Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Ciel rouge (Roter Himmel)

Publié le par Rosalie210

Christian Petzold (2023)

Le Ciel rouge (Roter Himmel)

Huis-clos ou presque entre quatre jeunes qui séjournent dans une maison de vacances située entre montagne et mer Baltique, "Le Ciel rouge" se rattache au genre du film d'été tel qu'on a pu le voir chez Jacques ROZIER ("Du cote d'Orouet") (1971) et surtout chez Eric ROHMER, référence revendiquée du réalisateur allemand Christian PETZOLD. Cependant, c'est moins à "La Collectionneuse" (1967) ou à "Pauline a la plage" (1983) que j'ai pensé qu'à "Le Rayon vert" (1986). Il se trouve qu'il s'agit de l'un de mes films préférés de Eric ROHMER et que l'on y retrouve tout ce que j'ai aimé dans le bien nommé "Le Ciel rouge" (il y est question de couleur et de phénomène naturel dans les deux cas, cela ne peut pas être un hasard!) Au coeur de l'histoire, un "coeur en hiver", personnage mal-aimé et mal-aimable, renfrogné, intranquille, mal dans sa peau, discordant avec son environnement. Dans "Le Ciel rouge", c'est Léon (Thomas SCHUBERT) qui respire le mal-être par tous les pores de sa peau ce qu'il dissimule (mal) sous ses prétentions littéraires. Sous prétexte d'écrire un livre qui ne le passionne guère (et pour cause, il est aussi vide que sa vie), il fuit les trois jeunes avec lesquels il cohabite et qui au contraire s'entendent comme larrons en foire. Les scènes se succèdent selon un schéma identique: Félix, l'ami de Léon (Langston UIBEL), Nadja (Paula BEER, l'actrice de "Frantz") (2015), la nièce d'une collègue de la mère de Félix (à qui appartient la maison) et Devid (Enno TREBS) son petit ami sauveteur prennent du bon temps dont Léon s'exclue systématiquement sous prétexte "que le travail ne le permet pas" mais comme il ne vit pas, il n'a rien à écrire et n'a plus qu'à se maudire lui-même. Cette incapacité à agir, nourrie de complexes et de frustrations (il ne conduit pas, il est gros et donc ne se montre jamais en maillot de bain, il ne trouve jamais les bons mots au bon moment, il entend la bruyante sexualité de ses amis alors qu'il n'y a pas accès) le tire inéluctablement vers le bas, vers l'échec, vers le dégoût de soi et le rejet des autres, vers l'inaction et l'impuissance. Pourtant les apparences sont trompeuses. Ses amis ne sont pas aussi sûrs d'eux-mêmes qu'ils le montrent (la chute de vélo de Nadja ou la panne de voiture de Félix en sont autant d'exemples). Ils sont coincés dans une vie qui ne leur convient pas forcément. Et c'est dans ce contexte que la menace environnementale sous-jacente au film lorsqu'elle devient catastrophe rebat les cartes, transformant brusquement la comédie légère en tragédie et mettant chacun à nu, à l'image de la révélation du secret intime de l'éditeur de Léon (Matthias BRANDT).

Commenter cet article