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Jane Eyre

Publié le par Rosalie210

Franco Zeffirelli (1996)

Jane Eyre

"Jane Eyre" de Franco Zeffirelli sorti en 1996 est la première version du roman de Charlotte Brontë à avoir été tournée à Haddon Hall dans le Derbyshire. Ce lieu est devenu un écrin si parfait que les versions ultérieures y sont toutes revenues: aussi bien la formidable mini-série de Susanna White de 2006 que le film de Cary Fukunaga de 2011. Haddon Hall est le principal apport d'une version guère impérissable tant elle échoue à restituer tout ce qui fait la puissance et la modernité du roman. L'aspect le moins raté de la transposition est l'enfance de Jane grâce principalement au jeu de Anna Paquin qui trois ans plus tôt crevait déjà l'écran dans "La Leçon de piano" de Jane Campion. Néanmoins les choix scénaristiques et de mise en scène manquent déjà pour le moins de subtilité. Je pense en particulier au fait de ne mettre en avant que les sévices subis à l'école Lowood (en les concentrant sur Helen Burns qui plus est dans un malheureux syncrétisme entre le film de Stevenson et le roman) sans montrer qu'il s'agit aussi d'un lieu de formation. De même le personnage de Brocklehurst est juste montré comme la terreur de l'établissement alors que Charlotte Brontë fustigeait surtout son hypocrisie (et avec elle, celle des dévots bien-pensant écrasant les jeunes filles pauvres sous leur botte tout en parant leurs propres filles de beaux atours). Mais là où le film se crashe complètement, c'est à partir de la deuxième partie, quand Jane adulte se rend à Thornfield Hall pour devenir la gouvernante d'Adèle. Dire que les raisons de l'attirance de Jane pour Rochester (et réciproquement) restent mystérieuses pour le spectateur est un faible mot tant les deux acteurs, visiblement mal dirigés échouent à transmettre quoi que ce soit en terme d'alchimie ou d'émotion. On ne ressent à aucun moment la moindre complicité intellectuelle ou le moindre désir charnel entre eux. Charlotte Gainsbourg a le physique du rôle, c'est sans doute celle qui correspond le plus à la description qu'en fait Charlotte Brontë. Mais on ne peut pas dire qu'elle fait montre d'une quelconque personnalité, elle donne juste l'impression d'assister passivement, les yeux écarquillés, aux événements. Il n'y a aucun raccord possible avec le visage si énergique et déterminé de Anna Paquin. Toute la force de caractère de Jane, sa capacité de résistance au carcan patriarcal est complètement évacuée. Quant à William Hurt, il a 10 ans de trop pour le rôle mais cela n'aurait aucune importance s'il lui transmettait une quelconque flamme. Or il est tellement éteint et monolithique qu'on ne peut pas croire deux secondes qu'il est Rochester. On touche cependant le fond avec la troisième partie qui est précipitée en 15-20 minutes et au final massacrée. La séquence d'avant et surtout d'après le mariage raté n'est quasiment pas traitée ce qui ôte tout enjeu à ces événements alors qu'ils sont pourtant cruciaux (Jane va-t-elle à cause de sa passion renoncer à son libre-arbitre pour se faire entretenir dans une chimérique vie de princesse derrière laquelle se cache la réalité d'une domination patriarcale?) D'ailleurs elle ne s'enfuit même pas (pourquoi le ferait-elle d'ailleurs puisqu'il n'y a aucun désir qui passe entre elle et Rochester, donc aucun danger) elle se rend tranquillement dans la maison de sa tante où l'attend St John (un mélange issu également du film de Stevenson) que l'on arrive pas à situer vu qu'il n'a que quelques minutes pour s'exprimer. Donc sa propre capacité d'emprise sur Jane, son puritanisme tyrannique sont complètement passés sous silence. Lorsqu'elle revient à Thornfield, il ne s'est écoulé que quelques minutes, inutile de dire que c'est un peu court pour faire d'autres expériences et mûrir. Ses retrouvailles avec Rochester tombent donc complètement à plat tout comme l'est ce film académique (je dirais même stupide) qui ne va pas au delà de la surface des choses.

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