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Crépuscule à Tokyo (Tokyo boshoku)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1957)

Crépuscule à Tokyo (Tokyo boshoku)

"Crépuscule à Tokyo" aurait pu porter un titre en relation avec l'hiver, seule saison absente des titres des films de Yasujiro OZU. Si l'on retrouve au coeur de ce film la famille et les conflits de générations, sa tonalité inhabituellement désespérée et même tragique l'en distingue. Le froid glacial qui imprègne l'atmosphère du film, l'horizon bouché et par-dessus tout l'incapacité des différents membres de la famille à communiquer, leur enfermement en eux-mêmes donnent au spectateur une sensation de claustrophobie très éloignée de l'habituelle sérénité pétrie de sagesse qui se dégage de ses films. En dépit de la récurrence des figures du patriarche, de la tante entremetteuse, de la fille aînée placide et de la cadette rebelle et des acteurs qui les incarnent (Chishu RYU, Setsuko HARA, Haruko SUGIMURA), il n'y a aucune place pour la comédie dans "Crépuscule à Tokyo" et on ne retrouve pas chez eux les repères stables et rassurants qui en font des éléments incontournables de l'univers du cinéaste. "Crépuscule à Tokyo" fait le portrait d'un paysage familial disloqué par le départ de la mère. Le père désemparé a échoué à la remplacer et ne peut que constater les dégâts sur ses filles devenues adultes. L'aînée qu'il a contraint à un mariage arrangé quitte un mari alcoolique et autoritaire, reproduisant ainsi en partie le schéma maternel (en partie car elle n'abandonne pas sa fille pour s'enfuir avec un amant). La cadette qui est celle qui a le plus souffert de l'abandon maternel traverse une crise existentielle dans laquelle elle se retrouve désaffiliée. En rupture de ban familial, on la voit errer dans la nuit, solitaire et mutique, à la recherche d'un amant qui se dérobe, au point d'être prise pour une traînée et une délinquante. Elle ne livre rien de ses tourments ni même de ses sentiments à sa famille, hormis le fait qu'elle doute de ses origines et pense que son existence est une erreur de la nature. On comprend dans ses conditions qu'elle soit condamnée à disparaître sans commettre l'erreur de la mère qui est d'avoir laissé des enfants orphelins derrière elle. Si l'on ajoute le fantôme d'un garçon mort d'un accident et l'échec de la mère à rétablir un lien avec ses filles ce qui l'oblige à un exil définitif, on constate que le tableau est bien sombre pour le dernier film en noir et blanc du cinéaste japonais.

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