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Killers of the Flower Moon

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2023)

Killers of the Flower Moon

Bien que le livre de David Grann, "La Note américaine" ne puisse pas totalement, faute d'archives, documenter la totalité des faits relatifs aux meurtres des Osage dans l'entre-deux-guerres parallèlement à la naissance du FBI, son enquête exhume un pan sordide du passé des USA. Rien que le choix de porter à l'écran un tel livre montre s'il en était encore besoin l'engagement de Martin SCORSESE d'écrire cinématographiquement une autre histoire de l'Amérique que celle, officielle des vainqueurs.

"Killers of the flower moon" est pourtant quelque peu différent d'autres grandes fresques de sa filmographie. Son traitement est classique, voire académique (mais certainement pas télévisuel comme j'ai pu le lire, rien que par sa durée, il n'entrerait pas dans la case du téléfilm!) et c'est à l'évidence un choix délibéré. Il faut donc chercher autre part les audaces stylistiques auxquelles le réalisateur nous a habituées, audaces mises au service de l'histoire. Encore que la petite musique ironique de la fin qui tourne en dérision le verdict du procès n'est pas sans rappeler la première bataille de "Gangs of New York" (2002) transformée en pugilat grotesque. Il y a d'abord le choix du personnage principal, Ernest Burkhart (Leonardo DiCAPRIO) qui est tout à fait atypique. L'acteur ne devait pas à l'origine incarner ce personnage mais plutôt l'enquêteur du FBI (un rôle purement fonctionnel) et il a bien fait de changer de rôle. Car cet Ernest est pour le moins dérangeant en tant que figure majeure du déni. Il incarne une Amérique que celle-ci ne veut pas voir et lui-même d'ailleurs refuse de se voir tel qu'il est et ce, jusqu'à la fin du film. Il se dépeint comme un américain type, bon mari et bon père dont les actions ont été guidées par le souci de protéger sa famille. Son pire aveuglement concerne sa femme qu'il croit sincèrement aimer alors que ses actes visent à la détruire, elle et sa famille. Car en réalité, il est guidé par sa cupidité et sa soumission à son oncle, William Hale (Robert De NIRO) qui est le cerveau du complot visant à éliminer les Osage pour prendre leurs richesses. Car le deuxième choix fort du film réside dans la centralité de ce personnage de grand manipulateur au sourire affable et dans la description du système mafieux et meurtrier qu'il a mis en place, rendu possible par l'écoeurante mise sous tutelle du peuple Osage, victime des préjugés racistes des dirigeants des USA. Si la justice fédérale n'en était qu'à ses balbutiements, en revanche pour envoyer des administrateurs gérer l'argent et les biens de ce peuple indien déplacé qui découvre que dans la réserve qu'on leur a attribuée l'or noir coule à flots, le gouvernement n'a pas perdu de temps. Comme dans "La Perle" de John Steinbeck, la richesse des Osage est en même temps une malédiction qui attire sur eux la convoitise et la haine dans un système dominé par les blancs et où les dés sont donc pipés dès le départ. Ceci étant, c'est parce qu'ils sont riches que les Osage peuvent tout de même agir jusqu'au sommet de l'Etat et qu'une enquête finit par voir le jour. Enquête qui révèle le plan diabolique de William Hale, comparable à celui de Mme de Villefort dans "Le Comte de Monte-Cristo" qui empoisonne un à un les membres de sa famille par alliance pour que l'héritage finisse entre les mains de son clan. Enfin, le troisième choix fort s'appelle Lily GLADSTONE. Le secret le mieux gardé du cinéma de Kelly REICHARDT a tapé dans l'oeil de Martin SCORSESE qui lui confie le rôle de Mollie, l'épouse d'Ernest qui voit mourir un par un les membres de sa famille avant d'être empoisonnée à petit feu. Le fait que les Oscar aient boudé le film et raté une occasion historique de couronner une actrice d'origine indigène est révélateur du déplaisir que celui-ci suscite et donc, que Martin SCORSESE a visé juste.

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