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Coeur fidèle

Publié le par Rosalie210

Jean Epstein (1923)

Coeur fidèle

Sur une trame de mélodrame populaire (la fille prise de force, engrossée et martyrisée par un voyou avec la complicité de ses parents adoptifs exploiteurs), Jean EPSTEIN réalise un film hypnotique d'une grande beauté formelle. Il multiplie les expérimentations visuelles, faisant parler l'image avec un brio fascinant. On remarque en particulier son appétence pour les gros plans scrutateurs sur des visages tristes, colériques, angoissés, le goût pour les surimpressions contemplatives sur fond aquatique, expression d'un désir d'évasion, puis de suicide et l'incroyable séquence tournoyante de la fête foraine. Véritable modèle de montage alterné, cette scène exprime la distorsion entre l'ambiance de fête alimentée par le petit caïd qui semble dominer tous les personnages du film (des gens des bas-fonds comme lui qui semblent à ses ordres et des femmes pauvres, seules et dotées d'une infirmité sociale ou physique) et l'expression de plus en plus désespérée de Marie qui sent l'étau de son emprise se resserrer un peu plus autour d'elle à chaque nouveau tour de manège tandis que l'homme qu'elle aime (mais qui est bien seul face à un malfrat bénéficiant de nombreuses complicités) tente de la retrouver dans la foule.

L'ambiance poétique de ce film, le milieu populaire qu'il dépeint, les péripéties mélodramatiques, le visage et la dégaine à la Gabin du voyou, Petit Paul (Edmond VAN DAËLE), le regard perçant semblable à celui de Michèle MORGAN de Gina MANÈS qui joue Marie préfigurent le courant réaliste poétique des années trente et quarante d'un Marcel CARNÉ.

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