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Peindre ou faire l'amour

Publié le par Rosalie210

Jean-François et Arnaud Larrieu (2005)

Peindre ou faire l'amour

Mon avis sur "Peindre ou faire l'amour" est très partagé. D'un côté, le film des frères Larrieu est une expérience d'immersion sensuelle séduisante. Cinéastes des montagnes, ils invitent le spectateur -à 80% urbain- à se mettre au vert et à reprendre contact avec la nature. L'une des plus belles scènes du film se déroule ainsi complètement dans le noir. William (Daniel AUTEUIL) et Madeleine (Sabine AZEMA), couple de bourgeois vieillissants en crise larvée qui a acheté une maison dans le Vercors traversent à pied, de nuit la forêt, guidé par le maire du village, Adam (Sergi LOPEZ) qui est aveugle. On "voit" donc par ses yeux ou plutôt par ses oreilles puisque faute d'images, les sons y sont exacerbés. Cette immersion étroite dans la nature, non exempte d'effroi de par la perte de contrôle qu'elle suppose rejoint évidemment le lâcher-prise du corps, invité à exulter sans entrave. C'est ainsi qu'une attirance naît entre les deux couples, William et Madeleine trouvant en Adam et Eva (bonjour le symbole) plus jeunes et plus libres d'esprit qu''eux de quoi raviver leur libido en berne. Leur réaction de peur, suite à leur première nuit d'amour est également très bien observée avec un retour en ville et à une sexualité de couple, dans des repères rassurants loin de l'étrange étranger dépeint comme le diable en personne, tout à fait dans la lignée de ce qu'observait déjà M.J. Forster dans "Maurice" (1987) adapté au cinéma par James IVORY.

Néanmoins, le film pèche de par le cadre social étriqué qu'il choisit, celui d'une bourgeoisie oisive pour qui "la propriété est une émotion", comme si la nature et la jouissance sexuelle s'achetaient. L'échangisme se pratique en effet entre gens du même monde, ayant les mêmes codes sociaux: les relations sexuelles s'y déroulent sous couvert de transactions immobilières, après l'apéro et le dîner et se terminent une fois le service rendu. Si Adam et Eva suscitent non seulement du désir mais des sentiments forts (tendresse, jalousie), le couple William-Madeleine referme vite la parenthèse et préfère s'adonner à un échangisme contrôlé avec des inconnus aussitôt consommés aussitôt oubliés: sous couvert de voyage, une routine succède à une autre routine et tout cela retombe comme un soufflé. On est à des années lumières d'un Pier Paolo PASOLINI qui en faisant découvrir l'extase à ses bourgeois dans "Theoreme" (1968) les convertissaient à jamais. Et en dehors de Sergi LOPEZ toujours parfait dans les rôles troubles (mais au lieu d'être maire il aurait dû être un hippie!), les autres personnages s'avèrent extrêmement convenus et tout à fait creux à l'intérieur.

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