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Bonjour (Ohayo)

Publié le par Rosalie210

Yazujiro Ozu (1959)

Bonjour (Ohayo)

A la fin de sa carrière, Yasujiro OZU s'est lancé dans des auto-remake de ses films des années 30. "Bonjour" réactualise ainsi "Gosses de Tokyo" (1932). Sur un plan technologique tout d'abord, le film est parlant et en couleurs contrairement à son prédécesseur. Et sur le plan thématique, il s'agit de mettre à jour la tension entre les permanences (des codes rigides de la société japonaise) et les mutations (introduites par la modernité) qui traversaient déjà "Gosses de Tokyo". A la fin des années cinquante, le Japon connaît son second miracle économique et à l'image de l'Europe de l'ouest, entre dans la société de consommation avec quelques équipements emblématiques dont deux sont au coeur du film de Yasujiro OZU: le lave-linge et la télévision. Le réalisateur montre comment la possession (ou non) de ces biens cristallise les conflits entre voisins et entre générations vivant sous le même toit. Et il le fait d'une manière qui rappelle énormément un autre cinéaste ayant accompagné les mutations économiques et sociales des 30 Glorieuses dans son propre pays (et je jure que cette comparaison m'est venue spontanément en regardant le film d'Ozu): Jacques TATI dans "Mon oncle" (1957). Même choc des cultures dans le paysage urbain, dans les tenues vestimentaires, dans le langage verbal (transformé en verbiage) et corporel (bruitages inclus dont l'un rappelle le klaxon d'un certain vélo) et bien entendu dans les valeurs qui les accompagnent. Même tonalité douce-amère "mélancomique", même science du cadrage et de la profondeur de champ, même petite musique allègre et sautillante. En lieu et place de Hulot, deux garnements bien décidés à piétiner la bienséance pour obtenir une télévision et la fameuse signature Ozu des plans à hauteur de tatami qui épouse leur regard. Si l'objet de leur grève de la parole paraît bien futile, leur rébellion déstabilise les conventions sociales sur lesquelles est bâtie la communauté, créant des quiproquos à la fois hilarants et cruels tant ils éclairent la vacuité de l'existence des adultes, et spécifiquement des femmes au foyer japonaises. D'ailleurs les enfants remettent en question l'utilité même des paroles creuses servant de lubrifiant social telles que "Il fait beau". On remarquera que leur principal allié est un voisin toujours éméché, l'alcool desserrant le carcan dans lequel sont enfermés les corps des japonais. Comme dans "Mon voisin Totoro" (1988) ou dans "Le Tombeau des lucioles" (1988), on remarque la très grande finesse dans l'approche de l'enfance. La fratrie se compose d'un "grand" et d'un "petit" pour qui l'aîné est un modèle et qui est absolument craquant avec sa bouille ronde et ses "I love you" issus des cours d'anglais, autre signe de l'influence occidentale en marche.

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