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Articles avec #heinrich von kleist tag

Amour fou

Publié le par Rosalie210

Jessica Hausner (2014)

Amour fou

Ce n'est pas parce que cet "Amour fou" au titre semi-trompeur puisqu'il se situe du côté morbide du romantisme traite du mal de vivre qu'il doit être à ce point dénué de vie. Jessica HAUSNER a été visiblement étouffée par les modèles dont elle s'inspire. Ancienne assistante de Michael HANEKE, elle tente de reproduire son style distancié sans pour autant lui donner du sens. "La Marquise d'O..." (1976), la nouvelle de Heinrich von Kleist est citée, de même que son adaptation par Eric ROHMER qui se retrouve dans l'esthétique du film: des plans fixes composés comme des tableaux. Mais dans le film de Eric ROHMER, ce qui était passionnant, c'était le contraste entre le corsetage esthétique et social et la fièvre des élans pulsionnels s'emparant des protagonistes. Rien de tel dans "Amour fou" où les personnages se confondent avec les meubles. Ils sont si statufiés et si inexpressifs que certains passages en deviennent presque comiques à force d'absurdité. Il faut dire que Heinrich von Kleist (Christian FRIEDEL) poursuivant des jeunes femmes pour les convaincre de se suicider avec lui, c'est légèrement surréaliste. Et même si cela se base sur l'histoire de sa fin tragique, cela n'a pas grand-chose à voir avec l'amour ni avec le romantisme puisqu'il se rabat sur Henriette par défaut après avoir été éconduit par Marie sa cousine (Sandra HULLER qui semble avoir un peu plus les pieds sur terre mais qu'on ne voit que dans deux scènes). Cela ferait presque sourire de voir Henriette et Kleist se moquant des convenances, quitte à passer pour un couple adultère si le film avait un peu de rythme. Mais il est si froid, si lent, si austère, si morne, si théâtral, si rabat-joie que cet acharnement à tuer dans l'oeuf toute émotion chez le spectateur en devient décourageant.

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La Marquise d'O...

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1976)

La Marquise d'O...

Adaptation élégante et raffinée de la nouvelle d'Heinrich von Kleist, La marquise d'O qui obtint le prix spécial du jury à Cannes en 1975 est aussi un passionnant "conte moral/immoral" à multiples facettes. Tous les personnages s'y révèlent ambivalents, complexes à des années lumières de leurs comportements stéréotypés et de leurs cadres de référence manichéens. La marquise est une jeune veuve qui s'attache à donner d'elle une image maternelle et filiale de sainte éthérée. Mais son nom ambigu et les miroirs placés derrière elle révèlent une autre marquise tenaillée par des désirs inavouables. Et ce même si Rohmer attribue son inconscience durant le viol à un narcotique et non à un invraisemblable évanouissement. Même chose pour le comte qu’elle prend d’abord pour un ange (le sauveur tombé du ciel comme le suggère le plan où il apparaît) puis pour le diable (le violeur bestial). Ni l’un, ni l’autre il est tout simplement humain. Comme la marquise à qui il ressemble comme deux gouttes d’O, il est tiraillé entre sa morale chevaleresque et ses pulsions animales. Pour la marquise il est inconcevable que l’on puisse à la fois sauver une femme et abuser d’elle. C’est l’ambivalence de la nature humaine qu’elle doit assimiler afin de devenir pleinement femme. Ce qui redéfinit aussi les rapports à ses parents, des parents pas moins ambigus qu’elle derrière leurs attitudes outrancières. Le père a un comportement ouvertement incestueux et la mère a une manière particulièrement retorse de manipuler sa fille en prêchant le faux pour savoir le vrai. Symboliquement, le film commence lorsque l’ennemi russe (dont fait partie le comte qui est lieutenant-colonel) assiège, bombarde et pénètre la forteresse tenue par la père de la marquise. La guerre étant une métaphore bien connue du sexe, il est facile d’établir un rapport avec la fille du commandant qui est aussitôt assaillie par cinq soudards russes prêts à lui faire subir les derniers outrages. Le film se termine d’ailleurs sur un intertitre ambigu « Dès lors toute une série de jeunes russes vit le jour à la suite du premier »…

Outre l’aspect très littéraire de cette adaptation, le film ressemble à un tableau vivant. La photographie, les décors et costumes, les attitudes des personnages s’inspirent de nombreuses références picturales : David (La marquise ressemble à Juliette Récamier, elle s’appelle d’ailleurs elle-même Julietta), Ingres, Delacroix, Le cauchemar de Johan Heinrich Füssli (pour la scène de « l’évanouissement » de la marquise) etc. Enfin Rohmer a fait appel à trois merveilleux comédiens de la prestigieuse Schaubühne (la comédie-française berlinoise) dirigée alors par Peter Stein : Bruno Ganz (le comte), Otto Sander (le frère de la marquise) et Edith Clever (la marquise). Les deux premiers deviendront célèbres sur le plan international 11 ans plus tard avec Les anges des Ailes du désir de Wim Wenders.

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