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Articles avec #clement (rene) tag

Plein Soleil

Publié le par Rosalie210

René Clément (1960)

Plein Soleil

Aujourd'hui "Plein Soleil" se confond avec l'avènement de sa star, le fauve Alain Delon qui irradie de jeunesse (il n'avait que 23 ans au début du tournage!), de beauté, de magnétisme animal. Ce n'était pas son premier film mais c'est celui qui l'a révélé dans un rôle qui lui va comme un gant et pour cause, c'est lui qui l'a choisi presque contre tout le monde. Il fallait oser tenir tête pour un quasi-inconnu à l'époque à l'équipe du film qui lui avait attribué le rôle ingrat de la doublure. L'audace et la conviction intime paient. Sans "Plein Soleil", Luchino Visconti n'aurait pas engagé Alain Delon pour "Rocco et ses frères" et ce dernier n'aurait sans doute pas eu la même carrière.

A l'image de sa star, "Plein Soleil" est un film culotté à qui sa restauration en 2013 a permis de retrouver une seconde jeunesse. Trop vite catalogué par la Nouvelle Vague dans la catégorie "cinéma de papa", René Clément réalise pourtant un film qui penche bien plus du côté des Godard, Truffaut et consorts que du cinéma académique réalisé en studio. Il y a l'insolence de la jeunesse du jeune loup cité plus haut qui n'a rien à envier à son contemporain, Jean-Paul Belmondo révélé par "A bout de souffle". Il y a l'apport décisif du chef opérateur Henri Decaë (celui des "Quatre Cent Coups") dont le travail sur la lumière et les couleurs force l'admiration, particulièrement dans les scènes de haute mer. Celui du scénariste de Chabrol, Paul Gégauff. Enfin le travail de René Clément lui-même qui se révèle extrêmement talentueux dans l'art de filmer en décors naturels à la façon d'un documentaire que ce soit Alain Delon se débattant au milieu des éléments déchaînés ou déambulant dans des scènes de foule. 

Et puis il y a la thématique évoquée dans le film qui n'est pas moins audacieuse. "Plein Soleil" est en effet la première adaptation de "Monsieur Ripley", le premier roman que Patricia Highsmith a consacré à Tom Ripley, héros amoral et ambigu sexuellement. Dans "Plein Soleil" comme dans les adaptations ultérieures des romans mettant en scène le personnage ("L'Ami Américain" de Wim Wenders, "Le Talentueux Mr Ripley" de Anthony Minghella etc.) tout comme d'ailleurs dans des adaptations plus ou moins libres d'autres romans de l'auteure ("L'Inconnu du Nord-Express" de Alfred Hitchcock, "Harry, un ami qui vous veut du bien" de Dominik Moll etc.) le thème du double est une véritable obsession. Dans une scène emblématique située au début de "Plein Soleil", Tom Ripley  (Alain Delon) enfile le costume de son rival bourgeois Philippe (Maurice Ronet) et s'admire dans la glace, imitant ses intonations et allant jusqu'à embrasser son reflet. Illusion narcissique brisée lorsqu'apparaît ledit Philippe armé d'une cravache. Scène homoérotique typique qui définit les rapports des deux hommes basés sur la gémellité/complicité, l'ambiguïté des désirs et le sado-masochisme*. Du moins jusqu'à ce que les deux ne fassent plus qu'un (dans une pulsion à la fois fusionnelle et meurtrière) et que Ripley doive endosser une double identité qui s'avère au final trop lourde pour les épaules d'un seul homme, de nombreux éléments de mise en scène soulignant la solitude du personnage comme la fatalité de son destin.

* Une décennie plus tard, le "couple" formé par Alain Delon et Maurice Ronet a rejoué une partie des enjeux de "Plein Soleil" non plus à bord d'un bateau mais au bord de "La Piscine" avec pour pôle féminin Romy Schneider qui fait une brève apparition dans "Plein Soleil", Marie Laforêt interprétant le rôle de Marge, la petite amie de Philippe. D'une certaine manière, "La Piscine" est le jumeau de "Plein Soleil".

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Jeux interdits

Publié le par Rosalie210

René Clément (1952)

Jeux interdits

Une balade mélancolique et déchirante, une petite fille qui serre le cadavre de son chien dans ses bras et ne veut pas le lâcher, une cimetière de petits animaux composé à partir des croix arrachées aux tombes humaines: "Jeux interdits" parle de la mort à hauteur d'enfant avec une sensibilité admirable. Une mort omniprésente tout au long du film. La seconde guerre mondiale était alors encore toute proche et le monde rural très pauvre et frustre dépeint par René Clément, encore une réalité. Car la rencontre de Paulette, la petite parisienne (Brigitte Fossey, bouleversante) et de Michel le petit campagnard (Georges Poujouly, tout aussi émouvant)*, c'est aussi celle de deux expériences d'enfants confrontés à la mort. Le début dépeint dans un style quasi documentaire le drame de l'Exode de 1940 avec ses bombardements aveugles destinés à provoquer la panique et à empêcher les renforts militaires de parvenir jusqu'au front. C'est ainsi que Paulette se retrouve brutalement privée de ses parents et de son chien qu'elle ne se résout pas à abandonner. Elle est recueillie par la famille de Michel, plus pour des histoires de rivalités avec leurs voisins que par compassion. Il faut dire que le mode de vie de ces paysans est rude et qu'ils sont habitués à la mort comme le montre l'exemple du grand frère de Michel (qui n'est d'ailleurs ni hospitalisé, ni même soigné, ce qui souligne le dénuement des campagnes où le seul repère est la religion catholique). Mais face à cette terrible réalité, les deux enfants qui s'attachent viscéralement l'un à l'autre se créent un monde à eux, à l'écart de l'horreur où ils peuvent apprivoiser la mort, la ramener à leur hauteur, quitte à transgresser les lois. Le film devient alors une série de moments de pure grâce poétique dans la lignée de "La Nuit du chasseur" ou "Du silence et des ombres". La terrible séquence de fin montre crûment la violence faite aux enfants lorsqu'ils sont arrachés à leur monde pour être plongés dans celui, froid, impersonnel et démesuré des adultes.

* René Clément s'est avéré un cinéaste hors-pair pour diriger les acteurs et en particulier les enfants.

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Le Père tranquille

Publié le par Rosalie210

René Clément (1946)

Le Père tranquille

"Le Père tranquille" est un film passionnant. Il est à la fois le témoin de son époque et en même temps, il légèrement décalé par rapport à celle-ci. Il faut dire que NOËL-NOËL auteur de l'histoire originale, également scénariste, dialoguiste, co-réalisateur et acteur principal n'a pas cherché à cacher que le Père tranquille, pourtant inspiré de l'histoire (vraie) d'un autre était aussi un autoportrait.

"Le Père tranquille" clôture une série de 30 fictions et documentaires qui furent tournés après la libération de Paris, d'août 1944 à la fin de l'année 1946. Non pour témoigner de la réalité mais pour tenter de réparer le fossé béant que l'occupation avait creusé entre les français. L'heure était à la reconstruction nationale après quatre années de divisions et cela passait par des arrangements avec la vérité historique. Les films qui sortaient d'une industrie cinématographique en pleine renaissance participaient de cette réécriture de l'histoire. Ils passaient par le moule d'une commission de censure qui vérifiait leur conformité avec le mythe unificateur résistancialiste*. C'est pourquoi traiter le "Père tranquille" de réactionnaire est une absurdité étant donné qu'il est le produit d'une époque et d'un système où il était impossible d'exister autrement que dans le moule voulu par les dirigeants de la France d'après-guerre, gaullistes et communistes issus de la Résistance pour l'essentiel. "Le Père tranquille" se focalise donc logiquement sur une Résistance montrée comme étant le "vrai" visage de la France. Il dépouille celle-ci de toute idéologie ou esprit partisan pour effacer les clivages entre les français. Dans "le Père tranquille" on est résistant par réflexe patriotique, le patriotisme étant considéré comme rassembleur contrairement à l'antifascisme. Logiquement, Jourdan (Marcel DIEUDONNÉ) le seul collaborateur de l'histoire est extérieur au village de Moissan (c'est à dire du village France). Il peut servir ainsi de bouc-émissaire (dont la fonction faut-il le rappeler est de souder la communauté au travers d'un ennemi commun). Enfin, le film est centré sur un personnage qui joue un double jeu. Edouard Martin est en apparence un attentiste pantouflard préoccupé uniquement par son petit confort domestique alors qu'en secret il dirige un réseau de résistants et prend de grands risques. Un thème extrêmement porteur après-guerre et qui trouvera son point d'aboutissement dans le livre que l'historien Robert Aron consacrera à la "France de Vichy" en 1954. Livre d'où sera issue la théorie du double jeu de Pétain en apparence collaborationniste mais en réalité de mèche avec le général de Gaulle (thèse de l'épée et du bouclier). C'est cette thèse qu'un autre Robert, Robert Paxton fera voler en éclats en 1973 avec des preuves irréfutables de l'adhésion de Pétain au projet nazi.

Mais "Le Père tranquille" est également un film qui fait un pas de côté par rapport aux œuvres de la même époque. Tout d'abord il s'agit d'une comédie et c'est une première d'introduire de la légèreté dans le traitement de cette période. Ensuite la Résistance qui est décrite dans le film est le fait d'hommes ordinaires à la vie banale dont les actes (déchiffrer des codes, faire circuler des informations, dissimuler des objets compromettants, mentir aux nazis qui viennent flairer les orchidées de trop près) n'ont rien d'exaltant. Tout ce qui relève de l'action spectaculaire et héroïque (plasticages, exécutions) est volontairement laissé hors-champ. Il s'agit évidemment de faciliter l'identification des français à Edouard Martin (comme son nom l'indique) mais on ne peut s'empêcher de souligner que cette manière pseudo-documentaire de dépeindre la Résistance ordinaire est plus proche de la vérité que celle qui consistait à montrer des résistants sacrifiant héroïquement leur vie lors de combats glorieux.

*Mythe selon lequel les français auraient unanimement résisté pendant les années d'occupation.

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Soigne ton gauche

Publié le par Rosalie210

René Clément (1936)

Soigne ton gauche

Le troisième court-métrage réalisé par René Clément est une collaboration avec Jacques Tati dont c'est également le troisième scénario. Tous deux sont alors très jeunes (23 ans pour Clément, 29 pour Tati) et ne rentreront dans la cour des grands que 10 ans plus tard (le premier long-métrage de Clément et le premier court-métrage réalisé par Tati, prélude à "Jour de fête" datent tous deux de 1946).

"Soigne ton gauche" est très marqué par la personnalité de Tati. Tout d'abord il se situe dans le même univers rural que "Jour de fête" et s'ouvre sur le personnage d'un facteur très proche de celui qu'interprètera Tati ( il est ici joué par Max Martel). Puis il tourne autour d'un entraînement de boxe qui est un grand classique du burlesque muet américain, notamment chez Chaplin ("Charlot et Fatty dans le ring" en 1914, "Charlot boxeur" en 1915, "Les Lumières de la ville" en 1931). Bien que le film soit sonorisé, il se caractérise par son économie de paroles, l'essentiel reposant sur le comique visuel lié à la pantomime du corps dégingandé de Tati. Lequel pratique la boxe d'une manière très personnelle, entre l'escrime et la bagarre pure et simple. On mesure à quel point son style est déjà abouti car on reconnaît bien à travers Roger les futurs François et M. Hulot. Quelques gags annexes (comme le combat de coqs ou le ring qui s'effondre) complètent le tableau de ce court-métrage prometteur.

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César chez les Gaulois

Publié le par Rosalie210

René Clément (1931)

César chez les Gaulois

Le premier court-métrage de René Clément (réalisateur entre autre de "La bataille du rail", "Jeux interdits" et "Monsieur Ripois"), un film d'animation de 10 minutes est une rareté. Sur la plupart des sites internet qui mentionnent son existence, il est déclaré perdu. Sauf qu'en réalité, il croupissait dans les réserves de la cinémathèque française dans un état de dégradation avancé. Restauré en 2017, il est désormais visible dans le cadre de l'exposition "Goscinny et le cinéma". L'objectif étant de montrer que l'imaginaire gallo-romain imprégnait la culture populaire française bien avant la création d'Astérix!

Cerise sur le gâteau, ce court-métrage est dynamique, drôle et plein d'inventivité. Il peut être considéré comme un ancêtre de "La nuit au musée", la série de films américains avec Ben Stiller et Robin Williams. En effet, on y voit des statues de héros patrimoniaux enfermées au musée s'animer une fois que les visiteurs ont le dos tourné. Par accident, l'élastique rattachant la balle à la raquette d'un enfant se prend dans la statue de Vercingétorix qui trouve ainsi une formidable occasion de se venger de Jules César dont la statue se trouve juste à côté de la sienne. La suite est un règlement de comptes entre statues de soldats gaulois et de soldats romains qui quittent le musée pour aller rejouer la bataille d'Alésia. Le tout avec de délicieux anachronismes dont le plus énorme est l'utilisation d'un train et de secouristes tout droit sortis de la première guerre mondiale.

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