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Fric-Frac

Publié le par Rosalie210

Claude Autant-Lara, Maurice Lehmann (1939)

Fric-Frac

Ah mais quel bonheur ce film que je voulais voir depuis longtemps! Impossible de résister à la verve du trio formé par FERNANDEL, ARLETTY et Michel SIMON qui nous fait complètement oublier l'origine théâtrale du scénario. Il faut dire que si officiellement, c'est Maurice LEHMANN, le producteur de l'auteur de la pièce qui a réalisé le film, il a été considérablement aidé par Claude AUTANT-LARA qui a été bien plus qu'un collaborateur technique. De fait, "Fric-Frac" est aussi un délice cinématographique qui fait penser tantôt à Jean RENOIR et sa "Partie de campagne" (1935), tantôt à Ernst LUBITSCH et sa "Haute pegre" (1932) (même s'il s'agit ici de "basse pègre") et tantôt à Howard HAWKS, tant pour ses comédies screwball que pour ses films noirs sans parler d'une touche de réalisme poétique à la Marcel CARNE.

De plus, si "Fric-Frac" est une comédie aussi irrésistible, c'est qu'elle repose non seulement sur la prestation de trois monstres sacrés, mais également sur d'habiles contrastes de caractères et de milieu social. Soit un employé de bijouterie honnête et naïf ( FERNANDEL) qui préfère à la fille de son patron (Helene ROBERT) et à la promotion sociale qui l'accompagne un duo de petites frappes hautes en couleur (Michel SIMON et ARLETTY) au coeur tendre et à la gouaille absolument savoureuse. Les dialogues sont étincelants et rendent un bel hommage à l'argot parisien, un langage fleuri que l'on ne se lasse pas d'écouter et qui rend le film extrêmement vivant. La magie du cinéma fait que si Michel SIMON et FERNANDEL ne s'entendaient pas sur le tournage, ils sont absolument désopilants dans le film (leur duo m'a d'ailleurs rappelé celui avec Louis JOUVET dans "Drole de drame" (1937) tout aussi drôle alors que Michel SIMON ne s'entendait pas non plus avec Louis JOUVET).

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Transit

Publié le par Rosalie210

Christian Petzold (2018)

Transit

J'ai beaucoup aimé les films que j'ai vu de Christian PETZOLD jusqu'à présent mais force est de constater que celui-ci est un beau ratage. D'ailleurs et c'est éloquent, Arte le diffuse mais ne le met pas en tête de gondole, contrairement à l'excellent "Barbara" (2012). Christian PETZOLD a fait un pari audacieux: transposer de nos jours le roman de Anna Seghers publié en 1944 et décrivant la situation de tous ceux qui fuyaient le nazisme et s'étaient réfugiés à Marseille en attente d'un hypothétique embarquement avant que les nazis n'envahissent la zone libre. Christian PETZOLD s'est sans doute dit que la problématique était intemporelle et que le lieu de l'histoire pourrait faire penser aujourd'hui à la situation des migrants clandestins. Sauf que les persécutés actuels ne sont pas européens, ne parlent pas l'allemand, pour la plupart ne font pas la queue au consulat en attente d'une autorisation d'embarquer, ne parlent pas d'"occupation", de "fascistes", de "camps de concentration", de "rafles". Bref il aurait fallu un minimum adapter le vocabulaire et les origines au contexte d'aujourd'hui. Ou alors assumer de faire de la science-fiction à la manière de Alfonso CUARON dans son remarquable "Les Fils de l'homme" (2006). Car en ne choisissant pas clairement le cadre de son histoire, il accouche d'un film abstrait, un film conceptuel, dénué de contexte historique et donc de tout aspect tangible. Si le début fait illusion avec des scènes de traque, de planque et de fuite en train, la suite à Marseille n'est qu'une longue attente dénuée d'enjeux. Les personnages sont tout aussi désincarnés que le récit et les tentatives de Christian PETZOLD d'ancrer l'histoire dans le réel ne font que le brouiller un peu plus. Ce qui ressort finalement, c'est l'aspect factice de cette construction avec une multiplicité d'incohérences. Par exemple le fait que le personnage joué par Paula BEER qui a obtenu un visa d'embarquement descend du bateau pour rechercher son mari alors même qu'elle a un amant et bientôt un deuxième. Tout cela alors que l'invasion de Marseille par les "fascistes" est annoncée comme imminente et est censé être fatale aux réfugiés. Mais pas la moindre trace de stress, ni d'une quelconque émotion d'ailleurs dans ce personnage qui prend tout son temps pour batifoler à l'hôtel. Il en va de même des autres et d'ailleurs, l'échec de l'entreprise se mesure au fait qu'à une ou deux reprises, Christian PETZOLD doit montrer une arrestation dans les cris et les larmes et un suicide pour qu'on se rappelle qu'on est censé suivre des gens traqués et en danger de mort.

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Du côté de Robinson (Les Mauvaises fréquentations)

Publié le par Rosalie210

Jean Eustache (1964)

Du côté de Robinson (Les Mauvaises fréquentations)

Le cinéma de Jean EUSTACHE voit souvent double. Que l'on pense à "Une sale histoire" (1977) où la même scène se répète à la virgule près, dans un genre d'abord fictionnel puis documentaire, à moins que ce ne soit l'inverse. Même principe pour "La Rosiere de Pessac" (1979), précédé d'un documentaire identique une décennie auparavant ("La Rosiere de Pessac") (1968). "Du côté de Robinson", son premier film achevé fait ainsi la paire avec "Le Pere Noel a les yeux bleus" (1966), les deux films étant réunis sous le titre "Les Mauvaises frequentations" (1964). Jean EUSTACHE avait suivi le tournage de "La Boulangere de Monceau (1962)" dont il a repris certains des lieux de tournage, de même qu'il existe une certaine parenté avec "La Carriere de Suzanne" (1963), les deux moyens-métrages de Eric ROHMER se répondant en miroir comme les films de Eustache. Néanmoins, s'il gravite dans le sillage de la nouvelle vague et en reprend certains éléments comme le tournage en décors naturels avec une caméra légère, Jean EUSTACHE est un électron libre n'ayant pas les mêmes origines sociales et géographiques et ne se reconnaissant que très peu dans ce mouvement (Jacques ROZIER mis à part). D'ailleurs il a tourné le film avec de l'argent dérobé dans les caisses des Cahiers du cinéma par sa femme qui y travaillait, de même que "Le Pere Noel a les yeux bleus" (1966) a été tourné avec des chutes de la pellicule de "Masculin feminin" (1966) ce qui est révélateur de son statut marginal au sein du mouvement. Comme en écho, "Du côté de Robinson" met en scène deux dragueurs désargentés et désoeuvrés qui écument les bars et les rues de Paris à la recherche de "souris". Mais comme dans tous les films à venir de Jean EUSTACHE, la quête s'avère infructueuse, les deux hommes ne sachant guère s'y prendre ce qui génère une intense frustration, compensée par le vol du portefeuille de la femme qui les a éconduit. Une impuissance nihiliste propre à Eustache imprègne déjà ce film de jeunesse encore hésitant mais où son talent pour le documentaire saute aux yeux avec nombre de séquences tournées dans les rues, les bars et les dancings de la capitale, particulièrement à Montmartre.

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Emily Dickinson, A Quiet Passion (A Quiet Passion)

Publié le par Rosalie210

Terence Davies (2016)

Emily Dickinson, A Quiet Passion (A Quiet Passion)

"Emily Dickinson, A Quiet Passion" est l'antithèse des biopics littéraires à l'américaine qui pour plaire à un large public n'hésitent pas à inventer de toutes pièces des rebondissements dramatiques souvent d'ordre sentimentaux (amours, jalousies, rivalités) dans des vies jugées trop plates ou dont on ne sait pas grand chose. L'artiste y est réduit le plus souvent à un simple nom et à son oeuvre la plus populaire ("Roméo et Juliette" pour Shakespeare, "Orgueil et préjugés" pour Jane Austen, "Jane Eyre" pour Charlotte Brontë etc.) dont l'origine de l'inspiration nous est expliquée avec des arguments simplistes.

Rien de tout cela dans le film de Terence DAVIES. Il refuse en effet de romancer l'histoire de la poétesse américaine Emily Dickinson dont la vie fut pourtant particulièrement terne et austère. Comme Jane Austen et Emily Brontë, Emily Dickinson ne se maria jamais, vécut toute sa vie chez ses parents et mourut prématurément. Elle souffrit également d'un manque de reconnaissance à la hauteur de son talent. Seule une poignée de ses poèmes furent publiés de son vivant et encore, remaniés au niveau de la ponctuation par son éditeur. Terence DAVIES fait le choix de dresser le portrait tout en contradictions de la poétesse, à la personnalité particulièrement complexe. D'un côté son combat pour conserver sa liberté d'esprit face au patriarcat et aux autorités religieuses ainsi que son refus des conventions sociales. De l'autre un rigorisme et une intransigeance morale impossible à satisfaire, hormis devenir un ascète comme elle. Sa soeur, Vinnie (Jennifer EHLE) pourtant elle aussi vieille fille incapable de quitter le nid parental mais bien plus souple et pragmatique est consternée par son comportement de plus en plus asocial et ses jugements lapidaires, au point de finir par lui dire que son intégrité est inhumaine. Mais comme Terence DAVIES choisit de nous montrer la vie intérieure d'Emily, on comprend que ce repli sur soi confinant à la misanthropie sur la fin de sa vie est un moyen de se protéger du déchirement de la perte. Car Emily Dickinson (jouée avec beaucoup de subtilité par Cynthia NIXON) est si sensible qu'elle ne supporte aucun changement dans sa vie. L'éloignement des êtres chers est pour elle comme la mort, elle préfère donc couper tous les contacts avec l'extérieur, finissant sa vie confinée dans sa chambre. De plus elle se trouve laide et se cache pour ne pas être jugée sur son apparence. Et pourtant lors d'une scène sublime par sa beauté picturale et son lyrisme, ce lyrisme déchirant qui est la signature intime de Terence DAVIES elle imagine que l'admirateur qu'elle refuse de rencontrer vient jusqu'à elle. Alors oui, le film de Terence DAVIES se mérite, mais cela en vaut la peine.

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Eden

Publié le par Rosalie210

Mia Hansen-Love (2014)

Eden

Il vaut mieux aimer la "french touch" pour apprécier un film qui comporte un grand nombre de scènes musicales en boîte de nuit. Sans nul doute, le film de Mia HANSEN-L-iVE est trop long, trop répétitif et ne parvient pas aussi bien qu'il aurait fallu à faire ressentir l'échec de la vie de son personnage principal, Paul (Felix de GIVRY), un DJ de musique électronique spécialisé dans le garage (inspiré du frère de la réalisatrice). Certes, son parcours finit par être assez pathétique à force d'enchaîner les déconvenues sentimentales et les bides financiers. Une réelle mélancolie sourde émane de cet éternel adulescent observant, impuissant ses ex le quitter et avoir des enfants avec d'autres, des amis disparaître, son style musical devenir has-been etc. Néanmoins le dénommé Paul est trop propre sur lui, trop lisse et trop bobo pour être vraiment touchant. Solaje évoque avec ironie le fait qu'il se déplace en taxi à Paris alors qu'il est censé être désargenté mais même son logement sous les toits avec sa baie vitrée courant sur toute la longueur du couloir n'est pas à la portée de toutes les bourses. Sans parler de ses aller-retour entre Paris et New-York et de sa consommation de coke. Surtout, les années ont beau défiler sur l'écran, lui ne change pas d'un poil ou presque, ses copines non plus d'ailleurs ce qui achève s'il en était encore besoin de rendre le film complètement irréel, plus rêverie mêlée de spleen que véritable chronique ancrée dans l'histoire et la réalité sociale. Finalement, le plus sympa dans ce film un peu poseur reste le contrepoint des touches d'humour apportées par les membres du groupe Daft Punk (interprétés par Vincent LACOSTE et Arnaud AZOULAY) qui eux traversent le temps avec succès mais se font systématiquement recaler à l'entrée des boîtes de nuit parce que sans leurs casques "il y a un problème de dress code" ^^.

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Barbara

Publié le par Rosalie210

Christian Petzold (2012)

Barbara

J'ai beaucoup aimé ce film qui m'a peu à peu séduite par sa cohérence et sa subtilité jusqu'au final que j'ai trouvé limpide. Il démontre en particulier que la liberté ne se trouve pas où on le croit en évitant tout manichéisme pour au contraire mettre en avant l'ambiguïté. L'héroïne tout d'abord, Barbara (Nina HOSS) qui se protège en affichant une impassibilité de façade ne suscite guère la sympathie. Cependant, plus le film avance et plus le personnage s'ouvre et s'avère tiraillé entre son empathie pour ses patients plus victimes encore qu'elle du système et son désir de fuite. Le "système" n'est pas montré de la manière habituelle non plus. Le lieu où se déroule l'histoire, une petite ville au bord de la Baltique offre une nature luxuriante, enchanteresse, bien peu conforme à l'image sinistre que l'on se fait de l'ex-RDA communiste. En revanche le climat de peur et de paranoïa imprègne l'histoire avec un espionnage et une délation généralisée, un camp de concentration tout proche et une Stasi omniprésente qui flique l'héroïne soupçonnée de vouloir passer à l'ouest avec des méthodes brutales, humiliantes et intrusives qui expliquent pour une bonne partie l'apparence froide et fermée de la jeune femme. Mais là où le film devient vraiment passionnant, c'est dans la description des deux hommes entre lesquels est tiraillée Barbara. D'une part Jörg, son amant de l'ouest qui utilise sa richesse et son pouvoir pour séduire les allemandes de l'est en leur faisant miroiter une vie de princesse à l'ouest où il prendrait tout en charge. Est-ce vraiment cette vie-là, complètement vide de sens que veut Barbara? De l'autre, le médecin-chef de Barbara, André qui est chargé par la Stasi de sa surveillance. C'est pourquoi Barbara se montre envers lui particulièrement distante, refusant ses prévenances et ses attentions. Sauf qu'il est bien autre chose, lui-même lui faisant comprendre qu'il peut se jouer du rôle que l'on veut lui faire jouer. Surtout, il s'avère que André est aussi passionné et impliqué dans son métier que Barbara et que tout comme elle, il a une âme d'artiste lui permettant de sublimer un quotidien difficile. Bref, une intimité finit par s'installer entre eux en dépit des hésitations voire des volte-face brutales de Barbara. Tant et si bien que plus le film avance, plus les repères se brouillent, l'amour et la politique semblant désaccordés jusqu'à cette résolution inattendue mais comme je le disais au début, d'une logique imparable.

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