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Le Double amour

Publié le par Rosalie210

Jean Epstein (1925)

Le Double amour

"Le Double amour" est l'un des quatre films que Jean EPSTEIN a réalisé au sein des studios Albatros* entre 1924 et 1926. La différence avec ses films antérieurs ou postérieurs m'a tout de suite sauté aux yeux. Jean EPSTEIN abandonne (momentanément) ses expérimentations au profit d'un film beaucoup plus classique tant sur le fond que sur la forme. Un film à visée nettement commerciale. "Le Double amour" est un mélodrame bourgeois au service de l'actrice maison, Nathalie LISSENKO mettant en valeur des décors et des costumes fastueux. On a du mal à s'émouvoir devant les drames qui frappent ces comtesses et ces fils de magnats de l'industrie passant leur vie entre les hôtels, les casinos et les music-halls de la Riviera. Au pire, ils subissent à un moment où à un autre une sorte d'ostracisme social et sont obligés de ce fait de partir en exil quelques années pour effacer l'ardoise (rassurez-vous, pas à l'île du Diable mais aux USA où ils peuvent retrouver le même style de vie, celui de "Gatsby le Magnifique"). Mais si les ennuis les cernent de trop près, on les voit sortir le carnet de chèques et tout est réglé. Car en dépit de cette trame conventionnelle et de la mise en scène très sage qui l'accompagne, Jean EPSTEIN parvient à glisser de temps à autre du poil à gratter. Tout d'abord à l'occasion d'un gala de charité ultra huppé il insère un plan montrant de vrais pauvres. Un seul plan qu'on ne reverra plus par la suite car l'argent de ce gala, on l'apprendra plus tard sera détourné pour être joué au casino: une certaine métaphore du capitalisme sauvage des années vingt dont on connaît l'issue funeste**. Et puis il y a ces plans récurrents de bord de mer et de vagues plus ou moins déchaînées, plans qui culminent au moment où la comtesse envisage le suicide. Epousant les états d'âme des personnages, elles rythment et hantent le film et préfigurent le cinéma "océanique" de Jean EPSTEIN ancré en Bretagne, documentaire, naturaliste et libre.

* Studio fondé en 1919 à Montreuil par une poignée de russes ayant fui la révolution bolchévique grâce au lien que l'un d'entre eux avait noué avec Pathé et qui accueillit l'avant-garde française des années 20. Sa devise était "Debout malgré la tempête". Il ne survécut pas à l'arrivée du parlant.

** Jean EPSTEIN ne pouvant lire l'avenir choisit une structure cyclique (comme la roulette...) dans laquelle l'histoire bégaye, se répétant de père en fils.

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