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Articles avec #rasoulof (mohammad) tag

Les Graines du figuier sauvage (The Seed of the Sacred Fig)

Publié le par Rosalie210

Mohammad Rasoulof (2024)

Les Graines du figuier sauvage (The Seed of the Sacred Fig)

Quand le mouvement "Femme, vie, liberté" vient percuter de plein fouet une famille iranienne aisée dont le patriarche sert un système que rejettent ses filles, cela donne "Les Graines du figuier sauvage". Un immense film, un uppercut qui ne relâche jamais la tension tout au long de ses près de 3h de projection. On peut se demander comment a fait Mohammad Rasoulof pour tourner un film d'une telle ampleur et d'une telle maîtrise dans les conditions que l'on sait. Un film haletant qui m'en a rappelé deux autres: "Mustang" et "Shining" dans lesquels des enfants doivent lutter pour leur survie face à un père potentiellement meurtrier. Comme eux, il s'agit d'un huis-clos familial qui commence normalement avant de basculer dans une dimension de thriller paranoïaque puis dans l'épouvante avec des scènes finales cauchemardesques de course-poursuite labyrinthique. Le film commence par la promotion de Iman comme enquêteur au tribunal de Téhéran qui dans un premier temps met des étoiles dans les yeux de son épouse, Najmeh, laquelle semble complètement endoctrinée par le régime et le patriarcat. Comme un symbole, lorsque les événements révolutionnaires éclatent, elle les regarde par le prisme déformant de la télévision plutôt que de sa fenêtre ou comme ses filles, sur les réseaux sociaux. Les filles justement sont le grand souci de Najmeh. Elle tente de contrôler leurs fréquentations, leurs paroles, leurs accoutrements de façon à ne pas nuire à son mari mais se retrouve vite prise de court par la violence qui se déchaîne dans la rue et frappe de plein fouet une amie de sa fille aînée qu'elle accepte d'accueillir brièvement et de soigner. A partir de ce moment, Najmeh est de plus en plus tiraillée entre son mari qu'elle supplie sans succès d'être plus présent pour leurs filles et celles-ci, de plus en plus révoltées en dépit de leur confinement à la maison. C'est alors que se produit le basculement du film: l'arme de service de Iman qu'il avait déposée dans un tiroir se volatilise. Le soupçon s'introduit aussitôt au coeur de la famille, le régime s'immisçant pour procéder à des interrogatoires glaçants sur les trois femmes. Mais la pression s'intensifie aussi dans l'autre camp lorsque les coordonnées et le visage d'Iman, auteur de nombreuses exécutions sont balancées sur les réseaux (dont le rôle fondamental dans la révolte est bien souligné à l'aide d'images d'archives). Celui-ci devient un homme traqué qui sous prétexte d'aller se cacher loin de Téhéran, devient le geôlier et bourreau de sa propre famille. Mais plus l'étau se resserre, plus la résilience des femmes éclate au grand jour. Des femmes qui ne veulent plus subir et se taire en dérobant les outils de la domination masculine pour mieux s'en libérer. Des femmes qui à l'image des actrices et de nombreuses iraniennes ont envoyé au passage leur voile brûler en enfer. Le changement de ton est palpable. Fini les compromis.

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Le Diable n'existe pas (Sheytan vojud nadarad)

Publié le par Rosalie210

Mohammad Rasoulof (2020)

Le Diable n'existe pas (Sheytan vojud nadarad)

Avant son arrestation, je ne savais pas qui était Mohammad RASOULOF. Grâce à Arte, on peut voir "Le Diable n'existe pas" qui lui a valu de remporter l'Ours d'or à Berlin en 2020. Le film a été tourné clandestinement, le cinéaste ayant dû ruser avec la censure. C'est en partie ce qui explique la forme segmentée du film, le réalisateur ayant dû faire croire aux autorités qu'il s'agissait de quatre films réalisés par des assistants différents, lui-même devant se cacher pour ne pas être reconnu sur le plateau. La forme divisée en chapitres ne résulte donc pas d'un choix mais d'une nécessité et les quatre histoires ont beaucoup en commun. Il s'agit de quatre hommes, deux jeunes effectuant le service militaire et deux ayant l'âge d'être père de famille. Chacun d'eux se retrouve ou s'est retrouvé confronté à l'exécution capitale, celle-ci découvre-t-on pouvant être effectuée par de jeunes conscrits dans des conditions artisanales qui les mettent face à leur acte ou par un bourreau professionnel qui n'a qu'à appuyer sur un simple tableau de bord. Ainsi pour ce dernier, tout est simple et sa vie ordinaire illustre le concept de "banalité du mal" de Hannah Arendt que l'on attribue d'ordinaire au nazisme. Mais afin justement que le spectateur ne puisse pas banaliser l'acte, Rasoulof filme la séquence-choc de l'agonie des condamnés, ne nous épargnant aucun détail même si l'on ne voit que leurs pieds. Les trois autres hommes qui ne sont pas des professionnels de la mort sont confrontés à un choix. Car -et en cela le film lui-même en témoigne- même au sein d'un système totalitaire, les hommes ont le choix. Celui d'accepter d'être un rouage du système et de vivre dans la culpabilité le restant de ses jours ou celui de désobéir et d'être en paix avec soi-même, mais en étant exclu de la société, l'Etat faisant payer très cher ceux qui lui résistent. Par ailleurs, plus le film avance, plus la mise en scène, confinée dans les deux premiers volets (parking, voiture, dortoir, couloirs) devient ample avec les deux derniers volets tournés dans des paysages magnifiques (une forêt puis un paysage de montagne aride). Et si donner la mort incombe aux hommes, les femmes ont également un rôle à jouer quand elles sont conscientes des enjeux, soutenant sans réserve ceux qui choisissent de désobéir ou condamnant ceux qui acceptent les compromissions.

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