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Le monde de demain

Publié le par Rosalie210

Katell Quillévéré et Hélier Cisterne 52022)

Le monde de demain

Une des meilleures mini-séries de 2022, diffusée d'abord sur Arte puis sur Netflix. Réalisée par Katell QUILLEVERE et Helier CISTERNE dont l'intérêt pour l'histoire et les questions politiques et sociales n'est plus à démontrer, elle raconte la genèse du mouvement hip-hop en France au début des années 80, indissociable de l'émergence artistique d'une jeunesse populaire et métissée jusque là invisible dans les médias alors cadenassés par l'Etat. La mini-série suit plusieurs de ces jeunes, mettant en lumière au passage les différentes facettes du hip-hop que l'on a tendance à réduire au seul rap.

Le premier d'entre eux est le DJ Dee Nasty alias Daniel Bigeault (Andranic MANET) qui a joué un rôle fondateur méconnu et pourtant essentiel. Passionné par ce mouvement qu'il a découvert à San Francisco et qu'il importe en France, il mixe et scratche dans des clubs, enregistre le premier album de rap français en 1984, anime des soirées en plein air, ouvre l'antenne des radios libres au rap et aux rappeurs, notamment sur Radio Nova entre 1988 et 1989. Tout cela en autodidacte et dans une marginalité dont il ne sortira jamais vraiment. Il est dépeint sous les traits d'un jeune homme passionné, sensible, introverti et qui s'affirme peu. Tout le contraire de son explosive compagne Béatrice (Leo CHALIE), personnage fictif mais très fortement inspiré par le parcours et la personnalité de Catherine Ringer (et Daniel a d'ailleurs des points communs avec Fred Chichin). Ce n'est d'ailleurs pas le moindre exploit de la série que de mettre en avant des femmes fortes dans un univers très masculin, à l'image de la graffeuse Lady V (Laika BLANC-FRANCARD) qui fut la compagne de Kool Shen alias Bruno Lopes, l'un des deux membres du groupe NTM.

Parmi la nouvelle génération de talents que Dee Nasty a contribué a révéler, la série se focalise en effet sur Didier Morville (Melvin BOOMER) et Bruno Lopes (Anthony BAJON) qui traversent toutes les strates de ce mouvement sans véritable solution de continuité. Ils sont d'abord danseurs, puis graffeurs (stade durant lequel ils inventent leurs pseudos, JoeyStarr et Kool Shen) et enfin rappeurs. Tout cela dans une sorte de bouillonnement culturel propre à l'époque. L'histoire s'arrête en effet avant leur starisation et ne cherche jamais à les extraire de leur milieu. Celui-ci est dépeint avec beaucoup de réalisme et c'est ce qui est passionnant. On voit par exemple leurs "battles" avec d'autres groupes de danse et de rap. On voit également comment leurs milieux familiaux à la fois proches et opposés les ont forgés. D'un côté la famille chaleureuse et unie de Bruno Lopes dont il ne veut pas s'éloigner ce qui lui fait renoncer à une carrière de footballeur. De l'autre la jeunesse chaotique de Didier Morville cherchant à échapper à un père violent. L'une de mes séquences préférées est celle où le père ouvrier de Bruno Lopes voit son fils pour la première fois à la télévision dans "Mon Zénith à moi" à l'initiative de Nina Hagen qui a connu NTM via son compagnon, Frank Chevalier qui est alors le manager du groupe: choc culturel garanti!

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