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Un si doux visage (Angel Face)

Publié le par Rosalie210

Otto Preminger (1953)

Un si doux visage (Angel Face)

"Un si doux visage" (pour de si noirs desseins) est un film dérangeant qui épouse les codes du film noir pour mieux s'en démarquer. D'une part on a donc un film ancré dans un genre dont on reconnaît certains archétypes tels que la femme fatale et le "pauvre type". Mais dans "Un si doux visage", la tragédie antique se nourrit d'une vision particulièrement sombre du film de procès. Tragédie antique oui car Diane Tremayne (Jean SIMMONS) est une sorte d'Electre moderne extrêmement jalouse et possessive. Elle ne supporte pas que son père ait refait sa vie et échafaude une sombre machination pour éliminer sa belle-mère avec l'aide involontaire de l'homme qu'elle manipule, Frank Jessup (Robert MITCHUM). La relation entre les deux membres du couple maudit est un classique du film noir (et nourrie de la misogynie propre à l'époque) avec d'un côté une riche héritière dominatrice qui se compare (et ce n'est pas anodin) à une sorcière et de l'autre, un type ordinaire issu d'une classe sociale inférieure qui se laisse manipuler par ses pulsions sexuelles. Bien que conscient d'être un pion dans un plan qui le dépasse, Frank Jessup montre une certaine passivité (ou faiblesse de caractère ou manque de volonté), se laissant porter par les événements sans vraiment s'y impliquer (comme le montre sa relation à Mary Wilson, sa précédente petite amie avec qui il ne veut pas s'engager mais qu'il ne cherche pas non plus à quitter si bien que c'est elle qui doit prendre la décision à sa place). Mais là où le film se démarque le plus, c'est dans la manière dont est traité le procès et plus largement le monde judiciaire. En effet et de façon très habile, Otto PREMINGER en fait un élément majeur de la tragédie. Comme son compatriote Billy WILDER, Otto PREMINGER critique la société américaine en faisant le portrait d'un avocat de la défense prêt à toutes les manipulations pour gagner le procès. Cet aspect du film est d'ailleurs très moderne car en jouant sur le prétendu amour entre Diane et Frank qu'il pousse à se marier sous les flashs pour influencer le jury, il préfigure les candidats de télé-réalité faisant semblant d'être amoureux pour influencer les votes du public ou les people utilisant les paparazzi (et vice-versa) pour accroître leurs ventes ou leur popularité. L'ironie de l'histoire c'est qu'en réussissant son coup, l'avocat écrit une histoire qui ne peut plus être changée au grand désespoir de Diane qui cherche depuis le début et en vain à endosser seule le crime pour tenter de sauver sa relation avec Frank Jessup qui s'est dégoûté d'elle. Celle-ci qui semblait tirer les ficelles devient alors la victime impuissante d'un système cynique qui la dépasse et au final l'entraîne vers le précipice à l'égal de ceux dont elle aura fait le malheur.

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