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Mary Shelley

Publié le par Rosalie210

Haifaa Al-Mansour (2018)

Mary Shelley

Parfois il vaut mieux ne pas écouter les critiques et suivre son intuition. La réalisatrice du superbe "Wadjda" (2013) ne pouvait pas, même dans le cadre formaté des studios hollywoodiens, avoir totalement perdu son talent. Et de fait, ce "Mary Shelley" tout en respectant les conventions du biopic moderne (histoire d'amour, œuvre expliquée par la vie etc.) est d'une âpreté inhabituelle pour un film de ce genre. Pour parvenir à écrire "Frankenstein", Mary Shelley (Elle FANNING) va devoir s'écarter du droit chemin et traverser "la vallée des ombres". En effet, Charlotte Brontë dans "Jane Eyre" explique très bien en quoi les horizons limités dans lesquels évoluaient les femmes de l'époque victorienne entravaient leurs capacités créatrices. Mary ne fait pas exception à la règle. Sa passion pour les romans gothiques ne parvient pas à se transmuer en une œuvre originale parce que celle-ci qui n'a que 16 ans au début du film manque de vécu. Néanmoins elle trouve une source d'inspiration dans la vie tumultueuse de sa mère, une ardente féministe morte peu de temps après l'avoir mise au monde. Comme le reste de sa famille est plutôt insignifiant (les idées libérales du père ont inspiré Percy Shelley mais en tant que père, il est transparent) à l'exception de sa demi-soeur Claire qui va suivre ses traces, Mary ne va pas avoir beaucoup de difficultés à s'en échapper. Mais il n'en reste pas moins que les issues (tant psychiques que matérielles) passent par la dépendance vis à vis d'un homme (c'est d'ailleurs la même chose pour "Jane Eyre"). C'est dans l'analyse de la relation entre Mary et Percy ainsi que l'étude de leur environnement que le film est le plus intéressant. En effet après avoir commencé de façon idéalisée à l'image des romans que lit Mary, leur histoire prend une tournure de plus en plus amère lorsqu'elle doit partager le mode de vie chaotique et dissolu de Percy qui passe le plus clair de son temps à fuir les créanciers, à boire et à séduire. Son entourage, à l'image de Lord Byron (qui a fortement inspiré Rochester, personnage typiquement byronien) n'arrange pas les choses. Haifaa AL MANSOUR insiste sur la difficulté pour les femmes à se faire une place parmi ces écrivains narcissiques, décadents et immatures même si Percy Shelley tout comme dans un autre domaine Pierre Curie ont joué un rôle essentiel pour que l'œuvre de leurs compagnes soit reconnue publiquement. Le confinement et les contraintes pesant sur les femmes victoriennes ne sont finalement pas si éloignés de ceux que subissent les femmes saoudiennes et on observe que dans les deux cas ce sont les hommes qui fixent les règles du jeu dans la vie de couple en ignorant ce que peut ressentir leur femme. Bref, sous ses airs classiques voire académique, le film donne à réfléchir et est plus pertinent et audacieux qu'il n'y paraît.

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