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Articles avec #clouzot (henri-georges) tag

Les Diaboliques

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1955)

Les Diaboliques

La piscine au cinéma est souvent implicitement comparée à un tombeau. Ainsi en est-il de l'ouverture de la "La Piscine" (1969) de Jacques DERAY ou de celle de "Boulevard du crepuscule" (1950) de Billy WILDER. Le générique de "Les Diaboliques" ne fait pas exception. Il montre une surface aquatique trouble et putride, à peine trouée par les gouttes de pluie qui s'abattent sur elle. Cette surface est bien celle d'une piscine et comme dans les deux films cités plus haut, elle est amenée à accueillir à un moment donné un cadavre... ou peut-être pas. Le film le plus célèbre de Henri-Georges CLOUZOT préfigure plusieurs thrillers de Alfred HITCHCOCK tels que "Psychose" (1960) qui repose sur un twist final et "Vertigo" (1946) qui se base sur un roman écrit par Boileau-Narcejac, duo à l'oeuvre sur "Les Diaboliques" et que Hitchcock avait déjà souhaité adapter. D'ailleurs, il suffit de comparer les titres de leurs deux romans, "Celle qui n'était plus" et "D'entre les morts" pour comprendre que les deux films qui en sont issus ont en commun une histoire de fantôme. De fait, le film de Henri-Georges CLOUZOT se situe au carrefour de deux genres: le polar à suspense et le fantastique à tendance horrifique. Et bien que la fin du film (que je ne dévoilerai pas pour ceux qui ne l'ont pas vu) apporte une explication rationnelle aux manifestations étranges qui semblent suggérer qu'un fantôme hante le pensionnat, une toute dernière scène relance le suspense et l'ambiguïté, laissant la porte ouverte à toutes les hypothèses (dimension fantastique ou énième twist renversant les rôles manipulateur/manipulé).

Néanmoins, le ton est bien plus sec et froid dans "Les Diaboliques" que dans "Vertigo". Car le film de Henri-Georges CLOUZOT est une étude de moeurs impitoyable, décrivant une galerie de personnages médiocres voire haïssables. Le pire de tous est le directeur du pensionnat joué par Paul MEURISSE, un homme odieux qui rabaisse sa femme (Vera CLOUZOT) plus bas que terre devant tout le monde et bat sa maîtresse (Simone SIGNORET), toutes deux enseignantes dans l'établissement. Mais les deux femmes ne sont pas plus sympathiques avec leur projet criminel et leur alliance de façade pleine de fiel et de faux-semblants. Quant aux personnages secondaires, ils sont peu reluisants pour la plupart bien qu'interprétés par la crème des seconds rôles de l'époque (Pierre LARQUEY, Noel ROQUEVERT, Jean LEFEBVRE, Charles VANEL ...) sans parler de nouvelles têtes prometteuses (Michel SERRAULT et même furtivement Jean-Philippe SMET!)

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Quai des orfèvres

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1947)

Quai des orfèvres

Encore un grand classique que je n'avais jamais vu et qui m'a permis de corriger un peu l'image très sombre que j'avais jusqu'ici du cinéma de Henri-Georges CLOUZOT. Le premier titre du film était d'ailleurs "Joyeux noël", non sans raison. Pourtant "Quai des orfèvres" est un film complexe qui circule (dans sa mise en scène comme dans son scénario) entre genres et milieux. C'est à la fois un polar, un film musical, un drame de la jalousie, un documentaire sur le music-hall et la PJ. Et les personnages sont du même tonneau, ils ont tous un double-fond qui leur permet d'échapper aux stéréotypes en leur donnant une profondeur attachante. Ainsi la "vamp" de music-hall jouée par Suzy DELAIR qui rend fou de jalousie son mari, joué par Bernard BLIER s'avère n'être qu'une façade pour le show et le papier glacé. "Jenny Lamour" s'appelle en réalité Marguerite Chauffournier, c'est nettement moins glamour! Et si la femme derrière l'image ne manque pas d'ambition et d'aplomb, n'hésitant pas à s'arranger avec la vérité, elle possède une innocence qui met tout cet édifice en péril. Tout comme son mari qui en se laissant happer par ses pulsions (ah cette casserole "hitchcockienne" qui déborde!!) se retrouve pris dans un engrenage cauchemardesque ayant pour moteur l'assassinat d'un producteur particulièrement libidineux (Charles DULLIN). Maurice Martineau ferait un coupable d'autant plus idéal qu'il a des intentions meurtrières, cependant le spectateur le sait d'emblée, c'est un faux coupable (encore un thème cher à Alfred HITCHCOCK) qui ment mal. Heureusement, à la 37° minute arrive l'homme de la situation qui va faire toute la lumière sur une affaire tout en clair-obscur (là on sent l'influence de Fritz LANG), alias l'inspecteur Antoine (l'impérial Louis JOUVET) avec son oeil de lynx. Je pensais que la double focale (une variante du split-screen où l'on perçoit nettement deux plans d'images dont l'une devrait être floue) était une invention du nouvel Hollywood et pourtant, ce film l'utilise à plusieurs reprises quand l'inspecteur est présent, invitant le spectateur à le percevoir comme "extra-lucide". Et l'inspecteur Antoine a un double féminin, la photographe Dora Monnier (Simone RENANT) qui veille dans l'ombre sur le couple. D'ailleurs celui-ci lui rend un hommage vibrant à la fin du film quand il lui dit qu'elle est "un type dans son genre", obtenant en retour un regard plein de reconnaissance. Comme lui, c'est une observatrice avisée de la "comédie humaine", comme lui c'est une solitaire et puis comme lui, elle n'est pas dans les clous: peu à peu, on devine son homosexualité tandis que lui élève un enfant métis ramené des colonies. Bien évidemment on devine que Antoine et Dora, tous deux photographes, l'une professionnelle et l'autre amateur sont des reflets du réalisateur.

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Le Corbeau

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1943)

Le Corbeau

"Le Corbeau", deuxième long-métrage de Henri-Georges Clouzot me fait penser tant sur le fond que sur la forme à un "M. Le Maudit" français. Le contexte trouble dans lequel ces films ont été réalisé (occupation allemande, montée du nazisme) explique en partie leurs similitudes. Sur la forme, une ambiance expressionniste façonnée pour le clair-obscur ("où est l'ombre, où est la lumière?") d'une plongée dans les abysses de la complexité humaine. Sur le fond, cet éclairage des tréfonds de l'individu en souffrance s'avère finalement moins effroyable que la bestialité des foules prêtes à lyncher le premier "coupable" venu sur la foi de simples rumeurs portées par les ravages de la délation. "Culpabilité" qui dans le film de Clouzot cible particulièrement les femmes. C'est même à un véritable procès de la féminité dans sa sexualité et ses capacités reproductrices que nous assistons. La première scène se focalise sur l'étonnement suspicieux que suscite le choix du Dr Germain (Pierre Fresnay) lors des accouchements difficiles de sauver la mère quitte à sacrifier l'enfant. C'est sur cet aspect que s'acharne le corbeau (pseudo passé depuis dans le langage courant pour désigner les auteurs de lettres anonymes diffamatoires) en l'accusant de lettre en lettre d'être un "faiseur d'anges" (ce qui était passible à l'époque de la peine de mort). Les autres calomnies portent sur sa sexualité jugée débridée avec les femmes du coin. Les lettres de délation pointent en effet moins les turpitudes des notables locaux que les désirs sexuels de femmes plus frustrées les unes que les autres. Marie Corbin (Helena Manson), l'infirmière-assistante et belle-soeur du Dr Vorzet (Pierre Larquey), une vieille fille revêche et rigide est la cible d'une hallucinante "chasse aux sorcières" suggérée par une bande-son hurlante et des cadrages obliques avant qu'elle ne découvre son appartement dévasté. A l'inverse, Denise (Ginette Leclerc) est victime de son image de garce qui alimente la défiance du Dr Germain (qu'elle traite, insulte suprême de "bourgeois"). Entre les deux, il y a Laura (Micheline Francey), l'épouse du Dr Vorzet, et sœur de Marie Corbin beaucoup plus jeune que son mari dont les airs de sainte-nitouche dissimulent mal le désir qu'elle porte au Dr Germain. Sans oublier Rolande (Liliane Maigné), adolescente voleuse et malveillante qui comme Marie avec la correspondance privée du Dr Germain n'hésite pas regarder par le trou de la serrure à l'intérieur de son appartement. Bref, ce dernier est au cœur de tous les fantasmes de ces femmes alimentés par le terrible secret qui l'empêche de se réconcilier avec la vie. Du moins jusqu'à la scène où Denise qui a réussi à fêler sa carapace l'invite à la regarder au-delà des apparences, l'obligeant enfin à se dévoiler.

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