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Quai des orfèvres

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1947)

Quai des orfèvres

Encore un grand classique que je n'avais jamais vu et qui m'a permis de corriger un peu l'image très sombre que j'avais jusqu'ici du cinéma de Henri-Georges CLOUZOT. Le premier titre du film était d'ailleurs "Joyeux noël", non sans raison. Pourtant "Quai des orfèvres" est un film complexe qui circule (dans sa mise en scène comme dans son scénario) entre genres et milieux. C'est à la fois un polar, un film musical, un drame de la jalousie, un documentaire sur le music-hall et la PJ. Et les personnages sont du même tonneau, ils ont tous un double-fond qui leur permet d'échapper aux stéréotypes en leur donnant une profondeur attachante. Ainsi la "vamp" de music-hall jouée par Suzy DELAIR qui rend fou de jalousie son mari, joué par Bernard BLIER s'avère n'être qu'une façade pour le show et le papier glacé. "Jenny Lamour" s'appelle en réalité Marguerite Chauffournier, c'est nettement moins glamour! Et si la femme derrière l'image ne manque pas d'ambition et d'aplomb, n'hésitant pas à s'arranger avec la vérité, elle possède une innocence qui met tout cet édifice en péril. Tout comme son mari qui en se laissant happer par ses pulsions (ah cette casserole "hitchcockienne" qui déborde!!) se retrouve pris dans un engrenage cauchemardesque ayant pour moteur l'assassinat d'un producteur particulièrement libidineux (Charles DULLIN). Maurice Martineau ferait un coupable d'autant plus idéal qu'il a des intentions meurtrières, cependant le spectateur le sait d'emblée, c'est un faux coupable (encore un thème cher à Alfred HITCHCOCK) qui ment mal. Heureusement, à la 37° minute arrive l'homme de la situation qui va faire toute la lumière sur une affaire tout en clair-obscur (là on sent l'influence de Fritz LANG), alias l'inspecteur Antoine (l'impérial Louis JOUVET) avec son oeil de lynx. Je pensais que la double focale (une variante du split-screen où l'on perçoit nettement deux plans d'images dont l'une devrait être floue) était une invention du nouvel Hollywood et pourtant, ce film l'utilise à plusieurs reprises quand l'inspecteur est présent, invitant le spectateur à le percevoir comme "extra-lucide". Et l'inspecteur Antoine a un double féminin, la photographe Dora Monnier (Simone RENANT) qui veille dans l'ombre sur le couple. D'ailleurs celui-ci lui rend un hommage vibrant à la fin du film quand il lui dit qu'elle est "un type dans son genre", obtenant en retour un regard plein de reconnaissance. Comme lui, c'est une observatrice avisée de la "comédie humaine", comme lui c'est une solitaire et puis comme lui, elle n'est pas dans les clous: peu à peu, on devine son homosexualité tandis que lui élève un enfant métis ramené des colonies. Bien évidemment on devine que Antoine et Dora, tous deux photographes, l'une professionnelle et l'autre amateur sont des reflets du réalisateur.

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