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Articles avec #zinnemann (fred) tag

Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)

Publié le par Rosalie210

Robert Siodmak, Edgar George Ulmer (1930)

Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)

Voilà un film qui sidère par sa pépinière de talents, son avant-gardisme autant que par sa restitution documentaire du Berlin de la République de Weimar. D'un côté un monde disparu, de l'autre un monde qui n'est pas encore né. Le tout imaginé par un groupe de jeunes artistes débutants de la Mitteleuropa, juifs pour la plupart et devenus célèbres une fois passés de l'autre côté de l'Atlantique: Robert SIODMAK et son frère Curt SIODMAK, Edgar G. ULMER, Billy WILDER et enfin Fred ZINNEMANN. "Les hommes, le dimanche" est considéré comme le premier film indépendant de l'histoire, le précurseur des cinémas néo-réalistes et nouvelle vague en Italie, en France, aux USA. Notamment par le tournage en décors naturels, avec des non-professionnels, entre documentaire et fiction. C'est le reflet de petits moyens budgétaires (le film est muet alors que le cinéma parlant existait déjà depuis quelques mois) mais pas seulement. La scène où Erwin et Annie déchirent des photos de stars glamour (parmi lesquelles Greta GARBO et Marlene DIETRICH) a la même valeur iconoclaste que l'article de Francois TRUFFAUT dans les Cahiers du cinéma intitulé "Une certaine tendance du cinéma français".

Sorti en 1930, le film a été tourné en 1929, juste avant que la crise économique ne frappe l'Allemagne. On y voit donc un Berlin années folles en pleine effervescence artistique, jeune, actif et prospère où converge la jeunesse bohème. A l'image du groupe situé derrière la caméra, le film suit cinq jeunes gens et jeunes filles situés en marge du monde du spectacle (une figurante, une mannequin, une vendeuse de disques, un chauffeur de taxi et un colporteur ayant expérimenté divers emplois dont gigolo, métier rappelons-le alors pratiqué par Billy WILDER dans les grands hôtels berlinois sous le titre de "danseur mondain" en alternance avec ses activités de journaliste). A l'exception d'Annie la mannequin neurasthénique qui se morfond dans sa mansarde, tout ce petit monde profite de son dimanche pour partir pique-niquer et se baigner dans la banlieue de Berlin, au bord du lac du grand Wannsee. On fait alors un bond dans le futur car si l'on fait abstraction du gramophone en lieu et place du transistor, du walkman ou du MP3 sur la plage, on se croirait catapulté dans "Conte d'ete" (1996) de Eric ROHMER ou dans "Les Roseaux sauvages" (1994) de Andre TECHINE. A l'exception d'Erwin qui est marié à Annie et reste à l'écart, ça marivaude à qui mieux mieux dans l'eau et dans les bois entre le beau Wolf (l'ex-gigolo) et les deux amies, Brigitte et Christl, la blonde et la brune, toutes deux d'une beauté juvénile très moderne avec leurs coupes à la garçonne et filmées de très près. La première des deux a un visage qui se situe quelque part entre Jean SEBERG et Scarlett JOHANSSON et est complètement fascinante. Tout cela respire la fraîcheur et la liberté, même si ce n'est qu'une parenthèse, assombrie par le retour du quotidien, de la mansarde et de son occupante dépressive et par le fait que nous savons que ce monde est au bord du gouffre.

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Le Train sifflera trois fois (High Noon)

Publié le par Rosalie210

Fred Zinnemann (1952)

Le Train sifflera trois fois (High Noon)

Il y a actuellement tout un courant critique qui essaye de persuader le lecteur que "Le train sifflera trois fois" ne mérite pas sa place au panthéon du cinéma. Cela me paraît largement injustifié.

Certains dénient son originalité en recherchant des précédents tournés en noir et blanc dans les années 50 avec peu de scènes d'action et où le héros admet avoir peur. Or ce n'est pas ça l'important. L'important, c'est le choix de filmer en temps réel et l'art d'orchestrer la montée de la tension. Dès les premières images, elle s'installe avec la peur qui s'affiche sur les visages des gens qui voient passer les trois hors-la-loi puis la réaction épidermique des chevaux au passage du bureau du shérif, puis l'attente menaçante à la gare alternant avec l'annonce du compte à rebours rythmé de façon de plus en plus frénétique par la succession des horloges entre lesquelles le shérif se démène pour tenter de trouver une issue de moins en moins probable.

D'autres le trouvent trop mièvre. Or en dehors de la chanson-titre qui peut paraître datée (quoique son titre en VF "Si toi aussi tu m'abandonnes" est parfaitement approprié à la situation), je ne vois pas où se trouve la mièvrerie dans ce film que je trouve plutôt désenchanté et amer. S'il y a une réaction négative que je comprends, c'est celle de John Wayne toujours prompt à dénoncer l'anti patriotisme dans les films. Le contexte de sa réalisation en plein maccarthysme explique la vision très sombre que Zinnemann donne de la société américaine prête à renoncer à la paix, la prospérité et la démocratie par lâcheté, mesquinerie ou intérêt. Les images des lieux publics désertés sont lourds de signification. Et ceux qui parmi les critiques descendent en flamme le casting en disant qu'à côté de Gary Cooper il n'y a que des pantins n'ont pas compris que c'était peut être voulu. C'est sans doute parce qu'il réalise qu'il ne sera jamais en paix s'il fuit ses responsabilités au lieu de les affronter que le shérif réussit à aller jusqu'au bout de sa décision de rester en dépit des tentations et des pressions. Ce qui le place dans une situation de solitude absolue que rehausse encore la transparence de son épouse, Amy-Grace Kelly. Dans un nihilisme suprême, la femme forte, Helen Ramirez-Katy Jurado a préféré quitter le navire en renvoyant tous les hommes, bons et mauvais, dos à dos.

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