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Articles avec #cinema d'asie tag

20th Century Boys chapitre 2 : Le dernier espoir (20-seiki shônen: Dai 2 shô - Saigo no kibô)

Publié le par Rosalie210

Yukihiko Tsutsumi (2009)

20th Century Boys chapitre 2 : Le dernier espoir (20-seiki shônen: Dai 2 shô - Saigo no kibô)

Ce deuxième volet peine à rendre compte de la richesse du matériau d'origine (les tomes 6 à 15 du manga éponyme de Naoki Urasawa). Il se contente d'un copié-collé des meilleures scènes, sacrifiant la cohérence d'ensemble qui cependant est essentielle dans une histoire contenant autant de personnages et faisant des allers-retours incessants dans le temps. Autre point faible, l'interprétation, tellement outrancière qu'elle tire le film vers la farce alors que l'histoire est dramatique en dépit de passages humoristiques.

Volet de transition, le chapitre 2 se concentre sur les héritiers du premier film: Kanna, la nièce de Kenji et le petit-fils de l'inspecteur Chôno. La première combat pour réhabiliter la mémoire de son oncle disparu, le second garde une touchante probité au milieu d'une police gangrenée comme le reste du pays par le pouvoir d'Ami et de sa secte. Ceux-ci sont passés maître dans l'art de manipuler la population, provoquant des catastrophes sanitaires pour mieux la contrôler tout en les mettant sur le dos de Kenji et ses amis. Les techniques d'asservissement de la population sont explorées dans ce deuxième volet, des livres d'histoire falsifiés aux camps de rééducation pour la jeunesse avec lavage de cerveau intégré. L'aspect millénariste de l'histoire atteint son apogée avec la résurrection d'Ami, sorte de Jésus inversé qui revient parmi les hommes non pour les sauver mais pour les anéantir. Derrière la manifestation surnaturelle se cache un homme sans visage susceptible d'être incarné par plusieurs personnes qui ont des problèmes d'identité et des comptes à régler avec leur enfance.

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20th Century Boys chapitre 1 (20-seiki shōnen: Honkaku kagaku bōken eiga)

Publié le par Rosalie210

Yukihiko Tsutsumi (2008)

20th Century Boys chapitre 1 (20-seiki shōnen: Honkaku kagaku bōken eiga)

A l'origine de cette adaptation efficace mais platement illustrative, il y a un des meilleurs manga jamais créés. "20th Century boys" de Naoki Urasawa, un dieu du genre au même titre que son maître, Osamu Tezuka est riche, complexe et haletant de bout en bout. Il a obtenu une pléthore de récompenses prestigieuses et méritées aussi bien au Japon qu'en France et aux USA. Il a contribué avec "Monster" à la reconnaissance internationale de son auteur.

En dépit des allers-retours constants entre plusieurs temporalités, l'histoire est finalement assez simple à résumer. A la fin des années 60, un enfant d'une dizaine d'années, Kenji Endo écrit et dessine avec l'aide de sa bande d'amis un récit d'anéantissement de l'humanité par une arme bactériologique. Trente ans plus tard à la fin des années 90, il voit ce récit apocalyptique qu'il a complètement oublié en grandissant se réaliser point par point. Derrière l'accomplissement de ce sinistre scénario, un gourou qui se fait appeler "Ami" et sa secte qui grandit tel un cancer pour noyauter progressivement toutes les institutions du Japon ou les faire exploser. Le parallèle avec la montée du nazisme s'impose d'autant plus aisément que Naoki Urasawa a souvent donné à ses récits des références germaniques ("Monster" se déroule en Allemagne, "Pluto" a pour héros le professeur Gesicht etc.) Et ce, même si une référence plus contemporaine s'impose immédiatement, celle des attentats au gaz sarin commis par la secte Aum entre 1989 et 1995. Kenji comprend rapidement que "Ami" est l'un de ses anciens camarades de classe qui a gravité autour de sa bande des années 60 sans jamais parvenir à s'y intégrer. A partir de cette exclusion, il a développé une haine qui le pousse à accomplir le récit de Kenji en lui faisant porter le chapeau des attentats. Kenji et ses amis, tous devenus des quadragénaires à la petite vie médiocre doivent alors affronter leurs responsabilités (et une dernière chance de se réaliser en tant qu'individu). La scène où ils déterrent la boîte contenant les souvenirs de leur passé commun a une valeur éminemment symbolique.

La force de "20th Century boys" est de jouer sur plusieurs niveaux. Derrière le récit spectaculaire millénariste et apocalyptique se cache une histoire intimiste mélancolique voire nostalgique sur le thème des illusions perdues. Tout lecteur ou spectateur lambda ne peut que se demander après la lecture ou la vision de cette oeuvre ce qu'il a fait de ses idéaux et rêves de jeunesse. Mais Urasawa ne se contente pas d'être dans le passé, il trace aussi des perspectives d'avenir. Ce guitariste autodidacte pour qui "le rock est une philosophie et Bob Dylan est son prophète" parsème son oeuvre de références à son idole et plus généralement au rock des années 60 et 70, à commencer par le titre de son manga, référence au tube éponyme du groupe T-Rex. Cependant dans le film, il souligne que le "club des 27" (rockeurs ayant pour point commun le fait d'être morts à l'âge de 27 ans) n'est pas une fin et qu'il est possible de s'accomplir ou de rester au zénith à tout âge, y compris à 80 ans. Phrase clé pour le destin de Kenji et de ses amis, tous des quadragénaires ratés qui ne deviendront des adultes accomplis qu'aux alentours de la soixantaine.

L'adaptation cinématographique, très fidèle au manga est comme je le disais plus haut platement illustrative mais efficace. Elle a le mérite de la clarté, utilisant des codes couleurs aisément identifiables pour se répérer (sépia pour le passé, bleu pour l'avenir et une ambiance naturaliste pour le présent). L'interprétation surjouée tire le film vers la série Z mais la qualité du scénario est telle que l'on s'y laisse prendre. L'ampleur de l'histoire (le manga fait 22 tomes) explique le choix de la découper en trilogie, le premier volet couvrant les 5 premiers tomes.

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Perfect Blue (Pafekuto Buru)

Publié le par Rosalie210

Satoshi Kon (1997)

Perfect Blue  (Pafekuto Buru)

"Qui es-tu?" Mima voudrait bien choisir ce qu'elle voudrait être. Mais cette jeune fille sans histoire, sans aspérité n'y arrive pas, prisonnière des images que les autres façonnent, prisonnière de leurs fantasmes et de leurs projections. Progressivement, elle se perd dans ce labyrinthe d'images jusqu'aux limites de la folie alors qu'autour d'elle, les cadavres s'accumulent dans la pure tradition du thriller hitchcockien et de son héritier, celui de Brian de Palma.

Film culte et visionnaire, le premier long-métrage de Satoshi Kon l'est assurément puisqu'en 1997, la révolution numérique n'avait pas encore envahi les foyers. Pourtant Mima découvre que sur Internet, quelqu'un tient un blog en se faisant passer pour elle. Ce vol d'identité numérique n'est que le dernier avatar d'une longue chaîne d'illusions véhiculées par les médias (presse, affiches, photos, TV, cinéma). La première Mima que nous voyons, c'est la pop idol, ces jeunes chanteuses kleneex véhiculant une image fraîche, gaie et innocente fabriquées par une industrie du divertissement qui les médiatise à outrance durant quelques années avant de les rejeter pour en prendre d'autres. Dans l'espoir d'échapper à ce destin, Mima décide d'arrêter en pleine gloire pour saisir l'opportunité qu'on lui propose de devenir actrice et mannequin. Elle tombe ainsi dans un autre système d'exploitation d'images, sauf que celui-ci la sexualise à outrance, la faisant poser nue et la soumettant à une scène de viol. Mais l'ancienne Mima maintenue en vie par ses fans otakus les plus acharnés ne veut pas périr et revient tel un fantôme harceler la nouvelle Mima et massacrer ceux (des hommes évidemment) qui l'ont créé. De façon significative, le tueur crève les yeux de ses victimes pour les punir de leur transgression. Chez Kon, tout est affaire de mise en abyme. Au Japon, les poils pubiens sont un véritable tabou culturel, or Satoshi Kon n'hésite pas à l'exploser en montrant ceux de Mima ce qui le place dans une position très provocatrice, susceptible de provoquer des réactions violentes à son égard. Une vraie note d'intention pour son cinéma.

Que pèsent au final les limites techniques face à une réflexion aussi vertigineuse et une mise en scène aussi brillante? On ne se pose pas la question lorsqu'il s'agit de films live utilisant des effets spéciaux datés, pourquoi cela devrait-il pénaliser exclusivement les films d'animation? En tout cas celui à qui cela n'a pas posé de problème, c'est Darren Aronofsky qui s'est largement inspiré de "Perfect blue" pour réaliser "Black Swan" jusqu'à reprendre à l'identique des plans entiers.

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Millenium Actress (Sennen joyū)

Publié le par Rosalie210

Satoshi Kon (2001)

Millenium Actress (Sennen joyū)

Un proverbe chinois dit que "L'important n'est pas le but, mais le chemin". C'est exactement la philosophie du deuxième film de Satoski Kon. Mieux vaut être bien accroché: en une heure et vingt-trois minutes, on parcours 40 ans de la vie d'une grande actrice japonaise, retravaillées par sa mémoire. 40 ans d'une course folle à travers les années, les films, les rêves, les genres du cinéma et de quelques uns de ses plus grands réalisateurs. Le tout ne forme qu'une seule et même expérience, l'expérience totale d'une vie d'être humain. Le film par sa construction en scènes emboîtées les unes dans les autres fait penser aux poupées russes ou aux miroirs qui se réfléchissent à l'infini.

Néanmoins ces scènes ne sont que des variations de la même histoire. Une histoire extrêmement simple, celle du désir humain voué à n'être jamais satisfait mais constituant l'aiguillon indispensable pour avancer et créer. Le film devient ainsi une réflexion sur la destinée. La vocation d'actrice de Chiyoko Fujiwara naît le jour où son chemin croise furtivement celui d'un jeune peintre traqué par le pouvoir autoritaire du Japon nationaliste des années 30. Elle passera les trente années suivante à le rechercher, traversant de multiples périls (la guerre, la répression totalitaire, les tremblements de terre), endossant de multiples rôles (princesse, geisha, cosmonaute, infirmière, maîtresse d'école etc.) et genres (mélodrame, science-fiction, film de sabre à la Kurosawa, film de guerre, film de monstres type Godzilla) sans jamais parvenir à le rejoindre.

Son désir croise sans cesse par ailleurs celui du réalisateur venu faire un documentaire sur elle, Genya Tachibana ce qui approfondit encore la mise en abyme entre vie réelle, cinéma et fantasmes. Lui aussi apparaît quasiment dans toutes les scènes du film, la plupart du temps flanqué de son caméraman. Parfois simple observateur du récit de la vieille actrice, il occupe la plupart du temps le rôle du chevalier blanc venant au secours de sa belle. Plus jeune, il a travaillé dans les mêmes studios qu'elle et l'a réellement protégé. Son désir pour elle qui perdure à travers le temps est tout aussi inaccessible que celui qu'elle porte au peintre dont on ne verra jamais le visage.

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Mes voisins les Yamada ( Hōhokekyo tonari no Yamada-kun)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (2001)

Mes voisins les Yamada ( Hōhokekyo tonari no Yamada-kun)

La filmographie de Isao Takahata est moins lisible que celle de son compatriote Hayao Miyazaki car il ne dessine ni n'anime lui-même les films qu'il met en scène. Par conséquent, un certain éclectisme des styles et des thèmes caractérise son œuvre. Pour "Mes voisins les Yamada" qui au sein des studios Ghibli succédait au succès critique et public de "Princesse Mononoké", il pris de gros risques techniques et scénaristiques qui ne payèrent pas. Le film fut un tel échec au box-office qu'il ne réalisa plus de longs-métrages pendant quinze ans. Au Japon, le film fut confronté à un problème de distribution et dût faire face à une concurrence très rude dont il sortit perdant. Au niveau international, les raisons de cet échec s'expliquent par le fait qu'il est très ancré dans la culture japonaise et donc difficilement compréhensible pour ceux qui n'y connaissent rien. Il fait par exemple référence à des contes traditionnels japonais comme celui de Momotarô et de la princesse Kaguya qu'adaptera Takahata en 2013, reprend l'iconographie d'estampes comme la "Vague" d'Hokusai, est entrecoupé de haïkus qui apportent un éclairage philosophique décalé sur l'histoire.

"Mes voisins les Yamada" est l’adaptation d’une bande dessinée du dessinateur Hisaichi Ishii, publiée dans le journal quotidien Asahi Shinbun. Sa particularité est qu’il s’agit d’une BD en quatre cases (appelée « yonkoma ») dont l'équivalence scénaristique est le sketch. On a donc un film découpé en tranches de vie décrivant avec un réalisme teinté d'humour caustique le quotidien d'une famille japonaise traditionnelle. Takashi le père est un salaryman, Matsuko la mère une femme au foyer, Noboru le fils est un adolescent maladroit, Nonoko est la fillette kawai, Shige la mère de Matsuko vit avec eux ainsi que Pochi le chien. L'humour naît du comportement décalé des membres de la famille par rapport à celui qui est attendu d'eux. Par exemple le père est un distrait qui "oublie" parfois ses obligations et se met dans des situations impossibles. La séquence des motards montre également qu'il a moins d'autorité que les femmes de sa famille. La mère au foyer use de toutes sortes de stratégies pour en faire le moins possible, notamment en ce qui concerne la cuisine. De façon plus générale, chacun tend à se décharger de ses obligations sur les autres.

Sur le plan technique, le dessin est crayonné avec remplissage à l'aquarelle. Tranchant avec le réalisme de l'histoire, le film reprend le style graphique du manga qui est caricatural avec des personnages SD (Super Deformed avec grosse tête et membres courts) ce qui atténue le sérieux des situations. Il y a cependant une exception avec la séquence des motards qui menacent la famille, traitée avec des proportions plus réalistes et un crayonné plus sombre. Il s'agit du premier film Ghibli réalisé entièrement par ordinateur, la technique choisie étant trop compliquée à réaliser manuellement. Il y a même deux séquences en 3D habilement camouflées dans le long-métrage.

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Goshu le violoncelliste (Serohiki no gōshu)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (1981)

Goshu le violoncelliste (Serohiki no gōshu)

Adaptation d'une nouvelle tirée du recueil de contes "Train de nuit dans la voie lactée" de Kenji Miyazawa, "Goshu le violoncelliste" est le quatrième film d'Isao Takahata, huit ans avant le "Tombeau des lucioles" et six ans avant de fonder les studios Ghibli. Il s'agit d'un récit d'apprentissage ou plutôt de réapprentissage. Violoncelliste au sein d'un orchestre municipal, Goshu subit les foudres du chef d'orchestre à cause de la médiocrité de son jeu, maladroit et sans âme. Retranché dans sa cabane au fond des bois, il répète sans relâche la sixième symphonie de Beethoven sous les yeux menaçants du portrait de l'artiste. C'est alors qu'il reçoit la visite d'esprits de la forêt sous la forme de petits animaux qui lui indiquent comment il doit jouer. Au début, il leur tourne le dos, se moque d'eux voire les rudoie. Puis dans un second temps, il s'ouvre à eux, et s'éveille à lui-même devenant en une nuit un prodige de la musique.

Si "Goshu le violoncelliste" est peu connu en France, sa sortie ayant été confidentielle c'est qu'une partie du sens de ce conte animiste semble échapper aux occidentaux. Et ce en dépit du pont jeté entre les cultures puisque la musique prédominante est celle de Beethoven (la culture européenne est très appréciée au Japon). La version française (la seule actuellement disponible en DVD) gomme la spiritualité liée à la mythologie japonaise. Par exemple le tanuki est traduit par "blaireau" et le chat tricolore porte-bonheur est doté d'une voix mâle alors que ce type de chat est presque toujours une femelle. Comme le coucou oriental, ces animaux sont des yokai c'est à dire des esprits de la forêt. Chacun apporte une leçon à Goshu: la patience, la rigueur, l'empathie, l'envie de communiquer. Les paysages eux-mêmes semblent vivants et expriment les émotions du personnage principal. Alors certes il n'y a pas d'action dans Goshu et le graphisme date du début des années 80 mais cette œuvre assez magique mérite d'être mieux comprise et réévaluée.

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Paprika (Papurika)

Publié le par Rosalie210

Satoshi Kon (2006)

Paprika (Papurika)

Les films de Satoshi Kon inspirent les cinéastes américains. Son premier long métrage "Perfect Blue" a fourni à Darren Aronofsky la trame de "Black Swan". Son quatrième "Paprika" a inspiré à Christopher Nolan son film "Inception". Dans l'un comme dans l'autre, on navigue (chez Kon on peut même dire qu'on flotte) entre plusieurs niveaux de rêves et de réalité comme dans un millefeuille. Le film de Kon nous présente une galerie de personnages mal dans leur peau. Tokita, un scientifique obèse et boulimique, sa collègue thérapeute Atsuko Chiba stricte et cérébrale et son patient, le détective Konakawa qui est traumatisé par une scène de meurtre. Tokita a mis au point la DC Mini, un appareil qui permet d'entrer dans l'esprit d'un patient malade pour sonder son inconscient et enregistrer ses rêves. Atsuko y évolue sous la forme d'un avatar aux antipodes de sa personnalité, Paprika. Mais un jour plusieurs de ces appareils sont dérobés permettant de pirater le psychisme d'un nombre croissant de personnes comme un virus informatique.

Le monde des rêves et celui, virtuel du numérique se confondent. Il en est de même entre les rêves et le cinéma. Le détective est un cinéaste raté qui voyage dans ses rêves comme dans les genres cinématographiques. La scène de l'ascenseur (reprise par Nolan) le montre en Tarzan, en héros romantique, en victime d'un meurtrier dans un polar... La DC Mini est une caméra qui enregistre l'activité onirique comme si celle-ci était un film projetable sur un écran.

La débauche visuelle autour des séquences oniriques est impressionnante. Et ce sans que le spectateur ne se perde car chaque personnage a un rêve récurrent et interfère dans celui des autres. Celui du voleur est central, il s'agit d'un défilé de symboles culturels et d'objets de consommation hétéroclites dans lequel ses victimes sont embarquées. Cette parade délirante et cauchemardesque symbolise le "viol des foules" contemporain lié au matraquage publicitaire (et plus largement médiatique). Le détective rêve qu'il se tue lui-même à cause de ses ambitions artistiques avortées. Morio Osanai, un scientifique corrompu rêve que son corps est absorbé par celui du président de la société qui est le cerveau du vol des appareils (et à qui il a vendu son âme). Il éprouve également du désir pour Atsuko ce qui débouche sur une séquence suggérant un viol assez éprouvante. Quant à Atsuko, elle se rêve délurée et libre de ses désirs. Ceux-ci la portent vers son énorme collègue prisonnier de son corps qu'elle veut sortir de sa cage.

Bref, tant visuellement que scénaristiquement, "Paprika" est une oeuvre complexe et nuancée. Plusieurs visionnages sont nécessaires pour en apprécier toute la richesse.

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Le Vent se lève (Kaze tachinu)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (2013)

Le Vent se lève (Kaze tachinu)

"Les avions sont des rêves magnifiques et maudits à la fois". Tout est dit dans cette citation de la profonde ambivalence qui habite Miyazaki, pacifiste convaincu et néanmoins passionné d'aviation y compris militaire. Ambivalence à la fois terrible et précieuse. Elle nous a donné ces œuvres si belles et si nuancées que sont "Nausicaa de la vallée du vent", "Le château dans le ciel", "Princesse Mononoké" et bien sûr "Le Vent se lève" qui aurait tout aussi bien pu s'intituler "Guerre et amour" ou encore "Menace et élan" selon le sens (mort ou vie) dans lequel souffle le vent. Le titre s'inspire d'une citation de Paul Valéry extraite du cimetière marin qui porte en elle cette ambivalence "Le vent se lève, il faut tenter de vivre".

"Le Vent se lève", oeuvre testamentaire (même si depuis Miyazaki est revenu sur sa décision: une contradiction de plus!) est aussi sans nul doute l'une de ses œuvres les plus personnelles. Comment ne pas le reconnaître à travers le destin de Jiro qui comme lui a dû renoncer à son rêve de devenir pilote en raison de sa mauvaise vue? D'autre part le père de Hayao Miyazaki dirigeait une entreprise au service de l'armée impériale et sa mère était tuberculeuse (comme le raconte "Mon voisin Totoro.") Or Miyazaki fusionne dans "La Vent se lève" deux destins, celui de Jiro Horikoshi, inventeur du chasseur Mitsubishi A6M Zero, fleuron de l'armée nippone durant la guerre et celui de Tatsuho Hori qui dans son autobiographie a décrit sa relation avec son épouse malade de la tuberculose. Dans le film, le sacrifice du grand amour de Jiro est le prix à payer pour son génie créateur et destructeur à la fois. On pense plus d'une fois à "Porco Rosso", tant les points communs entre les deux films sautent au yeux: le modèle de Jiro est un concepteur d'avions italien, Giovanni Caproni, la fiancée joue un rôle rédempteur et Miyazaki avait représenté Jiro dans un court manga doté d'une tête de cochon (de fasciste) comme son Marco Pago!

"Le Vent se lève" est nettement moins familial que les autres films de Miyazaki car beaucoup plus réaliste. Le film est en effet ancré dans des événements historiques précis: le tremblement de terre du Kanto en 1923, la crise de 1929, la montée des totalitarismes, la seconde guerre mondiale. Les séquences oniriques soulignent à quel point il est facile de dévoyer les intentions les plus pures pour les mettre au service des pires desseins.

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Mary et la fleur de la sorcière (Meari to majo no hana)

Publié le par Rosalie210

Hiromasa Yonebayashi (2017)

Mary et la fleur de la sorcière (Meari to majo no hana)

Pour quelqu'un qui n'a jamais vu un film des studios Ghibli ce film enchantera. Les autres tout en appréciant ses qualités techniques lui trouveront un goût de réchauffé et resteront sur leur faim devant un scénario brouillon qui ouvre plusieurs pistes sans les approfondir. Il est dommage que le premier film des studios Ponoc ("aube d'un nouveau jour") fondé par des anciens des studios Ghibli se démarque si peu des œuvres de la maison-mère. "Mary et la fleur de la sorcière" ressemble en effet à un pot-pourri des films de Miyazaki (certains diront que c'est un hommage et d'autres un pastiche). On retrouve en effet dans le film la sorcière, le balai et le chat noir de "Kiki la petite sorcière", les graines magiques et la forêt de "Mon voisin Totoro", la cité et les robots du "Château dans le ciel", la sorcière du "Voyage de Chihiro" et du "Château ambulant", les préoccupations humanistes et écologistes de "Nausicaa de la vallée du vent" etc. On pense également lors de la scène du miroir au précédent film de Hiromasa Yonebayashi réalisé dans le cadre des studios Ghibli, "Souvenirs de Marnie" qui était toutefois plus original et plus sensible. Enfin, l'exploration de l'école de magie Endor fait penser à Poudlard, l'école des sorciers de "Harry Potter" et ce bien que le film soit inspiré d'un livre (non traduit en français) de Mary Stewart "The Little Broomstick".

L'aspect le plus intéressant du film réside dans son questionnement relatif à la biotechnologie et à la bioéthique. Les dirigeants d'Endor effectuent des expériences sur le vivant, aboutissant à des métamorphoses plus monstrueuses les unes que les autres. La magie-technologie mal utilisée et qui échappe au contrôle de ses instigateurs n'est pas une nouveauté et une fois de plus, la destruction du laboratoire fait penser à celle de la cité du "Château dans le ciel". Mais lorsque Mary aide les animaux à s'échapper après leur avoir rendu leur forme initiale, on pense à l'arche de Noé et aussi aux "Yeux sans visage" de George Franju où l'héroïne (dont le père effectuait lui aussi des "expériences") libérait des animaux en cage. Une direction qui est à peine esquissée mais qui pourrait donner une véritable structure et une personnalité aux futurs films de ce studio qui en manque cruellement.

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Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1984)

Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

"Nausicaa de la vallée du vent" est le deuxième long-métrage de Miyazaki mais c'est sa première œuvre totalement personnelle. C'est aussi sa première collaboration avec Joe Hisaishi (alors peu connu). Pour obtenir le financement nécessaire à sa réalisation, il dû créer une version manga qui rencontra un important succès. Le film est basé sur les deux premiers tomes de ce manga dont la publication s'étala sur 12 ans. Quant au succès du film, il lui permis de fonder les studios Ghibli.

Nausicaa est une œuvre-clé magnifique, d'une brûlante actualité, qui contient tous les thèmes et obsessions de son auteur. Il s'agit également d'une œuvre universelle qui s'inspire aussi bien de la culture occidentale qu'orientale. Ainsi le prénom de l'héroïne est une référence à la princesse phéacienne qui recueillit Ulysse dans "l'Odyssée" d'Homère en dépit de son aspect repoussant mais son caractère s'inspire aussi d'un conte japonais du XII° siècle intitulé "La princesse qui aimait les insectes" (plutôt que les apparences). On discerne également l'influence de l'un des plus grands auteurs de BD français, Jean Giraud alias Moebius. Miyazaki connaissait "Arzach" et aussi le film d'animation de René Laloux "Les Maîtres du temps" dont Moebius avait co-signé le scénario et conçu l'univers visuel. En retour, Moebius qui a découvert par hasard le film de Miyazaki en 1986 a prénommé sa fille Nausicaa.

On a tendance à réduire le film à un récit de science-fiction écologique. Mais il s'agit surtout d'une grande œuvre philosophique et spirituelle. L'héroïne est un personnage messianique, une sorte d'ange de la paix qui du haut de son planeur survole la terre ravagée par les conflits entre l'homme et la nature et entre les communautés humaines avec l'objectif de ramener la paix et l'harmonie sur terre. Ce rôle de messagère et de médiatrice préfigure Ashitaka le héros de "Princesse Mononoké" (les deux films sont en effet très proches.) De plus Nausicaa est un personnage christique prêt à se sacrifier pour sauver tous les êtres vivants. Car Nausicaa contrairement aux autres personnages ne fait aucune différence entre les formes de vie. Sa compassion est universelle. Elle touche aussi bien les ennemis de son peuple que les insectes géants qui peuplent la forêt toxique dont l'extension menace d'empoisonner les humains survivants (la manière dont elle leur tend la main et communique avec eux fait penser aux "Rencontres du troisième type" de Spielberg ou l'Alien est perçu comme un frère). Plutôt que de chercher à détruire la forêt, elle tente de comprendre son fonctionnement. Et découvre qu'au contraire, elle absorbe le poison que les hommes ont répandu dans le sol, l'eau et l'air 1000 ans auparavant quand ils ont détruit la planète (une métaphore de l'apocalypse nucléaire capable de polluer l'environnement sur des centaines de milliers d'années). Miyazaki enfonce un peu plus le clou de l'homme stupide et aveugle, incapable d'apprendre de ses erreurs et qui (se) détruit faute de (s') accepter tel qu'il est.


"Nausicaa de la vallée du vent" est donc un récit qui nous élève à tous les sens que peut recouvrir ce terme.

 

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