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Infernal Affairs (Wu jian dao)

Publié le par Rosalie210

Alan Mak, Andrew Lau (2002)

Infernal Affairs (Wu jian dao)

A l'occasion de la sortie en salles de la trilogie "Infernal Affairs" en mars 2022 (sortie et non ressortie car les deuxième et troisième volets étaient inédits en France), j'avais été invitée à voir les trois films à la suite mais une grève de métro m'en avait empêchée. C'est à cette occasion que j'avais appris que Martin SCORSESE s'en était inspiré pour en faire sa propre version avec "Les Infiltres" (2006). Moins connu, les co réalisateurs de la trilogie, Andrew LAU et Alan MAK ont eux-mêmes puisé leur source d'inspiration dans un film hollywoodien réalisé par un cinéaste Hongkongais, John WOO "Volte/Face" (1997). La boucle est bouclée!

Car "Infernal affairs" aurait tout à fait pu s'ouvrir sur la citation attribuée à Bouddha qui est mentionnée dans "Le Cercle rouge" (1970) de Jean-Pierre MELVILLE, l'autre cinéaste occidental aux influences asiatiques qui a d'ailleurs tout comme Martin SCORSESE été une source d'inspiration pour John WOO. " Quand les hommes, même s'ils s'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents ; au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge." C'est en effet sous le signe du bouddhisme que s'ouvre un film à la structure de mandala qui évoque un "enfer continu de souffrance éternelle". Le cercle renvoie également à la folie liée à la perte d'identité de deux hommes qui ont échangé leurs places et se neutralisent constamment comme si chercher à découvrir l'autre renvoyait à soi-même dans un jeu de vases communicants permanent. Car pour que le film fonctionne, il doit reposer sur un équilibre empêchant l'une des polarités de prendre l'avantage sur l'autre, que l'antagonisme bien/mal s'incarne dans deux corps ou bien qu'ils fusionnent en chacun d'eux, plaçant l'âme qui l'occupe au bord de la schizophrénie.

Ajoutons qu'à la figure omniprésente du cercle infernal vient s'ajouter celle, complémentaire de la chute et donc de la verticalité. Les flics aiment se percher sur les toits tandis que la pègre a une prédilection pour les parkings souterrains mais la figure centrale de l'ascenseur les relie et l'un des moments clés du film voit une figure tutélaire de ce grand double jeu de dupes s'écraser sur le toit d'une voiture ce qui scelle le sort de l'autre, leurs poulains évoluant désormais en roue libre c'est le cas de le dire.

En dépit de toute cette géométrie, d'un dépouillement certain pouvant confiner parfois presque à l'abstraction, l'aspect humain n'est pas évacué du film. Yan, le flic infiltré dans la mafia est joué par Tony LEUNG Chiu Wai dont on reconnaît la profonde mélancolie qui a fait merveille chez WONG Kar-Wai. Yan dont la véritable identité n'est connue que de son supérieur, le commissaire Wong (Anthony WONG Chau-Sang) ne supporte plus sa condition faite de mensonge, de solitude, de renoncement (la femme qu'il a aimé a refait sa vie) et de tension permanente. Ses seuls moments de réconfort sont ceux qu'il passe chez sa psychologue pour qui il nourrit des sentiments (ce qui est logique étant donné le désert de sa vie affective). Ming (Andy LAU) le truand infiltré chez les flics voit dans son identité d'emprunt le moyen de gagner indépendance et respectabilité, brouillant peu à peu les repères.

A cet aspect humain, on peut même ajouter un contexte géopolitique, celui de Hong-Kong au début des années 2000, rétrocédée à la Chine par le Royaume-Uni mais pas encore absorbée par elle. Cette période de transition ("Un pays, deux systèmes") se ressent évidemment dans un film qui traite d'une identité duale réalisé dans un pays alors écartelé entre sa culture anglo-saxonne et ses origines chinoises.

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