cette mère de famille inculte et trop pauvre pour avoir une bonne est exclue de la fête fasciste mais elle ne s'en rend pas compte. Au contraire elle voue un culte au Duce qui compense l'insatisfaction de sa vie conjugale. Son aliénation est totale.

C'est alors que l'impossible se produit. Restée seule (croit-elle) dans l'immeuble déserté, elle rencontre grâce à l'évasion de son mainate (tout un symbole) un autre exclu de la fête fasciste, Gabriele, un intellectuel homosexuel sur le point d'être déporté au confino. Tout oppose ces deux êtres sauf l'essentiel, leur dignité bafouée, leurs désirs et aspirations déniées, et leur immense solitude. Leur union par delà toutes les barrières qui les séparent (politiques, culturelles, sociales, sexuelles) devient un acte de résistance face au fascisme omniprésent en hors-champ par le biais de la retransmission radio, véritable viol de l'espace intime.

Bien que le film s'inscrive dans une réalité historique bien définie, son message est aussi contemporain. Scola lutte contre l'esprit de système, la délimitation de chacun dans des cases. Il délivre ses acteurs de l'image qui les enferme et leur donne la liberté d'être autre. Sophia LOREN, actrice glamour devient une ménagère terne et fatiguée aux chaussons troués. Marcello Mastroianni passe de latin lover (une étiquette qu'il ne supportait pas d'ailleurs) à homosexuel.

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Passion d'amour (Passione d'amore)

Publié le par Rosalie210

Ettore Scola (1981)

Passion d'amour (Passione d'amore)

Adapté de Fosca, le roman d'Iginio Ugo Tarchetti (disponible en France aux éditions du sonneur) le film sous-estimé du regretté Ettore Scola sur la laideur et la beauté s'avère passionnant et intense, remarquablement interprété de surcroît par Valeria d'Obici (enlaidie pour l'occasion) et Bernard Giraudeau (qui lui est au summum de sa beauté).

Giorgio et Fosca forment un couple profondément subversif
Fosca est l'antithèse de la jeune fille de bonne famille du XIX° siècle. La jeune fille idéale du XIX° c'est un visage d'ange sur un corps de madone. Au moral, elle doit être douce, soumise et sage. Dans tous les cas, elle doit être belle. Fosca n'est rien de tout cela. "Monstre", "vampire", "ver", "mouche", "tentacules glacés" etc. c'est en ces termes qu'elle est définie par les personnages du film. Non seulement son humanité est niée mais les créatures auxquelles elle est comparée appartiennent au monde des ténèbres et de la mort. Fosca détonne d'abord par un visage sorti tout droit d'un film d'épouvante, celui du Nosferatu de Murnau en l'occurrence: teint verdâtre, extrême maigreur, début de calvitie, yeux et bouche trop grands, nez trop long. Le corps est à l'image de ce visage: si maigre qu'il est plus proche du squelette que d'autre chose. Mais ce qui anime ce corps malade en est d'autant plus fascinant, plus brûlant. Fosca n'est absolument pas sage, douce et soumise. Son intelligence est acérée, sa sensibilité extrême, son ironie mordante et sa lucidité extrême. Sa révolte s'incarne dans de spectaculaires crises d'hystérie qui la font ressembler au Cri de Munch. Le désir qui s'empare d'elle jusqu'à la consumer entièrement est justement celui d'être une fois au moins dans sa vie pleinement vivante, reconnue et aimée comme une femme par-delà son apparence. Pour vivre cet amour absolu, elle est prête à sacrifier sa vie, déjà chancelante.

Giorgio est quant à lui un homme insolite dans son époque et dans son milieu. L'objet de sa passion est à priori tout ce qu'elle n'est pas. Giorgio est au début du film une sorte "d'imbécile heureux": jeune, beau, solaire, fringant. Il est de surcroît passionnément épris d'une jeune femme mariée tout aussi belle que lui et qui l'aime en retour tendrement. Sa rencontre avec Fosca l'obscure va le mettre en contact avec des zones d'ombre en lui qu'il ne connaît pas et qui lui font peur. Car Fosca a repéré deux anomalies en lui: sa beauté et sa sensibilité, deux caractéristiques profondément féminines indésirables chez un homme de ce temps et de ce milieu: "Vous êtes beau et sensible, vous êtes le type d'homme que Fosca pourrait aimer. Malheur à ceux qui naissent avec ce péché originel". En dépit de ses sentiments ambivalents faits de répulsion et d'attraction, Giorgio va subir une telle pression physique et psychologique de la part de la jeune femme qu'il va finir par sortir de sa médiocrité, de sa banalité, de sa vacuité et accéder à une autre dimension, plus riche et plus profonde. Le tout dans l'opprobre ("J'aime Fosca! C'est contre-nature?") et au prix de son identité, de son équilibre, de son bonheur, de sa santé et de sa beauté.


La seule nuit d'amour entre Fosca et Giorgio met en jeu les peurs les plus enfouies et les plus primitives au sujet de la sexualité. Pour Giorgio, il s'agit de l'achèvement d'un processus de vampirisation qui aboutit à sa totale absorption dans le monde féminin de Fosca. Le lendemain, il fait sa première crise d'hystérie, expression de la répression de la sexualité féminine chez la femme mais désormais aussi chez l'homme. Du côté de Fosca, sexualité et mort sont indissolublement liés. En effet avant cette nuit-là, la jeune femme était restée vierge. Et son état de santé lui interdit d'avoir des rapports sexuels. Mais elle passe outre...et meurt. La Belle au bois dormant déjà se piquait le doigt à un fuseau...et mourrait.

Petit détail significatif Fosca (l'obscure) n'apparaît pas sur les affiches et photos ou bien son visage est caché. 4 fois sur 5 Giorgio est montré en compagnie de Clara sa maîtresse mariée qui n'est pourtant pas du tout importante dans le film...

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Les Garçons et Guillaume, à table!

Publié le par Rosalie210

Guillaume Gallienne (2013)

Les Garçons et Guillaume, à table!
Parce qu'il ne ressemble ni à son père ni à ses frères, virils et athlétiques, le petit Guillaume s'identifie à sa mère qui le fascine et qu'il parvient à incarner de façon si parfaite que tout le monde s'y laisse prendre. Mais à ce petit jeu, Guillaume finit par se perdre... Il se retrouve emprisonné dans les désirs de sa mère (ou ce qu'il croit être ses désirs, ceux-ci n'étant pas formulés clairement) et même son corps est absorbé par celui de sa génitrice (Guillaume jouant les deux rôles).

Le comportement efféminé du petit Guillaume renvoie à sa famille une image dérangeante. Alors elle préfère le cataloguer comme homosexuel dès son plus jeune âge et l'éloigner le plus possible de la maison. La confusion la plus totale règne dans la tête de Guillaume, objet de tous les fantasmes et de toutes les brimades.

Malgré tous ces boulets, Guillaume survit, grandit, avance, cahin-caha, et petit à petit, parvient à se construire et à affirmer ses propres choix, en rupture totale avec ceux des personnes qui "avaient choisi pour lui". Il peut alors enfin s'affirmer face à sa mère qui cesse enfin d'être "lui" (ou lui d'être "elle"). A tous points de vue, il devient acteur.
Les garçons et Guillaume à table est un film d'une incroyable richesse. Tel un millefeuille ou un artichaud, il contient de multiples niveaux de lecture, convoquant un panel très varié d'émotions et de réflexions.

Quelques pistes de réflexion autour de scènes-clés:
 
-La scène de la chambre, des toilettes et de la salle de bain.
Que fait ce petit garçon dans la chambre de sa mère? Pourquoi le lit maternel est-il si omniprésent (au point d'être le seul décor dans la pièce de théâtre)? Pourquoi n'y voit-on jamais le père? Un lit où la mère se prélasse en majesté et autour duquel gravite Guillaume (quand il ne cherche pas à s'asseoir dessus ou à entrer dedans). Cette mère qui ne ferme pas la porte quand elle va aux toilettes et ce père qui ne ferme pas la porte de la salle de bains quand il se promène les fesses à l'air.
Conséquences: la confusion règne. Confusion des rôles: la mère envahit la place de l'enfant et l'enfant est privé d'identité, simple miroir du narcissisme de sa mère. Confusion des genres. Guillaume qui est pourtant génétiquement un garçon est complètement vampirisé par sa mère au point d'en perdre toute identité masculine.
 
- La scène de la sévillane. Guillaume est envoyé en voyage linguistique en Espagne. Hébergé chez une certaine Paqui, il apprend à son contact à danser la sévillane avec le perfectionnisme qui le caractérise. Seulement ce qu'il ne sait pas, c'est que Paqui lui a appris la version féminine de la danse ce qui provoque l'hilarité de l'assistance. Lorsque Guillaume l'apprend, il est tout heureux de faire ce cadeau à sa mère qui selon lui a toujours voulu qu'il soit une fille.
Paqui est clairement un double de la mère de Guillaume. En lui apprenant à danser comme une fille, elle laisse entendre qu'elle le considère comme tel ce qui est exactement l'attitude de la mère de Guillaume lorsqu'elle lance des "ma chérie" ou des "garçons et Guillaume à table" à son fils.
NB: la référence à Almodovar est évidente dans toute cette séquence, ainsi qu'à celle du tango de Certains l'aiment chaud de Billy Wilder.

-Sissi. Persuadé qu'il est une fille déguisée en garçon, Guillaume s'imagine dans la peau de Sissi et sa mère dans celle de l'archiduchesse Sophie. Son père le découvre affublé d'une couette autour de la taille (pour la crinoline) et d'un pull sur la tête (pour les cheveux). Guillaume prétend qu'il a froid la nuit ce qui pousse son père à augmenter le chauffage.
Dans cette scène, le père apparaît comme l'intrus qui brise le duo fusionnel mère-fils et interrompt le "cinéma" de Guillaume. Néanmoins ce père est bien trop éloigné de son fils et trouble lui-même pour jouer correctement son rôle. D'autant que lui aussi ne considère pas Guillaume comme un véritable garçon.
 
-La scène de la piscine. C'est toujours dans la peau d'une fille que Guillaume part en pension dans un collège anglais. Cet environnement plus tolérant lui permet de s'épanouir et de tomber amoureux du beau Jérémy (beaucoup de références ici à Maurice de James Ivory). Mais celui-ci n'a d'yeux que pour Lizzie au grand désarroi de Guillaume qui lorsqu'il le découvre touche littéralement le fond.
Cette scène magnifique peut s'interpréter de plusieurs façons. Evidemment comme un chagrin d'amour qui fait perdre pied à Guillaume. Mais aussi comme un "retour dans l'utérus". Guillaume tombe en position fœtale et baigne dans le liquide amniotique. A nouveau, il est absorbé dans le corps (et dans l'âme) de sa mère. Encore pire, lorsqu'il veut sortir la tête de l'eau, l'un de ses frères la lui replonge comme s'il l'empêchait de (re)naître. Et pour couronner le tout, sa mère apparaît pour lui faire comprendre qu'elle ne le considère pas comme une fille mais comme un garçon qui aime les garçons (en contradiction avec ce que pourtant elle lui laisse entendre).
Guillaume est dévasté. Cet amour de midinette qu'il portait à Jérémy et qui était en réalité une demande d'affection et de tendresse (car Jérémy le consolait quand il se faisait humilier) se retrouve réduit par sa mère à du sexe. Lui qui croyait être dans la norme ("ta fille qui est attirée par un garçon, c'est on ne peut plus hétéro ça!") est renvoyé à une marge, une anormalité, une monstruosité de la nature.
 

-Les scènes de spa. Elles sont essentielles pour comprendre l'ambivalence sexuelle dans laquelle se débat Guillaume ainsi que les ravages de l'emprise que sa mère a sur son corps. La succession de deux scènes de spa, d'abord avec le masseur puis avec Ingeborg suggère l'ambivalence même si Guillaume semble plus émoustillé par Ingeborg (avant son lavement musclé!)
Mais surtout on a l'illustration ici de l'emprise que la mère a sur la sexualité de son fils. Guillaume s'avère passif et frigide car pour sa mère la sexualité se résume à "fermer les yeux" et à penser "à l'Angleterre". Conséquence n°1: Guillaume se retrouve coupé de toute la façade avant de son corps (la façade active) et n'a accès qu'à la façade arrière (la façade passive) autrement dit il est castré psychiquement. Conséquence n°2: l'accès au plaisir lui est interdit. Après un massage qui s'apparente à une séance de torture, il se retrouve en compagnie d'une femme brutale qui lui inflige un viol. Guillaume ressort de ces scènes brisé de partout.
 
-La scène de la boîte gay: Plus que jamais sous l'emprise de sa mère, Guillaume plonge dans ce milieu en théorie pour se chercher en réalité pour tenter de réaliser son désir à elle. Seulement le malentendu est total une fois de plus. Lui ce qu'il cherche c'est de l'amour, de la tendresse, de l'attention. Ce qu'on lui propose se réduit à du sexe et seulement à du sexe. Voilà pourquoi la boîte est dépeinte comme un lieu glauque et souterrain ainsi que l'appartement d'où Guillaume s'échappe in extremis.
 
- La scène du cavalier russe: Guillaume qui tente à nouveau d'avoir une expérience homosexuelle se retrouve face au membre proéminent d'un homme "monté comme un cheval". Et bien sûr, il panique ("j'ai eu beau essayer de penser à l'Angleterre, je n'y arrivais pas du tout") et sa mère intervient dans sa tête pour lui signifier que cette expérience est vouée à l'échec ("Tu as toujours eu peur des chevaux... ça ne peut pas marcher"). Néanmoins, il fait une prise de conscience, celle de sa peur de la virilité en général et de la sienne en particulier.
 
-La scène d'équitation. Scène de plénitude, elle permet à Guillaume de se "redresser à la verticale" (selon les mots même du réalisateur). En lâchant prise et en ne faisant plus qu'un avec sa monture, il apprivoise son corps ("l'animal qui est en lui") et entre enfin en communion avec lui-même. Son professeur apparaît comme un père bienveillant (tout comme l'un de ses psy) qui l'aide à accomplir ce cheminement par lequel en découvrant sa masculinité, il se sépare de sa mère.
 
-Amandine: L'heure de la délivrance a sonné. Enfin en possession de tous ses moyens, sûr de lui et épanoui Guillaume est prêt à rencontrer l'amour. Qui se présente sous la forme d'une jeune femme lors d'un dîner de filles où cette phrase salvatrice est prononcée "Les filles et Guillaume à table!" L'ambiance est à l'opposée des scènes précédentes. La scène a lieu sur les toits au soleil couchant. Elle est lyrique, lumineuse et douce. On touche le ciel après avoir côtoyé l'enfer.
Guillaume tombe amoureux de la jeune femme qu'il a rencontré à ce dîner. Celle-ci lui rend son amour et ils décident de se marier. Il affirme alors son choix devant sa mère pour qui cette hétérosexualité est un véritable séisme. En effet, l'emprise qu'elle avait sur lui avait pour but inconscient de l'empêcher d'avoir accès aux autres femmes. C'est à ce moment là que sa mère change de visage. Elle n'est plus incarnée par lui mais par une actrice. Le fils s'est émancipé et a enfin réussi à devenir un homme, sinon aux yeux de sa mère du moins vis à vis de lui-même.

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