L'Ange Blond De Visconti - Björn Andresen, De L'Ephèbe à L'Acteur
Kristina LINDSTRÖM, Kristian PETRI (2020)
A l'heure où Sylvia Stucchi, professeure de lettres classiques à l'université de Milan publie "La dame au ruban bleu: cinquante années avec Oscar", je me replonge dans ma propre adolescence passée dans ma passion pour "Lady Oscar" dont je ne connaissais alors même pas l'auteur puisque les seuls crédits mentionnés au générique étaient ceux des distributeurs français, "Bruno-René Huchez, Caroline Guicheux et cie." ce qui en disait long sur le mépris et le chauvinisme (pour ne pas dire le racisme) alors en vigueur dans l'hexagone vis à vis des séries animées japonaises. Vers 17-18 ans, j'ai eu accès à une première source de vraie documentation, un fanzine italien du nom de Yamato avec un auteur, Francesco Prandoni qui lisait le japonais (et avait donc lu le manga, à l'époque non traduit en Europe) et était capable de faire des analyses de fond. Il y critiquait (à raison) l'actrice du film de Jacques DEMY (que je n'ai pu voir qu'en 1997 car lui non plus n'était pas sorti en France), disant que Oscar était une figure irréelle, inadaptable au cinéma.
Mais à lui aussi il manquait des informations. Le documentaire que Arte a mis en ligne il y a quelques mois (et jusqu'en 2024) sur Björn ANDRESEN, le jeune acteur devenu une icône à la suite de sa prestation dans le rôle de Tadzio dans le film de Luchino VISCONTI "Mort à Venise" (1971) a permis de combler cette lacune. On y voit en effet dans ce documentaire aussi saisissant que douloureux, un Björn ANDRESEN mal remis de cette expérience qui contribua à le plonger dans la dépression et les addictions revenir au Japon cinquante ans après y avoir connu un succès foudroyant suite au film de Visconti et discuter avec ceux qui "volèrent son image" ce qui lui donna ensuite l'impression d'être emprisonné à vie dans le rôle (bien que le premier d'entre eux ait été Visconti lui-même et son équipe dont l'attitude envers le très jeune garçon qu'il était alors s'est avérée indélicate et ce dès le casting, très gênant). Et parmi eux, il y a Riyoko IKEDA, l'auteure du manga "La Rose de Versailles" (le vrai titre de "Lady Oscar") qui explique que tous ses personnages androgynes ont été inspirés par le visage de Björn Andresen. Comble de l'ironie, celui-ci qui est sexagénaire est aujourd'hui le sosie parfait d'un autre personnage de manga qui est culte pour moi: Otcho dans "20th Century Boys" de Naoki Urasawa.
Bien que le mal-être de Björn ANDRESEN ne s'explique pas seulement par le film qui le révéla autant qu'il le crucifia (le terrain familial a joué un rôle déterminant en ne le protégeant pas face aux prédateurs qui se nourrirent de lui), le documentaire fait réfléchir sur cette énième variante de l'exploitation des enfants par les adultes, surtout lorsqu'il s'agit de créer un fantasme sur pattes qui ensuite poursuivra tel un fantôme encombrant celui qui en a été le vecteur.