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Le Mecano de la General (The General)

Publié le par Rosalie210

Buster Keaton et Clyde Bruckman (1926)

Le Mecano de la General (The General)

Il y a exactement 157 ans, le 12 avril 1861 débutait la guerre de Sécession aux Etats-Unis. Les troupes des Etats confédérés du sud agricole esclavagiste décidaient de faire sécession, de fonder leur propre capitale à Richmond et déclenchaient la guerre civile en attaquant un fort occupé par un bataillon des Etats industriels unionistes et abolitionnistes du Nord. Le conflit entre les "bleus" et les "gris" allait durer quatre ans et se solder par la victoire du Nord.

C'est d'un épisode authentique de cette guerre survenu en 1862 que s'inspire "Le Mécano de la Général". Il s'agit du film le plus ambitieux et le plus cher de Keaton en raison du soin apporté à la reconstitution historique (les locomotives sont d'époque, de même que les photos qui ont servi de source pour les scènes de combat), du tournage en décors réels, des séquences spectaculaires dont le crash de la locomotive des nordistes depuis le pont.

La reconstitution s'accompagne d'un discours satirique contre la guerre et l'armée. Johnnie (Keaton) est un clou qui dépasse, un individu différent. Lorsqu'il veut s'enrôler, il est rejeté par ses pairs puis par sa belle. Il est donc condamné à agir seul en dehors du cadre de l'armée. D'autre part ses agissements sont motivés par l'amour et non par le patriotisme. L'amour pour Annabelle (Marion Mack) est indissociable de celui qu'il porte à sa machine qui fait corps avec lui. L'animalisation voire l'humanisation de la locomotive rappelle fortement "La Bête Humaine" de Zola dont l'action est contemporaine des événements racontés par Keaton. De fait la relation entre Johnnie et La General ressemble à une relation amoureuse tourmentée comme celle qu'il a avec Annabelle. Ils se séparent, se cherchent, se retrouvent, se courent après. Enfin le film transforme les soldats en pantins en leur faisant faire des mouvements de va et vient absurdes ou en déréalisant la mort au combat.

Un film d'une telle ampleur historique et géographique permet à Keaton de déployer toute sa science du gag. La course-poursuite le long des rails dans le sens Sud-Nord puis Nord-Sud est un festival de prouesse physique, de maîtrise chorégraphique de l'espace-temps et d'ingéniosité. Keaton tire aussi bien parti de la topographie des lieux que de la nature et de la disposition des objets. Les gags sont parfaitement millimétrés mais semblent relever du pur hasard. Par exemple la trajectoire du canon chargé par Johnnie semble à la suite d'une maladresse le viser directement mais une courbe du tracé viendra à son secours "just in time" pour tirer sur le train ennemi. L'héroïsme de Johnnie apparaît ainsi comme le fruit d'actes involontaires voire relever d'une "anima" qui serait propre aux objets (comme on a pu le voir avec la locomotive qui lui "livre" le soldat nordiste mais cela vaut aussi pour les canons, les sabres, le cigare qui troue la nappe et lui permet d'espionner l'ennemi etc.)

En conclusion "Le Mecano de la General" est une sorte de film total: film historique, épique, film d'aventures, film de guerre, film d'amour, film chorégraphique dessinant sa géométrie dans l'espace, film burlesque frôlant le drame pour mieux se déjouer de lui. Il mérite amplement sa place au panthéon du cinéma mondial.

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Jour de fête

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati (1949)

Jour de fête

Jacques Tati est considéré comme le neveu français des grands burlesques américains des années 10 et 20. "Jour de fête" son premier long-métrage est plein de références à Chaplin, Keaton (les roues bloquées par le bitume de son vélo et débloquées par une poignée de sable font référence au "Mecano de la Genérale"), Lloyd (le véhicule qui échappe au contrôle de son conducteur) mais aussi au moins connu Ben Turpin avec un clone moustachu parmi les habitants de Sainte-Sévère, le village de l'Indre où a été tourné le film. Comme dans les "Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy autre cinéaste à la fois ancré dans un terroir et influencé par le cinéma outre-Atlantique, les forains apportent le souffle de l'exotisme et de l'aventure à une communauté repliée sur ses traditions. Tati voulait d'ailleurs à l'origine tourner un film en couleurs pour montrer le contraste entre le noir et blanc porté par les paysans et les forains multicolores. En 1947, le procédé n'était pas au point et la version couleurs ne put être exploitée, heureusement une deuxième caméra avait filmé le tournage en noir et blanc. Il existe également une troisième version intermédiaire où Tati avait ajouté des touches de couleur au pochoir ici et là.

Néanmoins, Tati affirme également dès ce film sa différence vis à vis du modèle américain. Il invente une nouvelle forme de burlesque ancré dans son époque et dans sa culture. Et ce d'autant plus que sa relation avec l'Amérique est ambivalente.

La première originalité des films de Jacques Tati, ce sont leur ancrage réaliste. L'immersion dans la France rurale de l'après-guerre est totale. Tati a filmé en extérieurs et en décors naturels la vie quotidienne d'un petit village typique de la France profonde voire "éternelle" avec son église, son café, son monument aux morts, sa boucherie, sa boulangerie, sa mairie, son école... et ses habitants, majoritairement des paysans avec un accent à couper au couteau et vivant encore de façon très traditionnelle. La modernité n'a pas encore bouleversé les pratiques. En 1947, on se déplace encore en charrette à cheval ou au mieux à vélo, on coupe le foin à la main. Les autos sont très rares et Tati ironise sur leur vitesse qui représente une rupture dans le rythme du village caractérisé par sa lenteur. Ses qualités de documentariste feront de Tati un des meilleurs historiens (satirique) des bouleversements des 30 glorieuses. Il en montre les prémisses dans "Jour de fête", la transition entre tradition et modernité avec "Mon Oncle" puis le triomphe dans "Playtime".

Car dès "Jour de fête", Tati prend ses distances avec le modèle américain. La tournée du facteur François "à l'américaine" dictée par le souci de la rentabilité donc de la vitesse et de la performance enlève au facteur son rôle de lien social. Il n'a plus le temps de discuter, de prendre un verre, de rendre de petits services. Le vélo qui continue sa route privé de son propriétaire traduit bien la deshumanisation qui en résulte. Une critique de l'économie capitaliste que l'on retrouve dans les films ultérieurs.

Enfin Tati se démarque du burlesque US qui était muet par l'utilisation de la bande-son comme élément comique à part entière. Dans "Jour de fête" il y a le running gag du bourdon invisible qui perturbe les trajectoires et que François refile au paysan. Egalement le doublage en français du western que le cinéma de la place du village diffuse et qui permet au forain Roger (Guy Decomble) de déclarer sa flamme à la plus jolie fille du village de Sainte-Sévère. Roger apparaît d'ailleurs comme un cow-boy au rabais: ses outils remplacent les pistolets, ses chevaux de bois les vrais chevaux... Car la France ne peut imiter le modèle américain, elle doit l'adapter. Comme la femme du cafetier avec sa robe parisienne, Tati a dû adapter un genre de cinéma fait pour des acteurs de petite taille à son corps élancé. Il ne se plie pas encore mais il y a déjà la métaphore du piquet!

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Noblesse Oblige (King Hearts and Coronets)

Publié le par Rosalie210

Robert Hamer (1949)

Noblesse Oblige (King Hearts and Coronets)

"Noblesse oblige" est la comédie la plus brillante des studios Ealing dont l'activité s'étendit sur une dizaine d'années entre la fin de la seconde guerre mondiale et le milieu des années cinquante. Il s'agit d'un jeu de massacre qui reprend la comptine des "6 petits nègres" (motif récurrent, on le retrouve implicitement dans "Tueurs de dames") et plusieurs codes du film noir. Le premier d'entre eux consiste à adopter le point de vue du serial-killer qui nous offre la confession de ses crimes peu avant son exécution. Le film est donc un long flashback ponctué par les remarques aussi flegmatiques que cyniques de ce narrateur qui est aussi le protagoniste principal de l'histoire. Le deuxième est de lui adjoindre en tant qu'âme sœur une garce blonde, vénale et manipulatrice. Décrit ainsi on se croirait dans "Assurance sur la mort" sauf que le bureau du détective, les chapeaux de feutre et les trench coat sont remplacés par d'élégants châteaux anglais où l'on peut s'entretuer élégamment entre aristocrates. Le film est une satire sociale qui fonctionne à plein régime et où tout le monde en prend pour son grade. Louis, le personnage principal (Dennis Price) est du moins en apparence un arriviste dont l'ascension sociale s'effectue au fur et à mesure qu'il élimine les obstacles qui le séparent de son titre de duc. Sibella (Joan Greenwood), son pendant féminin, cherche avant tout à faire un beau mariage. Quant à la famille d'Ascoyne, elle représente l'aristocratie dégénérée dans toute sa splendeur. Le fait que Alec Guiness joue les 8 rôles est une idée géniale. Cette octuple performance hautement comique n'est pas gratuite. Elle souligne de façon frappante la tare de l'endogamie qui est la reproduction du même. Louis a le tort de représenter l'altérité, le métissage, sa mère a fait une mésalliance avec un chanteur italien et a été reniée par la famille. Ses actes criminels ont pour réelle motivation le désir de vengeance des humiliations, du rejet et du mépris subis par lui et par sa mère. Cela fait de lui une sorte de Monte-Cristo qui en plus de détruire les d'Ascoyne ne s'épargne pas lui-même comme le montre la fin du film.

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Tueurs de dames (The Ladykillers)

Publié le par Rosalie210

Alexander Mackendrick (1955)

Tueurs de dames (The Ladykillers)

"Tueurs de dames" est un petit bijou d'humour noir, une comédie à l'anglaise des années 50 à revoir de toute urgence pour tous ceux qui ont envie de voir un film doté d'un vrai bon scénario. Tout miser sur les images est une vision à court-terme car ce sont elles qui vieillissent le plus vite. Les histoires si elles sont bien écrites ne prennent pas une ride.

"Tueurs de dames" qui est en quelque sorte le chant du cygne des studios britanniques Ealing créés à la fin de la seconde guerre mondiale est un film décalé du début à la fin. Il repose sur une association de malfaiteurs totalement improbable se composant d'une vieille dame respectable Louisa Wilberforce (Katie Johnson) et de cinq pieds nickelés du crime qui se font passer pour des musiciens ayant besoin d'une chambre pour répéter. La première sert de couverture aux seconds, le comique naissant dans un premier temps du contraste entre la candeur de la dame filmée en pleine lumière et les têtes de croquemitaine des malfrats noyés dans l'ombre. Le réalisateur s'amuse beaucoup à parodier le style expressionniste avec notamment le chef de la bande, le professeur Marcus (joué par un Alec Guiness qui s'est fait une tête de tordu hilarante à souhait) dont l'ombre évoque à la fois M. le Maudit et Nosferatu fondant sur leur proie. Sauf que cette proie va s'avérer beaucoup plus coriace et imprévisible que prévu. Le retournement de situation façon "tel est pris qui croyait prendre" est jubilatoire, le professeur Marcus s'apercevant trop tard que l'élément humain est le défaut de son plan si parfait. Cette remarque ne vaut pas d'ailleurs que pour Louisa Wilberforce, les malfrats finissent par rejeter l'autorité de leur chef pour n'en faire qu'à leur tête. Ce qui avait commencé comme une entreprise de mystification s'achève donc en jeu de massacre, telle une punition collective qui donne au film un caractère de fable morale. La mécanique parfaitement huilée de l'autodestruction du groupe m'a d'ailleurs rappelé celle des "10 petits nègres" d'Agatha Christie. Un motif récurrent dans les films des studios Ealing. "Tueurs de dames" peut être considéré comme leur chant du cygne, le studio allant disparaître peu de temps après.

Ce film est également l'occasion de voir les débuts de Peter Sellers à l'écran même si son rôle est tout à fait accessoire.
 

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Extra-Terrien (Lifted)

Publié le par Rosalie210

Gary Rydstrom (2007)

Extra-Terrien (Lifted)

"Extra-Terrien" est l'un de mes courts-métrages préférés de Pixar. D'abord parce qu'il est hilarant de la première à la dernière seconde, avec un enchaînement de gags parfaitement millimétrés. Ensuite parce que ses personnages sont désopilants et remarquablement troussés: Stu le petit martien stagiaire, son casque trop grand pour lui et son antenne qui reflète son humeur, son maître "zen" absolument impassible et enfin leur marionnette, un fermier de l'Illinois qui comme par hasard ressemble comme deux gouttes d'eau à Linguini (le film a été projeté en première partie de "Ratatouille"). Enfin sur le plan visuel, c'est juste superbe tant au niveau des décors et des textures que sur les jeux de lumière.

Le réalisateur Gary Rydstrom avait travaillé chez Pixar comme ingénieur du son avant de réaliser "Extra Terrien". Il fait allusion dans le film à son travail en créant un tableau de bord qui ressemble à une table de mixage. Le travail sur les bruitages est d'ailleurs très élaboré et nous vaut un gag génial sur la dernière note du générique de fin. Il fait également référence à des films de SF comme "Signes" de Night Shyamalan ou "Rencontres du 3eme type" de Spielberg et à des cartoons comme ceux de "Bip Bip et Coyote" et... "Tin Toy" de John Lasseter, l'un des films fondateurs des studios Pixar lui-même très inspiré par Chuck Jones. Tinny apparaît un bref instant au pied du lit du fermier!

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L'Homme orchestre (One Man Band)

Publié le par Rosalie210

Mark Andrews et Andy Jiménez (2006)

L'Homme orchestre (One Man Band)

Ce court-métrage qui fut projeté en première partie de "Cars" est en quelque sorte le descendant de "Tin Toy" qui mettait en scène un jouet qui faisait l'homme orchestre. Bien évidemment on peut mesurer au premier coup d'œil les énormes progrès technologiques réalisés entre 1988 et 2006. Sur le plan technique "L'homme orchestre" est une splendeur que ce soit au niveau du décor Renaissance italienne, des textures des vêtements et objets ou des expressions des personnages. Sur le fond, le film, muet, raconte l'histoire d'une bataille de musiciens qui essayent de conquérir le cœur et la pièce de monnaie de leur seule et unique spectatrice, une petite fille. Le premier est un clown rouge et or spécialisé dans les cuivres et les percussions, le second est une sorte de troubadour vert qui joue d'instruments à cordes et à vent ce qui laisse entendre qu'ils sont en fait complémentaires. La petite fille est une sorte de petit chaperon violet qui tranche par sa simplicité et sa candeur avec les deux musiciens qui en font des caisses (c'est le cas de le dire). Le timing est parfait avec une montée en puissance suivie d'une chute inattendue.

Les deux musiciens peuvent être considérés comme une projection des deux réalisateurs du film, Mark Andrews et Andy Jimenez même si le film est le fruit de leur collaboration et non de leur rivalité. Tous deux sont arrivés chez Pixar pour travailler avec Brad Bird sur les "Indestructibles". Le film représente ce que Pixar n'est pas, une entreprise de talents individualistes où chacun tire la couverture à lui. En revanche il suggère en creux l'importance de la complémentarité et du travail d'équipe.

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Saute-mouton (Boundin')

Publié le par Rosalie210

Bud Luckey (2003)

Saute-mouton (Boundin')

Le neuvième court-métrage de Pixar sorti en même temps que "Les Indestructibles" est une fable animalière pleine de charme. Sa morale peut se résumer en une phrase: "la vie peut vous abattre mais vous pouvez toujours rebondir". Il est construit sur une chanson composée par le réalisateur lui-même, Bud Luckey, un des plus vieux employés du studios, considéré comme le papa de Woody et de nombreux autres personnages dont il a créé le design. D'ailleurs le propriétaire de Woody a été prénommé Andy parce que c'est le prénom du fils de Bud Luckey. Né en 1934, il vient de nous quitter en février 2018.

C'est pourquoi la nostalgie est si présente dans Boundin' (le titre en VO de "Saute-Mouton"). La région qui sert de cadre au film est le Montana où a grandi le réalisateur, le court-métrage est un hommage à la comédie musicale et à l'animation 2D qui ont bercé sa jeunesse et ses débuts d'animateur pour "Sesame Street". Néanmoins le film n'est pas tourné que vers le passé. Il fait référence à d'autres films du studio Pixar comme "Le monde de Némo" (les poissons) et "Cars" alors en projet (la Ford T).

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Blade Runner 2049

Publié le par Rosalie210

Denis Villeneuve (2017)

Blade Runner 2049

Cela été dit un peu partout, cette suite de "Blade Runner" pèche par son scénario brouillon et inabouti. La première heure se tient à peu près puis plus on avance, plus le film révèle ses failles. Sous prétexte de surprendre le spectateur, le scénario brouille les pistes et se perd dans les sables. L'erreur fatale est de saborder en cours de route le personnage principal, K (Ryan Gosling) pour disperser les enjeux de l'histoire sur toute une série de personnages secondaires bâclés qui font de la figuration: Deckard bien sûr qui n'apparaît qu'au bout d'une heure trente (et que Harrison Ford qui semble au bout du rouleau n'arrive pas à faire exister), des réplicants rebelles que l'on voit trois secondes et puis au-revoir, la supérieure de K (jouée par Robin Wright) dont la bienveillance vis à vis de K n'est pas expliquée ni exploitée, le directeur Wallace (joué par Jared Leto) totalement transparent et son androïde tueuse (Sylvia Hoeks) dont on ne saura jamais pourquoi elle s'appelle Luv et est très spéciale. Quant au docteur Ana Stelline (Carla Juri) c'est un personnage parfaitement incohérent: il n'y a pas de raccord possible entre son enfance d'orpheline maltraitée et exploitée dans une déchetterie et son personnage adulte de grande scientifique obligée de vivre dans une chambre stérile!

Il n'y a pas que les personnages qui sont mal écrits (et mal pensés), le film soulève des questions auxquelles il n'apporte aucune réponse. La nature de Deckard (ambiguë dans le film d'origine) est évacuée on ne sait pas pourquoi. Il en est de même pour Rachel (réplicante évoluée ignorante de sa propre nature ce qui en fait peut-être le miroir de Deckard). C'est quand même dommage puisque ce couple est le seul non humain (du moins à 100%) à avoir réussi à enfanter. Un "miracle" à la façon des "Fils de l'homme" de Cuaron. Par quel mystère, on ne le saura pas plus, pas plus que le pourquoi de la nature de l'enfant (que l'on pense logiquement au moins hybride et qui s'avère 100% humain!)

La conséquence malheureuse de tous ces choix, c'est que le personnage principal, K ne s'avère être qu'une machine ce qui rend le film vain et froid. Et la prestation toujours aussi inexpressive de Gosling n'arrange rien. Il y a bien sa douce et compréhensive compagne Joi joué par Ana De Armas mais elle est aussi virtuelle que Samantha, l'ordinateur auquel Scarlett Johansonn prête sa voix dans "Her". Dans "Blade Runner 2049" il n'y a même pas de Ghost dans le Shell. On est dans la vacuité totale. Alors oui il reste l'emballage hyper soigné mais qui n'est que la copie conforme (progrès technologique en plus) de l'original, musique comprise. Quel en est l'intérêt? Aucun.

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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

Frank Lloyd (1922)

Oliver Twist

Les œuvres de Charles Dickens ont été adaptées dès les débuts du cinéma. Ainsi le tout premier film en rapport avec "Oliver Twist" date de 1897. Il s'agit d'un court-métrage mettant en scène sous forme de sketch la mort de Nancy Sikes. Suivront un deuxième court-métrage en 1909 puis deux longs-métrages en 1912 et 1920 perdus en totalité ou en partie. Le film de Frank Lloyd de 1922 a lui même été considéré comme perdu jusqu'à ce qu'on en retrouve une copie sans intertitres et légèrement incomplète dans les années 70. Par conséquent David Lean ne pouvait pas s'en inspirer alors que la version de Polanski comporte plusieurs passages quasiment identiques au film de Lloyd (Oliver défaisant les cordages de navire, enlevant les marques des mouchoirs, contemplant la borne kilométrique indiquant la distance à parcourir jusqu'à Londres, la première apparition de Nancy et de Beth...)

La version de Frank Lloyd (qui avait déjà adapté un livre de Dickens en 1918, "Un conte de deux villes") est sans doute la plus fidèle de toutes au roman d'origine mais elle en diffère quand même sur un point: elle est moins sombre. Oliver n'est pas fouetté par M. Sowerberry et les facéties du petit Jackie Coogan (la star du "Kid" de Chaplin, tourné un an auparavant) désamorcent la violence de plusieurs scènes. D'autre part contrairement à la version de Lean et de Polanski, il n'est pas frappé par un passant lorsqu'il s'enfuit après le vol dont est victime M. Brownlow et il n'est pas utilisé comme bouclier humain par Sikes lorsqu'il s'enfuit sur les toits. Conformément au roman, il est recueilli et soigné après sa blessure au bras par les deux femmes qu'il avait tenté malgré lui de cambrioler (absentes aussi bien chez Lean qui escamote cet épisode que chez Polanski qui les remplace par un cambriolage chez M. Brownlow). Par conséquent il n'est pas arraché aux griffes de ses bourreaux à la dernière minute mais un bon quart d'heure avant la fin du film ce qui en déplace l'enjeu. Celui-ci devient une enquête sur les origines d'Oliver.

Outre sa fidélité au roman, le film se distingue par l'excellence de son interprétation. Outre Jackie Coogan qui compose dans la lignée du Kid un Oliver plus facétieux que pathétique, le film comporte une autre star de l'époque dans le rôle de Fagin, Lon Chaney. Ses caractéristiques sont proches des illustrations du livre de Dickens signées Cruikshank mais en 1922 les caricatures de receleurs juifs ne choquent personne alors qu'en 1948 le nez crochu d'Alec Guiness provoquera la polémique. Lon Chaney compose un Fagin fourbe à souhait mais son rôle est réduit, il est manifeste que des passages le concernant ont disparu, surtout à la fin. Les acteurs qui jouent Sikes et Nancy (Georges Siegmann et Gladys Brockwell) sont également remarquables de nuances. Le premier n'est pas qu'une brute épaisse, il est hanté par son crime et étreint par la peur et le remord. La seconde est à la fois pleine de vivacité et de mélancolie.

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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (2005)

Oliver Twist

"Oliver Twist" est une sorte de suite officieuse du "Pianiste". Les points communs entre les deux films (qui se suivent dans la filmographie de Polanski) sont nombreux: adaptation d'une oeuvre littéraire, reconstitution historique, personnage de victime passive, ballottée par les événements et sauvée par un don naturel dans lequel Polanski a mis beaucoup de lui-même. Comme Oliver, Polanski est un ancien enfant rescapé de l'horreur. Et comme Szpilmann, son talent artistique l'a sauvé. S'y ajoute également une crudité dans la violence qui était absente du film de David Lean, plus onirique (même si Polanski choisit lui aussi de ne pas montrer le meurtre de Nancy). Enfin, le sauvetage s'accompagne d'un sentiment de perte et de la mélancolie qui l'accompagne. Dans le "Pianiste", Szpilmann se retrouve orphelin et ne peut remercier son bienfaiteur qui meurt prisonnier des russes. Dans "Oliver Twist" il n'y a pas le happy-end qu'il y avait chez Lean car le bonheur d'Oliver chez M. Brownlow est terni par l'exécution de Fagin qu'il considère également comme son bienfaiteur. Les liens d'affection avec ce dernier sont beaucoup plus mis en valeur que chez David Lean ce qui explique cette fin douce-amère. L'ambiguïté de la relation entre le bourreau et sa victime caractéristique du cinéma de Polanski se retrouve donc même dans un film dit "pour enfants". On peut d'ailleurs souligner que Polanski a enlevé tout ce qui a trait à la famille biologique d'Oliver. Sa mère n'apparaît pas de même que son demi-frère Monks. Ce déracinement est pour beaucoup dans l'impression que le destin d'Oliver se joue sur du hasard et de la chance bien plus que sur une quête des origines.

L'adaptation de Polanski est donc beaucoup plus personnelle qu'on ne l'a dit. Il a créé un Oliver qui lui ressemble. Le "Pianiste" avait été taxé à sa sortie d'académique avant que la Palme d'or et le succès du film n'en révèlent l'originalité. Même si "Oliver Twist" est moins réussi que le "Pianiste". D'abord parce que c'est la énième adaptation du chef-d'oeuvre de Dickens et qu'il y a quand même un air de déjà-vu. Ensuite la reconstitution trop léchée tue un peu l'émotion. A moins que ce ne soit le jeu de Barney Clark (Oliver) que je ne trouve pas très convaincant. Néanmoins il s'inscrit parfaitement dans l'oeuvre de Polanski et à ce titre il vaut le détour.

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