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Articles avec #cinema saoudien tag

Une Femme de Tête (Nappily Ever After)

Publié le par Rosalie210

Haifaa Al-Mansour

Une Femme de Tête (Nappily Ever After)

Réalisé par Haifaa Al-Mansour pour Netflix en 2018, "Une femme de tête" apporte un embryon de réflexion (qui n'en reste hélas qu'à un stade d'ébauche) sur l'émancipation d'une afro-américaine d'aujourd'hui vivant dans un milieu aisé vis à vis des canons de beauté imposés par la société dominante blanche et patriarcale. A chaque étape de son parcours, Violet, l'héroïne change de coupe et de coiffure, passant progressivement de l'obsession du cheveu lisse à l'acceptation de leur nature crépue en passant par un plan-séquence "choc" où regard face caméra, elle se rase la tête, se libérant ainsi du poids de ce fardeau qu'elle traîne depuis l'enfance (comme le montre la première séquence où sa mère lui a interdit de sauter dans une piscine pour éviter que ses cheveux ne frisent). L'ingénieux titre en VO "Nappily Ever After" est un jeu de mots faisant allusion au mouvement nappy (mot signifiant de façon péjorative "crépu" en anglais-américain ensuite réapproprié positivement comme étant l'acronyme de natural-happy) intimement lié au combat politique des années soixante pour les droits civiques et culturel pour la reconnaissance de la beauté noire ("black is beautiful") incluant l'acceptation des cheveux crépus. 

Malheureusement, cet aspect indéniablement intéressant est noyé dans une intrigue conventionnelle et une réalisation très lisse et qui le reste jusqu'au bout ce qui finit par le déréaliser. Alors que le film est censé célébrer la libération des canons de beauté WASP (white anglo-saxon protestant), les acteurs, bien qu'afro-américains ont une apparence (et souvent un jeu) hyper-stéréotypé évoluant dans un luxe tape-à-l'oeil. Je pense en particulier à celui qui joue Clint, le petit ami de Violet dont le corps est sculpté par la gonflette et qui semble taillé pour le football américain. Qui plus est son personnage est médecin. Tout à fait représentatif donc de la communauté afro-américaine, surreprésentée dans la population carcérale, sous le seuil de pauvreté et en surpoids et en revanche sous-représentée dans la population diplômée...

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The Perfect Candidate

Publié le par Rosalie210

Haifaa Al-Mansour (2019)

The Perfect Candidate

"The Perfect Candidate" donne l'impression, précieuse au cinéma, de capter l'histoire en marche, celle d'un pays islamique fondamentaliste réputé figé et fermé tant vis à vis de l'art que vis à vis des femmes mais qui connaît depuis une dizaine d'années une évolution très rapide. Les premières images suffisent à mesurer le chemin parcouru depuis "Wadjda" (2013), le premier film de Haifaa AL MANSOUR, pionnière du cinéma saoudien. On y voit une jeune femme d'une trentaine d'années, Maryam conduire une voiture* alors qu'en 2013, Wadjda devait se battre pour obtenir le droit d'acquérir et d'utiliser un vélo. "The Perfect Candidate" poursuit le combat de femmes qui décident de prendre leur destin en main, n'hésitant pas à bousculer les traditions au passage. Bien qu'exerçant le métier de médecin dans une clinique locale, Maryam subit au quotidien des vexations liées à son sexe comme celle (que l'on rencontre aussi en France) de vieux patients qui ne veulent pas être examinés par des femmes. On voit également qu'elle n'est pas soutenue par sa hiérarchie dont le mot d'ordre semble être "pas de vagues". Enfin le statut de la santé ne semble pas être une priorité dans sa commune, la route d'accès à la clinique n'étant pas goudronnée. Maryam est donc tentée par l'exil mais elle se heurte aux restrictions de liberté de circulation pour les femmes qui ont besoin d'une autorisation à jour de leur tuteur légal (père ou époux) pour voyager**. Or son père est absent et ne peut lui remplir le document à temps. C'est donc par un concours de circonstances que Maryam se retrouve candidate aux élections municipales***, son engagement presque malgré elle l'amenant à s'exposer face caméra aux préjugés des médias et à des électeurs aux mentalités rétrogrades et ainsi assumer un héritage familial longtemps considéré comme un boulet.

Car ce qui rend le film passionnant est le fait que ce caractère engagé et quasi documentaire se double d'une dimension intimiste à résonance quelque peu autobiographique mais qui donne aussi au film un caractère universel. En effet parallèlement à Maryam, le film dresse un portrait de son père Abdelaziz qui est musicien et veuf inconsolable. Loin des clichés sur les hommes saoudiens, on découvre que la diversité existe aussi en Arabie Saoudite (comme partout ailleurs dans le monde) et que les hommes différents de la norme sont également victimes du système répressif de leur pays. Ainsi les propos de Abdelaziz sur sa femme font comprendre que leur couple était anti conformiste (c'est elle qui l'a choisi, elle était chanteuse et dotée d'une forte personnalité etc.) et que si leurs filles ont été élevées d'une manière libérale et progressiste, elles subissent en retour un certain ostracisme social par le fait notamment d'être plus ou moins exclues du marché matrimonial. Le statut de la musique (et de l'art en général****) longtemps banni du royaume évolue logiquement en parallèle de celui de la femme. Abdelaziz et son groupe obtiennent le droit de partir en tournée et sont recrutés pour former un orchestre national. En ce sens, les scènes de concert où l'on entend des chansons à la gloire des femmes ne sont pas contrairement à ce que j'ai lu un paradoxe. Il s'agit de la sensibilité féminine des hommes qui peut enfin s'exprimer librement, même si la menace des extrémistes fondamentalistes n'est pas occultée. On remarquera ainsi l'audace d'un film dans lequel les rôles genrés sont inversés, Abdelaziz se battant pour chanter et faire de la musique alors que sa fille investit la tribune politique*****.

* Les femmes saoudiennes ont obtenu le droit de conduire en 2018.
** Preuve de l'évolution rapide du pays, cette mesure a été abolie en 2019.
*** Là encore il s'agit d'un droit récent, les femmes ayant pu exercer le droit de vote et d'éligibilité à partir de 2015.
**** Depuis "Wadjda" (2013), des salles de cinéma ont ouvert dans un pays qui avant 2018 n'en comptait quasiment aucune. Et le recrutement des comédiens et conditions de tournage de "The Perfect Candidate" ont été beaucoup plus faciles.
***** Si l'évolution de l'Arabie saoudite suit avec 1/2 siècle de retard celle de la France (où jusqu'en 1944 les femmes ne pouvaient voter et jusqu'au milieu des années 60, voyager ou travailler sans autorisation d'un homme), le poids des femmes en politique et dans les plus hauts postes à responsabilité reste inférieur à celui des hommes. La conquête n'est pas achevée.

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Mary Shelley

Publié le par Rosalie210

Haifaa Al-Mansour (2018)

Mary Shelley

Parfois il vaut mieux ne pas écouter les critiques et suivre son intuition. La réalisatrice du superbe "Wadjda" (2013) ne pouvait pas, même dans le cadre formaté des studios hollywoodiens, avoir totalement perdu son talent. Et de fait, ce "Mary Shelley" tout en respectant les conventions du biopic moderne (histoire d'amour, œuvre expliquée par la vie etc.) est d'une âpreté inhabituelle pour un film de ce genre. Pour parvenir à écrire "Frankenstein", Mary Shelley (Elle FANNING) va devoir s'écarter du droit chemin et traverser "la vallée des ombres". En effet, Charlotte Brontë dans "Jane Eyre" explique très bien en quoi les horizons limités dans lesquels évoluaient les femmes de l'époque victorienne entravaient leurs capacités créatrices. Mary ne fait pas exception à la règle. Sa passion pour les romans gothiques ne parvient pas à se transmuer en une œuvre originale parce que celle-ci qui n'a que 16 ans au début du film manque de vécu. Néanmoins elle trouve une source d'inspiration dans la vie tumultueuse de sa mère, une ardente féministe morte peu de temps après l'avoir mise au monde. Comme le reste de sa famille est plutôt insignifiant (les idées libérales du père ont inspiré Percy Shelley mais en tant que père, il est transparent) à l'exception de sa demi-soeur Claire qui va suivre ses traces, Mary ne va pas avoir beaucoup de difficultés à s'en échapper. Mais il n'en reste pas moins que les issues (tant psychiques que matérielles) passent par la dépendance vis à vis d'un homme (c'est d'ailleurs la même chose pour "Jane Eyre"). C'est dans l'analyse de la relation entre Mary et Percy ainsi que l'étude de leur environnement que le film est le plus intéressant. En effet après avoir commencé de façon idéalisée à l'image des romans que lit Mary, leur histoire prend une tournure de plus en plus amère lorsqu'elle doit partager le mode de vie chaotique et dissolu de Percy qui passe le plus clair de son temps à fuir les créanciers, à boire et à séduire. Son entourage, à l'image de Lord Byron (qui a fortement inspiré Rochester, personnage typiquement byronien) n'arrange pas les choses. Haifaa AL MANSOUR insiste sur la difficulté pour les femmes à se faire une place parmi ces écrivains narcissiques, décadents et immatures même si Percy Shelley tout comme dans un autre domaine Pierre Curie ont joué un rôle essentiel pour que l'œuvre de leurs compagnes soit reconnue publiquement. Le confinement et les contraintes pesant sur les femmes victoriennes ne sont finalement pas si éloignés de ceux que subissent les femmes saoudiennes et on observe que dans les deux cas ce sont les hommes qui fixent les règles du jeu dans la vie de couple en ignorant ce que peut ressentir leur femme. Bref, sous ses airs classiques voire académique, le film donne à réfléchir et est plus pertinent et audacieux qu'il n'y paraît.

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Wadjda

Publié le par Rosalie210

Haifaa Al-Mansour (2012)

Wadjda

Les sociétés arabo-musulmanes sont les championnes de l'invisibilisation des femmes. Séparées des hommes, soustraites le plus possibles à leurs regards (et à leurs oreilles), "effacées" de l'espace public et de la généalogie, elles sont confinées dans leur foyer et étroitement contrôlées dans leurs activités et déplacements. Elles sont en effet implicitement accusées de détourner les hommes de Dieu (un Dieu tout sauf neutre quand on sait qu'au paradis 72 vierges attendent les "heureux élus"). Evidemment ce puritanisme patriarcal répressif est un cercle vicieux qui "valide" la vision diabolique de la femme puisque la frustration génère la concupiscence et l'agression sexuelle (une scène du film qui met en présence Wadjda et un ouvrier de chantier révèle que sous le carcan puritain, il y a un culture du viol qui nous est également très familière en occident). La pression sociale sur la réputation des femmes les rend dociles car c'est "cela" qui fait leur valeur. Cela et leur capacité à engendrer des enfants mâles dont ces sociétés puritaines et patriarcales ont besoin pour se perpétuer à l'identique.

Cependant, l'existence même du film, le premier réalisé officiellement en Arabie Saoudite qui plus est par une femme mettant en scène d'autres femmes et fillettes est un signe incontestable de changement et d'ouverture. Certes, l'absence de salles de cinéma dans le pays explique qu'il ait pu se faire mais le fait même de montrer à visage découvert devant un écran des saoudiennes (même si le casting ne fut pas des plus faciles) est un acte fort qui préfigure les droits qu'elles ont acquis depuis, notamment celui de conduire en 2018. C'est d'ailleurs autour de ce droit fondamental que tourne le film. La mère de Wadjda, tout comme sa fille apparaissent lorsqu'elles sont chez elles comme des femmes modernes, peu différentes de leurs homologues occidentales. Wadjda écoute du rock, porte des converses, met des élastiques de toutes les couleurs dans ses cheveux et fabrique et vend des bracelets. Sa mère, très jolie et coquette est également une femme active qui exerce le métier de professeur. Mais dès qu'elles passent la porte, c'est une autre affaire. Alors que Wadjda est en lutte ouverte contre sa directrice d'école qui a si bien intégré les règles qu'elle est devenue une véritable sentinelle de la morale religieuse, sa mère doit affronter un parcours du combattant pour rejoindre son travail étant donné qu'elle dépend des hommes pour se déplacer et elle doit également subir l'affront d'être répudiée par son mari à qui elle ne peut donner de fils au profit d'une autre femme.

C'est pourquoi la lutte pour l'émancipation passe par l'acquisition d'un simple vélo. Un vélo qui permet de se déplacer librement et d'être sur pied d'égalité avec Abdallah, le meilleur ami de Wadjda. L'amitié des deux enfants qui déjoue naturellement les règles pour passer du temps ensemble est en soi la plus belle transgression de l'ordre moral stupide qui règne par ailleurs. Et comme souvent, ce sont les enfants qui indiquent le chemin à suivre comme finira par le reconnaître la mère de Wadjda.

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